toutefois l'imbrication insaisissable de la vie et de l'écriture. Le protagoniste de Mijn levende schaduw s'efforce, en écrivant, d'‘exhumer des causes et des rapports du passé pour chercher un schéma dans lequel tout s'est déroulé comme cela devait se dérouler’. Écrire était et reste aussi toujours une manière de vivre, une réflexion vitale. Il s'agit d'une exploration irremplaçable de la conscience. On aspire toujours à la plénitude d'une existence authentique tout en recourant sans arrêt à de nouvelles formes modernes. Comme c'est le cas chez Michel Leiris, auteur auquel De Wispelaere a consacré un essai approfondi, la littérature est aussi bien une thérapie qu'un mythe, mais elle constitue en même temps une recherche de moyens devant permettre d'appréhender l'éparpillement du moi multiplié à travers nombre de figures qui sont autant d'images réfléchies dans un miroir.
Cette quête a finalement abouti à une forme unique de prose autobiographique dans laquelle plusieurs genres - éléments narratifs, critique et essai - se fondent harmonieusement et où l'authenticité du moi fragmenté constitue le noyau thématique.
Cette forme hybride fut réalisée pour la première fois dans
Paul-tegenpaul (Paul - contre Paul, 1970), dont la structure de base, comme l'indique le titre, est fondamentalement dualiste. Dans ce ‘journal d'écrivain’, la dualité de la personnalité de l'écrivain est devenue le thème central. Le ‘savoir ambivalent’ resurgit aussi dans l'oeuvre purement créatrice, notamment dans la
Paul de Wispelaere (o1928) (Photo David Samyn).
trilogie romanesque
Tussen tuin en wereld (Entre jardin et monde, 1979),
Mijn huis is nergens meer (Ma maison n'est plus nulle part, 1982) et
Brieven uit Nergenshuizen (Lettres des maisons de Nulle-Part, 1986), où la ‘position intermédiaire’ de l'auteur est précisée à l'aide de quelques motifs typiquement romantiques. Face au besoin exprimé précédemment de se replier sur soi, de s'isoler ou de ‘devenir une île’ dans le monde, se manifeste la nécessité de régler son compte à ce monde qui s'impose de manière agressive à l'auteur. Au narcissisme de jadis s'oppose maintenant une société moderne qui fait problème. De Wispelaere développe et exploite dans ces livres - et continuera à le faire dans son oeuvre ultérieure - l'antagonisme entre, d'une part, une existence pure, paradisiaque (avec l'image du jardin), où il y a de la place pour des expériences érotiques débridées avec la jeune femme aimée et, d'autre part, la société triviale, aculturelle et corrompue qui, à travers ses innovations