Verzameld werk. Deel 4
(1955)–August Vermeylen– Auteursrechtelijk beschermdaant.Paul ClaudelMonsieur Claudel, Je vous prie de vous rassurer, je ne vais pas faire un discours, après les paroles que vient de prononcer mon ami Hubert Krains. Je voudrais seulement signaler que l'Association des Ecrivains Flamands a tenu, après le Pen Club flamand, à s'associer à l'hommage qui vous | |
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aant.est ici rendu. Ils écrivent en flamand, parce que mon Dieu! un artiste ne choisit pas sa langue, mais cela ne les empêche pas de regarder au-delà de leur petit monde et spécialement vers cette France si proche, qui sur le style de notre pensée a toujours exercé une action prépondérante. Des esprits simplistes supposent parfois que si une langue de faible expansion gagne en importance littéraire, cela restreint l'aire d'influence des grandes. Idée d'une fausse mathématique. C'est exactement le contraire qui arrive. Et nous sommes loin de nous en plaindre. Je crois même que la différence la plus profonde qu'il y ait entre les lettres flamandes et les lettres hollandaises, quoique nous écrivions la même langue, c'est que nous autres, nous avons de façon beaucoup plus directe et plus continue accueilli l'influence française. Vous savez d'ailleurs que l'Annonce faite à Marie, et Protée, ont été joués ici en traduction, avec le soin le plus respectueux, et cela vous prouve que notre admiration pour votre oeuvre n'est pas platonique. Moi-même, je ne puis résister à l'envie de vous dire que je vous dois quelques unes des plus fortes émotions littéraires de ma vie, et que notamment je n'oublierai jamais le jour où il me fut donné de lire Partage de midi, dans l'exemplaire même de celui et de celle à qui vous l'avez dédié. Je crois d'ailleurs avoir été en Belgique parmi les tout premiers qui furent éblouis par Tête d'or, à l'époque déjà lointaine - une quarantaine d'années peut-être? - où ce volume parut, sans nom d'auteur, si je ne me trompe, d'un format et avec des marges qui rappelaient les cahiers d'écoliers. Je puis vous confier que Charles van Lerberghe était profondément ébranlé par ce livre, | |
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et Maeterlinck ne l'était pas moins, mais exprimait son trouble d'autre façon. Il n'y a plus d'indiscrétion à répéter ce propos, me semble-t-il. Il disait: Je ne sais que penser de cet homme, c'est un génie, ou c'est un fou. Monsieur Claudel, nous avons cru remarquer depuis que vous n'étiez pas fou. Les écrivains flamands, en s'inclinant devant vous, vous remercient même d'avoir montré que la plus haute beauté spirituelle ne va pas sans claire sagesse. Et je bois à tout ce que vous représentez pour nous.
1933 |
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