Bert Schierbeek (o1918) (Photo Jan Stegeman).
Dans ses écrits, Schierbeek se déplace aussi constamment dans le temps, car les passages qu'il emprunta à sa jeunesse sont pour le moins aussi importants. Les onze premières années de sa vie, il habita auprès de ses grands-parents à Beerta, à l'Est de Groningue, ensuite auprès de son père à Boekelo. Schierbeek estime qu'il est important qu'un enfant puisse grandir à la campagne au milieu de la nature. ‘La province est délicieuse pour les jeunes, pourvu qu'ils veillent à s'en échapper plus tard comme l'éclair.’
C'est ce que fit Schierbeek. Après son examen d'État au gymnase, il partit pour Amsterdam. C'était en 1940. Schierbeek s'inscrivit au Nutsseminarium de pédagogie et atterrit bientôt dans la résistance. Après la guerre, il entra rapidement en relation avec l'avant-garde néerlandaise. Il publia non seulement dans Braak et Podium, mais aussi dans Cobra. C'est de cette époque que date son vif intérêt pour les Beaux-Arts.
En 1951, Schierbeek avait inscrit à son nom deux romans situés dans le milieu de la résistance, qui n'étaient guère remarquables du point de vue stylistique. Sa première prose expérimentale, il ne l'avait pas publiée, sinon seulement par fragments dans des revues. Du Het Boek ik (Le livre moi), des morceaux parurent dans Braak, mais quand le texte parut en tant que livre, ce fut comme un pavé dans la mare hollandaise. Cet amalgame de poésie et de prose - plein d'associations, de rêves et de répétitions à la manière de litanies - formait la première partie d'une trilogie et, même après, Schierbeek poursuivit la production de textes qu'il lui est arrivé d'appeler ‘proésie’. En tout, pendant presque vingt années.
L'accueil de cette ‘proésie’ (personnellement je trouve le terme ‘roman-poème’ plus adéquat) fut assez variable. Mon collègue W.F. Hermans qualifia Het Boek ik d'événement littéraire important, mais Gerard Reve parla de ‘défécation verbale’. Jusqu'à ce jour, Het Boek ik est considéré dans les écoles secondaires comme un livre pratiquement illisible, alors que depuis longtemps plus de 100 000 exemplaires en ont déjà été vendus.
Une évolution importante se réalisa dans l'oeuvre de Schierbeek dans les années 70. Il se mit alors à publier, non plus des ‘romanspoèmes’, mais des recueils de poésie sans plus. De deur (La porte), In & uitgang (Entrée et sortie) et Vallen en opstaan (Tomber et se relever). Poésie d'une grande sobriété de forme et de typographie et d'un grand sérieux du point de vue de la thématique (la mort de l'aimée, le séjour dans un hôpital).
Après coup, cela sembla constituer un intermède poétique: en 1977, l'année où parut le troisième recueil de poèmes, Schierbeek se manifesta d'une manière assez inattendue avec Weerwerk (Réactions). Un roman-poème et en même temps le début d'un deuxième cycle de prose qui serait constitué en outre de Betrekkingen (Relations, 1979) et de Binnenwerk (Travail d'intérieur, 1982).
Après ce cycle, Schierbeek se limita derechef quelque temps à la poésie: Formentera (1984) et De tuinen van Suzhou (Les jardins de Suzhou, 1986). En 1988, il revint cependant, avec Door het oog van de wind (A travers l'oeil du vent), à l'approche et à l'ambiance des romans-poèmes, ce qui portait le nouveau cycle à quatre parties.
Depuis Het Boek ik de 1951, l'oeuvre de Schierbeek présente une forte consistance, surtout dans la mesure où l'auteur fait voir sans cesse que la langue est une langue parlée par des hommes.
La différence entre l'ancienne trilogie Het Boek ik, De andere na-