Guillaume le Taciturne.
C'est une biographie classique du Prince d'Orange que nous offre Yves Cazaux. Elle nous permet de suivre le Taciturne dès son enfance et les premières étapes de son éducation jusqu'à sa mort tragique. Rien n'y manque, ni la description de son pays natal ou de sa famille, ni les données des milieux politiques aux Pays-Bas où se joue déjà la première partie de sa carrière. La voix des contemporains aussi bien que ses propres écrits nous révèlent le caractère du Prince, ses idéaux, ses échecs et ses réussites.
Mais ne nous y trompons pas. C'est également tout ce monde occidental, de la fin du règne de Charles Quint presque jusqu'aux confins du 16e siècle, avec ses événements politiques, ses idéologies et ses conceptions religieuses, ce sont également les Pays-Bas et leur population qui revivent.
Sous la plume d'Yves Cazaux, l'histoire prend la forme de ce qu'elle a de meilleur: elle est devenue également oeuvre littéraire à laquelle les strictes exigences de l'art de l'histoire n'ont pas nui. Il n'y a pas de doute, le Taciturne a reçu une biographie digne de son intérêt.
A propos de cet intérêt, justement, on peut se poser des questions. Les éloges des fondateurs des nations s'accomoderaient mal à l'heure de l'Europe. On s'imaginerait d'ailleurs mal la plume d'Yves Cazaux se prêter à de telles entreprises. D'où vient alors cet intérêt pour Guillaume d'Orange? Quel est cet étrange pouvoir de fascination que possède la personnalité d'Orange? Il faut bien que sa vie, ses réussites aussi bien que ses échecs révèlent des affinités au monde actuel.
Cette question, Henri Brugmans la traite longuement dans sa préface, intitulée L'actualité d'Orange. De la constatation que les statues ont vieilli et que le Taciturne a failli à son personnage de ‘Père Guillaume’ aux sources d'inspiration de l'habile homme politique que fut le Taciturne, Brugmans parvient à la question: ‘La politique du prince peut-elle encore inspirer l'homme d'aujourd'hui?’. La réponse positive est due à ses idées de liberté, de démocratie et de tolérance. Ainsi la préface d'Henri Brugmans est devenue en même temps une belle justification de l'histoire et de ce livre.
L'éditeur, le Fonds Mercator d'Anvers, s'est acquis une juste renommée par le luxe et la perfection de ses livres. Nous ne voulons pas terminer ce bref compte rendu sans louer la parfaite réussite de
Guillaume de Nassau, prince d'Orange à l'âge de 22 ans par Antonio Moro (Musée de Kassel).
l'édition du livre d'Yves Cazaux. Et la qualité du texte et des illustrations va de pair avec la quantité: 137 planches hors texte en couleur et 300 illustrations en noir et blanc. Elles font partie intégrante du livre. Parmi les planches en couleur on retiendra surtout les détails du Triomphe de la Mort de Pierre Bruegel l'Ancien, revenant à peu près tous les vingt pages et alternant ainsi le thème de la mort et celui de la misère de la guerre civile, présentée par les gravures des Hogenberg.
Erik Vandewalle
Yves Cazaux, Guillaume le Taciturne. Préface d'Henri Brugmans. Postface de Gaston Eyskens. Editeur: Fonds Mercator, Anvers, 1973. 496 pages: Prix: 3.500 F.B.