Septentrion. Jaargang 17
(1988)– [tijdschrift] Septentrion– Auteursrechtelijk beschermd
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Deux livres et une revueLe recueil Le romantisme dans le roman européen du 19ème siècleGa naar eind(1) comporte trois textes en français. Roland Mortier situe et commente la messianique et visionnaire Légende d'Uylenspiegel de Charles de Coster, ‘épopée de la liberté et un des sommets méconnus du romantisme européen, en marge des grandes littératures’, par rapport aux premiers romans historiques écrits dans la Belgique naissante. Michel Mercier cherche à ‘déceler les fondements d'une attitude romantique s'incarnant dans une pratique du roman’ en France: ‘Idéologie et illuminisme, analyse des faits sociaux et politiques dans un mélange d'attirance et de réticence - et affirmation d'un “fait intime” qui provoque le retour du religieux, souci de l'histoire et désir de la dominer, de l'englober en se situant comme au-dessus d'elle: c'est cette volonté de synthèse qui fonde la conscience romantique et qui insuffle vie au roman romantique.’ Livio Missir de Lusignan décèle l'élément grec chez le romancier italien Ippolito Nievo. Concernant le domaine linguistique néerlandais, Marcel Janssens souligne que dans une Flandre handicapée par son contexte historique et sociologique, le romantisme s'attachait surtout à l'aspect nationaliste d'un projet d'émancipation linguistique et culturelle encore à formuler, était petitbourgeois et non révolutionnaire, et essentiellement éthique et didactique. Déjà nettement en retard par rapport aux autres pays, deux romans en ‘flamand’ de Hendrik Conscience, parus en 1837 et 1838, contribuèrent à long terme à la prise de conscience d'un peuple largement analphabète et inculte. Présentant trois récits versifiés à la Byron, Peter van Zonneveld affirme que le romantisme n'a jamais été le principal système de référence aux Pays-Bas, où prévalait l'esprit domestiqué de l'homme de l'époque Biedermeyer. Ulla Musarra traite, en néerlandais, un roman danois; Theo Buch, en allemand, aborde le rôle du Werther de Goethe; en anglais, Barbara Hayley pose la question des identités du roman irlandais, et John Beer développe différents aspects du romantisme en Angleterre; Franco Musarra, en italien, compare les trois versions des Fiancés de Manzoni. Voilà quelques contributions toujours intéressantes venant s'ajouter aux nombreuses études et revues spécialisées existant dans les différents domaines linguistiques européens. La revue plurilingue π-PiGa naar eind(2) a consacré un article à la poésie de Hugo Claus. Jean Weisgerber évoque un Claus un et multiple, débutant ‘avec des vers antiques sur des pensers nouveaux’, transitant par l'expérimentalisme, les mythologues, complexe et d'une curiosité insatiable, amateur de symboles et de jeux ésotériques, se métamorphosant sans cesse, cultivant intertextualité et polysémie, qui, en 1983, nous donna son Ulysse néerlandais avec Het verdriet van België, dont la version française Le chagrin des Belges (1985) l'imposa enfin au grand public francophone, alors qu'il était traduit en français dès la seconde moitié des années cinquante. Weisgerber souligne l'évolution du rôle assigné au lecteur: ‘Alors que Claus se contentait jadis de le mettre en garde, de lui montrer sans ambages quel est son malheur - piégé par l'existence -, il exige de lui bien davantage aujourd'hui: qu'il s'engage à fond dans le livre, et qu'au cours de sa quête, il effectue à son tour, tout en jouant, sa propre initiation en liaison avec celle du héros. La catharsis vaut pour le public comme pour le protagoniste; elle témoigne de la conscience sociale de l'auteur.’ Grâce à cette oeuvre éminemment postmoderne, ‘la littérature flamande n'a rien à envier à Garcia Marquez, à Nabokov, à Calvino, ni la Belgique à l'Irlande’. Justice serait-elle ainsi rendue? Claus, après tout, fait ainsi un grand honneur à Conscience, dont le Grand dictionnaire universel du xixe siècle de Larousse déplorait qu'il eût renoncé au français et opté en faveur d'‘un idiome abandonné depuis longtemps et non sans raison’... Plusieurs poèmes commentés sont publiés en traduction. Marcel Janssens traite en anglais du poème Visio Tentalis consacré au tableau de Bosch. Marnix Vincent rend compte de problèmes de traduction que pose le poème Icare. En néerlandais, Dirk de Geest compare les versions anglaise et française du recueil Le signe du hamster, et Paul Claes évoque de manière synthétique la réception de Claus par la critique. Le poète flamand Erik van Ruysbeek, né à Bruxelles en 1915, considère ses quelque quinze recueils de poèmes - trois recueils suivirent encore ses poésies complètes parues en 1981 - comme le simple témoignage de la prise de conscience des possibilités spirituelles dont il était porteur. Ayant débuté en 1947 dans le climat nihiliste, obnubilé par l'absurdité, de l'après-guerre, il s'est mis à l'écoute de la voix intérieure pour évoluer vers une vision du monde cosmologique. Par la voie de l'expérience et de la lecture, rejoignant les quêtes de vérité de différentes civilisations - notamment orientales -, il finit par voir en l'homme le reflet d'une réalité métaphysique plus importante, animé d'un désir d'harmonie et d'unification cosmique. Par le dépassement des frontières physiques et psychologiques, par la ‘dépersonnalisation de l'ego’, l'être humain peut s'approcher de l'inconnaissable en soi, tout en s'ouvrant au monde, vaincre les contradictions et acquérir ainsi un état de bonheur hic et nunc. Les idées de l'oeuvre essayistique se traduisent en d'innombrables variations dans les paradoxes et le langage hymnique des poèmes, dans la certitude que:
Ce que je cherche est introuvable
si ce n'est dans le silence au-delà des mots.
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Van Ruysbeek a publié une plaquette bilingue où il cristallise ses réflexions sur l'amitiéGa naar eind(3), parfaitement dans la lignée de son oeuvre poétique, à lire et à méditer à loisir: ‘Ainsi l'amitié est-elle une autre sorte d'amour, plus pragmatique, plus sage, plus calme, capable de plus d'indulgence, un buisson ardent sans les flammes, un brasero sans les tisons, un état chaleureux marqué de paix et de constance, une radiation sans source qui, autant que l'ardeur amoureuse, mais d'une autre façon, et tout aussi profondément, retrouve et reconstruit la fondamentale unité.’ Willy Devos |
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