Verzameld werk. Deel 3
(1953)–August Vermeylen– Auteursrecht onbekend
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aant.VI. Un dernier motIl y aurait encore bien des choses à dire, mais on n'en finirait pas avec la Russie. J'ai seulement tenté de condenser dans ces quelques pages les impressions générales qu'a laissées en moi la masse des observations faites au cours de ce voyage. Je n'ai voulu parler que de ce que j'ai vu. Je dois laisser à d'autres, plus complètement informés, le soin d'envisager la Révolution russe en historiens, qui se basent sur l'ensemble des faits dûment vérifiés, qui considèrent les actions et les réactions, les causes et les effets, en relation avec les conditions données, et en tenant compte de tous les éléments. Ils jugeront la Révolution russe comme ils jugent aujourd'hui la Révolution française, qui a présenté bien des aspects sinistres, mais dont le triomphe fut un bienfait pour l'humanité. Ils distingueront dans quelle mesure certaines opérations chirurgicales étaient peut-être inéluctables, dans quelle mesure le mal était peut-être la condition d'un plus grand bien. Je ne crois pas qu'il soit déjà possible, actuellement, d'établir le bilan. Mais pour un socialiste qui s'est un peu promené là-bas, il est une attitude qui insulte à la raison même: c'est | |
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aant.de dénigrer systématiquement et de désavouer en bloc l'oeuvre de la Révolution. Je le répète, dans notre vieille Europe, le socialisme devra suivre d'autres voies, puisque l'esprit et les circonstances historiques sont tout autres. Je ne cache pas que le plan quinquennal impose au peuple russe un très lourd fardeau. J'ai dit mon aversion de cette dictature qui se prolonge et se fait même plus dure; je m'incline avec pitié et respect devant nombre de ses victimes; je déplore cette sujétion qui enserre l'intellectualité libre. D'ailleurs, les bolchéviks intelligents reconnaissent qu'ils n'ont pas encore réalisé le socialisme et qu'ils ne font que le préparer. Mais il m'est impossible de fermer les yeux à certaines évidences qui se sont littéralement imposées à moi. On peut discuter à quel point nous avons là une dictature du prolétariat ou une dictature sur le prolétariat, mais, en tous cas, c'est bien une dictature pour le prolétariat, pour l'ensemble des travailleurs. On peut encore se demander si c'est vraiment là le socialisme? Mais, en tous cas, voilà une société où la seule valeur reconnue est désormais le travail. Et qui démontre qu'une société moderne peut vivre et se développer avec un autre évangile que la chasse au profit personnel et la lutte de l'homme contre l'homme. Le grand Plan réussira-t-il? Mais en tous cas, nous assistons à ce spectacle passionnant: pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, sur un territoire aussi vaste, avec une audace et une largeur de vues, une énergie constructive et, pour tout dire, un héroïsme qu'on ne peut qu'admirer, une tentative se poursuit de | |
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aant.transformer, par les moyens et avec la rigueur de l'esprit scientifique, l'économie et toute la culture d'une société, de coordonner les forces divergentes, de remplacer l'action aveugle par l'action consciente, de créer, enfin, un monde rationnellement organisé, et organisé en vue du bien de tous. Il est certain qu'un tel enfantement ne va pas sans douleurs, - et combien de douleurs réduites au silence? - et que d'erreurs, que de tragiques laideurs doivent presque toujours accompagner l'oeuvre des hommes? Mais quand même, par-dessus tout reste en moi la clarté de ce souvenir: que j'ai vu grandir là-bas une communauté magnifiée par une foi et vraiment unie par un idéal vivant. |
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