Archives ou correspondance inédite de la maison d'Orange-Nassau (première série). Tome VIII 1581-1584
(1847)–G. Groen van Prinsterer– AuteursrechtvrijNo MCLIVa.
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Ga naar margenoot+Le dict Sr de Norreitz fera entendre à Sa Maté, de la part du dit Prince, qu'il est entièrement résolu et persuadé, moiennant la grâce de Dieu, de poursuivre jusques à la fin de sa vie le mainténement de la vraie religion en ces pays et la liberté d'iceuls, et pour ce faire s'opposer, selon les moiens qu'il plaira à Dieu luy donner, aux efforts du Roy d'Hespaigne. Que le dit Sr Prince n'a pas esté ignorant des grandes forces et puissance que le Roy d'Hespaigne a eues par cidevant et de celles qu'il a encores à présent, et peult avoir; aussy cognoist très-bien ses alliances et confédérations, et que, pour raison des victoires et encores plus par ses moiens et trafficques qu'il a en la plus part des royaulmes et républicques de la Chrestienté, il a rempli presque toute l'Europe de la terreur de son nom. Le dit Sr Prince n'est pas aussy ignorant de la petite puissance que Dieu luy a mis en main, et cognoist assez par expérience l'inconstance des choses humaines, la variété des coeurs des hommes, et mesmes les grands erreurs qui se font tout les jours en ces païs et affaires d'estat, et quels sont les inconvénients qui suivent ordinairement telles confusions. Mais d'aultre part, estant asseuré que jamais le courage du Roy d'Hespaigne ne se pourra amolir pour souffrir la religion et ne l'endurera accroistre, ni mesmes s'entretenir, et quant par les persuasions il pourroit estre amené si avant que de dissimuler pour un temps sa mauvaise volonté, si est-ce qu'il sçait certainement qu'en peu de temps la vraie invocation du nom de Dieu seroit estaincte en ces païs et la liberté généralement faulsée; ce que le dit Sr Prince prévoiant, ne peult, en bonne conscience, se dépar- | |
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Ga naar margenoot+tir de son entreprise sans se condamner soy mesmes devant Dieu et devant les hommes. Le dict Sr Prince cognoist de longtemps l'intérieur du coeur du Roy d'Hespagne et les fondements de touts les conseils de son estat, ce qu'il pense pouvoir asseurer, et un chascun cognoissant le long temps que le dit Sr Prince a eu entremise des affaires de ce païs et au Conseil d'Estat, se doibt persuader que ce n'est sans raison qu'il s'attribue une telle cognoissance, et pourtant supplie toutes gens d'entendement et de discours, principallement ceuls qui font profession de la religion, en ceste partie, de luy déférer quelque chose qui ne peult estre cogneu sinon à ceuls qui ont pénétré jusques au dedans des affaires d'Hespaigne; comme il a faict assez souvent et assez longtemps pour en avoir une plus que certaine et suffisante cognoissance. Mais est content que touts gens de bien et qui ont intérest en la matière, considérent ce qui est exposé à la veue d'un chascun et congneu de tout le monde, et que de là ils facent jugement des résolutions du Roy d'Hespaigne. Asçavoir si le commencement de ceste monarchie d'Hespaigne n'est pas entièrement fondée sur les estroittes amitiés, intelligences et correspondances que les Roys de Castille et d'Arragon ont eu par ci-devant avecq le Pape, lesquelles amitiés estant dès longues années encommancées, sont allées tousjours en augmentant, par continuation de mutuels offices qu'ils ont faict l'un à l'aultre, le Pape augmentant ceste couronne d'Hespaigne, et les Roys d'Hespaigne entreprenants les quérelles des Papes contre tout le monde, sans rien réserver. Les Papes ont augmenté la Maison d'Arragon des Roy- | |
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Ga naar margenoot+aulmes de Naples et de Sicile, et ont faict la planche à la Maison d'Hespaigne de conquérir la Lombardie et tenir les Princes d'Italie subject à sa dévotion, partie par citadelles, partie par crainte et partie par practicques tousjours tramées, conduictes et corroborées par les Papes; tellement si quelquefois la Maison de France a peu practiquer quelque peu à la faveur des Papes, aussytost la Maison d'Espaigne a senti les fondements de sa seigneurie en Italie crouler et tout prests de sa ruine, comme l'histoire est cogneue à toutegens d'Estat, tellement qu'il n'est besoing d'en faire long discours. Quand doncq il n'y auroit aultre raison que ceste seule, la Maison d'Hespaigne, cognoissant assez quelle est l'importance de l'estat d'Italie, ne vouldra jamais rien faire ni entreprendre sinon comme elle sera instruicte par l'esprit de la cour Romaine, avecq laquelle nul homme de bien ne doibt non plus avoir d'accointance que Christ en a avecq Bélial. Mais chascun sçait aussy que ce grand Empire és IndesNouvelles que possède aujourdhuy l'Espaigne, est deu par les Espaignols aux libérales donations du Siège Romain, et pareillement la conjonction des Couronnes d'Arragon et de Castille aux dispenses papales, comme aussy la conqueste du Royaulme de Navarre et, depuis peu de temps, du royaulme de Portugal et terres subjectes à la dicte couronne. Pour ces raisons doncq ne fault croire que jamais le Roy d'Hespaigne, ni après sa mort aulcun de ses successeurs, se vouldra séparer de l'amitié de ce siège, et conséquemment sera nécessairement ennemi ouvert de la vraie religion, qui ne peult non plus souffrir le Pape et ses adhérents que la mer n'endure un corps mort. | |
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Ga naar margenoot+Et d'aultant que touts les dangers auxquelles le dit Sr Prince pourroit estre exposé avecq ces pays, qui sont trèsgrands, à juger humainement, ne sont toutesfois aulcunement à comparer à la ruine de la vraie religion, de laquelle sont ennemis ceuls qui la persécutent, et seroit perfide le dit Sr Prince s'il l'abandonnoit; pour ces causes est délibéré de tenir ferme son premier propos, Dieu luy aidant, jusques à la fin de sa vie, et si Dieu luy en faict la grâce de tellement asseurer ces païs qu'après sa mort il les laissera en estat de se défendre à l'encontre de ceste puissance d'Hespaigne et ses adhérents: le dit Sr Prince supplie touts gens de bien de se persuader telle estre son intention, et qu'il n'a aultre but devant les yeux avecq le mainténement de la liberté de ces païs. Le dit Sr Prince n'est pas ignorant des propos qui sont semés par ses ennemis, à raison de ce qui se traicte entre Messieurs les Estats de Hollande et sa personne, et auparavant que de consentir aux dicts Sieurs qu'il ne l'aist bien préveu et meurement délibéré, tant à part soy qu'avecq plusieurs gens d'honneur, que dadventaige, y aiant condescendu, il n'aist remis cest affaire en quelque longueur, pour éviter les calomnies des méschants et les soupçons d'aulcuns, qui aultrement ne sont pas mauvais, mais pourroient sinistrement interpréter le dict traicté sans en sçavoir la vraie cause et le vray fondement. Mais le dict Sr Prince, ne voulant faire long discours en cest endroict, ce qu'il ne pourroit faire sans se faire tort, parceque le dit discours ne se pourroit si simplement descrire qu'il ne toucha aulcunement à sa louange, se contente de dire et prie le dict Sr de Norreits d'asseurer sa Maté, Messrs de son Conseil et toutes gens de bien, que, | |
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Ga naar margenoot+si le dit Sr Prince n'avoit esté persuadé, par plusieurs vifves et suffisantes raisons, qui luy ont esté proposées par plusieurs personnes de qualité, desquels la piété envers la religion, l'affection envers le païs et la prudence à juger luy sont cogneues, qu'il estoit nécessaire pour la conservation de la religion, pour empescher que tant de gens de bien ne souffrissent la mort injustement par la cruaulté des ennemis, et aultres, vivants en simplicité, ne fussent séduicts par les trafficques des enfants de ce siècle, jamais il n'eust passé plus oultre, et encores estants les affaires en tel estat comme elles sont, si on luy peult monstrer une plus seure voie, il proteste qu'il est prest de la suivre et chéminer constamment après celuy qui la lui monstrera. Prie le dict Seigneur Prince que touts gens de bien et sages tempèrent tellement leur jugement qu'ils ne donnent lieu, ny à mesdisances, ny à fauls rapports, ny à opinions fondées seulement sur soupçons, estimant que sa parolle doibt plustost estre reçeue et qu'on luy doibt plustost adjouster foy que non pas à un soupçon, qui peult aussytost estre réfuté, qu'il croist en l'esprit d'un homme sans fondement et asseurance. Rien doncq n'a esmeu le dit Sr Prince à prendre la résolution que jusques à présent il a suivie, sinon ceste saincte délibération qu'il a touchée cy-dessus plus amplement.
Que si maintenant il plaist à sa Maté entendre quels moiens le dict Sr Prince se propose pour maintenir une si juste querelle, et néantmoins si difficile; pour obtempérer à sa Maté, de laquelle il désire demeurer très-humble serviteur et n'oublier de l'advertir, tant que faire se peult, de | |
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Ga naar margenoot+l'estat de ses affaires, prie le dit Sr Norreits de remonstrer à sa Mté ce qui s'ensuit: Qu'en premier lieu, la grande et éternelle puissance de Dieu luy est cogneue, non seulement par la saincte et céleste doctrine où il l'a apprise, mais aussy par plusieurs expériences qu'il en a faictes en divers effects qu'il a sentis en l'advancement et conservation de la vraie Église, et premièrement, du temps de ses ancestres, au Royaulme de Bohème, et, de son temps, en la Germanie, en Suysse, en Angleterre, Escosse, France, et finalement en ces païs et mesmes en sa propre personne, et qu'en touts ces Royaulmes et provinces Dieu a faict cognoistre à veue d'oeil à tout le monde qu'Il laissoit proposer les hommes en leurs conseils, mais qu'Il sçavoit tellement disposer toutes choses qu'à Luy seul debvoit appartenir l'honneur de la gloire de la conservation des siens. Et combien que ceste résolution soit bien imprimée en son coeur et qu'il se remette à ceste saincte providence, toutesfois il sçait que la volonté de Dieu est que, soubs Sa bénédiction, nous nous servions des moiens qu'Il nous faict estre présents et qui nous sont communicqués et distribués par ceste mesme providence singulière et particulière de Dieu. Pourtant regarde à ce que Dieu luy met en main, pour s'en servir à Sa gloire, et, si souventesfois les conseils et délibérations ne succèdent comme il le désire, il se console toutesfois d'avoir obéi à Dieu, mettant en oeuvre ce qu'Il luy faict veoir, et n'estant pas marri, après avoir faict son debvoir, que Dieu face paroistre qu'Il est le maistre par dessus touts nos conseils, sagesses et résolutions. Cela est cause que premièrement il essaie à tellement | |
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Ga naar margenoot+unir les coeurs de toutes ces provinces que, d'un mesme courage et d'une volonté, ils repoulsent la violence de leurs ennemis: il a senti jusques à ores beaucoup de contradictions; car plusieurs villes et plusieurs particuliers, les uns par faulte de courage, les aultres par trahisons manifestes, ont choisi le parti de l'ennemy, aimants mieux, non point les délices d'Egypte, mais le joug cruel de Pharaön, qu'ils sentiront trop tard estre insupportable, que d'endurer avecq le peuple de Dieu une affliction temporelle. Et comme sa Maté et Messieurs de son Conseil cognoissent assez y avoir au milieu du monde diversité et perversité de volontés et jugements, les suppliera aussi de considérer qu'entre ceuls-là mesmes qui tiennent ferme contre l'Espaignol, il y en a plusieurs lesquels, partie par orgueil, partie par avarice, partie par erreur, empeschent beaucoup l'advancement de ce qui leur est le plus salutaire; ce que le dit Sr Prince ne veult plus avant discourrir, pour le peu de plaisir que sa Maté prendroit en tel subject, et qu'il recevroit le desduisant, ce qu'il remet en la suffisance et discrétion du dit Sr de Norreits, lequel, pour le long temps qu'il a esté par deçà, en a cogneu assez pour le représenter à sa Maté, s'il luy plaist luy faire cest honneur de l'en vouloir enquérir. Ce desseing a esté conduit un an entier et plus, et néantmoins n'a peu le dit Sr Prince, à son très-grand désplaisir, parvenir à l'effect de ses intentions, tellement que, chascun se gouvernant à sa fantasie et luy restant seulement un nom spécieux de tiltre d'honneur, n'a peu exécuter chose d'importance, ni en assaillant, ni en défendant, pour n'en avoir eu le moien, ni mesme n'a peu aider, comme il vouloit, aux villes et provinces particulières, d'aultant qu'elles | |
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Ga naar margenoot+ont rejetté son conseil et les moiens qu'il leur ouvroit, tant de se servir de ce qu'on avoit en main, que de cercher en Allemaigne, lorsqu'il estoit temps, secours et appui asseuré. De ces faultes sont non seulement advenues les pertes, mais aussy telles confusions aux affaires publicques et particullières des provinces, et une ignorance générale de ce qui se faisoit, se traictoit, et de ce qui debvoit suivre, que le dit Sr Prince n'a peu, pour son honneur, escrire à aulcun, ny advertir de ce qui luy estoit incogneu et sur quoy n'avoit puissance aulcune ni authorité. Ce que le dit Sr Prince prie au Sieur de Norreits de représenter à sa Maté, et la supplier très-humblement le tenir pour excusé en cest endroict, et dadventage luy déclarer combien il y a de temps que le dit Sr Prince a tenu propos au dit Sieur de prendre l'opportunité de son voiage, pour advertir sa Maté bien particulièrement de toutes choses appartenantes aux affaires de ces pays. Le dict Sr Prince doncq, voiant un tel désordre et prévoiant, voire sentant par effect les mauls qui en pouroient ensuivre, continuant tousjours cependant la sollicitation de ceste union généralle de toutes les provinces, non point de nom, de tiltre, et en pappier, mais de courages, volontés, moiens et facultés, a trouvé estre nécessaire d'adviser les moiens, en attendant que ceste générale union se pourroit résouldre et mettre en practicque, de joindre ce pendant le plus qu'il pourroit de villes et provinces, affin qu'icelles, servants de rempart ferme, servissent pour un temps pour s'opposer à la violence et furie de l'ennemy, pendant que les aultres se résouldroient en une finalle volonté, et cependant aussy, pour prévoir à toutes extrémités, les dictes provinces fussent desjà accoustumés, en | |
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Ga naar margenoot+cas que pis advint, de se défendre par leurs propres forces et moiens, et mesmes secourrir leurs voisins et confédérés, selon leurs petites puissances et facultés, espérants que Dieu béniroit leur résolution. Suivant quoy depuis quelque temps le dit Prince a dressé l'estat de la gendarmerie tant à pied qu'à cheval, qui pourra estre entretenue aux despens des dictes provinces qui luy ont déféré la charge de la guerre, avec laquelle il s'efforcera, Dieu aidant, non seulement de garder les dictes provinces, mais aussy de secourir les aultres; comme il a faict depuis peu de jours et faict encores à présent, aiant envoyé ce qu'il a peu de forces pour empescher les invasions de l'ennemi du costé du païs et duché de Gueldres, et pour les chasser hors de dict païs, si faire se peult; n'a laissé par les mesmes moiens et forces de secourrir par ci-devant le païs et comté de Flandre, en secourrant la ville d'Oestende, et contraignant les ennemis de lever le siége de devant la dite ville, et faire cognoistre à un chascun que les ennemis ne pensoient emporter les villes de Flandres par force, mais par espouvantement et practiques; car, aussytost qu'ils sentirent gens délibérés de leur résister et le secours, ils trouvèrent par conseil de ne se ahurterGa naar voetnoot1 aux gens déterminés et résolus, mais de poursuivre leurs desseings vers ceuls qui avoient aultres discours mal-fondés, lesquels ils ont facilement emportés, et se sont donnés grand honneur, que leur est acquis, non par leur force, mais par irrésolution de plusieurs qui se disoient tenir nostre parti. Depuis, pour favoriser la ville de Gand, qui s'estoit résolue contre l'Espaignol, et empescher que l'ennemy ne | |
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Ga naar margenoot+destournast la navigation d'Anvers, a faict saisir et fortifier par les mesmes forces la place de Ter Neuse, et par les dicts moiens y entretenir la garnison, laquelle jusques à présent, oultre le bien et la commodité que les nostres en reçoivent, a déstourné beaucoup d'entreprises de l'ennemy. Est ainsi délibéré le dit Sr Prince de poursuivre, selon les occasions qui se présenteront; estant bien adverti qu'une juste armée pour opposer à celle de l'ennemi et le chasser seroit bien nécessaire, mais n'aiant le moyen, sans aultre résolution meilleure des provinces et secours d'ailleurs, de la dresser, se contente de ce qu'il peult, qui est petit, s'il ne plaist à Dieu de l'assister d'en hault, comme il L'en prie et l'espère. Le dit Sr Prince faict ce qu'il peult pour persuader à ceuls qui n'ont une telle résolution, de la prendre; affin que, par forces conjoinctes, on puisse rompre le cours et progrès de l'ennemi, et y travaillera jusques à la fin, voiant que ceuls qui ne veullent entendre à une telle résolution, se sont partie perdus, partie sont en chemin de se perdre par leur propre faulte, à quoy il taschera, tant qu'il pourra, de remédier, et néantmoins, quelque chose qui puisse advenir, est délibéré, moiennant la grâce de Dieu, de ne point changer de résolution et advis. Et combien que telles affaires sont si grandes et pesantes qu'il n'est possible au dit Sr Prince de les pouvoir supporter sans l'assistance singulière de Dieu, si est-ce qu'oultre si importantes affaires, il voit celles de Monsieur Trucces Électeur de Couloigne estre fort perplexes, et non pas en si bon estat qu'il seroit à désirer. Car il est pareillement assailli de grands et puissants ennemis lesquels, à force ouverte et sans dissimulation, luy fontlaguerre, et de sa part n'a, pour le présent, Prince | |
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Ga naar margenoot+aulcun qui le favorise et luy assiste ouvertement, ce quil luy vient à plus grand dommaige, d'aultant qu'il s'estoit promis une plus grande assistence que non pas celle qu'il a trouvée; et d'aultant que la communion de la religion, le voisinage des pays, et les mesmes adversaires qui nous pressent également, luy et nous, doibvent assez nous inciter à luy aider de nos moiens et luy de nous aider des siens, le dit Sr Prince poursuit de traicter avecq luy telle alliance et confédération, qu'en attendant qu'il plaise à Dieu nous donner aultre secours nous puissions emploier, les uns pour les aultres, ce qu'il a pleu à Dieu mettre en nostre puissance; et cependant a faict, non obstant les difficultés ésquelles nous nous retrouvons, qu'il aist esté aidé de bonne somme de deniers. Mais le dict Sr Prince cognoist assez que touts les dicts moiens, à parler humainement, ne sont suffisants pour arrester la moitié des forces du Roy d'Hespaigne, du pape et de touts ceuls qui combattent soubs leurs enseignes, ou qui contribuent ouvertement aux frais de ces guerres; et pourtant se mettra en debvoir d'acquérir le plus qu'il pourra, tant par son moien que du dit Sr Électeur, tant en Allemaigne qu'ailleurs, et principalement de ceuls de la religion, pour plus facilement s'opposer ou pour le moins divertir les forces de l'ennemy et de l'ennemy commun de toute la Chrestienté. Suivant quoy a prié le dit Sr de Norreits de remonstrer à sa Maté la puissance des ennemis de ces païs et du dict Sr Électeur; la bonté accoustumée de sa Maté, qu'elle a monstré plusieurs fois à ceuls qui ont esté pareillement pressés, et mesmes ce qu'il luy a pleu de faire à ceuls de ce païs, quiluy sont encores redevables de ce que l'ennemy | |
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Ga naar margenoot+a esté long temps retardé de venir à son desseing; représentera à sa dite Maté ses heureux et roiauls secours faicts à la France et à l'Escosse, estants pressées pour la mesme querelle, aiant sa Maté entièrement délivrée l'un des dicts royaulmes de l'oppression des Romains, et a donné les moiens à l'aultre, vivant en paix après tant de mauls, d'estancher le sang qui y coulloit de toutes parts, et y faire subsister tant de gens craignants Dieu. Que, ce faisant, sa Maté a gaigné un tel honneur et réputation envers touts les vivants, et envers la postérité aura une si agréable mémoire, a tellement gaigné le coeur de tant d'hommes, qui ne vouldroient moins emploier leurs vies pour son service que s'ils estoient ses subjects naturels, et pourtant la suppliera très-humblement, de la part du dit Sr Prince, comme la nécessité semble plus grande que jamais et que les ennemis viennent icy jetter toutes leurs forces et s'y emploier entièrement, en espérance, estants venus à leur desseing de ce petit païs, que le reste du monde ne leur servira que de matière de trophée, aussy qu'il luy plaise ne permettre que devant ses yeux tant de gens de bien, ses très-humbles serviteurs, périssent par la main de ceuls qui sont ennemis mortels de sa Maté, de sa couronne, et de la vraie religion, de laquelle, par dessus touts les Princes de nostre temps, elle a esté comme seule nourrice et défenseur. Le dit Sr Prince prie le Sr de Norreits ne proposer aulcuns moiens particuliers, craignant, ou de requérir sa Maté de trop peu, considerée sa puissance qu'il ne peust et ne doibt limiter, ou qu'il ne demande trop, considérées les excessives nécessités qui nous pressent; le remettant entièrement à la bonne volonté de sa Maté, laquelle espère | |
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Ga naar margenoot+le dit Sr Prince sera plus libérale à bien faire à ces païs, qu'il ne sera hardi de sa part à demander. Et combien que les moiens de ces païs, atténués de si longues guerres, sont fort petits et estroicts, toutesfois sa Maté, cognoissant mieux que nous mesmes en quoy il luy plairoit faire cest honneur à ceuls de ce païs de s'employer pour luy faire très-humble service, et pour la grande cognoissance que Dieu luy a donnée de touts les Estats, grands et petits de la Chrestienté et mesmes de ses provinces voisines, sa Maté sçait s'il nous reste encores quelques petits moiens pour luy servir, principallement à ces provinces de Hollande, Zélande et Utrecht, elle sera trèshumblement suppliée de nous le faire entendre, et le dit Sr de Norreits l'asseurera que le dict Sr Prince fera tout debvoir affin que sa Maté reçoive tout contentement et qu'elle tienne, tant le dict Sr Prince que Messieurs les Estats-Généraulx, et particulièrement ceuls de Hollande, Zéelande et Utrecht, en sa faveur et leur continue ses bonnes grâces. Déclarera aussy le dict Sr de Norreits à sa Maté que Messieurs les Estats ont envoyé leurs ambassadeurs vers le Roy de France et son Altèze, mais que leurs mémoires et instructions sont en tout et par tout conformes à ce qu'il a pleu à sa Maté faire entendre au dict Sr Prince par son Secrétaire d'Estat Monsr de Walsingham. Finalement, le dict Sr de Norreits suppliera très-humblement sa Maté, et fera semblable debvoir vers Messieurs du Conseil, de vouloir tousjours donner marques et tesmoignages de leur faveur vers les subjects, généralement de ces païs, et particulièrement à ceuls des dicts païs de Hollande et Zélande. |
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