Verzameld werk. Deel 4
(1955)–August Vermeylen– Auteursrechtelijk beschermdaant.Auguste MichotNous nous étions rencontrés à Coxyde, il y a quelque seize ans. Plage peu fréquentée, en ce temps-là: ce petit monde me sembla graviter autour de la cordialité généreusement expansive d'Auguste Michot. Nous fraternisâmes, parce que nous nous sentions tous deux, à ce moment, l'humeur d'écoliers en vacances. Mais je fus pris par sa nature si ouverte et nous devînmes tout de suite de très bons amis. Mais - chose si rare qu'elle vaut d'être glorifiée! - rien n'est jamais venu modifier l'impression que j'en eus dès le premier jour. C'est encore la dominante de l'image que je garde de lui, et que la mort, hélas! a faite définitive: un coeur d'or, un regard clair, une main tendue, une bonté toujours prête à se donner. Sans aucune fadeur, d'ailleurs: bonté un peu cavalière, et d'un dévouement entier; rien ne le décourageait d'obliger les gens jusqu'au bout. Sous la brusquerie affable de l'ancien officier et la joyeuse fantaisie de l'ancien étudiant, - au fond, il ne cessa jamais de l'être, - on découvrait vite une âme très | |
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sensible, un peu aventureuse parfois, restée en cela aussi extraordinairement jeune, mettant avec un optimisme confiant son emprise sur choses et gens qui semblaient concorder avec ses illusions: il avait cette faculté d'être ‘en sympathie’ avec la vie aux mille visages changeants. Il aimait d'une franche et solide amitié - c'est le terme exact, - tout ce qui avait au moins un bon côté: l'élève formé par lui, le domestique qui le servait, l'hôtelier qui le logeait, un chien, un objet d'art, un livre, un paysage... Et spécialement tout ce qui le rattachait à son milieu ‘patrial’, et avec quelle charmante partialité, tout ce qui lui rappelait Bruges! Cela, c'était vraiment une partie de son âme, à quoi l'on ne pouvait toucher. Il avait la religion émue du souvenir. Rien ne l'‘emballait’ comme la jeune littérature flamande, et les plus antiques plaisanteries sur la ‘moedertaal’ ou le mouvement flamand pouvaient encore l'offenser. Pardonnez-moi cette expression d'une sentimentalité discrète et si vraie malgré tout: il aimait sa langue comme on aime sa mère. Sans jouer un rôle bien actif dans le mouvement flamand, il était toujours prêt à le défendre de tout son coeur. Il souffrit beaucoup, pendant la guerre, des menées activistes qui répugnaient si profondément à son honnêteté, et, après la guerre, de cette réaction qui tendait à englober dans le même mépris les activistes et les partisans loyaux du mouvement flamand. Que vous dirais-je encore? J'ai bien des souvenirs, de causeries le long des routes, de petites fêtes où il se montrait si franchement ‘gosse’ malgré les soucis qui l'assaillaient parfois. Tout ce que je retrouve accuse | |
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les mêmes traits. C'était une nature entière. Je suis heureux que vous vous disposiez à dessiner de lui une image qui le perpétuera parmi ceux qui n'ont pas eu la chance de l'aimer autant que moi.
1921 |
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