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que représente le benelux pour les pays voisins?
dr. hendrik riemens
Geb. 1908 te Amsterdam. Studeerde ekonomie aan de Universiteit van Amsterdam en promoveerde op Het Amortisatie-Syndicaat, een studie over de Staatsfinanciën onder Koning Willem I. Was diplomaat o.m. in Berlijn, Shanghai, Washington, New York en Caracas. Schreef Les Pays-Bas dans le Monde (1939), The Netherlands, Story of a free country (1943), Les Pays-Bas, synthèse historique (1944), De financiële ontwikkeling van Nederland (1957), Latijns Amerika (1963), Mexico (1964), en België, land van Contrasten (1968).
Adres: Julianalaan 84, Overveen.
Quand on regarde la carte de l'Europe, l'on ne peut s'empêcher de constater que la Belgique, le Grand Duché du Luxembourg et les Pays-Bas se touchent dans un petit coin situé près des embouchures du Rhin, de la Meuse et de l'Escaut, coincés pour ainsi dire entre la France, l'Allemagne et la Mer du Nord. Aux yeux des habitants des pays voisins tellement plus puissants, ils ne constituent que de tout petits pays qui, dans le concert des nations ne jouent qu'un rôle fort discret. Le neutralisme traditionnel qui avait caractérisé la politique étrangère des Pays-Bas jusqu'en 1940 de même que celle de la Belgique exception faite des années 1914-1918 et de celles qui y faisaient suite, amena l'étranger à s'intéresser peu à ce qui se passait sur le plan politique à Bruxelles, à la Haye ou à Luxembourg (encore un pays neutre). Les pays heureux n'ont pas d'histoire, dit un proverbe français. On pouvait l'appliquer, du moins jusqu'en 1914, aux pays qui forment actuellement le Benelux. Par rapport à un pays tiers qu'on peut appeler un pays voisin, ils font figure de tout petits pays. L'Angleterre, se trouvant également à courte distance, n'est séparée des Pays-Bas et de la Belgique que par une mer étroite et fort fréquentée qui lie plus qu'elle ne sépare. L'Angleterre, par rapport aux trois petits pays du Nord-Ouest de l'Europe, constitue également un grand pays en comparaison duquel lesdits pays paraissent tout petits. Petits mais quand même pas insignifiants. Les Pays-Bas et l'Angleterre se sont, au cours des siècles, âprement disputé l'hégémonie. Le souvenir de cette lutte à mort, perdue par les Pays-Bas est resté vivace en Angleterre. Les liens déjà anciens avec la Belgique furent
resserrés lorsqu'au cours de la première guerre mondiale beaucoup de régiments britanniques combattirent en Flandre aux côtés des unités belges. En dépit de ces liens, chacun des trois pays du Benelux ne signifie pas grand-chose aux yeux de l'Angleterre.
La deuxième guerre mondiale et les 25 années de l'après-guerre ont certes modifié cette situation, en partie grâce à l'élaboration du Benelux, à la fin de la guerre. Mais il y eut beaucoup plus de changements en Europe. Il y eut d'abord l'effondrement de la France au début de la guerre, puis celui de l'Allemagne à la fin. L'Angleterre qui échappa à pareil sort, perdit néanmoins beaucoup en importance et toute l'Europe de l'Ouest paraissait visiblement affaiblie vis-à-vis des deux super-puissances sorties de la guerre, les Etats-Unis et l'Union soviétique. Le recul relatif de la position de la France, de l'Allemagne et de l'Angleterre diminua la prépondérance de ces pays voisins vis-à-vis les pays du Benelux. La création de la Communauté européenne du Charbon et de l'Acier dans laquelle siégaient, aux côtés de l'Allemagne de l'Ouest, de la France et de l'Italie, les trois pays du Benelux renforça davantage encore la position de ces derniers dans l'Europe de l'après-guerre. Ils adhé- | |
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rèrent également, sur pied d'égalité, à l'Organisation pour la Coopération économique européenne, elle-même née de l'organisation créée en vue de répartir en Europe l'aide nord-américaine consentie par le plan Marshall. De plus ils firent partie des pays fondateurs de l'OTAN.
Les gouvernements de la Belgique, des Pays-Bas et du Grand Duché qui, pendant la deuxième guerre mondiale, se trouvaient en exil à Londres, comprirent qu'il y avait entre leurs trois pays une large communauté de destin et ils mirent au point le traité en vertu duquel fut créé le Benelux. Quand on examine quels sont les changements intervenus dans la façon de voir des habitants de nos grands pays voisins, la première question venant à l'esprit devra être logiquement la suivante: qu'est-ce qui a été réalisé au cours de ces 25 années dans le cadre du Benelux et dans quelle mesure le Benelux a-t-il réalisé l'union des trois pays membres? Nos pays voisins sont peu familiarisés avec cette matière mais en tant qu'habitants d'un pays membre du Benelux, nous savons bien que le progrès du Benelux, réalisé dans le domaine du droit public, a été terriblement lent et qu'il signifie à peine plus que l'établissement d'un tarif douanier commun vis-à-vis des pays tiers et la suppression des droits de douane à l'intérieur du Benelux. A côté de cela, a été créé ce qu'on a appelé d'une façon beaucoup trop grandiloquente le parlement du Benelux qui a toujours le grand mérite de permettre aux parlementaires des trois pays d'apprendre à examiner ensemble les problèmes de la communauté du Benelux, tout comme le font les gouvernements à la même époque ou au cours des échanges périodiques de visites.
En ce qui concerne les droits de douane, la Communauté économique européenne poursuit exactement le même objectif que le Benelux à cette différence près que le territoire à l'intérieur duquel les droits de douane sont supprimés, s'étend à toute l'Europe des Six. Le Benelux, en tant qu'entité douanière s'y est en quelque sorte dissoute et y est à peine reconnaissable en tant qu'entité politique. La C.E.E. constitue un tout disposant d'un tarif douanier commun vis-à-vis des pays tiers et n'ayant plus de tarifs douaniers internes.
Fort heureusement, le Benelux est devenu plus qu'une notion politique. Le Benelux est devenu une notion psychologique et les citoyens de la Belgique, des Pays-Bas et du Grand Duché éprouvent de plus en plus le sentiment d'appartenir au Benelux.
Le manque de structures politiques, l'absence d'un centre d'où émanerait une politique étrangère coordonnée constituent à nos yeux un grave défaut mais pour ce qui est des idées que les pays voisins se font de nous, ce défaut est moins grave qu'on ne pourrait penser. Quelle est donc la situation? La position géographique à peu près identique des trois pays du Benelux et l'organisation démocratique à peu près analogue de ses organes gouvernementaux font que chacun prend, même sans coordination préalable, des décisions d'un style qui en principe, est identique à celui des deux autres gouvernements. Les gouvernements d'autres pays et tout d'abord ceux des pays voisins, constatant que les trois pays le Benelux adopte un point de vue commun. Le danger existe néantionaux - par exemple au sein des Nations Unies - en concluent que le Benelux avance un point de vue commun. Le danger existe néanmoins que les gouvernements des pays voisins s'aperçoivent à la longue du manque de coordination et qu'ils en concluent que le Benelux ne représente pas une entité propre mais qu'il se compose
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en réalité de trois pays qui dans le domaine international agissent indépendamment les uns des autres tout en étant associés au point de vue douanier.
Les citoyens des pays voisins s'aperçoivent à peine de l'action internationale de leur gouvernement et ils voient encore moins comment les gouvernements du Benelux, en possession ou non d'un point de vue coordonné, se comportent sur la scène internationale. Cependant au cours des années de l'après-guerre, l'existence du Benelux est devenue, à leurs yeux, une évidence. En tant qu'entité, le Benelux, situé entre la France, l'Allemagne et l'Angleterre, constitue un territoire important au point de vue démographique - 22 millions d'habitants à l'heure actuelle - de même qu'en raison de certains autres critères dont le commerce extérieur est un des plus significatifs. A d'autres égards, le Benelux fait également bonne figure. La prospérité y est relativement grande et le développement économique est certainement satisfaisant. Le Benelux n'accuse pas de retard vis-à-vis de ses grands pays voisins dans le domaine de la culture populaire tandis que la science s'y situe à un niveau tout aussi élevé. Tout ceci fait du Benelux - où les arts sont florissants - une région d'une grande importance et ses pays membres ne sont plus la ‘quantité négligeable’ qu'ils ont si longtemps été aux yeux des voisins. Le nombre de ses habitants approche la moité de celui des pays voisins, ce qui constitue une référence valable. Cela vaut, par conséquent, la peine d'essayer de convaincre le Benelux de son point de vue. On peut faire remarquer que la superficie totale du Benelux reste petite bien que le nombre de ses habitants en fasse une région importante. En comparaison avec les pays les plus peuplés du monde, le Benelux avec ses 22 millions d'habitants n'occupe qu'une place fort modeste. L'assèchement de la
Zuiderzee ne saurait y remédier bien qu'il agrandisse d'une manière pacifique la superficie totale.
Mais l'importance des pays ne s'établit pas en fonction de la superficie, beaucoup moins de toute façon qu'en fonction d'autres critères tel que le nombre d'habitants en premier lieu. Si l'on regarde la République fédérale allemande, on constate que sa superficie est beaucoup plus petite que celle de la France. Cependant nous ne considérons pas la République fédérale allemande comme étant inférieure à la France qui, proportionnellement, est beaucoup moins peuplée. Ceci ressort encore plus clairement dans le cas de notre troisième pays voisin, l'Angleterre, dont la superficie n'égale que la moitié de celle de la France et qui ne lui est certes pas inférieure en importance internationale. Au point de vue international, il importe peu que la superficie totale du Benelux soit assez petite tout comme le fait que le Benelux n'a pas de haute montagne ne nuit pas à sa réputation internationale.
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Nous devons revenir encore une fois sur l'importance de coordonner les points de vue des trois pays du Benelux eu égard à l'élargissement imminent de la C.E.E. Si chacun des pays membres du Benelux continue à faire cavalier seul, le risque que ses intérêts soient négligés, tels ceux d'une petite nation, sera beaucoup plus grand lorsque la C.E.E. se composera de dix membres qu'il ne l'est actuellement dans le cadre des Six. La situation sera toute différente le jour où les trois pays du Benelux présenteront trois fois le
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même point de vue coordonné à la suite d'une concertation préalable et ceci au sein des dix membres que comptera bientôt la communauté. Car au sein d'une Europe des Dix, le Benelux, s'il le désire, revêtira une grande importance. Il en revêt une plus grande encore dans le cadre actuel de l'Europe des Six. Aucun problème ne pourra se poser sans que le Benelux ne soit en mesure d'exposer son point de vue et de le faire valoir dans la décision finale, à condition qu'il agisse de concert.
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Le Benelux, aux yeux des pays voisins, revêt une importance culturelle non négligeable. Ces pays s'intéressent davantage à la culture néerlandaise dans le cadre du Benelux. Que cette culture y soit largement majoritaire ne saurait leur échapper. Il existe déjà beaucoup plus de cours de langue et de littérature néerlandaises dans les régions d'Allemagne et de France limitrophes du Benelux et il y en aura de plus en plus tandis que le néerlandais, occupera une place plus importante dans les principales universités de ces pays de même que dans les universités anglaises. Ainsi commence à se faire jour une réhabilitation que s'est fait attendre trop longtemps. Bien qu'à ce propos il s'engage dans la bonne direction, un Benelux décidé peut, même sur le plan culturel, exercer une influence bienfaisante.
Dans le cadre de l'élaboration d'une structure fédérale en Belgique, il convient de faire, dans le domaine de la culture néerlandaise, un nouvel effort, plus considérable, dans les pays voisins et même dans les pays plus éloignés. Propager la langue néerlandaise constitue d'ailleurs une tâche que les attachés culturels des Pays-Bas pourraient prendre à coeur plus que cela n'a été le cas jusqu'à présent, semble-t-il. Nous pouvons constater comment, en France, la francophonie est institutionnalisée et promue, comment chaque ancien territoire colonial français, y compris le Québec, est travaillé et inséré dans le cadre de la francophonie même dans les cas où le français n'a jamais pu être plus que la langue d'une élite tout en étant ignoré du peuple. Ce qui est remarquable c'est que le néerlandais continue à se trouver dans une situation analogue en Indonésie et ceci en dépit des violentes oppositions politiques du passé. Dès lors, on pourrait essayer de promouvoir ce développement et, sans commettre l'erreur de vouloir ajouter les cent vingt millions d'Indonésiens au nombre des néerlandophones, ou pourrait toutefois attirer l'attention sur le fait qu'avec le néerlandais on peut parfaitement se débrouiller partout dans l'archipel. Il conviendrait d'installer des attachés culturels tant des Pays-Bas que de Belgique à Djakarta et ceux-ci devraient d'abord s'efforcer de sauvegarder la connaissance de notre langue en Indonésie.
Mais l'action principale devra être menée dans les pays voisins. Beaucoup pourront, chacun à sa façon, contribuer à propager notre langue, tant les politiciens néerlandophones que les simples citoyens et particulièrement parmi ceux-ci les rédacteurs de revues et ceux qui y collaborent. Il est du devoir de tous ceux qui prennent à coeur les intérêts du Benelux de contribuer, si possible, à la diffusion de la culture néerlandaise. Ainsi, on pourra faire en sorte qu'aux yeux des pays voisins, le Benelux ne soit plus sur la carte une tache où l'on parle une langue inconnue. On verra au contraire
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qu'une branche florissante de la culture ouest-européenne s'y est développée.
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On doit tenir compte d'un autre facteur encore, particulièrement favorable à l'heure actuelle, un facteur qui fait connaître davantage le Benelux dans les pays voisins. Grâce au développement du tourisme international de plus en plus de Français, d'Allemands et d'Anglais (on en compte déjà plusieurs centaines de milliers par an) viennent se rendre compte sur place de la physionomie du Benelux. Ils peuvent ainsi se familiariser avec nos paysages de même qu'avec notre vieille culture urbaine toujours florissante. Les touristes peuvent aisément apprécier les créations artistiques tant celles du passé que les plus récentes, toutes exposées dans nos nombreux musées et galeries. Une meilleure compréhension du Benelux commence à se faire jour, d'abord chez ceux qui se sont mis à étudier chez eux notre langue et notre littérature, puis chez ceux qui visitent nos régions et qui y reviennent peut-être régulièrement, se familiarisant ainsi de mieux en mieux avec le Benelux.
Nous n'avons pas tort, en tant qu'habitants du Benelux, de nous rendre nous-mêmes d'abord dans les autres pays membres du Benelux, ensuite dans les régions limitrophes des pays voisins, là où l'influence directe du Benelux se ressent le plus. Ceci nous élargira l'esprit et contribuera en même temps à resserrer les liens entre le Benelux et les pays voisins.
Grâce aux contacts établis au sein de la C.E.E. et sur le plan international, on s'est peu à peu rendu compte du fait que le Benelux constitue un ensemble de commerçants actifs qui créèrent quelques-uns des plus grands ports du monde et qui occupent une position de choix dans l'industrie européenne. Une population tellement dense concentrée sur un territoire si petit constitue un fait unique. L'urbanisation, tellement intense ici dans nos régions, remonte fort loin dans le passé, surtout dans le cas de la Flandre. Il en est de même pour l'influence de la bourgeoisie sur les affaires publiques, autrement dit la démocratie. C'est le reflet de cette vieille civilisation que les touristes en provenance des pays voisins peuvent observer et qui souvent les remplit d'admiration. A certains d'entre eux n'échappera pas l'unité plus profonde des pays du Benelux, remontant à l'époque bourguignonne et même plus loin encore.
A tout prendre, la physionomie du Benelux se précise aux yeux des habitants des pays voisins et ceci reflète une évolution dont nous ne pouvons que nous réjouir.
(Traduit du néerlandais par Urbain Dewaele.) |
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