Le roman picaresque hollandais des XVIIe et XVIIIe siècles et ses modèles espagnols et français
(1926)–Joseph Vles– Auteursrecht onbekend
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Chapitre III
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également à cette importation de littérature espagnole, et il n'est donc pas étonnant qu'on ait parfois eu recours, comme nous le verrons par la suite, à une version française pour la retraduire en hollandais. Il va sans dire que nous ne possédons pas des traductions hollandaises de tous les romans et nouvelles picaresques espagnols, parce que tous n'étaient pas d'égale valeur pour notre pays et qu'un éditeur, avant de les publier, s'était naturellement assuré si le public s'y intéresserait suffisamment. Cependant il ne faut pas en conclure que les ouvrages passaient inaperçus, car plus d'un les lisait, soit en espagnol, soit en françaisGa naar voetnoot(1). Or, comment les traducteurs se sont-ils acquittés de la tâche qu'on leur avait imposée? Ont-ils bien songé à l'élément didactique, moralisateur, que contenaient tout roman et toute nouvelle picaresques? Se sont-ils attachés à se pénétrer eux-mêmes de l'intention, souvent très claire, qui avait inspiré l'oeuvre espagnole? Ou bien ont-ils été plutôt d'avis qu'il fallait avant tout gagner des lecteurs et, par conséquent, laisser de côté tout ce qui pourrait les fatiguer ou les rebuter? Nous regrettons que la réponse à cette dernière question ne puisse être qu'affirmative. La plupart des traductions que nous avons lues nous ont appris qu'elles ont été faites dans le but de distraire les lecteurs qui n'avaient eu jamais auparavant entre les mains des ouvrages de cette espèceGa naar voetnoot(2). Il est évident que, malgré les traducteurs, la lecture en a pu être salutaire au point de vue moral, mais en tout cas nous ne pourrons jamais être renseignés là-dessus. Ceux qui se sont chargés de mettre en hollandais des textes picaresques espagnols ou français se sont préoccupés rarement de relever le sens moral de leurs compatriotes: ce qu'ils leur ont apporté c'est de la distraction pure. En effet, comment expliquer autrement le langage fort peu délicat dont ils se servent si souvent, sans que ce soit motivé par le texte original? Certes, ils auront, eux, compris la portée des modèles, mais il leur fallait tenir compte | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
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des exigences de l'éditeur, dépendant lui-même du public qui lisait. Or, ce public aimait en général les choses grossières, obscènes même, et il fallait par conséquent satisfaire ce goût. Il arrive rarement qu'un auteur hollandais - nous aurons l'occasion d'y revenir - se pénètre tellement de l'esprit que respire son modèle qu'il en devient pour ainsi dire le propagandiste de la morale dans sa traduction. Quant aux changements qu'on a apportés, et qui du reste ne sont pas très importants, ils ont dû tendre le plus souvent à faire mieux saisir le contexte ou parfois aussi - fait fort regrettable - à se concilier la faveur du lecteur. Dans l'examen auquel nous avons soumis plusieurs romans et nouvelles picaresques, nous n'avons naturellement pas manqué de le signaler, et il suffit donc d'y renvoyer. Il arrive aussi qu'on supprime un passage blessant pour les croyants délicats, passage dont la suppression ne fait aucun tort à l'histoire elle-même (voir ci-après l'examen du Buscon); toutefois le plus souvent le texte reste intact. Les traductions de romans et de nouvelles picaresques ont-elles eu beaucoup de succès? Le grand nombre des réimpressions d'un même ouvrage donne la réponse. Ainsi le Guzmán a eu trois éditions en trois ans; du Lazarillo, du Buscon, de la Garduña, des Novelas Ejemplares on connaît plusieurs éditions, sans compter celles qui peuvent avoir été perdues. Tout cela atteste donc bien clairement que le public hollandais aimait cette littérature; si elle ne s'est pas développée ici autant qu'en Espagne, il faut en chercher probablement la raison dans la bonne situation économique de notre pays, grâce à laquelle les modèles vivants de pícaros y étaient fort raresGa naar voetnoot(1). Cependant l'influence de la lecture des traductions ou des originaux a été telle que plusieurs auteurs hollandais s'en sont inspirés pour quelques-unes de leurs productions littéraires, par exemple Jacob CatsGa naar voetnoot(2), J.v. MeekerenGa naar voetnoot(2), Thomas AsselijnGa naar voetnoot(3), Brederode, TengnagelGa naar voetnoot(3) et C. Verwers DusartGa naar voetnoot(3). | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
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D'autre part les traductions de romans picaresques sont importantes parce qu'elles constituent avant le XVIIIe siècle nos seuls grands récits en proseGa naar voetnoot(1). Dans les pages suivantes nous examinerons les principaux spécimens de traductions de provenance espagnole. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
T' Leeven van Lazarus van TormusGa naar voetnoot(2)Dans un avant-propos du libraire, signé M.D.G., celui-ci croit nécessaire de motiver la publication de l'opuscule original en disant que son auteur a voulu tirer de l'oubli les aventures, gaies et tristes, du pauvre Lazare. La dédicace rimée qui suit et qui est adressée ‘Aen de koddige Geestjes deser tegenwoordige eeuw’ (Aux jolis esprits facétieux du siècle) comprend un très court résumé du contenu de la traduction, qui se compose de la partie dont nous ignorons toujours l'auteur et de la continuation qu'en a donnée H. de Luna. Comme les chapitres sur le frère de la Charité (Chap. IV) et sur le distributeur de bulles (Chap. V) se trouvent dans cette traduction, il est évident que ce n'est pas l'édition châtiéeGa naar voetnoot(3) qui a servi de base à ce travail. Le traducteur n'a pas respecté la division primitive en sept Tratados, mais, conformément à la version française de SaugrainGa naar voetnoot(4), il a réparti le tout en trente et un chapitres. Quant à la façon dont notre compatriote s'est acquitté de sa tâche, nous avons pu constater que son travail correspond parfois assez exactement à l'original. Pour s'en convaincre on n'aura qu'à comparer les passages suivants:
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Cependant, au lieu de s'en tenir servilement au modèle castillan, le traducteur a apporté des additions ou des amplifications là où cela lui semblait nécessaire à l'intelligence du texte et même il a donné des explications qu'il jugeait utiles et qui ne sont pas toujours flatteuses pour les Espagnols. C'est ainsi qu'il intercale les passages suivants:
In Spanje leyt men ghemeenlyck sneetjes broodt in de braedtpan, onder 't ghebraedt, dat zy, bedruypt zijnde, voor een leckernij eetenGa naar voetnoot(5). | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
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... Vermits het voor een die kreupel is, qualijk is mank te gaan...Ga naar voetnoot(1). ... daar ik mijn pens dan wel voor 6 dagen vulde...Ga naar voetnoot(2). ... en zijn rapier op zy hangende, zei my, volgens der Spanjarts gewoonte, die altijd menen dat zij 't beste geweer hebben...Ga naar voetnoot(3). De Spaangiaart is soo zot; dat hij meint dat men met hem spot als men tot hem zeght int groeten, Godt wil u bewaren: want hij wil dat men zeg, Bezo las manos, SeñorGa naar voetnoot(4).
Fort souvent le traducteur a recours à une tournure pittoresque pour rendre l'équivalent espagnol. Qu'on compare les passages suivants:
Parfois la traduction est fautive; qu'on compare:
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Outre les fautes relevées qui sont parfois un contresens du texte original, on trouve à chaque page de la traduction des omissions et des négligences qui prouvent que le travail a été fait avec trop de hâte. Quelques exemples seulement à l'appui de ce que nous avançons. Le traducteur rend la phrase espagnole: porque siempre traia pan, pedazos de carne, y en el invierno leños á que nos calentábamosGa naar voetnoot(11) par: voornamentlijk als hy in de winter hout bragt om ons by te wermenGa naar voetnoot(12); la suite: de manera que continuando la posada y conversacion, mi madre vino á darme un negrito muy bonitoGa naar voetnoot(13), par: 't Quam dan zoo verr, dat mijn Moeder gelegentheidt kreegh, om een jongh Moorken te makenGa naar voetnoot(14).
La phrase: y que le rogaba me tratase bien y mirase por mí, pues era huérfanoGa naar voetnoot(15), a été omise. D'autres omissions se trouvent dans:
Y adestró en la carrera de vivirGa naar voetnoot(16). En su oficio era un águilaGa naar voetnoot(17). Arrimábase á este refran: mas da el duro que el desnudoGa naar voetnoot(18); desgranábasele el racimo en la manoGa naar voetnoot(19). | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
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... ó poste de piedra que en la plaza estaba, sobre el cual y sobre otros cargaban saledizos de aquellas casas, y dijeleGa naar voetnoot(1). ... ni curé de lo saberGa naar voetnoot(2). El mal ciegoGa naar voetnoot(3) se traduit tantôt par: den trepelfeestGa naar voetnoot(4); tantôt par: den schalken blindenGa naar voetnoot(5), ou par: dien gheveinsdenGa naar voetnoot(6).
Il nous reste à constater l'emploi de certaines expressions ou tournures typiques ou de termes fort curieux qui cadrent bien avec la donnée générale de l'opuscule et y donnent une certaine saveur.
Les citations et les comparaisons précédentes, les fautes et les négligences que nous avons relevées, suffisent à caractériser la valeur du travail par rapport au texte espagnol. En effet, la traduction hollandaise n'est qu'un pâle reflet de l'original. En outre le langage n'est point énergique, il y manque le charme qui émane du chef-d'oeuvre espagnol, et une des qualités essentielles du style castillan, l'ampleur, y fait défaut. On peut faire une exception pour les chapitres où Lazare parle du distributeur de bulles et de ses expédients. Dans cette partie-là l'écrivain hollandais atteint la hauteur de son modèle et il réussit à nous faire goûter un plaisir identique à celui que nous procure la lecture de la partie correspondante du texte original. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
Mateo AlemanHet Leven van Gusman d'Alfarache, 't Afbeelsel van 't Menschelyck Leven: Onder de gedaente van een Spaenschen Landt-looper en Bedelaer. Waar in de alder-gheslepenste Fiel- | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
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terijen en de Schelmstucken der Wereldt vermakelijck yder een ten nut werden ontdecktGa naar voetnoot(1).
Dans la préface de la première partie, le traducteur anonyme, après avoir fait un exposé sommaire de l'ouvrage, engage ses lecteurs à aimer Gusman d'Alfarache dont les aventures ont tellement fait les délices des Espagnols que l'ouvrage a été réimprimé plus de vingt-cinq fois. Nous traduisons son texte hollandais: Il faut l'aimer, dit-il, et non pas le haïr, parce qu'il est Espagnol et mendiant ou parce qu'il s'est joué de tout le monde, car, outre que l'histoire de sa vie et la description des villes qu'il a vues nous donneront de l'agrément, le profit pratique que chacun de nous pourra en retirer ne sera point à dédaigner. Il ajoute qu'il lui a ôté son vêtement espagnol en retranchant ce qu'il jugeait superflu et qu'il a adapté par là le modèle castillan au goût du public hollandais. Par cette préface nous sommes déjà renseignés quelque peu sur la tâche que s'est imposée notre compatriote en entreprenant son travail. La comparaison minutieuse de la traduction avec l'original espagnol nous a appris qu'il ne s'est pas écarté de la voie qu'il s'était tracée. En général il a respecté l'oeuvre castillane en relatant fidèlement les aventures du personnage principal; mais outre qu'il a supprimé dans la première partie l'histoire d'Ozmín y Daraja, il l'a aussi débarrassée d'une bonne partie des réflexions morales, des digressions, des sentences, des dissertations, des anecdotes et des sermons qui ne font que ralentir le récit. Voici quelques-unes de ces omissions:
Hay diferencia entre buena voluntad, amistad y amor. Buena voluntad es la que puedo tener al que nunca vi ni tuve dél otro conocimiento que oir sus virtudes ó nobleza ó lo que pudo y bastó moverme á ello. Amistad llamamos á la que nos hacemos tratando y comunicando ó por prendas, que corren de por medio. De manera, que la buena voluntad se dice entre ausentes y amistad entre presentes. Pero amor corre por otro camino. Ha de ser forzosamente recíproco, traslación de dos almas, que cada una dellas asista más donde ama, que adonde anima. Este es mas perfecto, cuanto lo es en el objeto; y el verdadero, el divino. Asi debemos amar á Dios sobre todas las | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
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cosas, con todo nuestro corazón y de todas nuestras fuerzas, pues él nos ama tanto. Después deste, el conyugal y del prójimo. Porque el torpe y deshonesto no merece ni es digno deste nombre, como bastardo. Y de cualquier manera, donde hubiere amor, ahï estarán los hechizos; no hay otros en el mundo. Por él se truecan condiciones, allanan dificultades y doman fuertes leones. Porque decir que hay bebedizos ó bocados para amar, es falso. Y lo tal sólo sirve de trocar el juicio, quitar la vida, solicitar la memoria, causar enfermedades y graves accidentes. El amor ha de ser libre. Con libertad ha de entregar las potencias á lo amado. Que el alcaide no da el castillo, cuando por fuerza se lo quitan, y el que amase por malos medios, no se le puede decir que ama, pues va forzado adonde no le lieva su libre voluntadGa naar voetnoot(1). (Dissertation sur la bonne volonté, l'amitié et l'amour.) Esto tienen las de los que han sido ricos, que siempre vale más el remaniente, que el puesto principal de las de los pobres, y en todo tiempo dejan rastros, que descubren lo que fué, como las ruinas de RomaGa naar voetnoot(2). No sé qué lo hizo, si es que por ventura las melancolías quiebran en sueño, como lo dió á entender el montañés, que Ilevando á enterrar á su mujer, iba en piernas, descalzo y el sayo al revés, lo de dentro afuera. En aquella tierra están las casas apartadas y algunas muy lejos de la iglesia y, pasando por la taberna, vió que vendían vino blanco. Fingió quererse quedar á otra cosa y dijo: ‘anden, señores, con la malograda, que en un trote los alcanzo...’ Así se entró en la taberna y de un sorbito en otro emborrachóse y quedóse dormido. Cuando los del acompañamiento volvieron del entierro y lo hallaron tendido en el suelo, lo llamaron. El, recordando, les dijo: ‘¡ mal hora!, señores, perdonen sus mercedes, que ¡ ma Dios ! non hay así cosa, que tanta sed y sueño poña como sinsaborias...Ga naar voetnoot(3) (Anecdote). Quísome parecer á lo que aconteció en la Mancha con un médico falso. No sabía letra ni había nunca estudiado. Traía consigo gran cantidad de recetas, á una parte de jarabes y á otra de purgas. Y cuando visitaba algún enfermo, conforme al beneficio que le había de hacer, metía la mano y sacaba una, diciendo primero entre sí: ¡ Dios te la depare buena ! y asi le daba la con que primero encontraba. En sangrías no había cuenta con vena ni cantidad, mas de | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
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á poco más ó menos, como le salía de la boca. Así se arrojaba por medio de los trigosGa naar voetnoot(1). (Anecdote). Había y comía, que los duelos con pan son menosGa naar voetnoot(2) (Dicton). Como sucedió á un hidalgo cobarde, que, habiendo sido demasiado en confianza de su dinero con otro hidalgo de valor, viendo que sus fuerzas y ánimo eran flacos, quiso valerse de un mozo valiente que lo acompañaba. Aconteció que, como una vez echase su enemigo mano para él, su criado lo defendió con pérdida del contrario, que lo retiró en cuanto su señor se puso en salvo. Y en esta cuestión perdïó el mozo el sombrero y la vaina de la espada. Esto se pasó. Fuése á su posada. Mas nunca el amo le satisfizo la pérdida ni lo adelantó en cosa alguna. Y como viniese otra vez con un palo y le diese de palos el de la cuestión pasada, el criado se estuvo quedo, mirando cómo lo aporreaban. El amo daba voces pidiendo socorro, á quien el mozo respondió: ‘vuesa merced cumple con pagarme cada mes mi salario y yo con acompañarle como lo prometí y el uno ni el otro no estamos á más obligado’. Asi que, si quieres que salgan de su paso, aventajándose en tu servicio, de lo que pierdes tan desbaratadamente, gánales las voluntades, que será ganar no te roben la hacienda, defiendan tu persona, ilustren tu fama y deseen tu vidaGa naar voetnoot(3). Una verdadera señal de nuestra predestinación es la compasión del prójimo. Porque tener dolor del mal ajeno, como si fuese proprio, es acto de caridad, que cubre los pecados y en ella siempre habita Dios. Todas las cosas con ella viven y sin ella mueren. Que ni el don de profecía ni conocimiento de misterios ni ciencia de Dios ni toda la fe, faltando caridad, es nada. El amar á mi prójimo, como me amo á mí, es entre todos el mayor sacrificio, por ser hecho en el templo de Dios vivo. Y sin duda es de gran merecimiento recibir uno tanto pesar de que su hermano se pierda, como placer de que el mesmo se salve. Es la caridad fin de los preceptos. El que fuere caritativo, el Señor será con él misericordioso en el día de su justicia. Y como nada merezcamos por nosotros y ella sea don del cielo, es necesario pedir con lágrimas que se nos conceda y hacer obras con que alcanzarla, humedeciendo la sequedad hecha en el alma y durezas del corazón. Que no será desechado el humillado y contrito; antes le acudirá Dios con su gracia, haciéndole señaladas mercedes. Y aunque la riqueza, por ser vecina de la soberbia, es ocasión á los vicios desfla- | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
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queciendo las virtudes, á su dueño peligrosa, señor tirano y esclavo traidor, es de la condición del azúcar, que, siendo sabrosa, con las cosas calientes calienta y refresca con las frías. Es al rico instrumento para comprar la bienaventuranza por medio de la caridad. Y aquel será caritativo, verdaderamente rico, que, haciendo rico al pobre, se hiciere pobre á sí, porque con ello queda hecho discipulo de CristoGa naar voetnoot(1). (Dissertation sur la charité.)
Des deux premiers chapitres de la deuxième partie où Guzman motive la continuation de ses aventures et où il parle des occupations chez l'ambassadeur de France, il n'y a presque pas de trace dans la traduction hollandaise. Le chapitre dans lequel Saveedra, le confident et faux ami de Guzmán, lui raconte l'histoire de sa vie, a été fortement abrégéGa naar voetnoot(2), de même que le récit du tour que Guzmán joue à son oncle avant son départ d'ItalieGa naar voetnoot(3). La triste histoire de la veuve qui prend une terrible vengeance sur celui de ses deux amoureux qui parvient à l'épouser en se servant de moyens malhonnêtes, a été supprimée par le traducteurGa naar voetnoot(4), de même que l'émouvant récit de la belle et chaste DorothéeGa naar voetnoot(5), lequel a dû servir à consoler Guzmán de la perte de Saveedra qui, dans un accès de folie, s'est jeté à la mer. Dans la seconde partie nous pouvons aussi signaler plusieurs dissertations supprimées par le traducteur, mais comme elles occupent plusieurs pages, nous ne les citerons pas et nous nous contenterons d'y renvoyer le lecteurGa naar voetnoot(6). Les omissions précédentes, tout en laissant intacte l'essence de l'ouvrage, l'ont rendu plus attrayant pour le public hollandais et lui ont fait gagner la sympathie de beaucoup de nos compatriotes. En effet en trois ans il a été réédité jusqu'à trois fois, ce qui marque un prodigieux succès et qui est une preuve manifeste de sa grande popularité en Hollande. Si d'une part l'auteur hollandais a cru nécessaire, et fort justement, de faire de si grandes coupures dans l'original, d'autre part il a aussi jugé superflu de faire beaucoup d'additions. Toutefois il s'en trouve par-ci par-là, et bien qu'elles ne soient pas d'une grande importance, nous ne manquerons pourtant pas de les indiquer. Les voici: | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Myn Vader doen, die in een Cabinet al dit spel. gehoort hadde, het geval dusdanig den toelegh begunstighende, ontsluyt een Deur, daer door hij uyt syn Cabinet by mijn Moeder tradt, als wanneer de gemaeckte smerten verdweenen, en de ware sich openbarende, van den rechten Doctor wierden genesen: blijvende alsoo de twee Gelieven ontrent de twee uyren bij malkanderGa naar voetnoot(1). Dus geneerden sy haer ten besten dat sy konden: maer daer wierdt meer verteert als gewonnen: eene won, vele verteerden: diere Jaren quamen: het Woecker bracht weynigh op, en de Correspondenten waren weynigh, en noch minder sekerGa naar voetnoot(2). Tot haer eygen schade, want wy loghen der een hoopen by, en ick ende de Waerdt wisten hier in op malkander te passen als de Klock op het voorslaghGa naar voetnoot(3). ... op hoop van meerder winst willende aenvangen, ging ick een grouwelik etterig been toemaken, bewindende het selve met vuyle doecken, daer een spongie met bloedt en melk gevult, als een loopende Fistel uyt quam kyckenGa naar voetnoot(4). Hij geloofden 't, en dede het dadelyck, en 't was of syn Ziel te Kermis gingh soo vrolick was hyGa naar voetnoot(5). ... vluchtende myn by-zyn, latende my alleen te Bedt en aen Tafel, haer selfs uyt-hongerende, omdat sy wiste dat ick haer lief hadde, en my by gevolghe sulcks smerte, ende al met sulcken drift, dat sy my voor een Opsnapper ende Doorbrenger, die een Boel hieldt, uytmaeckte, ende in dier voegen verscheyde Buyren-geruchten verweckte, ja 't gingh soo verre, dat sy haer, om beyde met Lyf en Goedt van my te scheyden, naer een Advocaat begaf, om te weten wat haer daer toe te doen stondt, sonder na Vader of Vrienden redenen het oor te willen neyghenGa naar voetnoot(6).
La plupart du temps le traducteur s'est bien rendu compte du sens de l'original et rarement il y a des fautes réelles dans son travail. Toutefois il y en a. C'est ainsi qu'il traduit:
Agregados á la noblezaGa naar voetnoot(7), par: bevoorrechte EdelenGa naar voetnoot(8). Aunque ya tenía de doce años adelanteGa naar voetnoot(9), par: zynde nauwelycks noch twaelf Jaren oudtGa naar voetnoot(10). Quiso Dios y enhorabuena que los montes parieron un ratónGa naar voetnoot(11), par: Ten laetsten wilde Godt dat de Bergen baren soudeGa naar voetnoot(12). | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Que en les entrañas de la dura piedra sustentas un gusanoGa naar voetnoot(1), par: die uyt een harde steen een Vlietje dede ontspruytenGa naar voetnoot(2). Nunca fuí chismoso ni descubrí secreto, aunque no me lo encargaranGa naar voetnoot(3), par: en verklickte noyt yets dat my verboden was te openbarenGa naar voetnoot(4). Vuestros amores, hermana Lucía, malenojado me han, comenzaron por silla y acabaron en albardaGa naar voetnoot(5), par: Lief, u liefde heeft my meer als te veel verobligeert, zy begost als roock, ende verdween als windt, ick begin metter tyd te leerenGa naar voetnoot(6).
Toutes ces fautes se rapportent à la première partie, tandis que dans la deuxième nous n'avons pas pu constater des erreurs de traduction. Dans le choix de ses termes et de ses tournures de phrases le traducteur a souvent eu la main heureuse. Citons comme échantillons de jolies versions et de traductions pittoresques les passages suivants:
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Parfois le traducteur par une courte addition nous renseigne sur un livre en vogue à cette époque. Qu'on compare:
... leíamos librosGa naar voetnoot(3), lasen wy in Amadis de GauleGa naar voetnoot(4).
De même que dans la traduction de Lazare de Tormes, il faut signaler ici une tendance à employer des termes crus là où l'original s'exprimait avec beaucoup plus de délicatesse. Pour s'en convaincre on n'a qu'à examiner les passages suivants:
Disons en terminant que l'auteur espagnol s'exprime avec beaucoup plus de chaleur et de passion que son imitateur hollandais. Qu'on compare:
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En somme, notre compatriote, grâce à sa connaissance approfondie de la langue castillane, grâce à son goût et grâce aussi à son talent de conteur, a réussi à faire une traduction attrayante, d'un style énergique, concis et limpide, laquelle, tout en n'étant qu'un abrégé de son modèle, ne laisse pas de nous renseigner amplement sur les faits et gestes de Guzmán, le pícaro, et sur les pays où il a roulé sa bosse. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
De Holbollige BuskonGa naar voetnoot(3)Vermakelyke Historie van den koddigen BusconGa naar voetnoot(4)Les deux éditions précitées, publiées à un intervalle de plus d'un demi-siècle, reproduisent l'ouvrage espagnol intégralement, si l'on en excepte un petit nombre d'additions, d'amplifications et de pages supprimées. Pour ce qui est de la fin des deux versions hollandaises, elle s'écarte tout à fait de celle du roman espagnol. Tandis que chez Quevedo, Buscon, après de nouvelles aventures, part pour les Indes afin d'y mejorar su suerteGa naar voetnoot(5), les deux traducteurs terminent la vie mouvementée du pícaro par un heureux mariage qu'il a su conclure avec la fille d'un riche marchand. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Un jour, à peine arrivé à Séville, il aperçoit à une fenêtre une très jolie fille dont il s'éprend éperdument. S'étant fait engager comme domestique dans la maison qu'elle habite, il réussit à gagner ses faveurs par toutes sortes de ruses et il finit par l'épouser. Or, cette addition étant tout à fait identique dans les deux textes hollandais et comme on y a supprimé les mêmes parties de l'oeuvre espagnole, entre autres celle où Buscon raconte qu'une prétendue parenté avec le geôlier l'a fait sortir de la prison à MadridGa naar voetnoot(1), et le passage où Buscon courtise une religieuseGa naar voetnoot(2), on serait disposé à croire que les deux traducteurs ont puisé à la même source. Cependant cette conclusion est erronée, parce que le traducteur de l'édition de 1699, dit expressément dans sa préface qu'il a travaillé d'après une nouvelle version française publiée à Bruxelles en 1698Ga naar voetnoot(3). L'auteur de la traduction de 1642 n'a pu avoir connaissance par conséquent de cette source, mais lui aussi peut avoir eu sous la main une édition antérieure à peu près identiqueGa naar voetnoot(4). C'est ce qu'il ne veut pas reconnaître, puisque le titre de son ouvrage porte: Uit het Spaens vertaalt; cependant il est possible qu'il ait consulté et une version française et le texte castillan. Une question se pose: pourquoi le traducteur français a-t-il modifié la fin du roman espagnol? Il me semble qu'il y a simplement apporté ce changement parce qu'il le trouvait plus conforme au goût du public pour lequel il écrivait. En effet, la dernière partie de la traduction est de beaucoup plus attrayante que celle du texte de Quevedo. La passage où il est question de la cour que Pablo fait à une religieuseGa naar voetnoot(5) n'est point intéressant, et si en Espagne il n'a peutêtre pas blessé les croyants, les lecteurs français auraient pu s'en offusquer. C'est ce qui peut avoir amené le traducteur à le supprimer. L'arrivée de don Diego, l'ancien condisciple, ami et maître du Buscon, comme un deux ex machina pour empêcher le mariage de Pablo avec une jeune fille du mondeGa naar voetnoot(6), dont il est question dans l'oeuvre espa- | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
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gnole, a peut-être paru trop peu vraisemblable au traducteur pour qu'il s'en servît. La version française de 1698, que nous n'avons pu consulter, doit avoir été très bonne, puisque la traduction hollandaise de ce texte est assez près de l'original espagnol. Qu'on compare, par exemple, le passage suivant du texte castillanGa naar voetnoot(1), celui de la version de 1642 et celui de 1699. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
Texte castillan.Los ojos avecinados en el cogote, que parecia que miraba por cuévanos; tan hundidos y escuros, que era buen sitio el suyo para tienda de mercaderes; la nariz entre Roma y Francia, porque se le habia comido de unas buas de resfriado; que áun no fueron de vicio, porque cuestan dinero; las barbas descoloridas de miedo de la boca vecina, que, de pura hambre, parecia que amenazaba á comérselas; los dientes le faltaban no sé cuántos, y pienso que por holgazanos y vagamundos se los habian desterrado; el gaznate largo como avestruz, con una nuez tan salida, que parecia se iba á buscar de comer, forzada de la necesidad; los brazos secos; las manos como un manojo de sarmientos cada unaGa naar voetnoot(2). | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
Texte de 1642.Syn oogen stonden hem soo diep en doncker in de kop, dat heur holen bequaem waren voor winckelen van Waren diemē niet gaern besien heeft, om de luyden te beter te bedriegen: de neus was so plat, of 'er met een hamer op gheslaghen was: syn baert begon grys te worden, niet soo seer door ouderdom, als door vreese dat se so dicht by syn verhongerde mond was, die haer alle ommesien dreyghde in te slocken; hy had geen ses tanden in de mond, waer in men sagh als in een verbrandt dorp, syn hals was soo langh als een vogelstruyshals: syn armen waren so dor als stock-visschenGa naar voetnoot(3). | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
Texte de 1699.Hy had de oogen so diep in syn voorhoofd staan, en deselve waren so donker, dat haar huis heel bequaam soude geweest zyn om winkels van oude kleer-verkopers van te maken, waar in men | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
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niet een steek sien kan, om de werelt te beter te bedriegen; een ingevalle neus, gelyk of men 'er hem met een hamer opgeslagen hadt, syn baard begon te grysen, niet so veel van ouderdom, als door de vreese diese hadt, dat se so na-gebuur van syn hongerachtige mond was, denwelke haar alle oogenblik dreygde in te slokken; hy had geen ses tanden in den mondt, syn hals of strot was so lang als die van een struysvogel, magere armen en handen als van een geraamteGa naar voetnoot(1).
Il ressort de façon évidente de ces citations que le traducteur français est resté aussi fidèle au texte primitif que D.V.R., l'auteur de la version de 1642. Outre l'analogie des suppressions, des additions et des amplifications dont nous donnerons plus loin quelques exemples, les deux traductions hollandaises ont ceci de commun que les noms propres espagnols y ont toujours subi le même changement. Dans l'ouvrage espagnol les parents de Buscon s'appellent Clemente Pablo et Aldonza Saturno de Rebollo, dans les deux versions hollandaises, Ysidor et Roskilla ou Roquilla; Cabra est le nom du terrible professeur chez qui on a mis en pension Buscon et son ami Don Diego Coronel; dans les deux oeuvres néerlandaises on parle de Ragot. Puis les titres des différents chapitres, qui, contrairement à l'oeuvre castillane, ne portent pas de numéro, s'étendent beaucoup plus sur leur contenu que ce n'est le cas dans le texte primitif. Nous avons déjà parlé des suppressions dans les deux versions hollandaises, donnons maintenant quelques exemples d'additions:
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Fort rarement nous avons trouvé une traduction fautive. En voici quelques-unes:
Dans le texte de 1642 ce passage est bien rendu:
... zoo bad hy, ziende dat 'er een sport daer hy op trad, uyt sprong, de Heeren van 't gerecht, dat se die toch voor een ander, die niet zoo kloekmoedig was als hy, vermaken zoudenGa naar voetnoot(11). | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Texte espagnol.Un clérigo muy viejoGa naar voetnoot(1) y suspirando más que beata en sermon de cuaresmaGa naar voetnoot(2). | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
Texte de 1642.Zeker oudmanGa naar voetnoot(3) suchtende meer dan een geveynsde in een predicatie van de vastenGa naar voetnoot(4). | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
Texte de 1699.Seker oud ManGa naar voetnoot(5) suchtende als hy by haar was, meer als een overgelovige in een Sermoen in de vasten doedGa naar voetnoot(6).
D'autre part il y a bon nombre de traductions pittoresques et typiques, ce qui fait qu'ici nous avons réellement l'embarras du choix. Qu'on compare: | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
Texte espagnol.¡ Mal te haga Dios y lo que has comidoGa naar voetnoot(7). ... y estábamos malos de achaque de no haber hecho de nuestras personas en tres diasGa naar voetnoot(8). ... cuando desperté halléme sucio hasta las trenzasGa naar voetnoot(9). | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
Texte de 1642.Dat je de duyvel een rockje nayGa naar voetnoot(10). Wy beslooten dan t' veynsen dat het ons in de buyk schorte, omdat wy in geen dry dagen op 't traraarhuys geweest warenGa naar voetnoot(11). In voegen dat ik my, weer wakker wordende, van een stinkkende materie beheunight vondGa naar voetnoot(12). | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
Texte de 1699.Dat u de quaade doot verstikkeGa naar voetnoot(13). Invoegen dat ik wakker wordende, my met een stoffe, die heel besmettelyk is, gansch geamalieert vondtGa naar voetnoot(14).
Dans les deux traductions le langage est riche en expressions d'un réalisme on ne peut plus dégoûtant, ce que les citations suivantes prouveront amplement: | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Texte espagnol.Roguéle que me declarase si pudiera habelle desmentido con verdad, ó que me dijese si me habia concebido á escote entre muchosGa naar voetnoot(1). Yo con esto quedé como muertoGa naar voetnoot(2). Luégo se proveyó sobre lo dichoGa naar voetnoot(3). EnseñólosGa naar voetnoot(4). | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
Texte de 1642.Ik bad haer dan dat se my sou seggen, of ick 't hen wel heeten liegen mocht, en of ik aen een boom gepist wasGa naar voetnoot(5). Op deze woorden sweegh ick soo stil, als een die in syn broeck ghescheten heeftGa naar voetnoot(6). Daer na streek zy zyn broek los, en layder een mooye pastay inGa naar voetnoot(7). Ziet daer beziet het, zeyde hy, en liet, zyn gelapte rok wat op doende, een oud bepist onderbroekje zien, dat niet goet genoeg was om 'er een molik in de Karsseboom van te makenGa naar voetnoot(8). | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
Texte de 1699.Ik bad haar mitsdien dat sy my soude willen seggen, of ik deselve persoonen konde leugenachtig maaken? Of zy my per extraordinare, dat is te seggen, buytens beens gewonnen hadtGa naar voetnoot(9). ... wyders so streek hy syn broek af, en kakte in de doosGa naar voetnoot(10). ... siet daar is se, seyde hy, lichtende de slippen van syn lange rok op, en toonende een oude bepiste broek, dewelke niet te goet was om een molik op de zaad of hennip-akkers mede te bekleedenGa naar voetnoot(11).
Toutefois malgré ces passages trop crus pour les lecteurs modernes, nous pouvons dire que les deux écrivains hollandais ont enrichi la littérature picaresque néerlandaise de deux ouvrages d'un style fort énergique et agréable, et qui ne sont pas bien inférieurs à l'oeuvre immortelle de Quevedo. L'édition de 1642 a été dédiée à ‘Mlle K: T., Onsuyver Schepsel’ (Créature impure), parce que, d'après D.V.R., les faits et gestes de Buscon correspondent beaucoup à la conduite légère d'une prostituée. Reste un dernier point à élucider, savoir pourquoi nos deux compatriotes se sont servis d'une version française et non pas de l'original espagnol. L'auteur de l'édition de 1699 dit dans la préface de la traduction qu'il ne comprend pas l'espagnolGa naar voetnoot(12), et quant à celui de 1642, il peut, nous l'avons déjà dit, avoir mis à contribution l'original castillan aussi bien que la première version française. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
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De Seviljaensche Harpije of het leven der doorslepen bedriegersGa naar voetnoot(1).Cette traduction de la célèbre Garduña de Sevilla est précédée d'une dédicace aux peintres d'Amsterdam. On est un peu surpris en lisant les motifs qui ont amené Bay à leur dédier son travail. Il y a beaucoup d'analogies, dit-il, entre la peinture et la vie menée par la Garduña: les défauts de son éducation, l'habileté et l'adresse acquises en exerçant son métier de voleuse, la sûreté de main avec laquelle elle dirige ses entreprises quand l'expérience l'a mûrie, tout cela rappelle le pinceau du peintre qui dans ses premiers tâtonnements ne produit rien de bon, mais qui, perdant peu à peu sa faiblesse du début, finit par créer des chefs-d'oeuvre, fruits d'un talent arrivé à son plein développement. Bay ajoute que la conduite honteuse de son héroïne doit exciter la pitié par le seul fait qu'il s'agit d'une femme, tandis que l'histoire de sa vie contient une leçon de morale, savoir qu'il faut fuir le mal et tâcher de faire le bien. Si cette étrange dédicace ne nous satisfait guère, la traduction en revanche est excellente. Les premières lignes de la traduction - le portrait de la Garduña -, il est vrai, ne correspondent pas exactement à l'oeuvre espagnole, mais la plus grande partie du reste est une fidèle reproduction du roman. Voici le portrait de la Garduña dans les deux textes et quelques autres passages pour montrer comment Bay s'est acquitté de sa tâche.
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Quant aux récits épisodiques, notre compatriote a remplacé le dernier A lo que obliga el honor par une traduction très exacte d'une des Novelas ejemplares de Cervantes, La ilustre fregona. Nous avons tâché en vain de trouver la raison de cette substitution. S'explique-t-elle par ce que La ilustre fregona est de beaucoup supérieure à l'autre nouvelle, ou bien l'auteur hollandais aurait-il seulement pensé à un succès de librairie, en d'autres termes, le remplacement n'est-il dû qu'au souci de captiver les lecteurs ou d'en gagner? Quoi qu'il en soit, il est à regretter que l'ouvrage de Solórzano n'ait pas été reproduit intégralement. La comparaison des passages précités suffirait à caractériser le travail de Bay; cependant, comme nous y avons trouvé nombre de traductions pittoresques ou typiques, nous nous faisons un devoir d'en relever les principales. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Parfois Bay traduit fort librement, mais il a toujours soin de ne pas perdre de vue le sens du texte espagnol. Qu'on compare:
Par-ci par-là il y a des passages abrégés ou supprimés:
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Exemples de suppressions... Y así este cuidado como su amor no le daban un punto de sosiegoGa naar voetnoot(4). ... Y lo quedó el Marqués de ver que la fineza de su amor olvidase la comodidad del caminar, cuando todos pensaban que escogería litera como él la Ilevaba o que no fueraGa naar voetnoot(5). ‘Así es-dijo don Pedro-, para que no tengáis recelo ninguno; que a no aseguraros desto pudierais tener alguna inquietud, y no sólo vos, mas el mismo Narciso; que con mi gala y entendimiento no hay en el orbe quien compita.’ ‘Ese conocimiento me queda-dijo Leopoldo- en lo poco que ha que os he visto, y así, fiado en vuestra palabra, me aseguraré, lo que sin ella no hiciera’Ga naar voetnoot(6). Rufina y su amante, escondidos de los ojos de Garay, a lo menos ella, vivían en Madrid casados, porque luego que Ilegaron se hizo la boda. Garay había pasado a Alcalá, donde le habían dicho que estaba su mujer, y no la hallando allí comenzó a acompañarse de gente del araño, y así tuvo la medra, porque siendo hallados en un hurto todos pasaron por la pena de azotes y seis años de galeras; fué llevado a Toledo en la cadena, y allí, entendiendo que estaba Rufina, la escribió un papel en que la pedía que pues por su industria había granjeado lo que tenía, se doliese de su trabajo y le sacase dél redimiéndole de las galeras con dar un esclavo en su lugar, que esto se hacía cada día. El portador del papel buscó a Rufina en la calle donde le dijeron, mas luego supo de los vecinos de su casa su mudanza, con que el buen Garay, cargado de hierros, de años y de trabajos, fué a ser batanador del agua y criado de Su Majestad con otros muchos que no pretendieron aquel cargoGa naar voetnoot(7). | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Nous croyons que Bay aurait mieux fait de traduire ce dernier passage parce que la triste fin du bandit Garay aurait pu donner du poids à la leçon de morale qui se dégage de la Garduña et sur laquelle il fixe l'attention dans sa dédicace. Rarement la traduction est fautive. Citons:
Le nombre d'additions n'est pas grand dans cette traduction. Nous n'avons relevé que les suivantes:
... Die voor de twedemael haer Man kroonde met pluimen daer men de aentreckers van maecktGa naar voetnoot(7). ... Daar men in 't tegendeel de milde handt dan hoort te openen, en de ontfangen zegen weder rykkelyk uit te meten, en vrinden te maken met het verganckelyck, die onverganckelyck aen de deugt en miltheidt verbonden blyvenGa naar voetnoot(8).
Somme toute, notre compatriote a doté la littérature picaresque néerlandaise d'un ouvrage d'une lecture facile et attrayante et qui, pour la vivacité et la clarté du style, le choix d'expressions typiques et la propriété des termes, mérite d'être tiré de l'oubli où il est tombé. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
Het leven van Ruffine of het Weseltje van SivilienGa naar voetnoot(9)Cette édition de La Garduña de Sevilla est précédée d'un long avant-propos dans lequel le traducteur démontre avec beaucoup d'esprit combien l'influence d'une femme perverse est pernicieuse pour tous | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
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ceux qui se laissent éblouir par les charmes de sa jolie figure. Le roman de Rufina contient, dit-il, une leçon et un amusement à la fois. Une leçon parce qu'il nous apprend à être sur nos gardes contre un amour qui ne repose pas sur la connaissance approfondie des qualités psychiques, mais qui ne doit sa naissance qu'à la beauté des traits de l'être chéri. Le roman nous divertit grâce au talent de l'auteur qui décrit brillamment nombre d'incidents amusants et de jolies amourettes, alternant avec d'agréables poésies. Toutefois il est évident que pour le traducteur le grand intérêt de l'ouvrage réside surtout dans la leçon de morale qu'on peut en dégager. Lui a très bien compris et apprécié la tendance moralisatrice de cette oeuvre, et c'est ce qui a dû l'amener à la faire connaître à ses compatriotes. Il s'ensuit que le travail dont il s'est chargé, il l'a seulement entrepris dans un but humanitaire, non pas certes dans l'intention de fournir à ses lecteurs un agréable passe-temps. C'est là une chose du plus grand intérêt, parce qu'il en résulte que l'écrivain hollandais est parvenu à pénétrer dans la pensée de l'auteur espagnol dont il a épousé les idées pour les propager avec tout l'enthousiasme dont il était capable. Dans la première traduction hollandaise, citée plus haut, la conclusion de l'auteur est de beaucoup plus faible que dans celle-ci, tandis que la leçon de morale n'y est relevée qu'en passant. Aussi nous sommes disposé à croire que le premier traducteur n'a pas senti le véritable intérêt de cet ouvrage et qu'il l'a tout bonnement considéré comme un simple amusement. Ce qui nous confirme dans cette opinion, c'est précisément la substitution nullement motivée de la nouvelle que nous avons déjà signalée. Quant à la traduction elle-même, l'auteur hollandais, sans suivre servilement l'original, s'est pourtant appliqué à en rendre fidèlement le sens et l'esprit, ce que permettent de constater les passages suivants:
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Cette version de la Garduña compte aussi nombre de traductions pittoresques, parmi lesquelles nous citerons les suivantes:
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Il n'y a pas beaucoup d'additions dans le travail de notre compatriote. Voici celles que nous avons trouvées:
... en versocht haer, daer een naermiddag slaepje op te willen neemen, dat een gewoonte is, die de Spangiaerts in de soomer onderhouden, soo dra sy haer middaghmael genuttight hebben van wegen de groote hitte in dat LantGa naar voetnoot(1). Alexander miste niet van sich daer te laten vinden: in die hoop van de gene te ontmoeten, die hy beminde...Ga naar voetnoot(2). Maer de jonge lieden hedensdaegs maeken nergens swarigheyt in, en dienen hen van de Kerken, als van de Winkels der Kramers, tot een groote schande van onsen GodtsdienstGa naar voetnoot(3). Dese Juffer hadde al hare ingetoogenheyt op den Tuyn gehangen, dewyl sy de afsynde, de laetste gunst had laaten genieten, dat eene vermoogende oorsaek was, om haer in de trouwe die sy hem belooft had te doen volharden, te meer, dewyl zy dit niet breeken konde, sonder haer eygen eer te schendenGa naar voetnoot(4). Isabelle kende syn verstoortheyt; daer sy ongemeen door beroert was, en naer sich selven beschuldigt te hebben, beschuldigde sy ook den Hemel, die ondertusschen tegens haer verwachting haer minnaer begunstighdeGa naar voetnoot(5).
Si la récolte des additions est fort maigre (le roman compte plus de quatre cents pages), en revanche l'auteur hollandais écrit avec une prolixité insupportable qui forme un grand contraste avec la concision de l'ouvrage espagnol. C'est ce qu'attesteront les exemples suivants:
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Parfois le traducteur se sert d'un procédé dont nous n'avons trouvé d'exemple dans aucune autre version et qui consiste à renverser l'ordre des idées du texte espagnol. Qu'on compare:
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Souvent notre compatriote se permet des suppressions:
A este paraje fué en la cadena que sale de los galeotes de la imperial ciudad de Toledo cada año, provisión que da el recto juzgado de cristianos Ministros de su Majestad a diferentes escuadras que tiene para defensa y guarda de sus costas, con que atemorizan a los enemigos cosarios que andan robando por los piélagos de NeptunoGa naar voetnoot(3). Desdichado fin de los que andan en estos pasos, solicitando mujeres ajenas, pues no llegan a parar en menos que este desdichadoGa naar voetnoot(4). ... que si no igualaron a sujeto tan del cielo ha sido por lo que tienen tan de la tierra, que no se remontan donde su dueño coloca sus bien dirigidos pensamientosGa naar voetnoot(5).
En général le texte hollandais correspond à l'original; cependant nous avons par-ci par-là relevé des incorrections ou des traductions fautives dont voici les principales:
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Un changement, du reste de fort peu d'importance, a été apporté par l'écrivain hollandais dans les titres de quelques-unes des comédies que Jaime, le second époux de Rufina, soumet aux acteurs madrilènes qui, loin de se douter du tour qu'on leur joue, écoutent le filou déguisé pendant que ses complices s'emparent de leur caisse. Voici ces titres:
Disons en terminant cette étude sur het Weseltje van Sivilien que par suite du manque absolu de concision, cette traduction est de beaucoup inférieure à son modèle espagnol. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
Vermakelijke minnerijenGa naar voetnoot(9)Dans le premier volume de cet ouvrage on trouve réunies cinq nouvelles: De Doorluchtige Keukenmeit, Ruis Dias en Quixaire, De Milde Minnaar, Het Heidinnetje et De Kracht van 't Bloet. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
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A l'exception de la deuxième, que le traducteur dit également avoir traduite d'après Cervantes, mais dont nous n'avons pu retrouver l'original dans les Novelas ejemplares, ces versions ont été empruntées à l'auteur de Don Quijote et correspondent successivement à La ilustre fregona, El amante liberal, La Gitanilla et La fuerza de la sangre. Cependant, comme la première et la quatrième seules appartiennent à la littérature picaresque, nous nous occuperons uniquement de celles-ci. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
A. De Doorluchtige Keukenmeit.Dans la préface le traducteur fait ressortir que Cervantes, sans avoir eu recours à un langage licencieux (ce qui se faisait très souvent afin de gagner des lecteurs), a pourtant su captiver au plus haut point ceux qui lisaient ses nouvelles par le charme qui émane de son oeuvre. Lui-même a entrepris cette traduction, qui a été pour lui un travail ardu, poussé par le désir de s'exercer dans sa langue maternelle et aussi pour échapper au désoeuvrement, source de tant de vices. Notre compatriote qui, en étudiant Vondel, Hooft et d'autres grands écrivains hollandais, s'est efforcé de châtier son style et de s'exprimer d'une façon intelligible, reproche à ses confrères leur manque de clarté ou le peu de soins qu'ils ont apporté à leurs travaux. Selon lui, ce n'est pas l'amour des lettres, mais l'amour de l'argent qui les a poussés à écrire des ouvrages remplis de mensonges et qui ne tendent qu'à émoustiller les sens. Après cette sortie contre certains écrivains de l'époque, van der Meer dit qu'il a inséré trois poésies faites par un ami habile qui aime la poésieGa naar voetnoot(1) et quelques autres qu'il a composées lui-mêmeGa naar voetnoot(2). Voyons maintenant si le traducteur s'est acquitté consciencieusement de la tâche qu'il s'était imposée. Dès les premières lignes de son travail on s'aperçoit qu'il s'est efforcé de rendre par un bon équivalent hollandais cette perle de la littérature espagnole qui s'appelle La ilustre fregona. Mais voilà tout. Lui-même a commis la faute qu'il a reprochée à ses collègues, à savoir qu'il n'a nullement respecté l'original espagnol. Aussi son travail ne mérite-t-il pas le nom de traduction. On n'aura qu'à jeter | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
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un coup d'oeil sur la traduction toute moderne du Dr. G.-J. GeersGa naar voetnoot(1) et sur celle de v.d. Meer pour constater la grande différence entre eux. Celle du premier reproduit fidèlement en bon hollandais le texte castillan, tandis que son prédécesseur, sans se préoccuper de son modèle, raconte simplement la même nouvelle. Le passage suivant du texte de Cervantes et de celui de v.d. Meer mis en regard montrera nettement ce que nous venons de dire.
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Si le traducteur ne s'est pas gêné pour donner une version hollandaise qui s'écarte tant du texte original, on ne saurait être surpris qu'il ajoute parfois des détails dont il n'y a point trace dans l'oeuvre espagnole ou que, pour enjoliver les descriptions, il fasse des amplifications. Voici quelques-unes de ces interpolations:
Dus laat de Mensch zich verleiden. Dus wordt hy de Speelpop van zich zelfs, en de schaduw voor het lichaam neemende, loopt hy niet alleen naar onnozele, maar zelf naar de allerafgryzelykste HerssenschimmenGa naar voetnoot(3). ... want ik moet u teffens openbaaren dat ik haar driemaal, zonder my bekent te maaken heb' weezen bezoeken en dat ik telkens door haare deugden en schoonheit, die waarlyk boven gemeen zyn, om zoo te spreeken, betovert ben geweestGa naar voetnoot(4).
Pour se former une idée de ces amplifications, qu'on compare les passages suivants:
Texte espagnol: Era ya anochecidoGa naar voetnoot(5). Texte hollandais: De nevels waaren reets aan 't vallen, de schemeringen verdikten, en de nacht spande zyne zwarte paarden voor de kar om de waerelt op zyn' beurt met duisternisse te dekken, toen Carriasse, over dat drentelen ongeduldigh, etc.Ga naar voetnoot(6)
Il arrive aussi que le traducteur se sert du discours direct dans le but d'intéresser vivement le lecteur à son récit. Cp.:
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Des trois poésies qui se trouvent dans De doorluchtige KeukenmeitGa naar voetnoot(3), deux ont la forme d'un sonnet, tandis que la troisième est un dialogue entre deux bergers. Toutes les trois ont ceci de com- | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
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mun avec celles de l'originalGa naar voetnoot(1), qu'elles chantent l'amour et la beauté divine de Constancia, l'héroïne de la nouvelle, et comme elles ne manquent pas d'une certaine grâce et de souffle poétique, elles augmentent la valeur de la traduction. Disons en terminant que si le traducteur n'a pas tenu la promesse faite dans sa préface, il n'en â pas moins réussi à écrire pour ses compatriotes une nouvelle bien rédigée et dont la donnée en tout cas est identique à celle de Cervantes. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
B. Het Heidinnetje.Sur la quatrième des nouvelles de ce recueil nous pouvons faire la même observation que pour la deuxième. Loin d'écrire une traduction correspondant exactement au ravissant conte de Cervantes, van der Meer s'est borné à reproduire la même histoire qu'il a amplifiée là où bon lui semblait. La citation suivante suffira à faire ressortir la différence qui existe entre le texte original et la traduction:
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Quant aux nombreuses amplifications apportées par le traducteur dans le but d'enjoliver le récit, notre compatriote aurait mieux fait de s'en passer et d'observer la concision et la netteté de son modèle. En voici quelques-unes:
Mais c'est surtout au tour joué par la vieille bohémienne, la prétendue grand'mère de l'héroïne du récit, à un bourgeois de Séville | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
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que le traducteur a donné une grande extension, évidemment parce qu'il prenait lui-même goût à cette plaisanterie et probablement aussi pour amuser ses lecteurs. Le bourgeois dont il s'agit est un homme avare, simple et superstitieux qui, pour découvrir un trésor, se tiendra nu pendant une grande partie de la nuit dans une cuve pleine d'eauGa naar voetnoot(1). Outre ces amplifications, la version compte aussi plusieurs additions dont nous donnerons les exemples suivants:
In der Vorsten Hoven moet men geene Rykdommen zoeken, zeide toen eene der Kamermeiden, alles wat 'er blinkt is juist geen goutGa naar voetnoot(2). Ik zie wel, myn Heer - zeide toen het Heidinnetje, dat ge u voorstelt na uwen doot onder het getal der Heiligen te staan. Ik bekenne dat het ongehoort zal zyn, den naam eens Rechters, met roode letteren, in den Almanak te zien, ik bespreeke in voorraat een stukje van uwen rok, om 'er een Heiligdom van te maakenGa naar voetnoot(3). Uiterlyk beweezen zy echter vrolyk te zyn: want de nyt is een schroom- en schaamachtige hertstocht die zich altyt tracht te verbergenGa naar voetnoot(4). Het steelen quam hem zoo verachtlyk en onwaardigh voor, dat hy 'er met schrik aan dacht, en vermits hy zekere en krachtige middelen by der hant hadt om zich daar van te ontslaan, besloot hy zyne Medemakkers te misleidenGa naar voetnoot(5).
Rarement v.d. Meer fait des coupures:
¿Ese llama vuesa merced hoyo, señora mía? Pues yo sé poco de hoyos, o ese no es hoyo, sino sepultura de deseos vivos. ¡Por Dios, tan linda es la Gitanilla, que hecha de plata o de alcorza no podría ser mejor!Ga naar voetnoot(6).
Nous avons aussi pu constater par-ci par-là de fort jolies traductions. Qu'on compare par exemple:
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Traduction fort libre, mais qui rend à merveille le sens du texte espagnol. Comparez encore:
Pour ce qui est des poésies qui se trouvent dans le texte espagnol, l'auteur des Vermaakelyke Minneryen, tout en les modifiant à sa guise, n'en a supprimé aucune. En somme Het Heidinnetje, bien que ce soit une traduction fort libre et un peu prolixe, ne laisse pas de donner une juste idée du petit chef-d'oeuvre espagnol. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
Vijf nieuwicheenGa naar voetnoot(5)Rinkonet en Kortadielje.Le recueil où se trouve cette nouvelle est précédé d'une dédicace adressée à Adolf de Jaager, ami de l'auteur et médecin à Enkhuizen. Dans la préface, Takama raconte que son ouvrage repose sur une version française d'Audigier et de F. de RossetGa naar voetnoot(6) et qu'il a inséré quelques fragments du Don Quijote en remplacement des trois nouvelles: Het Spaans Heidinnetje, De Jaloerse Karizaale et De Doorlugtige Dienstmaagdt, qui avaient déjà été publiées par un autre. On doit être reconnaissant à Takama d'avoir fait connaître au public hollandais cette charmante nouvelle de Cervantes, et s'il ne possédait pas suffisamment l'espagnol pour traduire directement | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
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de cette langue, toujours est-il que son travail n'en a nullement souffert. En effet, cette traduction est une relation très fidèle du récit des deux voyous et de leur méchant entourage. Le passage suivant servira à illustrer ce que nous venons de dire:
Aussi fort peu de phrases sont mal traduites ou incorrectes. Voici celles que nous avons relevées:
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Par contre il y a dans cette petite nouvelle nombre de traductions pittoresques, parfois un peu grossières. Comparez:
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Nous avons aussi trouvé dans cette traduction plus d'une amplification qui, loin de faire traîner le récit, en rehausse le charme et la valeur:
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Notre compatriote n'a pas fait beaucoup de coupures. Les voici:
... que, como vuesa merced bien sabe, son medias calzas con avampiés, que por su proprio nombre se suelen llamar polainasGa naar voetnoot(4). ... ni tenemos conversación con mujer que se llame María el día del sábadoGa naar voetnoot(5). No hay aquí amigo - respondió Maniferro - que quiera enojar ni hacer burla de otro amigo; y pues todos somos amigos, dense las manos los amigosGa naar voetnoot(6).
Ce qui nous a surtout frappé dans cette traduction, c'est la connaissance étendue que possédait Takama de l'argot des voleurs, grâce à laquelle il est parvenu à peindre en de vives couleurs le triste et vil milieu où nous sommes transportés. Nous nous faisons un devoir de signaler deux de ces termes:
A la fin de la nouvelle il y a une clef où nous trouvons l'explication des noms que portent les pícaros dont il a été question, clef qui manque dans l'original. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
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A. Den Jaloerssen CarrizaleGa naar voetnoot(1)Den Jaloerssen Carrizale est la première des nouvelles dont se compose ce recueil qui contient aussi De Doorluchtige Dienstmaegt et Het Schoone Heydinnetje. Den Jaloerssen Carrizale est la traduction de El celoso extremeño. Elle est très correcte et rend le plus souvent textuellement le conte espagnol. Qu'on compare, par exemple:
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[pagina 101]
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Aussi le nombre des traductions fautives ou incorrectes est-il très restreint:
Par contre, van Sambix a fait plusieurs coupures, mais hâtonsnous d'ajouter qu'elles ne tirent pas à conséquence et ne portent aucun préjudice à la valeur de cette belle nouvelle. Voici quelques-unes de ces suppressions:
Sacó sus partidas sin zozobrasGa naar voetnoot(11). ... dando a Dios lo que podía, pues había dado al mundo más de lo que debíaGa naar voetnoot(12). | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Hizo torno, que de la casapuerta respondía al patioGa naar voetnoot(1). ... aun hasta en las consejas que en las largas noches del invierno, en la chimenea, sus criadas contaban, por estar él presente, en ninguna ningún género de lascivia se descubríaGa naar voetnoot(2). ¡ Oh, dueñas, nacidas y usadas en el mundo para perdición de mil recatadas y buenas intenciones! ¡ Oh, luengas y repulgadas tocas, escogidas para autorizar las salas y los estrados de señoras principales, y cuán al revés de lo que debíades usáis de vuestro casi ya forzoso oficio!Ga naar voetnoot(3)
Il nous reste à signaler quelques traductions pittoresques ou typiques qui font encore ressortir davantage le mérite de cet excellent travail dont le style simple et limpide peut rivaliser avec celui de l'original.
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B. De Doorluchtige DienstmaegtGa naar voetnoot(8)Pas plus que pour Den Jaloerssen Carrizale, Felix van Sambix n'a écrit de préface pour recommander la lecture de cette traduction, et nous croyons qu'il a bien fait, parce que cette nouvelle si répandue se recommande suffisamment par elle-même. Cependant si la version hollandaise de El celoso extremeño est presque irréprochable, nous regrettons de ne pas pouvoir en dire autant de la Doorluchtige Dienstmaegt. En effet, la comparaison minutieuse de l'original et de la traduction nous a nettement montré que van Sambix n'a pas apporté assez de soins à ce travail. Si elle est pleine de tournures incorrectes ou fautives, il n'y a d'autre part qu'un très petit nom- | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
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bre de passages typiques ou pittoresques à enregistrer, tandis qu'aucun endroit presque ne correspond exactement au texte espagnol. Qu'on compare pour ne citer qu'un exemple:
Voici des exemples de traductions incorrectes ou fautives:
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Et voici des exemples de tournures typiques:
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Le nombre des suppressions dans cette traduction est aussi très grand; mais comme elles ne sont pas importantes, elles ne font pas trot à la valeur du récit. Voici quelques-unes de ces omissions:
Que nunca pudo entrar en el número de los que llaman desgraciados, que con alguna cosa que beban demasiada, luego se les pone el rostro como si se le hubiesen jalbegado con bermellón y almagreGa naar voetnoot(1). ... a despecho del Caño Dorado y de la reverenda Priora, con paz sea dicho de Leganitos y de la extremadísima fuente Castellana, en cuya competencia pueden callar Corpa y la Pizarra de la ManchaGa naar voetnoot(2). ... lo que suele ser al caminante ponerse el sol y sobrevenir la noche lóbrega y escuraGa naar voetnoot(3).
Cependant, quelque imparfaite que soit De Doorluchtige Dienstmaegt de van Sambix au point de vue de la traduction, le texte hollandais n'est pas mal rédigé, et, outre le plaisir qu'il aura procuré à nos compatriotes, il doit avoir contribué à mieux faire connaître dans notre pays le spirituel auteur des Novelas ejemplares. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
C. Het Schoone HeydinnetjeGa naar voetnoot(4)Het Schoone Heydinnetje, la dernière nouvelle de ce recueil, est une reproduction très fidèle de la Gitanilla de Cervantes. En effet, la plupart du temps van Sambix a exactement rendu par un équivalent hollandais le texte espagnol et, grâce à ses soins, le nombre des traductions hollandaises s'est accru d'un petit ouvrage bien écrit dont la lecture attrayante ne manquera pas de captiver tous ceux qui voudront y consacrer quelques loisirs. Comme modèle de bonnes traductions, nous citerons quelques passages, pris un peu partout:
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Puis nous avons pu relever dans cette traduction mainte tournure pittoresque ou typique dont voici les principales:
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Cependant quelque excellent que soit ce travail de van Sambix, il y a aussi quelques traductions fautives à signaler. Cp.:
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Une fois seulement une rédaction fautive espagnole a amené une phrase hollandaise aussi incompréhensible que celle de l'original:
Evidemment c'est à l'omission de la particule négative devant le verbe par l'auteur ou le compositeur espagnols qu'on doit ce passage inintelligible. Pour ce qui est des suppressions, il n'y en a pas beaucoup; mais ce qui est curieux, c'est que le plus souvent la dernière partie d'une phrase se trouve supprimée. Cp.:
... y le aherrojaron con dos muy gruesas cadenasGa naar voetnoot(15). ... dejando a los presentes confusos con lo que dicho habíaGa naar voetnoot(16). ... por no darle pesadumbreGa naar voetnoot(17).
En outre van Sambix n'a traduit aucune des poésies de l'originalGa naar voetnoot(18). | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Geschiedenis van de schynheyligen.Cette histoire se trouve incorporée dans la Dordrechtsche ArcadiaGa naar voetnoot(1). Une comparaison avec les Hypocrites de Scarron, traduction de La Hija de Celestina, nous a clairement renseigné sur la provenance du texte hollandais. Il n'est autre que la traduction presque textuelle dudit ouvrage de Scarron. Voici quelques passages correspondants des trois textes permettant de vérifier cette assertion: | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
Texte espagnol.Eran sus ojos negros, rasgados, balentones, y delinquentes: tenian hechas quatro, ò cinco muertes, y los heridos no podian reduzirse a numero; mirauan apacibles a los primeros enquentros, prometiendo serenidad: pero en viendo al miserable amante engolfado en alta mar, acometian furiosos, y usando de aquella desesperada resolucion: executese luego, dauan fin a su bidaGa naar voetnoot(2) | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
Texte français.Ses yeux étoient noirs, vifs, doux, bien fendus, braves de la dernière bravoure quoique grands fanfarons, convaincus de quatre ou cinq meurtres, soupçonnés de plus de cinquante qui n'étoient pas encore bien vérifiés; et pour les misérables qu'ils avoient blessés, le nombre ne s'en pouvoit compter ni même s'imaginerGa naar voetnoot(3). | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
Texte hollandais.Haer oogen waren swart, wacker, soet, en tamelijck van groote, geestig met de hoogste geestigheyt, hoewel overwonnen van vier of vijf moorden diese gedaen hadden, en in vermoeden van meer als vijftigh, die noch niet wel bewesen konden werden; en wat aengaet de gequetsten, dat getal is niet te noemenGa naar voetnoot(4). | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
Texte espagnol.El dia siguiente alquilo Montufar una casilla pobre, y aderezandola honestamente, porque assi conuenia para poner en execucion el modo de vida que entre los tres venia concertado, se pasaron a ella; donde vistiendose el de buriel pardo, ferreruelo largo, y sotana | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
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que llegaua hasta la media pierna, y poniendose calças groseras de lo mismo, y çapato de baqueta, con una campanilla en las manos salio por las calles, diziendo en altas voces una y muchas vezesGa naar voetnoot(1): | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
Texte français.Montufar loua une maison, la meubla fort simplement, et se fit faire un habit noir, une soutane et un long manteau. Hélène s'habilla en dévote, et emprisonna ses cheveux dans une coëffure de vieille; et la Mendez vêtue en béate fit gloire d'en faire voir de blancs, et de se charger d'un gros chapelet, dont les grains pouvoient dans un besoin servir à charger des fauconneaux. Les premiers jours après leur arrivée, Montufar se fit voir dans les rues habillé comme je vous l'ai déjà dit, marchant les bras croisés et baissant les yeux à la rencontre des femmes. Il crioit d'une voix à fendre les pierresGa naar voetnoot(2): | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
Texte hollandais.... terwijl Montufar een huys gingk huyren, het welcke hy seer eenvoudighlijck gingk stofferen. Hy liet sich een swart kleet, een swarten over-rok, en een langen swarte mantel maecken. Helena kleede sich oock als een devotaris, leyde haer hayr in een kovel gevangen, het geen soo menigh sot gevangen had; en Mendez stelde sich toe als een oude devotaris, beladen met een grooten paternoster, yder bol soo groot als een kaetsbal. Wanneer sy nu aldus op hun stel waren, gaende met de armen kruysweeghs over malkander, en sijn oogen, op het ontmoeten der vrouwen, ter aerden nederslaende, riep hij by wylen met een beweeghlijcken toon uytGa naar voetnoot(3):
On le voit, la version hollandaise, assez éloignée du texte espagnol, se rapproche beaucoup de la traduction française qui n'est pas non plus une bonne reproduction de l'original. Cependant un seul passage semble attester que le traducteur hollandais a aussi consulté l'original espagnol, vu que cet endroit correspond mieux au modèle castillan qu'à la version française. Qu'on compare: | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
Texte espagnol.En este tiempo que ya ella estaua cerca de cumplir una quarentena de años, se caso con el buen Rodriguez, aquel mi honrado padre que Dios aya perdonadoGa naar voetnoot(4). | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Texte français.Elle pouvoit avoir quarante ans, quand elle se maria avec mon père le bon RodriguesGa naar voetnoot(1). | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
Texte hollandais.Sy mocht omtrent veertig jaren oudt zijn, wanneer sy met mijn Vader quam te trouwen, de goede Rodrigo, wel moet hy varen, waer hy isGa naar voetnoot(2).
De l'édition hollandaise on a supprimé la scène où Elena et Mendez après s'être moquées de Montufar, malade d'une forte fièvre, l'abandonnentGa naar voetnoot(3); celle où les ayant rejointes, il les conduit dans un endroit désert pour leur infliger un châtiment exemplaireGa naar voetnoot(4) et celle de la réconciliation du terrible trioGa naar voetnoot(5). L'auteur hollandais a-t-il reculé devant la grossièreté de cette scène par trop réaliste, c'est possible, mais alors il aurait également dû passer sous silence la seconde punition, identique à la première et qu'il ne manque pas de mentionnerGa naar voetnoot(6). Outre ces suppressions assez considérables qui ont diminué la valeur du texte hollandais, il faut signaler une modification apportée par le traducteur dans la dernière partie de la version. Dans la traduction française, Hélène, la redoutable pícara, part pour les Indes avec don Sanche, un homme de débauche qui vient de divorcer, et dans ce pays il leur arrive encore mainte aventureGa naar voetnoot(7); dans la version hollandaise, Hélène finira par mourir de la main du même don Sanche, après qu'il l'eut emmenée aux Indes.
Hij sprong byna recht op van blijdtschap, wanneer hy hoorde dat Helena genegen was hem te volgen, sy vertrocken haest van daer na Seville, en vervolgens na de Indiës, daer hen noch veel vreemdigheden gebeurden, en daer sy ten laetsten, gelijck mij van eenige berecht is, noch van haer eygen bysit vermoort is geworden, alsoo sy, niet minder als den Exter syn hippelen, haer snoode hoerery laten kondeGa naar voetnoot(8). | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
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De Kreupele DuijvelGa naar voetnoot(1).Il est incompréhensible pourquoi le traducteur anonyme du Diable boiteux a voulu nous faire accroire que c'est El Diablo Cojuelo qui a servi de base à son travail, car dès la préface - identique à celle de Lesage - il est évident que c'est l'auteur du Gil Blas qu'il a complètement imité. Qu'on compare le commencement des trois textes: | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
Texte espagnol.Daban en la celebérrima villa de Madrid, por una oscura noche de Octubre, las doce en punto, hora menguada para las calles por falta de luna, y dichosa para los enamorados que querian cantar sus congojas ó alegrias bajo los balcones de sus damas; ya el tañido de las guitarras comenzaba á inquietar el ánimo de los padres y alarmar á los maridos celosos, cuando don Cleofas Leandro Perez Zambullo, hidalgo á cuatro vientos, galan de noviciado y estudiante en Alcalá, salio precipitadamente por la bohardilla de una casa, donde le habia incitado á entrar el hijo indiscreto de la diosa de CiteresGa naar voetnoot(2). | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
Texte français.Une nuit du mois d'octobre couvroit d'épaisses ténèbres la célèbre ville de Madrid: déjà le peuple retiré chez lui, laissoit les rues libres aux Amans qui vouloient chanter leurs peines ou leurs plaisirs, sous les balcons de leurs Maîtresses: déjà le son des guitarres causoit de l'inquiétude aux Pères, & allarmoit les Maris jaloux: enfin, il étoit près de minuit, lorsque Don Cléofas Léandro Pérez Zambullo, Ecolier d'Alcala, sortit brusquement par une lucarne, d'une maison où le Fils indiscret de la Déesse de Cythère l'avoit fait entrerGa naar voetnoot(3). | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
Texte hollandais.Zekere nagt van den maant October bedekte de wyd beroemde stad Madrid met dikke duysternissen: Het volk reeds na hunne huizen gegaan liet de straten vry en veylig voor de Minnaars die hunne wederwaardigheden, ofte vermaaken, onder de balconnen van hunne Meestressen wilden zingen: het geluyd van de Guitarren veroorzaakte reeds eene ongerustheyd in de vaders, ende ontroerde de minnenydige mannen: eindelyk 't was byna middernagt, wanneer | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
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D. Cleofas Leandro Perez Zambullo, een jonge Scholier van Alcala, onbezuyst door een dak-venster van een huys quam, waar hem de onfatsoenlijke zoon van de Godinne Citere had doen ingaanGa naar voetnoot(1).
Et Lesage? Est-ce qu'il s'est contenté, comme il le dit expressément dans son Epître à De Guevara, d'emprunter à cet auteur seulement le titre et l'idée de l'ouvrage? Certes non. D'abord la division des chapitres avec l'indication de ce qu'ils contiennent est à peu près identique. Voici quelques-uns de ces chapitres:
Et en examinant de près les deux ouvrages, on se convaincra aisément que le Diable boiteux dans bien des parties est la transposition exacte de l'ouvrage espagnol. Donnons quelques passages à l'appui de ce que nous avançons:
Cependant, dit M. ClaretieGa naar voetnoot(6), ‘ce qui plaît dans le Diable boiteux, c'est précisément tout autre chose que les parties traduites; | |||||||||||||||||||||||||||||||||||
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c'est la forme, toute personnelle, et ce sont les petites historiettes où nous reconnaissons notre Paris de 1707. Même en 1707, comme aujourd'hui, on lisait avec autant d'intérêt l'histoire de l'avocate veuve (XVI), de la procureuse aux diamants (IX) ou du vieux garçon qui épousa sa blanchisseuse (X), tous ces échos de café, de coulisse ou de boutique, ces faits-divers dont l'actualité faisait tout l'attrait. Quand Lesage refit son livre en 1726, il ajouta des anecdotes nouvelles, supprima les anciennes qui avaient perdu tout leur sel, qui étaient éventées; il mit son roman au courant’. La version hollandaise reproduit le texte du Diable boiteux, mais un peu abrégé. Tandis que le roman de Le Sage compte vingt et un chapitres répartis sur deux tomes, la traduction de notre compatriote se compose de seize chapitres en un tome, et ces chapitres ne sont pas toujours une reproduction fidèle du Diable boiteux. Comparez, par exemple:
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On voit par les deux passages précités que le traducteur hollandais a fortement réduit le texte français, mais il ne s'en est pas tenu là et il a aussi supprimé les cinq derniers chapitres du deuxième tome. Il est donc évident que la traduction hollandaise ne saurait donner une image exacte du Diable boiteux ou de son modèle espagnol. Cependant si cet ouvrage fort curieux comme conception ne nous est pas arrivé intact, en tout cas les épisodes les plus intéressants et la les grandes lignes du Diablo cojuelo ne sont pas restés un secret pour les Hollandais du XVIIIe siècle. De plus, l'écrivain anonyme disposait d'une assez bonne plume pour présenter à ses lecteurs un travail qui au point de vue de la composition ne laisse rien à désirer. |
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