Ces derniers temps, plusieurs ouvrages expliquant le passé, le présent et l'avenir de la Belgique ont été édités dans la partie francophone du pays. Dans un tel contexte, l'ouvrage de Jean Stengers n'a donc rien d'étonnant. Et pourtant, il en surprendra plus d'un.
Aujourd'hui, les adeptes de l'ancienne thèse que l'historien Henri Pirenne (1862-1935) avait émise alors que la Belgique clôturait son premier siècle, se font plutôt rares. Et personne ne sera plus taxé d'incivisme s'il affirme que la Belgique de 1830 était surtout, si pas uniquement, le résultat de circonstances historiques fortuites. Alors, pourquoi cette nouvelle recherche laborieuse de ce que furent les racines de la Belgique actuelle?
Stengers ne veut en aucun cas être un nouveau Pirenne. Pendant des pages et des pages, il réfute d'ailleurs très courtoisement et avec une évidente sympathie, les hypothèses de l'homme qui reste sans doute l'historien belge le plus connu. Par contre, il s'inscrit également en faux contre tous ceux qui prétendent que le pays situé entre l'Escaut et la Meuse n'a en fait jamais existé, et qu'il n'est que l'invention fortuite des constitutionnalistes belges de 1830. Son livre n'est pas né d'une nécessité scientifique, ni d'un patriotisme suranné. Son manifeste est le résultat d'une révolte personnelle: ‘une colère devant le nombre et l'énormité des bêtises sur un sujet que je crois assez bien connaître. J'ai éprouvé le besoin de réagir.’
Il ne nous livre pas une nouvelle version de l'histoire de Pirenne ou du ‘Belge sortant du tombeau après des siècles et des siècles d'esclavage’, comme le chantait la
Brabançonne. Dans cette première partie, Jean Stengers ne parle ni de la naissance de l'État belge, ni du développement de la nationalité belge, mais bien du sentiment national belge qui était déjà bien
La place des Martyrs à Bruxelles © 2001 - G. Popelier / SOFAM-Belgique.
présent alors que la nationalité belge n'existait pas. Jean Stengers estime qu'un sentiment national belge est né dès l'époque bourguignonne et qu'il n'a fait que s'amplifier au fil des ans. Un sentiment qui n'a pas toujours été univoque - l'histoire des contrées ‘belges’ a été bien trop bousculée pour arriver à une telle unanimité -, mais l'auteur cherche à esquisser le développement du sentiment national à travers les guerres successives pour la possession des territoires ‘belges’, et les occupations successives qui s'en sont suivies. Et pour étayer sa thèse, il propose un florilège de citations souvent très pertinentes.
Jean Stengers est un homme remarquablement cultivé. Le sujet de son dernier ouvrage est également celui de sa thèse de doctorat présentée dans la seconde moitié des années 40 et qui lui a ouvert les portes d'une brillante carrière académique. Un thème qui l'a poursuivi tout au long de ces dernières décennies.
Il partage bien volontiers son érudition avec ses lecteurs. Il a lu ou au moins feuilleté tous les écrits traitant de la Belgique, ou d'un sujet connexe. Son ouvrage Les racines de la Belgique est un véritable recueil de citations articulées autour de la Belgique. Un catalogue scientifique de tout ce qui a été écrit sur la Belgique au cours des siècles passés. Un tiers de l'ouvrage a été nécessaire à l'auteur pour citer toutes ses sources.
A première vue, l'ampleur du travail