Septentrion. Jaargang 33
(2004)– [tijdschrift] Septentrion– Auteursrechtelijk beschermd
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Jip et Janneke.
Pluk van de Petteflet.
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ActuellesQuel est l'auteur littéraire néerlandais qui, ces dernières années, a été le plus traduit en français? La réponse est facile: Hella S. Haasse (o 1918). Sauf erreur dans nos calculs, seize romans ou nouvelles de cette Grande Dame de la littérature néerlandaise ont eu, depuis 1988, les honneurs d'une parution en traduction française, et ce chez Actes Sud ou au Seuil. Ces versions françaises ont été assurées en grande partie par les traductrices ‘attitrées’ de Hella S. Haasse: Anne-Marie de Both-Diez et Annie Kroon. A la fin de l'année 2003, Actes Sud / Babel a publié Locataires et sous-locataires, réédition en format de poche d'une traduction déjà parue en 1999. Locataires et sous-locataires (titre original: Huurders en onderhuurders) est tout à la fois étude de moeurs, roman noir et parodie. Le roman démontre que les vies imaginaires sont dangereuses parfois, vaines toujours. Voir Septentrion, xxii, no 1, 1993, pp. 30-35 et xxix, no 4, 2000, pp. 77-79.
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‘I promise you('re) a miracle’: cette phrase accueille chaque jour des milliers de navetteurs au niveau - 1 de la gare des autobus de Bruxelles Nord. La sono qui la diffuse fait partie d'une oeuvre d'art ambitieuse. Johan Muyle (o 1956), né en Wallonie de parents flamands, a décoré les quais de la station de quatre fresques monumentales et mobiles, qui résistent parfaitement aux graffiti. L'oeuvre présente 44 artistes, belges et étrangers, de toutes disciplines. Après des sessions de photographie qui totalisaient plus de 17 000 photos, Muyle a réalisé un montage graphique dans lequel il a placé les ‘créations apparentées’ sur fond de pavots écarlates et de tiges de céréales dorées. Ensuite, une équipe dirigée par l'artiste indien Jagan Perumal Krishna a réalisé les peintures d'après les photos. Neuf peintres (belges) et 25 techniciens ont apporté la touche finale. Dans les fresques, on reconnaîtra sans peine le touche-à-tout culturel Jan Fabre, le chorégraphe | |
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Wim Vandekeybus, le chanteur Arno, le styliste Walter van Beirendonck ou encore le comédien Josse de Pauw. Johan Muyle lui-même est également présent, mais en tant qu'aveugle. Ce monde, il ne l'a que trop vu. L'oeuvre n'est pas dépourvue d'une touche de joyeux kitsch. Par moments, certains personnages font pivoter leur regard. Le musicien Mark Ysaye et l'écrivain Jean-Pierre Verheggen versent des fontaines de larmes amères et on a même songé à un vrai rideau de pluie. Lorsqu'il gèle, toute l'installation est coupée. Le poète vous le dira: il y a parfois des obstacles matériels entre la parole et l'acte.
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‘Jip et Janneke sont aux Pays-Bas ce que sont à la France la tour Eiffel et aux États-Unis la statue de la Liberté’. Cette phrase, nous l'avons lue dans une nécrologie consacrée à Fiep Westendorp, célèbre aux Pays-Bas pour ses illustrations de livres pour enfants, et décédée début février 2004 à l'âge de 87 ans. Native de l'est du pays, Westendorp s'est installée après la seconde guerre mondiale à Amsterdam, où elle a notamment dessiné pour l'hebdomadaire Vrij Nederland et pour le quotidien Het Parool. Elle a également travaillé à diverses reprises pour la maison d'édition De Bezige Bij et n'a pas tardé à entrer en contact avec Annie M.G. Schmidt, qui entamait alors la brillante carrière que l'on sait comme auteur de littérature enfantine. Westendorp allait illustrer de nombreux livres de Schmidt et contribuer largement au succès de cette dernière auprès du public néerlandophone. Westendorp a créé des personnages qui passeront à la postérité, comme le duo déjà cité Jip et Janneke avec leur drôle de silhouette noire et leurs cheveux en broussaille, Pluk van de Petteflet, garçonnet habitant dans la tour d'un immeuble à appartements, et Otje, petite fille au coeur d'or qui s'évertue à mettre son malchanceux papa à l'abri de tous les mauvais coups. Les croquis de Fiep Westendorp continuent de plaire, non seulement aux jeunes enfants, mais aussi aux parents, aux grands-mamans et aux grands-papas. Tout ce petit monde n'est pas près d'oublier celle qui a donné vie aux regards à la fois polissons et attendrissants de Jip, Janneke, Pluk, Otje et de bien d'autres encore.
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Un minuscule volume de 80 pages de 32 mm sur 25 mm, rien de plus, et les Belges néerlandophones et francophones peuvent faire plus ample connaissance. A l'occasion de la dernière Foire du Livre de Bruxelles (février 2004), les Éditions Biotop ont publié, en collaboration avec l'ambassade de France en Belgique, le ‘Mini-Livre’ Dialogues inattendus. Au fil d'une trentaine de ‘dialogues’, des déclarations d'auteurs belges francophones sont mises en regard de citations de confrères d'expression néerlandaise. La parole est donnée à des prosateurs, poètes et essayistes actuels, mais aussi à des ‘anciens’. Du côté francophone, on relèvera notamment les noms de Fernand Crommelynck, Émile Verhaeren, Françoise Mallet-Joris, Liliane Wouters, Pierre Mertens, Francis Dannemark et Amélie Nothomb. Les concitoyens néerlandophones qui leur donnent la réplique sont tantôt des écrivains dont les noms figurent dans tous les manuels d'histoire de la littérature néerlandaise, tels le poète du xixe siècle Guido Gezelle ou le poèteessayiste expressionniste Paul van Ostaijen, tantôt des auteurs contemporains comme Leonard Nolens, Tom Lanoye, Kristien Hemmerechts et Peter Verhelst. Les thèmes abordés sont entre autres ‘être ou ne pas être heureux’, ‘jeunesse et grand âge’, ‘vie et mort’, ‘rester ou partir’, ‘parler ou se taire’, ‘coloré ou incolore’. Un exemple: Hugo Claus déclare que ‘c'est un devoir d'être heureux’, tandis que le poète-traducteur Maurice Carême affirme que ‘le bonheur ne coûte rien’. Le petit livre est préfacé par Joëlle Bourgois, ambassadeur de France en Belgique, et Jozef Deleu, poète-écrivain et ancien rédacteur en chef de Septentrion. Pour Jozef Deleu, il existe bel et bien entre les littératures néerlandophone et | |
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Malines.
francophone de Belgique une parenté qui transcende la différence de langue. Dialogues inattendus est paru dans la Collection ‘Le Mini-Livre’ de Biotop Éditions (ISBN 2 84400 375 3).
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Le pays Belgique n'existe-t-il pas (dixit Hugo Claus) ou est-il avant tout une oeuvre d'art (dixit Jan Fabre)? Qui cherche la réponse à ce genre de question fera bien de s'adresser à Thomas Beaufils. Cet ethnologue-néerlandiste, maître de conférences au département d'études néerlandaises de l'Université Marc-Bloch à Strasbourg et membre de la rédaction de Septentrion, s'est révélé en très peu de temps un éminent spécialiste de la Belgique. En 2003, il a publié aux Éditions Autrement La Flandre, un guide de voyage. A peine un an plus tard paraît son ouvrage Les Belges, dans la collection ‘idées reçues’ de la maison d'édition Le Cavalier Bleu. Dans ce petit livre riche en informations et agréable à feuilleter, Thomas Beaufils s'interroge sur ce qui reste, après quelque relativisation et vérification, des préjugés parfois tenaces qui ont cours à propos des Belges. Le fil rouge du récit est constitué par ce qui unit et ce qui divise les Belges (entendez Flamands et francophones), mais l'auteur est également prolixe sur des thèmes périphériques tels que les plaisirs de la table en Belgique (moules-frites, bière, chocolat) ou la ‘Belgique terre d'artistes’ (entre autres Jacques Brel et, bien sûr, la B.D.). Quiconque aura lu cet ouvrage sera en droit d'affirmer qu'il en sait un bon bout sur l'histoire et la mentalité ‘belges’. S'il y a un reproche à faire à l'auteur, c'est peut-être d'avoir une vision à sens unique de l'évolution politique de la Belgique fédérale. Le transfert de moyens et de compétences du niveau national vers le régional lui apparaît comme un pas (dangereux) dans un processus de dissolution de la Belgique, et rarement comme une possibilité de gestion plus transparente et plus cohérente. Si on le suit sur ce terrain, ce qui rejoint une attitude plus répandue en France qu'en Belgique même, il est clair que le pays ne pourra | |
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que se disloquer tôt ou tard. Quoi qu'il en soit, pour qui souhaite mieux comprendre la Belgique et les Belges et qui, de surcroît, n'apprécie ni les notes de bas de page ni les digressions académiques, voilà un livre incontournable. ISBN 2 84670 072 9 www.ideesrecues.net Voir Septentrion, xxxii, no 2, 2003, p. 95. ◆ La Semaine annuelle du livre organisée aux Pays-Bas du 10 au 20 mars 2004 avait pour thème ‘Gare du Nord. Rencontre avec la littérature française’. Pendant onze jours, une quinzaine d'écrivains français ont sillonné le pays. Des conférences, séances d'autographes et débats ont permis au lecteur néerlandais de se familiariser avec la littérature française. Le ‘cadeau’ de la Semaine du livre était Spitzen, de Thomas Rosenboom (o1956), dont le thème central est l'adultère. L'essai de la Semaine du livre, écrit par Adriaan van Dis (o1946), a pour titre Onder het zink. Un abécédaire (Sous le zinc. Un abécédaire): une déclaration d'amour à Paris, dans laquelle l'admiration et l'étonnement se mêlent harmonieusement. Hormis ce ‘cadeau’ et cet ‘essai’, qui constituaient les publications les plus marquantes, la Semaine du livre a réservé d'agréables surprises aux participants. Ainsi, toute personne qui, dans le courant de la semaine, empruntait au moins un ouvrage dans une bibliothèque recevait un beau cadeau: Willem tekent Frankrijk (Willem dessine la France); le dessinateur Willem, qui vit en France, y dévoile comment il perçoit le pays de Marianne. Autre sortie très intéressante: le numéro à thème que Bunker Hill, la ‘revue littéraire de la Semaine du livre’, a consacré aux lettres françaises. Le lecteur a notamment pu y découvrir un essai du poète Erik Lindner sur les rapports entre la poésie francophone et la poésie de langue néerlandaise, ainsi qu'un article de Pieter van den Blink sur la littérature française contemporaine. La Semaine du livre est une initiative de la CPNB (Collectieve Propaganda van het Nederlandse boek - Propagande collective du livre néerlandais). Voir Septentrion, xxxii, no 4, 2003, pp. 66-68. www.boekenweek.nl ◆ L'engouement suscité par les grandes expositions et autres manifestations que comporte le projet Lille capitale européenne de la culture risque de faire oublier des expositions et initiatives un peu moins marquantes. Ces derniers mois, le Musée départemental Matisse, au Cateau-Cambrésis (Palais Fénelon), a mis à l'honneur les périodiques culturels des années 1920. Il a notamment consacré une exposition à la revue Vouloir (1924-1927), dans laquelle s'exprimait un groupe lillois d'artistes d'avant-garde sous la direction du peintre Del Marle. La revue a compté parmi ses collaborateurs les Néerlandais Piet Mondrian (1872-1944) et Theo van Doesburg (1883-1931). A noter aussi l'intéressant projet ‘Les Beffrois de la culture’, qui se propose d'attirer les publics éloignés des grands musées vers les grands chefs-d'oeuvre. Dans douze mairies du Nord, douze oeuvres majeures des musées nationaux de France sont associées aux collections des musées régionaux. C'est ainsi que l'on a pu découvrir à Orchies le cirque dans l'oeuvre de Marc Chagall. L'atmosphère bruyante et colorée du cirque y a aussi été évoquée à travers plusieurs gravures et sculptures de Karel Appel (o1921). A Hesdin, l'exposition ‘Autour de Rembrandt’ (du 6 au 26 octobre 2004) proposera un ‘dialogue’ entre Rembrandt, Jacques des Rousseaux et Eugène Leroy. Ce dialogue portera sur le portrait et l'autoportrait.
Hans Vanacker |
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