royale de l'Hexagone, quittant amaigri mais purifié le Veau d'Or de la grandeur, muni des tables de l'aloi gaulliste et des Mémoires qui lui en tiennent lieu, entre au sein des seins de l'autosatisfaction et marche vers sa quintessence: une obscure alchimie concentre à Paris (pas encore tiercé mais on en parle: on ne peut demeurer Villette!) tout ce que le pays compte de valeurs de civilisation ou de syphilisation, tout ce que charrie la Seine de France, cependant que notre langue mêêveilleusement antipopulo, s'élève de castrations en Vaugelas jusqu'aux hauteurs sixtines ou byzantines de l'Hexagonal.
Mais pendant que Paris défile pour un surcroît d'annone, au fond de la cathédrale gaullique où la populace de Province se Reims l'oeil aux pompes idoines de l'office, quelques gueux subreptices iconoclastent à coeur joie le chemin de ‘Crois!’ de notre nationââle histoire. Tel Monsieur Bourgeois dans son délicieux: ‘Les Hexagons’.
Un vrai ‘récital’ de caméra historique: cadrant autrement l'image d'Epinal au point de la rendre épineuse, braquant un projecteur sur l'inconscient historique le plus obvie mais aussi le plus refoulé, osant envisager l'énorme nudité d'une obscène évidence, débusquant l'histoire chez les peintres et autres témoins non brevetés par Fustel et Maurras, jouant avec virtuosité du galop panoramique et du ralenti d'hypnose Monsieur Bourgeois nous offre, dans un style nerveux et voltairien pailleté de mots qui portent et emportent, une fulgurante ‘revue’ (et corrigée) où Clio danse un French Cancan endiablé fort dangereux pour l'apoplexie des barbons qui ‘font’ l'histoire.
La centaine de pages culmine dans un chapitre final au titre d'apothéose: ‘L'Hexagon, l'Hexagon seul’ où l'insignifiance nationale se transcende en mystique nationaliste pour refuser l'Europe. Puis, pour combler le lecteur, un savoureux glossaire qui ne doit rien aux Immortels, une délectable liste de ‘sources et documents’ et une autre de ‘monuments, matériaux, instruments et reliques’ filtrés ou décapés par ces ‘réminiscences (qui) risquent de renverser les enseignements les mieux établis’.
‘Kort en goed’ disent les gens de chez nous. Et c'est bien le cas. Je ne connais guère de lecture aussi puissamment purgative. Je la recommande tout particulièrement à tous ceux qu'exaspère l'autocratisme tous azimuts de l'Etat, à tous ceux qui ne se résignent pas à attendre que quelque Caracalla ruiné nous vienne donner la seule citoyenneté majeure: la parisienne.
Jacques Fermaut
Les Hexagons - de la Gaule à la France et de la France à l'Hexagone, par Nicolas Bourgeois, Château de l'Orme 59-Hazebrouck. Préface de Daniel Ribet sous le patronage de l'Académie d'Histoire. 15 F.F.