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Introduction.
Un vrai citoyen doit saisir avec transport tout ce qui peut élever la gloire de sa patrie. Est-il rien de plus beau, de plus digne d'envie que d'appartenir à une nation dont les annales commandent l'estime et l'admiration des hommes? Il n'y a que des insensés, ou des coeurs corrompus, qui cherchent à ravaler leur pays; que des êtres dénaturés, indignes du nom de fils, qui oublient lâchement le sein qui leur donna le jour.
C'est dans ces nobles sentimens pour
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sa patrie que Tollens composa son poème des Bataves à la Nouvelle-Zemble. Le grand projet de ces héros, leur constance, leur courage, leurs travaux, les maux inouïs qu'ils ont soufferts, tout tient du prodige dans ce célèbre voyage.
L'action du poème se passe en 1596-97; l'exposition rappelle rapidement notre situation politique à cette époque. Ouvrons l'histoire: depuis 1579, les Flamands avaient résolu de secouer à jamais le joug de l'Espagne; et les Provinces-Unies s'étaient érigées en république: elles n'avaient pu supporter la tyrannie et les cruautés de Philippe II; et l'abus du pouvoir avait affaibli le pouvoir même. Nos provinces avaient été ruinées, saccagées, mises à feu et à sang; les plus nobles têtes étaient tombées sous la hache des bourreaux; d'Egmont, de Hoorn et tant d'autres avaient payé de leur vie leur amour pour leur pays. Philippe avait proscrit Guillaume de Nassau, prince
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d'Orange, auteur de la liberté belgique, et avait osé promettre à celui quile tuerait, vingt cinq mille écus et la noblesse, parole de roi et comme serviteur de Dieu. La noblesse pour un assassinat! un assassinat ordonné en qualité de serviteur de Dieu! Tout cela, dit Montesquieu, renverse également les idées de l'honneur, de la morale et de la religion!....
Guillaume, supérieur à Philippe, dédaigna d'employer cette vengeance des lâches, et n'attendit sa sûreté que de son épée. Mais lorsqu'il préparait ses grands travaux, il fut assassiné par Balthazar Gérard. Quoiqu'on ait chargé Philippe de ce crime, il paraît cependant que le fanatismeseul arma la main de ce régicide.
Philippe s'efforça en vain de faire rentrer sous sa puissance quelques provinces des Pays-Bas. Maurice, prince d'Orange, stadhouder, capitaine et amiral de Hollande, battait l'ennemi de tous côtés; et préparait cette fameuse victoire rempor- | |
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tée à Nieuport, par ses troupes, sur celles du duc Albert, en l'an 1600, trois ans après l'expédition de la Nouvelle-Zemble.
Admirons ces Bataves, au milieu des malheurs qui désolaient leur patrie, concevant le grand et audacieux projet de lier le Nord avec le Levant, de se frayer un chemin à travers les glaces du pôle, pour arriver triomphans aux sources du jour! Le poète a parfaitement mis le lecteur au fait des temps et des lieux; il entre en matière d'une manière grande et pittoresque. Les Bataves ne luttaient pas seulement contre leurs ennemis; ils avaient encore à soutenir de longs combats contre les flots et les tempêtes: la Hollande sortait des eaux, et promettait déjà à l'Europe d'étonner un jour l'univers. Houtman avait vogué sur les traces de Gama; et Van Noord avait fait le tour du monde, du couchant à l'aurore: le passage du pôle boréal devait tenter d'autres braves.
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Enthousiasmé par tant d'héroïsme, et frappé des beautés que renferme l'ouvrage de Tollens, j'ai essayé de les faire connaître à ceux qui n'entendent pas le poète hollandais. Les littérateurs versés dans les deux langues, conviendront qu'il eût été impossible de rendre littéralement tout le poème: premièrement, parce que le génie de la langue hollandaise laisse au poète la faculté d'employer des mots techniques que la poésie française a rejeté jusqu'à présent; et, en second lieu, parce que la richesse de ses expressions peut faire pardonner quelquefois des descriptions un peu longues.
L'original n'a qu'un chant: j'ai cru pouvoir le diviser en deux, sans inconvénient; d'autant plus que le repos du premier chant s'offrait tout naturellement au lecteur. Le poème de Tollens a été couronné par la société des Beaux-Arts et des Sciences à La Haye: il passe,
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à juste titre, pour un ouvrage classique, où le génie étincelle à chaque page. La description de l'aurore boréale présente un des plus beaux tableaux que je connaisse. Puisse ma Muse avoir été assez heureusement inspirée, pour recueillir quelques fleurons de la couronne immortelle dont les Beaux-Arts ont orné le front du poète Batave!
A la suite de ce poème, on trouvera la traduction d'un choix de poésies du même auteur, et du poète le plus universel que la Hollande ait vu naître: de Bilderdyk. Possesseur des richesses de sa langue, il connaît à fond les langues anciennes et comprend toutes les langues européennes. Bilderdyk a publié des poèmes, des tragédies, des traductions, des poésies légères en tous genres, des ouvrages en prose hollandaise et la tine, etc. etc. etc., en tout, plus de trente volumes. C'est surtout dans ses contes que Bilderdyk est inimitable: ses tableaux sont
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toujours pleins de vie; ses peintures énergiques, brillantes; ses narrations vives et pressées. Tollens est peut-être moins riche, moins animé; mais il parle toujours au coeur; et l'on relit sans cesse les productions de ce poète aimable qui a su embellir toutes ses compositions de la sensibilité la plus exquise et des charmes de la plus touchante poésie.
J'ai réuni quelques fruits de ma Muse à ce volume: une partie de ces pièces fugitives a vu le jour il y a quelques années; mais elles sont disséminées, et presque toutes ont subi de nombreuses corrections, d'après les lumières de mon expérience et les conseils de la critique.
Je ne terminerai pas cette introduction sans dire quelques mots des motifs qui m'ont fait entreprendre cette publication, au profit des colonies de Frederiks-oord et de Wortel. C'est la cause sacrée de l'indigence malheureuse qu'a épousée un prince généreux, en voulant que son nom
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fût attaché à cette Société de Bienfaisance qui a produit de si heureux résultats dans notre patrie. Nos immenses bruyères offraient un vaste champ au développement des vues de la Société: c'est du sein de la terre, c'est de ses entrailles qui recèlent tant de trésors, qu'est sorti le bonheur de milliers d'individus qui se traînaient sous le poids de la misère, et, trop souvent, livrés à tous les vices de l'oisiveté. Des landes arides ont été transformées en campagnes fertiles; des déserts sont habités par de nombreuses familles que l'hydre des besoins aurait étouffées; une république d'hommes utiles et laborieux a été créée comme par enchantement; la Société enfin a vu se réaliser ses sublimes espérances, et ses enfans adoptifs ont donné un grand exemple aux gouvernemens de l'Europe!
De pareils établissemens ont dû se procurer de grandes ressources pour atteindre leur but et pour étendre leurs succès.
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La bienfaisante sollicitude de S.A.R. le prince Frédéric, qui s'en est déclaré le protecteur et le président, et l'empressement qu'une grande partie de la classe aisée des citoyens a mis à seconder des vues aussi philantropiques, ont contribué puissamment à la prospérité de l'entreprise.
C'est pour ajouter quelques secours aux revenus de ces intéressantes colonies, que je me suis décidé à publier les fruits de nouveaux loisirs. Je ne cultive la littérature que par délassement de travaux sérieux, et je m'estime trop heureux lorsque, pour prix de mon faible talent, je puis m'associer à un acte de bienfaisance.
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