Archives ou correspondance inédite de la maison d'Orange-Nassau (première série). Tome VIII 1581-1584
(1847)–G. Groen van Prinsterer– Auteursrechtvrij† Lettre MCII.
| |
[pagina 148]
| |
Ga naar margenoot+Mon Cousin, le Roy monsieur mon fils et moy avons avisé de vous dépescher le sieur de Mirambeau, gentilhomme ordinaire de sa chambre, présent porteur, pour vous dire aucunes choses de nostre part, sur les nouveaux accidens survenus puis naguères à Anvers et autres places de par de là, de quoy je vous prye le croire et luy adjousterfoy, comme à moy mesme; quy supplye le Créateur, mon Cousin, qu'il vous aye en sa sainte et digne garde. Ce qui s'ensuit estoit escript de la main propre de la Royne mère. Mon Cousin, le Roy mon fils et moy vous envoions le Sr de Mirambeau, non pour croire ce que l'on dit, car nous vous estimons plus homme de byen que deussiez user d'une si grande ingratitude vers mon fils et ceux qui l'ont accompaigné pour vostre salut, et l'avez trop aimé pour faire un tel tour à ung prince qui a un tel appuy qu'un Roy de France pour s'en ressentir en tout temps. Mais jusques à ce que j'en sache la vérité, je ne perdray la bonne espérance que j'ay toujours eu et que n'avez appelé mon filz, que ne le veulliez bien servir; ce qu'en faisant vous en serez tousjours reconnu de tout ce qui luy attouche. Paris, 30 janvier 1583. Vostre bonne Cousine Catherine. Mon Cousin, monsieur le Prince d'Orange. L'exaspération contre Anjou étoit extrême. Plusieurs, par divers motifs, tachoient néanmoins d'excuser ou d'atténuer sa faute; disant qu'on ne lui avoit donné que le titre et le nom de Prince, sans lui montrer obéissance et respect; qu'il avoit été séduit par des conseillers perfides; que le désir de faire droit à ses coréligionnaires et d'as- | |
[pagina 149]
| |
Ga naar margenoot+surer au pays l'appui du Roi son frère avoient eu part à sa détermination, et que, pour un seul méfait, il ne falloit pas rompre définitivement avec un personnage dont le secours pouvoit encore être salutaire et la haine funeste. Le Prince d'Orange étoit assez de cet avis. Le 9 février il fit observer aux États-Généraux qu'on avoit choisi le Duc par consentement unanime, vû que, malgré ses interpellations réitérées, personne n'avoit pu indiquer un autre moyen de sauver le pays, et que cette résolution, puisque depuis lors on s'étoit maintenu durant trois années, avoit eu de bons résultats: parmi lesquels on pouvoit compter la défense de plusieurs Provinces, la position meilleure des églises de France et l'abjuration du Roi, un des plus fermes fondements de la liberté: que sans aucun doute le Duc, par sa violence, étoit déchu de tout droit résultant du Traité de Bordeaux, mais qu'il falloit opter entre une réconciliation avec les Espagnols, un accord avec son Altesse, ou une défense par ses propres moyens; que rentrer sous l'obéissance du Roi, ne pouvant se faire sans renoncer à l'Évangile, étoit illicite; que certainement le mieux seroit de n'avoir recours qu'à sa propre énergie, mais que ce moyen, dans les circonstances actuelles, au milieu d'un dénuement et d'un désordre complets, sembloit impraticable; et que par consequent on étoit forcé de se rapprocher d'Anjou, avec l'espoir d'obtenir des condictions favorables; tandis qu'en refusant de s'entendre, on s'exposoit à perdre les villes dont il étoit maitre et à s'attirer l'inimitié du Roi de France et peutêtre d'Elizabeth. - Les conseils du Prince prévinrent une rupture définitive; toutefois les conséquences de la trahison d'Anjou furent désastreuses: ‘na syn overhoopten afval was het niet te verwonderen datter onuitsprekelycke verwerringen in 't regiment, verflautheydt onder de vroome, en allerlei valsche praktyken onder die quaetgezinden volgden:’ v. Reyd, 46a. - Beaucoup de personnes considérables songèrent, par désespoir, à se réconcilier avec le Roi: ‘zy sochten heymelycke verstant metten Coninck om uytten ghemeenen schipbreuck en Landts onderganck, diense gewis achteden, hare personen en goederen te redden.’ l.l. D'un autre côté les résultats déplorables du traité de Bordeaux renforcèrent le parti ultra-réformé, qui haïssoit Anjou, se défioit de la France et se faisoit illusion sur l'état des choses en Allemagne. | |
[pagina 150]
| |
|