Septentrion. Jaargang 32
(2003)– [tijdschrift] Septentrion– Auteursrechtelijk beschermdLittératureLe travail ne fait que commencer: la Flandre et les Pays-Bas à l'honneur au Salon du Livre‘Mais n'existe-t-il donc pas de littérature de langue néerlandaise?’ Ces dernières années, la question m'a souvent été posée au Salon du Livre de Paris. Nombreux étaient les visiteurs qui ne parvenaient pas à comprendre pourquoi, contrairement à d'autres pays européens, la Flandre et les Pays-Bas ne disposaient pas d'un stand pour y présenter leur littérature propre. Bien que la Stichting Ons Erfdeel (Fondation Notre Patrimoine), désireuse de faire connaître ses publications en langue française, soit présente au grand salon parisien depuis 1996, beaucoup de Français n'ont cessé de regretter l'absence d'un stand officiel destiné à leur procurer les informations les plus diverses sur les lettres de langue néerlandaise. Le 20 mars 2003, au cours de l'inauguration du vingt-troisième Salon en présence d'un public nombreux, leurs questions et remarques me sont revenues plus d'une fois à l'esprit. La Flandre et les Pays-Bas se voyaient enfin propulsés sur la scène médiatique: six jours durant, leurs auteurs seraient, en qualité d'‘Invités d'honneur’ sous les feux de l'actualité. Dans son discours inaugural, Paul van Grembergen, ministre flamand de la Culture, louait leur ‘message perpétuel de sagesse, de force et de beauté’. Ce message pouvait devenir une source de lumière dans une période de guerre où la raison semblait avoir abandonné quelques pays. Chaque année, le Salon du Livre se tient sous les auspices du Syndicat national de l'édition. Que le choix de cet organisme se soit porté sur la Flandre et les Pays-Bas n'est pas évident. Quand la France se tourne vers l'étranger, ce sont traditionnellement les États et non les aires linguistiques qui retiennent son attention. Aussi l'invitation d'un espace linguistique, s'étendant de surcroît sur deux pays, peut-elle être considérée comme une rupture avec le passé. Il y a quelques années encore, en 1999, des écrivains ‘belges’ participaient à la manifestation littéraire Les Belles ÉtrangèresGa naar eind(1), une initiative du ministère français de la Culture coordonnée par le Centre national du livre (coorganisateur du Salon du Livre). Pendant quinze jours, dix-sept Belges (huit francophones, huit Flamands et un germanophone) sillonnèrent la France. Ils avaient | |
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été précédés, six années auparavant, par un groupe d'auteurs néerlandais de renomGa naar eind(2). L'affaire avait en son temps suscité le mécontentement du ministre flamand de la Culture, Hugo Weckx, lequel n'arrivait pas à comprendre pourquoi les organisateurs des Belles Étrangères invitaient toujours un pays et non une entité linguistique. Le projet flamandonéerlandais pour le Salon du Livre a dû s'élaborer dans l'urgence. Le budget, plutôt maigre, et l'encadrement affectés aux phares du nord furent fournis par la Stichting Frankfurter Buchmesse, créée en 1993, à l'occasion de la Foire du Livre de Francfort où la Flandre et les Pays-Bas faisaient fonction de Schwerpunkt (fer de lance). Cette fondation, qui avait continué depuis à financer la participation flamandonéerlandaise à d'autres salons internationaux, devait être dissoute à l'issue du Salon du Livre de cette année. La préparation concrète et l'organisation des phares du nord avaient été confiées, côté néerlandais, au Nederlands Literair Productie- en Vertalingenfonds (Fondation pour la production et la traduction de la littérature néerlandaise)Ga naar eind(3) et, côté flamand, au Vlaams Fonds voor de Letteren (Fonds flamand des lettres), lequel avait établi un partenariat avecl'association littéraire bruxelloise Het Beschrijf (L'Écrit). On pouvait être légitimement fier du résultat de la coopération flamando-néerlandaise. Le Pavillon d'honneur était un stand original ayant la forme d'un plan incliné avec au centre un | |
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phare qui, en quelque sorte, amenait le visiteur à bon port. Dans ce port, tout le monde se voyait immergé dans un bain de culture et de littérature néerlandaises. On pouvait assister à des tables rondes ou à des lectures publiques, discuter avec des auteurs, feuilleter des centaines de livres venant de Flandre ou des Pays-Bas et traduits en français, acheter un livre à la Librairie ou admirer une exposition sur des illustrateurs de livres pour enfants ou pour la jeunesse. Le programme ne se limitait pas au Pavillon d'honneur. Sur divers sites tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du Salon, l'attention du public parisien était attirée sur la culture de langue néerlandaise dans toute sa diversité. La revue Septentrion participait également à la fête littéraire. Le numéro 1 de l'année 2003 (Vaut le voyage, un numéro spécial consacré à l'influence de Paris sur la vie littéraire, artistique et intellectuelle en Flandre et aux Pays-Bas) a fait l'objet de trois présentations: l'une au siège de la Délégation flamande, les deux autres au Salon même. La rédaction s'était assuré à cet effet la collaboration des auteurs flamands Peter Verhelst et Josse de Pauw et de la Française Annie Degroote, romancière et comédienne. Cinquante-six auteurs néerlandophones ont participé à la manifestation Les phares du nord. Condition de leur participation: avoir publié récemment au moins une oeuvre en traduction française. Parmi eux figuraient des écrivains déjà bien connus et médiatisés dans la francophonie (Hugo Claus, Hella S. Haasse, Lieve Joris, Harry Mulisch, Cees Nooteboom), mais aussi des auteurs faisant partie de ce qu'on pourrait appeler la ‘deuxième génération’: des talents littéraires dont la notoriété ne s'est pas encore suffisamment affirmée dans l'espace francophone (entre autres, Kader Abdolah, Arnon Grunberg, Stefan Hertmans, Margriet de Moor, Marcel Möring, Erwin Mortier et Peter Verhelst). La poésie (avec, notamment, Benno Barnard, Rutger Kopland et Gerrit Kouwenaar) et l'essai (avec, entre autres, Jozef Deleu et Geert van Istendael) ne manquaient pas à l'appel. Le théâtre, lui, était représenté par deux dramaturges de renom: le mille-pattes culturel Jan Fabre et Tom Lanoye. Un effort particulier avait été fait pour mettre en relief la littérature pour enfants et pour la jeunesse grâce à la collaboration d'auteurs (par exemple, Joke van Leeuwen, Bart Moeyaert et Anne Provoost) et d'illustrateurs (entre autres, Carll Cneut et Gerda Dendooven). Parmi les atypiques, il faut signaler les cartoonistes, dont le Flamand Benoît et le Néerlandais Willem, mieux connu en France que dans la néerlandophonie en raison de ses caricatures publiées dans Libération. Cette bande bigarrée mais judicieusement sélectionnée a offert aux Français amateurs de littérature une image passionnante et diversifiée des lettres de langue néerlandaise d'aujourd'hui. Quelle est l'utilité d'un projet tel que Les phares du nord? En premier lieu, l'intérêt que les ‘Invités d'honneur’ suscitent dans les médias. Avant que le Salon n'ouvre ses portes, le magazine Lire avait déjà consacré un supplément substantiel à la Flandre et aux Pays-Bas. La Nouvelle Revue Française, Le Magazine Littéraire, Livres Hebdo de même que quelques revues professionnelles (Pages des Libraires et Bibliothèque(s), revue de l'Association des bibliothècaires français) ont également publié des dossiers sur le sujet. De prestigieux quotidiens et hebdomadaires à diffusion nationale (notamment Le Monde, Libération, l'Humanité, Le Figaro, L'Express) ainsi que diverses stations de radio et de télévision ont accordé un intérêt particulier à la littérature d'expression néerlandaise. Cette curiosité manifestée par les médias n'a pas seulement été bénéfique pour la renommée des auteurs. Même si certains articles et reportages regorgeaient de clichés, l'image globale que les Français se forment traditionnellement de la Flandre et des Pays-Bas a pu être épurée. Il est à espérer, par exemple, qu'un nombre de plus en plus important de Français se rendront compte qu'en Flandre et | |
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aux Pays-Bas on parle la même langue, à savoir le néerlandais. Ce qui serait déjà en soi un énorme progrès. Par ailleurs, une deuxième constatation réconfortante s'impose. Dans la période précédant l'ouverture du Salon, on a noté une augmentation spectaculaire du nombre de traductions françaises d'ouvrages en langue néerlandaise. En l'espace de quelques mois, près de soixante-dix traductions ont été publiées, aboutissement (provisoire) d'une tendance initiée depuis quelque temps déjàGa naar eind(4). Dans les années 1990, notamment sous l'impulsion du Nederlands Literair Productie- en Vertalingenfonds, ont paru des traductions françaises d'oeuvres néerlandaises de plus en plus remarquées par la critique. En 1995, Jeroen Brouwers obtint même le prix Femina ÉtrangerGa naar eind(5) pour son roman Rouge décanté (Bezonken rood). Il est évident que le boom de fin 2002 - début 2003 est quelque peu artificiel. Il y a de fortes chances pour qu'au cours des prochaines années le nombre de traductions diminue. Il n'empêche que l'attention a été éveillée. Dorénavant, convaincre un éditeur français de publier un livre d'un auteur flamand ou néerlandais ne relèvera plus du parcours du combattant. En dépit de la notoriété accrue dont devraient bénéficier à présent les lettres de langue néerlandaise en France, j'attends non sans quelque appréhension la vingt-quatrième édition du Salon du Livre en 2004. C'est alors que commencera pour la Flandre et les Pays-Bas la mission la plus délicate: préserver, voire intensifier l'intérêt porté à la littérature d'expression néerlandaise. J'ose espérer que la Stichting Ons Erfdeel ne sera pas de nouveau seule
Hugo Claus (o1929) accorde une interview sur le plateau du Pavillon d'honneur ‘Les phares du nord’. A droite, Harry Mulisch (o1927) feuillette un livre (Photo Kl. Koppe).
à représenter la néerlandophonie. Sinon, la question troublante posée en début d'article ne mettra pas longtemps à revenir comme un boomerang.
Hans Vanacker (Tr. U. Dewaele) |