Bossuet en Hollande
(1949)–J.A.G. Tans– Auteursrecht onbekend
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IV. Le retentissement de ses oeuvres de controverse.La renommée du controversiste.Parmi les pasteurs français qui s'établirent en Hollande dans les années précédant la révocation de l'Edit de Nantes, on trouve Jurieu, qui devait être un jour le grand adversaire de Bossuet. Dès son arrivée dans ‘le pays de toutes les hétérodoxies’, le bouillant gardien de l'orthodoxie calviniste s'y était heurté à la gloire du porte-parole de l'orthodoxie catholique. Comme dans tous les pays de l'Europe, les oeuvres de controverse de l'évêque étaient attendues en Hollande avec espoir et anxiété. Son Exposition de la foi catholique y avait établi d'un seul coup sa renommée. Les témoignages du vicaire apostolique Néercassel sont là pour prouver le succès éclatant du petit livre. Et l'on peut dire que l'inquiétude des protestants fut au moins aussi grande que la joie des catholiques. La méthode de Bossuet les avait surpris tout d'abord. Jurieu lui-même, cédant un instant à un charme qui ne devait par durer bien longtemps, avait déclaré que c'était ‘le livre le plus doux, le plus sage, le plus modéré qu'on pût imaginer’Ga naar voetnoot330). Aucun ouvrage de l'époque ne fut autant répandu; aucun non plus ne se vit attaqué avec plus d'acharnement de la part des ministres protestants, dès qu'ils se furent remis de leur première surprise. Les Pays-Bas n'ont pas fait exception. La crainte de l'Exposition paraît y avoir été si grande qu'avant même la parution de la version hollandaise on avait déjà fait traduire les réponses de La Bastide et de David NoguierGa naar voetnoot331). Il est bien probable que cette agitation un peu fiévreuse, bien loin de diminuer le succès du livre redouté, l'a plutôt augmenté. En moins de rien la première édition de la traduction était épuisée. Au cours des dix années suivantes elle eut trois séries de six rééditions parallèles chez des libraires différentsGa naar voetnoot332). Les coryphées protestants redoublèrent leurs efforts. Dès 1680 Néercassel manda à Bossuet que Spanheim à Leyde et Leydecker à Maastricht combattaient l'Exposition ‘dans leurs écrits et dans | |
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leurs discours’Ga naar voetnoot333). Le professeur renommé de Leyde et le futur successeur du célèbre Voetius à Utrecht comptaient parmi les principaux représentants du protestantisme hollandais. Ils n'étaient certainement pas les seuls à lutter contre Bossuet, puisqu'ils préparaient la voie à la nuée des pasteurs ordinaires qui entraient tous les jours en contact, et, par suite, en conflit avec les fidèles et les prêtres de l'Eglise romaine. Et comme ces ministres n'étaient pas toujours des plus instruits, il fallait leur rendre la tâche facile en mettant à leur disposition des répertoires d'arguments où ils n'eussent qu'à puiser. Coup sur coup parurent des réfutations de l'opuscule de M. de Meaux. F. Halma, éditeur dans la ville universitaire d'Utrecht et homme de lettres, ouvre la série: il réédite en 1680 les réponses de La Bastide et de Noguier, en y ajoutant la traduction, et, bien entendu, une réfutation de l'Avertissement qui se trouvait en tête de la nouvelle édition françaiseGa naar voetnoot334). L'argumentation académique, destinée à un public plus restreint et plus savant, est fournie par SpanheimGa naar voetnoot335). Jurieu, trop passionné pour se laisser acculer à la défensive, ne se contente point d'une réponse en règle à l'oeuvre de son adversaire, et passe lui-même à l'attaqueGa naar voetnoot336). A entendre le ton d'‘honnête homme’ de Bossuet, il ne se sent pas à l'aise. L'anathème, l'injure, voilà son domaine. C'est pour lui une trop belle occasion d'accabler l'Eglise romaine de toutes les invectives que sa haine frémissante peut inventer. Dans le camp catholique on était bien embarrassé de toutes ces répliques. Il va sans dire qu'on ne pouvait négliger de faire paraître des dupliques, mais on ne disposait pas de controversistes dont le prestige pût contrebalancer l'autorité de ces avocats de la cause protestante. Pour neutraliser les aigres reparties de Jurieu, le clergé hollandais pouvait encore emprunter la plume à Antoine Arnauld, qui ne craignait pas de mesurer ses forces avec son grand compatrioteGa naar voetnoot337). La réfutation de l'écrit de Spanheim plaça les catholiques des Pays-Bas devant des difficultés autrement insurmontables. Tolérés à peine dans leur patrie, ils ne comptaient parmi eux personne qui pût égaler la réputation scientifique du professeur de Leyde. A bout de ressources, on eut recours à Bossuet lui-même. A deux reprises l'évêque de Castorie le prie avec beaucoup d'insistance de confirmer la cause catholique en réduisant au silence cet adversaire illustreGa naar voetnoot338). Bossuet, | |
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pleinement convaincu de la nécessité d'un réponse décisive, lui promet de la faire aussitôt que ses occupations nombreuses le lui permettront. Il arrachera le temps partout où il en trouvera, si peu que ce soitGa naar voetnoot339). Il n'a jamais pu donner suite à cette intention. D'autres besoins, plus pressants encore, le réclament déjà. Le coup d'essai de Bossuet avait été un coup de maître, et lui avait assuré la direction de la controverse dans toute l'Europe. Désormais l'histoire du succès de ses ouvrages aux Pays-Bas n'est autre chose que l'histoire intérieure de la controverse religieuse elle-même. En 1683 on édita en français le Traité de la Communion sous les deux espèces et la Conférence avec Claude, ouvrage qui venait seulement de paraître en FranceGa naar voetnoot340). Les deux livres reçurent un accueil très favorable et furent lus avec beaucoup d'avidité par tous ceux qui savaient le français; et ils étaient bon nombre. L'emploi de la langue française était si universel en Hollande que Saint-Evremond, passant les dernières années de son exil en Hollande, ne se donna pas la peine d'apprendre le hollandaisGa naar voetnoot341). Pourtant le livre ne restait accessible qu'aux milieux cultivés de la nation: on jugea donc nécessaire de faire paraître une traduction en lange vulgaire de la Conférence avec Claude. Si l'on traduisait cet ouvrage de préférence à l'autre, qui avait néanmoins provoqué de nombreuses réfutations dans le camp protestantGa naar voetnoot342), c'est que le développement rapide du débat religieux donnait à la Conférence une plus grande actualité. L'Exposition avait eu pour résultat de déplacer la dispute sur un nouveau terrain. Il était bien difficile de contraindre ces esprits indépendants et souvent impétueux qui faisaient la force de la Réforme à se soumettre à l'Eglise romaine, tant qu'ils ne croyaient pas en cette Eglise elle-même. Bossuet dut l'avoir senti, lorsqu'il choisit cette matière au moment où il allait croiser l'épée avec Claude. Ce terrain de l'Eglise était sans doute le plus favorable aux catholiques hollandais. Leurs frères protestants devaient s'y sentir gênés, puisqu'à la place de l'autorité du Siège apostolique de Rome, ils avaient mis celle du synode de Dordrecht. Bossuet plaidait pour l'existence d'une Eglise à laquelle le Christ avait confié en dépôt la vérité chrétienne; cette Eglise, qui tenait de si haut son autorité, avait comme mission de garder intacte la vérité qui lui avait été confiée, et de la répandre parmi tous les peuples. Une telle thèse a évidemment embarrassé les protestants. Ils se sont contentés de publier à La Haye la réponse de ClaudeGa naar voetnoot343), sans la traduire; le | |
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torrent de réfutations qui submergeait dès sa parution tout autre ouvrage de l'évêque de Meaux, semblait tari maintenant. Peut-être faut-il appliquer ici le critérium de Pierre Bayle qui écrivit en 1684Ga naar voetnoot344): ‘Bossuet s'est acquis une si grande réputation dans ses ouvrages de Controverse, que si les Protestants eussent négligé de lui répondre on n'eût pas manqué de soupçonner qu'ils ne sçavoient comment repousser les attaques de ce Prélat’. Bossuet avait eu en effet cause gagnée sur ce terrain. Mais il était encore loin d'avoir gagné la lutte. Ses adversaires ne lui avaient lâché ce bastion que pour se retirer dans d'autres positions leur offrant de meilleures possibilités de défense. Tout en continuant à se récrier devant la nécessité de se soumettre en matière religieuse à l'autorité absolue d'une Eglise, ils étaient prêts à l'admettre au besoin. Ils se refusaient seulement à voir dans l'Eglise catholique, telle qu'elle était à ce moment-là, le dépositaire légitime de cette autorité. Tel était surtout le langage de ceux qui, chassés de France par la révocation de l'Edit de Nantes, avaient pris le chemin des Pays-Bas. Les événements politiques corroboraient leur thèse religieuse. L'année 1685 marque une date importante dans l'histoire du protestantisme en Hollande. Le renfort qu'il reçut alors n'a pas peu contribué à son épanouissement. Faisant fi de la défense qui était faite aux simples laïcs de quitter la France, un nombre impressionnant de réfugiés, errant dans le plus grand secret de ville en ville, avaient gagné l'étranger par de nombreuses voies clandestines. La contrainte n'avait pas réussi à retenir tous ceux à qui leur conviction intérieure enjoignait de partir. On a évalué à cent mille le nombre des réfugiés pour qui la Hollande est devenue une seconde patrie. La fuite des pasteurs étant moins entourée de mystère, on a pu établir leur nombre exact: au début du XVIIIe siècle il s'élevait au chiffre de 363Ga naar voetnoot345). Le succès des oeuvres de controverse de Bossuet dans notre pays fut désormais déterminé pour une large part par ces mêmes événements. La réputation de l'évêque de Meaux s'en est accrue d'une manière considérable. D'un commun accord les nouveaux venus vantaient ses grands mérites. Etienne Le Moyne, appelé dès 1676 comme professeur à Leyde, avait admiré la modération de l'évêque: il n'appartenait heureusement pas, selon le huguenot, à ces gens emportés qui ne servent qu'à entretenir les embrasements au lieu de les éteindre, et dont on ne peut rien espérer ni dans la société civile ni dans la religionGa naar voetnoot346). | |
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Les victimes des mesures de Louis XIV ne louaient pas le grand évêque de si bon coeur. Il est visible que l'aveu de ses mérites leur coûte. Il n'en est que plus précieux, et il l'en faut écouter davantage. Bossuet, écrit l'un d'eux, est un fin controversiste, qui tourne les choses d'une manière délicate, et dans les oeuvres duquel règnent l'air honnête, la modestie et l'art d'être ingénuGa naar voetnoot347). Il a donné occasion aux protestants, avoue un autre, d'apprécier son honnêteté; aussi ont-ils eu toujours une grande considération pour son mérite et son caractèreGa naar voetnoot348). Et un troisième lui concède de bien grands talents, lorsqu'il dit que plus une entreprise est difficile, plus elle est digne de BossuetGa naar voetnoot349). Ils auraient pu se contenter de moins. Mais il y en a même un qui va jusqu'à le présenter comme le seul controversiste catholique qui fût très en vue dans l'Eglise de France, puisqu'il n'était suspect ni aux jésuites, ni aux jansénistes, ni à Rome, ni à l'Eglise gallicaneGa naar voetnoot350). Tout en le portant aux nues, l'on se garde pourtant de lui donner raison dans la controverse. Bien au contraire, les événements politiques, provoquant des colères effroyables, rendent sa tâche plus difficile. Les réfugiés auraient-ils abandonné leurs biens, et risqué leur vie, pour écouter maintenant posément les arguments par lesquels Bossuet essaye de les convaincre de leur tort? Ils ne sont pas très enclins à prêter l'oreille aux paroles conciliantes de l'évêque, qui, après tout, était un de leurs ennemis mortels. Bien sûr, ce n'est que très timidement que par ci par là s'élève une voix qui fait des reproches à M. de Meaux sur la conduite qu'il a eue en ces circonstances péniblesGa naar voetnoot351). Son prestige personnel paraît être assez fort pour lui épargner des attaques de la sorte. Mais on ne tarde par à utiliser les événements politiques comme une arme dans le débat religieux, et à les retourner contre lui, ce qui a dû lui causer plus de douleur que ne l'auraient fait des accusations personnelles. Dans cette lutte, Bossuet n'a négligé aucun effort pour ramener les brebis égarées au bercail. Il s'adressait dans ses livres à tout le parti réformé, mais, soucieux du salut des âmes qui lui étaient confiées, il ne dédaignait pas de s'adresser à tel de ses anciens diocésains pour le conjurer de renoncer à ses erreurs et de revenir dans la communauté dont il s'était séparé. C'est ainsi que nous le voyons entrer en correspondance avec Pierre de Vrillac, ancien bailli de la Ferté-sous-Jouarre, qui s'était établi à La HayeGa naar voetnoot352). Son correspondant, se méfiant de ses propres forces, lui répondit par des lettres que Jean Rou écrivait sous son nom. | |
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Cet historien, qui avait succédé à Spanheim comme secrétaire-interprète des Etats-Généraux de HollandeGa naar voetnoot353), jouissait d'un grand renom parmi ses coreligionnaires; il était en relation assidue avec Bayle et Jurieu, et fréquentait même à partir de 1691 les réunions hebdomadaires des pasteurs de La Haye. On peut être sûr que dans ses lettres à Bossuet il interprétait les sentiments de ses amis illustres. Cette correspondance est intéressante, puisqu'elle nous permet d'observer les adversaires qui se préparent à étudier les meilleures positions pour la lutte définitive. Jean Rou s'en prend aussitôt au principal point en litige en ce moment-là. Tout le monde demeure d'accord, écrit-il, que la douceur est le véritable caractère du christianisme, et que la religion se persuade mais ne se force pointGa naar voetnoot354). Ici pourtant, tout en frappant de grands coups, notre protestant se ménage prudemment des possibilités de retraite: Bossuet pourrait en effet découvrir ses points vulnérables et le mettre au pied du mur. Le terrain était trop scabreux pour que les Réformés s'y expriment en toute liberté de parole. Michel Servet, mort au bûcher, était là pour témoigner contre eux; les troubles que la Réforme avait provoqués, les carnages auxquels elle avait donné lieu, les persécutions des catholiques en Angleterre et en Suède, les mesures prises contre eux en Hollande, tout cela parlait trop contre elle. Si la maxime de Jean Rou devait être prise à la lettre, la Réforme aurait raison dans un pays et tort dans un autre. Voilà pourquoi l'épistolaire accorde à la puissance publique le droit d'imposer aux sujets une sorte d'adhésion générale à l'Eglise de l'Etat, et de les y maintenir nominalement; voilà pourquoi il approuve même l'exécution particulière de ceux qui ruinent l'essence du christianisme, ou qui, par leur endurcissement, peuvent gâter tous les autres. Seule une Eglise qui fait envoyer aux galères, enfermer dans les fours et rôtir au feu de paisibles brebis, et qui fait un cercueil ou une prison de tout un vaste royaume, ne peut aucunement être la véritable Eglise, fondée par Jésus-ChristGa naar voetnoot355). Il se sent fort de cet argument, et défie Bossuet d'y donner une réplique, faute de quoi on le considérera comme vaincu et réduit au silence pour de bonGa naar voetnoot356). Bossuet ne s'y trompe point. Il voit clairement qu'il se trouve, non pas en face de Pierre de Vrillac et de Jean Rou seuls, mais de tout le parti des protestants réfugiés; il ne répond plus à son correspondant, et se met à travailler à une réplique approfondie, laissant à ses adversaires pour un moment la joie de leur victoire supposée. Jean Rou publie sa correspondance avec Bossuet. Le titre de son livre est comme un cri de triomphe: | |
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La Séduction éludée ou Lettres de Monsieur l'Evêque de Meaux à un de ses diocésains, qui s'est sauvé de la persécution, avec les réponses qui y ont été faites et dont la principale est demeurée sans répliqueGa naar voetnoot357). Le parti exulte d'enthousiasme. Le silence de M. de Meaux est tout naturel, croit Bayle, puisqu'on lui avait répondu d'un air exact et netGa naar voetnoot358). Que ce semeur éternel de scepticisme ait attaqué plus tard cette Séduction éludéeGa naar voetnoot359), ne diminue en rien la valeur de sa première réaction: elle est très grande pour qui cherche à évaluer l'étendue et la profondeur de la renommée de Bossuet, d'autant plus qu'il avait donné son suffrage à Jean Rou avant que l'ouvrage eût été mis sous presse. Il n'était pas le seul. Claude et Jurieu avaient aussi pourvu le manuscrit de leur approbation. Mais c'est Bayle qui vainquit les scrupules de l'auteur; il lui fit publier les noms et les dates en lui remontrant que les lecteurs seraient tout autrement curieux, s'ils savaient que cela regardait l'évêque de MeauxGa naar voetnoot360). Les catholiques vivaient des jours pleins d'anxiété. Tous leurs porteparoles se taisaient. Nicole s'était retiré de la lutte. Arnauld était découragé par le peu de succès de son Apologie pour les Catholiques, saisie à Rouen comme un livre pernicieux. A son tour Bossuet semblait maintenant garder le silence. La situation était d'autant plus désespérante que, depuis plusieurs années déjà, les protestants avaient profité des persécutions en France pour obtenir du gouvernement hollandais des mesures d'oppression contre les catholiques, et que ce silence semblait soutenir leurs affirmations. L'on soupirait après la parole bienfaisante de l'évêque de Meaux. Celle-ci vint enfin. Tout le deuxième chapitre de l'Histoire des Variations était voué à cette matière. Avec un grand appareil scientifique Bossuet y prouvait que les guerres civiles du XVIe siècle avaient un caractère foncièrement religieux, puisque les protestants, devenus conscients de leur force, s'étaient opposés à la politique de Charles IX et de Henri III pour conquérir bon gré mal gré une place dans l'état, et que les Eglises protestantes de France avaient formellement autorisé cette révolte contre le pouvoir légitime. Ainsi Bossuet réduisait à néant l'argument qui avait fait le charme et la force de l'écrit de Jean Rou. L'autorité des édits était au moins douteuse; les doctrines protestantes sur l'emploi de la contrainte variaient selon les besoins de leur cause; la braise de la révolte couvait ainsi toujours sous les cendres. Telles étaient les conclusions qui se dégageaient de l'abondance des faits et des documents historiques. On s'empara en Hollande avec avidité de cette argumentation. | |
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Quelques mois après l'apparition du livre, il y en eut déjà une réédition à AmsterdamGa naar voetnoot361). De leur côté les protestants s'attaquaient le plus sérieusement à ce chapitre, dans lequel ils se voyaient enlever une victoire qu'ils avaient crue décisive. On a déjà démontré que les besoins de la controverse la plus pressante avaient rendu nécessaire cette promenade complaisante de Bossuet dans l'histoire politiqueGa naar voetnoot362). La situation religieuse en Hollande en a certainement été un des facteurs les plus importants. Et c'est elle encore qui a déterminé pour une large part la réaction des protestants. Le thème essentiel du livre n'avait pas pour la Hollande une actualité si aiguë. Comme pourtant elle hébergeait presque tous les grands porte-paroles du protestantisme, elle a dû suivre de près la bataille véhémente qui s'est livrée autour du principe de M. de Meaux établissant que la variation est signe d'erreur. Elle avait assisté aussi aux préparatifs du combat. On s'attendait depuis longtemps à ce nouveau coup de Bossuet. Déjà dans l'Exposition il avait prouvé comme en passant que le protestantisme avait varié sur des faits de doctrine. Poussé par le nouveau tour qu'avait pris la controverse après sa conférence avec Claude, il cherchait passionnément à définir le principe qui permettrait de distinguer la véritable Eglise d'avec les autres. Dans ses lettres à Jean Rou il toucha le vif de la plaie: une Eglise sans autorité ne dispose d'aucun moyen pour pacifier les schismes; il n'y a plus en elle d'autre remède aux divisions que de laisser croire chacun à sa fantaisie, ce qui conduit insensiblement les esprits à l'indifférence des religions, le plus grand de tous les mauxGa naar voetnoot363). Ses adversaires pouvaient prévoir où il allait porter ses coups, et se mettre en état de les parer. Nous les voyons choisir la méthode de la négation. Par avance ils contestent le principe de la non-variation. L'Eglise romaine, avait constaté Jean Rou, est autant divisée en sectes qu'aucune autre branche du christianisme; l'on ne peut espérer l'unité sur la terre que dans le temps de l'accomplissement, lorsque Dieu sera tout en tousGa naar voetnoot364). En se retirant dans cette position de combat, il agissait sans doute d'accord avec Bayle et Jurieu, pour qui il préparait la voie. Aussi à peine l'Histoire des Variations eut-elle paru que le premier déclara avoir toujours été convaincu qu'aussi longtemps que l'Eglise est sur la terre, elle est tantôt plus, tantôt moins éclairée, à certains égards, et que par conséquent elle peut varier de sentiments sur les mêmes chosesGa naar voetnoot365). L'autre ne | |
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tarda pas à avancer fièrement qu'en matière religieuse autant qu'ailleurs, le changement est la condition du progrès. C'est en Hollande, où la lutte a été depuis longtemps préparée, que se livre aussi la bataille décisive. Quand Bossuet a publié son Histoire des Variations, les gazetiers y vouent de longs articles. Elle porte en tête ‘un nom trop célèbre’, et traite une matière ‘où tout le monde prend trop d'intérêt’ pour ne pas en parlerGa naar voetnoot366). Tous les réfugiés prennent les armes, et bientôt on verra Bossuet aux prises avec les trois représentants les plus éminents de la Réforme qui séjournent aux Pays-Bas. D'abord avec Jurieu, le défenseur impétueux et imprévoyant du protestantisme, qui sous les coups bien portés de son adversaire s'est précipité dans les voies les plus diverses. Après s'être hasardé sur le terrain de la libre-pensée, dans l'espoir d'échapper à Bossuet, il est repoussé par celui-ci dans les voies de l'orthodoxie la plus sévère, et va porter sa fureur dans ses propres rangs. Contre lui M. de Meaux remporte sa victoire la plus nette. Mais cet avantage n'a pas de conséquences pour la cause générale du protestantisme. Au moment où Jurieu tombe sous le coups de Bossuet, ses coreligionnaires se sont déjà éloignés de lui. Le tout se passe à ses propres risques et périlsGa naar voetnoot367). Puis avec Basnage, l'historien perspicace contre qui Bossuet se perd dans des recherches historiques sans fin. Ensuite avec Bayle, le plus brillant esprit parmi les réfugiés français, qui s'est emparé avec avidité de l'idée du libre examen, s'embourbant de plus en plus nettement dans le pyrrhonisme, dont il se défend avec désespoirGa naar voetnoot368). Des deux côtés se manifeste un rétrécissement d'esprit que toute controverse paraît devoir produire. Bossuet a négligé de saisir les développements de Basnage sur les divergences causées dans la doctrine par le génie et le caractère particuliers des pays de la Réforme et par les progrès accomplis dans le domaine religieux: cela aurait pu ramener la dispute au point essentiel, qui est de distinguer entre l'évolution du dogme et sa variation. Ainsi, bien loin de réussir à réaliser une harmonie conciliatrice entre le calviniste Jurieu et l'humaniste Bayle, il n'a fait que les pousser plus foncièrement dans leurs voies opposées de la Révélation et du libre-examen, où ils prolongent dans un vide désespérant les lignes de démarcation entre la Réforme et la Renaissance. D'autre part les avertissements passionnés de M. de Meaux n'ont pu arrêter le protestantisme dans la voie glissante du doute et de la négation où le menait tout refus d'autorité. | |
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Cette évolution fatale ne s'explique pas en dernier lieu par le fait que l'enjeu était trop grand, et que les champions se savaient trop regardés. Ainsi leurs efforts n'ont pas valu á la cause du christianisme, qu'ils voulaient tous défendre, les avantages que les talents de ces apologistes semblaient promettre. Leur prestige personnel, au contraire, s'en est accru considérablement, surtout celui de Bossuet, qui avait su terrasser son adversaire le plus dangereux. | |
Le succés de sa methode.A étudier cette période de l'histoire religieuse des Pays-Bas on a l'impression que tous les théologiens qui prennent part à la controverse sont des étrangers. Jusqu'ici nous avons rencontré presque uniquement des noms français, et l'on dirait que les prêtres et les pasteurs hollandais ne se sont point mêlés à la lutte. Si l'on s'en tient à la grande controverse européenne, on peut affirmer presque sans restrictions que cette impression est juste. Du côté protestant ce sont en effet les desservants de l'Eglise wallonne qui sont entrés en lice avec les catholiques de renom. Ils pouvaient concentrer toute leur activité sur cette grande polémique religieuse, sans que des disputes dogmatiques ou philosophiques au sein de leur propre Eglise les détournent de leur tâche importante. Il n'en était pas de même pour leurs confrères de l'Eglise hollandaise. En Hollande la Réforme, qui à ses débuts aimait tant à se railler de la scolastique à laquelle l'Eglise romaine recourait volontiers pour justifier ses dogmes, avait introduit cet ennemi dans la place. Si paradoxal que cela puisse paraître, cette même scolastique méprisée battait son plein dans les facultés de théologie récemment fondées ou réorganiséesGa naar voetnoot369). Les cours de controverse, qui au moyen âge avaient fini par envahir tout l'enseignement catholique, faisaient partie intégrante des leçons calvinistes. Dans la première moitié du XVIIe siècle les théologiens protestants y approfondissaient systématiquement la doctrine définie ou déterminée par les synodes, en polémisant avec les coryphées du catholicisme. Mais peu à peu la scolastique avait creusé un fossé entre l'université et l'Eglise, et les besoins de celle-ci furent négligés de plus en plus. La controverse européenne n'occupait plus que sporadiquement les professeurs de théologie. D'autres problèmes les passionnaient. La guerre de quatre-vingts ans entre Cocceïens et Voetiens sur la philosophie de Descartes avait éclaté. Malgré lui le savant français se voyait dès l'abord entraîné dans le domaine théologique. Ces disputes violentes absorbaient l'attention de tous. D'autre | |
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part les excès d'analyse ne faisaient pas défaut, et on se perdait quelquefois dans des questions capitales comme celle de savoir s'il était permis de tuer une puce ou un pou le dimanche, question qu'on résolvait par l'affirmative pour le malheureux pou, puisqu'il était trop pacifique pour se défendre, alors qu'on devrait laisser le champ libre ce jour-là à la puce, plus combativeGa naar voetnoot370). Il est très remarquable pour la renommée de Bossuet que dans ces circonstances deux des professeurs les plus célèbres se soient attaqués néanmoins à son oeuvre. Les catholiques de leur côté avaient des difficultés d'un autre ordre à surmonter. Sous la conduite apostolique de Néercassel la Mission hollandaise commençait à se rétablir des coups que le protestantisme, protégé par les autorités séculières, lui avait assénés. Mais déjà les synodes réclamaient avec une insistance toujours plus grande l'exécution rigoureuse des placards interdisant le culte catholique. Ce ne sont pas là des circonstances favorables à l'éclosion d'une grande littérature de controverse. Au danger extérieur s'ajoutaient en outre de graves discordes intérieures, qui troublaient fortement les esprits et qui devaient mener au schisme de 1723. Dès qu'on quitte le premier plan, l'état de choses change d'aspect. Nombre de pasteurs, instruits à l'université dans l'art de discuter, entraient dans leur ministère comme de parfaits batailleurs. Généralement ils ne tardaient pas à en venir aux mains avec les catholiques. Ces rencontres étaient surtout fréquentes aux confins des Pays-Bas septentrionaux et méridionaux puisque dans le sud du pays la restauration catholique commencée sous Alexandre Farnèse de Parme s'était pleinement accomplie sous l'archiduc Albert. On se livrait combat en de nombreux écrits populaires en langue vulgaire, en des dialogues ou des chansons. Tous ces pamphlets n'ont pas fait avancer la controverse religieuse d'un pas: remplis des artifices grossiers de la lutte pamphlétaire, ils se nourissent d'une érudition peu originale. C'est pourtant ce qui les rend intéressants pour notre sujet, puisque dans ces opuscules populaires on peut souvent montrer du doigt les modèles que les auteurs ont suivis, ou que très souvent même ils n'ont fait que copier tout simplementGa naar voetnoot371). Une double préoccupation se manifeste dans les efforts des missionnaires hollandais. Il va sans dire qu'ils s'efforçaient de se préserver des attaques ennemies. Mais avant tout ils étaient soucieux de fournir aux fidèles illettrés des arguments tout faits dont ceux-ci pussent se servir dans les débats religieux qui en ce temps-là étaient à l'ordre du jour. L'atmosphère dangereuse où ils vivaient les contraignait à mettre leurs | |
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ouailles à même de pouvoir distancer les ennemis de leur foi. Comme la plupart n'avaient ni l'occasion, ni le temps, ni les capacités de se plonger dans des explications savantes et approfondies des problèmes religieux, leurs prêtres devaient les pourvoir de traités faciles à digérer. Ils n'avaient que faire de livres qui se compliquaient d'un appareil scientifique trop étendu ou d'un langage théologique ou philosophique incompréhensible. On demandait à grands cris des expositions claires et succintes de la religion catholique, en particulier pour les dogmes sur lesquels les protestants concentraient en général leurs attaques. Il fallait des apologies dont chacun pût se servir dans la conversation quotidienne. Les petits livres ‘d'honnête homme’ de Bossuet étaient précisément leur fait. L'évêque de Meaux allégeait ainsi considérablement le fardeau qui pesait sur les prêtres hollandais, déjà suffisamment accablés de besogne. Il était toujours plus facile de traduire les oeuvres d'un homme si célèbre que de devoir en faire de nouvelles. Voilà qui explique pourquoi son Exposition, sa Conférence avec Claude, son Catéchisme, et son Explication de quelques difficultés sur les prières de la Messe ont été traduits immédiatement en hollandaisGa naar voetnoot372), alors que l'Histoire des Variations dont le retentissement a certainẹment été plus grand que celui des trois derniers de ces opuscules, a dû attendre jusqu'en 1738 pour revêtir la forme hollandaise. Les lecteurs cultivés qui se plongeaient dans ces questions historiques plus compliquées, pouvaient s'adresser aux éditions en langue française qui ne faisaient pas défaut. Pourtant il paraît que les ouvrages de Bossuet étaient un peu trop simples, trop limpides, trop réduits à l'essentiel - oserons-nous le dire: trop français - pour les Hollandais, plus prolixes, plus raisonneurs, plus compliqués. Qu'on regarde le Manuel et livre de famille pour les catholiques (Hand- en Huysboek der Katholijken), que le savant curé de Leyde, Hugo van Heussen, le ‘Timothée’ de NéercasselGa naar voetnoot373), a publié en 1705Ga naar voetnoot374). C'est un in-folio volumineux de quelque mille pages, qui a l'air d'une encyclopédie pour les difficultés de religion. Il ressemble à un Goliath, à côté du petit livre de M. de Meaux. Néanmoins il a emprunté à ce David la fronde pour abattre l'ennemi commun. ‘Ne pas créer de différences là où il n'y en a pas; Ne pas se scandaliser de divergences dans les expressions quand on est d'accord pour le fond; Ne pas grossir ni envenimer les différends; Distinguer méticuleusement entre les articles de foi et les opinions d'école, moins sûres et de moindre importance; Traiter les points de controverse importants de façon à instruire et à convaincre les adversaires, à les inciter à la confession de la Vérité à la concorde et à la paix, en un mot de manière à les amener à la Communion | |
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de la Sainte Eglise; leur montrer dans ce but comment les plus modérés et les plus sages du parti s'approchent du catholicisme, même pour le fond’Ga naar voetnoot375). Ces cinq commandements que l'auteur définit pour tous ceux qui se mêlent de disputer avec les protestants, ne sont au fond que la préface de l'Exposition de Bossuet, sous forme d'aphorismes. Aussi tout le contenu du livre de M. de Meaux se retrouve-t-il éparpillé dans cet ouvrage de longue haleine, submergé sous une masse de citations, prises dans les autres oeuvres de Bossuet, dans les décrets du Concile de Trente, les écrits apologétiques de Saint-Augustin, de Véron, des frères Walenburg, et, n'en déplaise à l'évêque de Meaux, de Grotius. De la main du même auteur nous avons un livre de controverse, tout aussi gros que l'autre, où il défend la foi catholique ‘contre paiens, juifs et sociniens, comme contre toutes les erreurs de ces derniers temps’Ga naar voetnoot376). Il y relève en particulier le gant que le pasteur Michel Loeffius, ancien capucin, avait jeté aux catholiques dans la justification qu'il avait publiée de sa sortie de l'Eglise-Mère; mais il veut y donner en même temps à tous les controversistes catholiques un répertoire d'arguments aussi varié que possible. Bossuet devait être toujours présent à l'esprit de van Heussen, puisque cette compilation est lardée de citations de ses oeuvres. Le curé hollandais se déclare d'ailleurs ouvertement son disciple, en écrivant dans la préface que pour la méthode de controverse il a suivi l'exemple de Véron, des frères Walenburg et de Bossuet. Il n'était pas le premier. Avant lui le controversiste le plus renommé parmi les catholiques était Johannes Roos, ancien remontrant, qui après sa conversion était entré dans l'Oratoire français et avait occupé des postes importants dans la Mission hollandaiseGa naar voetnoot377). Il a soutenu une vive dispute avec le pasteur Molinaeus. Lui encore a fait sienne la méthode de Bossuet, qui ne pouvait manquer de plaire à l'ancien remontrant. En réponse à son adversaire, qui avait reproché au ‘papiste’ un grand nombre d'égarements, il le prie de bien vouloir distinguer les opinions particulières des docteurs de la doctrine généralement admise, ‘définie par le Concile de Trente et exposée avec l'approbation expresse de Rome par l'évêque de Meaux’. A la suite de ce grand maître il va suivre cette voie pour essayer de convaincre son ancien coreligionnaireGa naar voetnoot378). | |
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Rappelons-nous que van Heussen était un des admirateurs d'Arnauld, avec qui il avait été en relations très étroites. Roos lui-aussi, curé du béguinage de Delft, a été lié d'amitié avec le réfugié français. Sous l'influence de l'école janséniste, préparée et renforcée par celle des irénistes bibliques, la méthode dogmatique, qui avait été prépondérante en Hollande dans la première moitié du dix-septième siècle, était tombée en désuétude. Le grand maître, ce n'est plus Bellarmin, c'est Véron, mais c'est surtout l'évêque de Meaux, qui a pris la succession des célèbres polémistes jansénistes dans la controverse religieuse. Nombre d'auteurs de petits pamphlets, de colloques insultants et de poèmes satiriques sont devenus ses adeptes. Ils n'ont qu'à étendre la main pour puiser dans les ouvrages de van Heussen des preuves toutes faites, des réfutations péremptoires et des citations appropriées. On ne doit donc pas s'étonner de retrouver dans cette littérature de troisième rang maint argument où l'on peut reconnaître aisément la griffe de l'évêque de Meaux, ni même d'y voir alléguée l'autorité du grand controversiste français. Ces adeptes n'ont pourtant pas toujours été fidèles à l'esprit du maître. Très souvent il s'agissait dans ces libelles de la doctrine, au détriment de la charité. Ils n'ont certainement pas contribué à rendre les protestants hollandais sensibles aux raisons de Bossuet, ni à les faire embrasser de leur côté sa méthode pacifique. Ils ont dû, au contraire, les avoir raffermis dans leur attitude de défense ou d'agressivité impitoyable. Incités par leurs ministres bretteurs, les réformés n'épargnaient rien dans la religion que leurs ancêtres avaient quittée et contre laquelle ils s'acharnaient, aveuglés par les préjugés de quelques générations. Les démons, dit une chanson populaire du début du siècle, leur ont ordonné d'affirmer d'un commun accord que le pape est l'Antéchrist, et que l'Eglise catholique est pleine d'idolâtrie et de superstition, et surtout de calomnier le clergéGa naar voetnoot379). Si tel est l'état d'esprit au commencement du dix-septième siècle, il ne faut pas s'attendre à le voir meilleur vers la fin du règne de Louis XIV. D'une part la scolastique calviniste n'a fait qu'appuyer la défense protestante. D'autre part les huguenots réfugiés n'ont pas inspiré à leurs hôtes des sentiments de paix et de réconciliation. Eux-mêmes ils n'avaient pas affronté tous les sacrifices ni tous les dangers de la fuite clandestine pour se laisser prendre dans les rets du fameux convertisseur, maintenant qu'ils respiraient l'air libre dans un pays où leur religion était favorisée par les autorités. Ils ont sans doute fait tout leur possible pour empêcher leurs frères hollandais de se laisser capturer. | |
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Trois armes défensives. La négation.On a pu observer dans le protestantisme européen trois réactions en face de la nouvelle méthode de Bossuet. Les uns se demandaient si l'évêque n'était pas devenu un des leurs; les autres l'accusaient d'avoir embelli sa religion, et le défiaient d'obtenir l'approbation du Saint-Siège pour ce libelle scandaleux; d'autres enfin avouaient timidement qu'il ne restait aux protestants qu'à revenir à l'Eglise romaine, si elle était vraiment telle que Bossuet l'avait peinte. Ce dernier aveu, si timide qu'il ait été, n'a jamais été entendu en Hollande. Tout y menait à Genève; impossible de se fourvoyer dans la direction de Rome. On a pu noter parfois la réaction contraire. A force d'avoir voulu incorporer à la tradition catholique toutes les parties assimilables du protestentisme, l'évêque de Meaux faillit être entraîné dans le camp ennemi. Pour rendre sa foi plus attrayante aux yeux des réformés, il avait cru bien faire en essayant de les persuader qu'elle n'était pas si éloignée de la leur qu'on voulait le faire croire généralement. N'avait-il pas ainsi approuvé implicitement leur foi?Ga naar voetnoot380) C'était évident: la vieille Rome était ‘apostatique’, et un de ses enfants les plus perspicaces avait fini par profiter des lumières de la RéformeGa naar voetnoot381). Ceux qui choisissaient ce parti sentaient pourtant toutes les possibilités d'erreur qu'il renfermait. On avait beau retourner contre Bossuet ses propres armes, l'emploi même de ces armes restait dangereux. Le tour ingénieux et brillant que Bossuet avait su donner à ses pensées, pouvait éblouir les gens qui ne réfléchissent pas. Les simples fidèles pouvaient s'y tromper et les imprudents couraient risque de se laisser ramener à BabelGa naar voetnoot382). Il fallait se tenir sur ses gardes. Aussi s'acharnait-on à inculquer aux lecteurs que Bossuet, tout en jouissant d'une autorité sans pareille, n'était pas toujours RomeGa naar voetnoot383). Il est manifeste que l'évêque de Meaux, avec ses manières d'honnête homme, leur donnait sur les nerfs, et qu'au fond ils aspiraient tous à rejoindre le plus grand nombre de ceux qui, d'emblée, avaient préféré la méthode, plus grossière il est vrai, mais plus sûre aussi, qui consistait à mettre simplement en doute la véracité de l'oeuvre de Bossuet. Tous guettaient impatiemment le moment où il ferait un faux pas pour rompre le sortilège où son honnêteté les tenait captivés. Ce moment vint avec la publication de l'Histoire des Variations. L'historien chez Bossuet n'avait pu bannir complètement en lui le prêtre militant. Il avait peut-être trop insisté sur les dérèglements de moeurs des réformateurs, sur leurs faiblesses humaines, heureux de pouvoir montrer comment elles avaient | |
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déteint sur la conduite qu'ils avaient observée en matière religieuse. En les dépeignant ainsi il avait manqué de l'indulgence à laquelle tous les hommes ont droit de la part de leurs proches. Il avait poussé leur portrait trop au noir, négligeant volontairement les aspects favorables de leur caractère. Mais nulle part il ne s'était avili à les accabler sous des calomnies, ni à ajouter foi à des racontars purement diffamatoires. Contrairement à d'autres historiens catholiques, comme en témoigne de lui Pierre Bayle, il ne s'était servi que des propres faits avoués par les protestants eux-mêmesGa naar voetnoot384). On pourrait seulement le chicaner sur l'interprétation de ces faits historiques. En tout cas cela ne suffit pas à expliquer ou à justifier l'orage qui éclata. S'il fut si violent, c'est que le silence qui l'avait précédé avait duré trop longtemps. ‘Rien qu'une violente invective contre la Réforme’Ga naar voetnoot385), rien qu'un portrait désavantageux, ‘hideux’ même, de la RéformeGa naar voetnoot386), voilà comment on caractérisait le livre. On respirait enfin, puisqu'on pouvait librement se décharger de l'angoisse, de la rancune et de la haine refoulées, heureux de rompre avec la bonne opinion qu'on avait été obligé de concevoir des lumières et de la bonne foi de ce prélatGa naar voetnoot387). S'étant employé en vain à innocenter les erreurs du papisme, Bossuet, à ce qu'ils disaient, se trouvait désappointé par le peu de fruit qu'avait produit sa méthode: il s'était donc décidé pour une nouvelle orientation. ‘Il a levé le masque..... par les injures et les calomnies dont il a chargé les Réformateurs et toutes les Eglises protestantes, il s'est montré tel qu'il est, et il a donné un modèle de la manière dont il mérite qu'on le traite’Ga naar voetnoot388). L'histoire a prouvé qu'on a prêté une oreille favorable à cet appel de ‘rendre la pareille’ à M. de Meaux. Nous avons déjà vu que dès l'apparition de l'Exposition un grand nombre de protestants avaient accusé cet avocat de Rome d'avoir adouci de son mieux la doctrine de son Eglise, de chercher des biais, des tours fins et délicats pour la faire admettre aux réformés. Il aurait chargé son livre de termes douteux pour diminuer ainsi le nombre des controverses. Afin de réaliser un rapprochement factice entre les deux partis, il n'aurait fait que se servir d'expressions que chacun pût prendre pour soi. Ces accusations, on les reprenait maintenant avec un nouvel entrain, malgré l'approbation que le livre avait obtenue de Rome depuis longtempsGa naar voetnoot389). Pour éliminer le témoignage fâcheux qu'était le bref d'Innocent XI, on déterrait quelques vieux racontars. | |
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Bayle, le premier, s'était moqué du bref d'un pape ‘si suspect de jansénisme que les Jésuites faisaient prier Dieu pour lui dans les couvents de religieuses’Ga naar voetnoot390). Ce conte pourtant paraît ne pas avoir pris. Le mauvais succès n'était pas pour faire démordre Bayle. La même année il lança un nouveau trait en reproduisant la fable de l'édition supprimée et de toutes les peines que Bossuet aurait eues pour obtenir l'approbation de RomeGa naar voetnoot391). Voici les faits, qu'on connaît généralement assez bien: Avant de publier son livre, Bossuet en avait fait faire un tirage d'essai, limité à une douzaine d'exemplaires, afin de ‘donner lieu à un plus facile examen’. Le texte en différait légèrement de la rédaction définitive, sans que ces variantes concernassent la doctrine. En outre il avait envoyé à Turenne son manuscrit au fur et à mesure qu'il le composait, et dès le début celui-ci en avait répandu des copies, qui par conséquent n'étaient pas toutes complètesGa naar voetnoot392). Ayant eu ces textes sous les yeux, La Bastide avait inventé dans sa Réponse au livre de M. l'Evesque de Condom l'histoire d'une première édition que Bossuet aurait dû supprimer avant de pouvoir présenter son livre au pape. Et même sous cette forme corrigée le livre n'aurait pu trouver grâce aux yeux d'Innocent XI. Des supplications et des adulations, indignes d'un Français, et une menace de la part de l'ambassadeur de Louis XIV auraient été nécessaires pour obtenir l'approbation tant désirée. Embellie de détails piquants, la fable a été reprise par Wake. Il alléguait entre autres le sort du prêtre français Imbert, qui aurait été condamné par Rome pour des doctrines conformes à celles qui se trouvaient dans l'Exposition, malgré l'appel qu'il avait fait au livre de M. de Meaux. Aux yeux de l'auteur anglais de tels incidents prouvaient clairement que le Sainte-Siège n'avait approuvé qu'à contre-coeur l'interprétation donnée par Bossuet à la doctrine de l'Eglise, prêt à révoquer ce qu'on faisait semblant de concéder, dès que le coup serait porté et que les Huguenots seraient convertis de gré ou de forceGa naar voetnoot393). Sous cette forme nouvelle l'histoire a eu un succès extraordinaire et une vie extrêmement tenace en Hollande. C'est encore un des journalistes réfugiés qui l'a réintroduite auprès du public hollandaisGa naar voetnoot394). Un fait la rendait d'une actualité brûlante et augmentait sa vraisemblance aux yeux de pas mal de gens: on y rattachait l'affaire d'Aeg. de Witte, qui avait | |
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fait tant de bruit en ces provinces. Celui-ci avait été condamné par la faculté de théologie de Louvain et par l'archevêque de Malines, pour avoir soutenu que le pape n'est que le premier des évêques, que saint Jacques était l'égal de saint Pierre, et que la puissance des clefs, conférée à ce dernier, n'a pas été conférée à ses successeursGa naar voetnoot395). Le lecteur non prévenu des pièces qui composent le dossier de ce procès, remarquera aisément l'énorme distance qui sépare cet esprit séditieux de Bossuet, pénétré de respect pour le Saint-Siège, la base de l'unité de l'Eglise, ‘qu'elle sert à entretenir et à cimenter’. M. de Meaux ne s'est pas montré trop clément envers Imbert. ‘Une tête mal faite’, voilà comment il le caractérise dans une lettre au P. Johnston qui lui avait demandé son avisGa naar voetnoot396). Son jugement sur de Witte aurait-il été moins défavorable, si on l'avait prié de se prononcer sur ce prêtre flamand? Mais le procès de l'ancien doyen de Sainte Marie de Malines avait fort remué les esprits en Hollande, où il s'était réfugié et d'où il continuait à lancer ses attaques contre ‘la faculté étroite’ de Louvain. Il pouvait merveilleusement servir de protection aux protestants, encore éblouis par le coup de foudre qu'avait été le livre de Bossuet. Il pouvait servir à infiltrer dans les esprits la fable de l'édition supprimée. Elle revient avec une régularité étonnante dans les écrits des protestants. Le professeur de faculté Leydecker ne dédaigne pas d'en forger un argument contre le livre de BossuetGa naar voetnoot397). L'encyclopédiste Luiscius la résume dans son article sur M. de MeauxGa naar voetnoot398). Et en 1739 nous lisons dans la Bibliothèque raisonnée des ouvrages des savans de l'Europe qu'une telle mystification d'éditions est un aveu tacite de mauvaise foi, ‘qu'il fallut faire jouer de grandes machines pour obtenir d'Innocent XI la couleur de son nom pour en imposer aux Réformés’, et qu'il faudrait savoir laquelle des deux éditions avait obtenu l'approbation du pape pour pouvoir juger si les paroles du Saint-Siège tenaient à conséquenceGa naar voetnoot399). En 1758 encore Prosper Marchand, auteur d'un Dictionnaire historique, s'en rapporte à Wake pour développer les ‘infidélités’ et les ‘artifices’ qui avaient accompagné la publication de l'oeuvre ‘infidèle et traîtresse’ de M. de MeauxGa naar voetnoot400). | |
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La diffamation.La pire calomnie n'a pas été épargnée à Bossuet. La fable dont nous venons de suivre le succès, n'est pas la seule qui ait été colportée sur son compte. Il y en avait une autre, plus pernicieuse et qui minait l'autorité de ses oeuvres en le frappant dans ses moeurs et dans son intégrité morale. Nous avons vu comment en 1688 on avait encouragé les protestants à faire retomber sur la tête de Bossuet les calomnies dont il aurait osé charger les Réformateurs. Il aurait été bien étonnant si Jurieu n'y avait prêté oreille. Le premier, il s'est servi contre Bossuet de l'arme tranchante de la calomnie. Tout en avouant qu'il n'en savait rien et qu'il voulait bien croire qu'il n'en était rien, il avançait, sur le témoignage de quelques prêtres renégats, que l'évêque de Meaux avait eu ‘neuf enfants et plusieurs concubines’Ga naar voetnoot401). Il n'a pourtant pas réussi à porter atteinte à la renommée de Bossuet. La réponse indignée de celui-ci suffisait à écarter ces calomniesGa naar voetnoot402). De son vivant on ne l'a plus attaqué dans sa vie personnelle. Après sa mort pourtant il courut de nouveau des bruits sur un mariage secret qu'il aurait conclu avec une nommée Mlle de Mauléon. Les recherches minutieuses de ces derniers temps ont réduit cette belle histoire à ses véritables proportions de racontar scandaleux, en mettant en lumière les contradictions sans fin des soi-disant témoignages. Tout ce qui en reste, c'est que Bossuet, qui n'a jamais trop bien géré sa fortune, a eu l'imprudence de se porter caution pour la demoiselle en question, ce qui lui a causé des difficultés financières, à lui et à ses héritiers. Voilà la source de tous les bruits diffamatoires, répandus sur luiGa naar voetnoot403). Voltaire, qui les recueillit dans son Siècle de Louis XIV, n'osa pourtant pas s'attaquer à la vertu de l'évêque qui lui inspirait beaucoup de respect, et ne parla que d'un contrat de mariage qui aurait été conclu avant son entrée dans les ordresGa naar voetnoot404). Se contentant de moins que Jurieu, l'encyclopédiste hollandais Luiscius avait rapporté avec beaucoup de réserve qu' ‘on disait parfois’ que Bossuet avait été marié et qu'il avait eu deux filles. Prosper Marchand ne se montre pas si respectueux. Voici comment il biaise pour accabler l'évêque de Meaux: ‘Je ne parle pas de son concubinage, ou, si l'on aime mieux, de son mariage clandestin avec une certaine mademoiselle “de Moléon”, qui donna lieu au Père | |
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le Tellier de lui reprocher fort plaisamment, qu'il étoit beaucoup plus “Moléoniste” que “Moliniste” comme il l'en assuroit; parce que, vû la manière dissolue et scandaleuse dont vivent quantité de ses confrères, ce mariage secret seroit en lui une vertu plutôt qu'un crime, s'il n'eut point eu l'iniquité· de refuser la même liberté aux autres Ecclésiastiques ses Confrères’Ga naar voetnoot405). En exploitant ainsi cette fable pour lancer des insinuations contre le clergé catholique, cet élève parfait de Jurieu emploie le langage d'il y a deux siècles. Avait-il puisé ses ‘renseignements’ dans Voltaire, ou les avait-il ‘de première main’? Il a appartenu au groupe des auteurs et des savants qui gravitaient autour de Justus van Effen et de 's Gravesande, et qui, par la fondation de plusieurs journaux, avaient pris la suite des huguenots réfugiés comme dirigeants critiques de la République des LettresGa naar voetnoot406). Parmi ces écrivains de valeur très inégale on rencontre aussi Saint-Hyacinthe, qui, masquant son nom véritable sous trois ou quatre noms d'emprunt, s'était retiré en Hollande, après avoir mené une vie mouvementée, remplie d'aventures amoureuses, au cours desquelles il avait même un jour rivalisé avec Abélard. Cet aventurier railleur se prévalait à l'étranger d'être né du commerce du grand Bossuet avec Mlle de MauléonGa naar voetnoot407). Il n'est donc pas si étonnant de trouver l'histoire de ce mariage dans la bouche d'un de ses intimes. | |
Le silence.Cependant du vivant du ‘fils de Bossuet’ les amis de ce chevalier d'industrie ont fait le silence sur M. de Meaux et sur ses oeuvres. Qui entreprendrait la lecture de leurs journaux dans l'espoir de passer agréablement son temps à lire des détails piquants sur les aventures galantes d'un évêque renommé, se trouve gravement déçu dans son attente. Le nom de Bossuet ne s'y rencontre que deux fois: dans un article sur Daniel Huet, à qui Louis XIV l'aurait préféré comme précepteur du dauphin, seulement parce que le roi était charmé de l'éloquence de l'évêque de MeauxGa naar voetnoot408); la deuxième fois, lorsqu'ils notifient sa Defensio DeclarationisGa naar voetnoot409). Ce silence étonne à première vue, puisqu'il y avait là toutes les conditions voulues pour que Bossuet occupât, au contraire, une grande place. Les journalistes étaient de grands admirateurs des jansénistes français, favorisaient à l'envi le mouvement schismatique dans le catholicisme hollandais, combattaient sans cesse les jésuites, et émettaient quelquefois, | |
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notamment sur l'infaillibilité du pape, des opinions qui auraient pu être prises d'un bout à l'autre dans les écrits de BossuetGa naar voetnoot410). Deux tendances opposées se sont-elles ici tellement neutralisées qu'elles se sont absorbées toutes les deux dans le néant? On ne pouvait pas diffamer l'évêque dans sa vie privée, et se prévaloir d'autre part de son autorité dans la lutte des idées. Un troisième élément nous fait pencher plutôt pour une autre explication. Dans le Journal litéraire surtout, ces auteurs hollandais ont porté aux nues Gilbert Burnet, le grand adversaire anglais de Bossuet, avec qui quelques-uns d'entre eux étaient en relations personnelles, et dont on allait jusqu'à proclamer ‘que ses talents allaient au dessus des forces humaines et servaient pour ainsi dire d'époque au siècle dans lequel il avait vécu’Ga naar voetnoot411). On avait toujours fait grand cas en Hollande de l'évêque gallican, qui y avait longtemps séjourné, et y avait même été admis dans le Conseil du prince d'Orange. En 1689 on avait publié à Amsterdam la traduction française de sa Critique de l'Histoire des Variations, faite par J.C. de la Crose, le bras droit de Jean le ClercGa naar voetnoot412). Rien de plus naturel que cet essai pour implorer un puissant secours étranger contre M. de Meaux. Mais lorsque la voix de celui-ci s'était éteinte, on vantait à l'excès l'oeuvre de Burnet, en semblant ignorer celle de Bossuet. C'était une arme nouvelle dans la lutte contre l'influence du controversiste catholique. Puisque les intérêts de la Réforme primaient tous les autres chez ces journalistes protestants, ils n'allaient pas augmenter le crédit de Bossuet en s'appuyant sur lui dans certains problèmes ecclésiastiques, ni même en attaquant ses moeurs, ce qui aurait impliqué toujours un aveu indirect de son importance. | |
l'Attaque directe.Lorsqu'on s'aperçut que tous les efforts pour nier, diffamer et passer sous silence un nom et une oeuvre dont l'influence allait croissant, n'avaient que peu d'effet, on se mit à attaquer directement sa méthode de controverse elle-même. Le rejet le plus brusque s'en trouve dans la Bibliothèque raisonnée des Ouvrages des savans de l'EuropeGa naar voetnoot413). De deux choses l'une, dit le journaliste: ou bien Bossuet a voulu dire dans son Exposition que les disputes ne roulaient que sur de simples malentendus, ou bien il a été d'avis que ces matières ne devraient plus causer de contestations, depuis que le Concile de Trente en a parlé définitivement. Si l'on doit admettre la première explication, on ne comprend pas trop bien ce que fait là le Concile | |
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de Trente. Les contestations n'ont-elles pas été absolument les mêmes avant, durant et après ce Concile? Et convient-il à un théologien qui excite les princes à la persécution, d'avouer aux persécutés qu'on les harcèle, les pille, les emprisonne, les pend et les roue pour de simples disputes de mots? Il y a vraiment des différences trop réelles de sentiments. Seuls les déistes croient le contraire, et Bossuet, qui fait tant le zélé, n'aura tout de même pas voulu dire ce que sous le règne de Louis XIV les déistes mêmes n'auraient pas osé penser tout haut. Il faut donc bien admettre la seconde explication. Mais alors son projet est inutile et ridicule, et son livre n'est qu'un tissu de sophismes et de chicanes puériles, puisque les protestants ne reconnaissent pas l'infaillibilité de ce concile, dont ils n'ont même jamais voulu accorder que ce fût un concile libre. C'est malheureux à dire, mais vraiment ce grand évêque en est pour ses efforts. Telle était la réaction à son livre soixante-six ans après qu'il avait paru. On refusait toujours de voir le fait pourtant si simple, que Bossuet, sans avoir eu du tout l'intention de polémiser, avait exposé, dans un but irénique, la véritable doctrine de l'Eglise catholique sur les points qui avaient donné naissance au schisme. S'il avait choisi les formules du Concile de Trente, c'est que ce concile avait été approuvé par toute l'Eglise catholique. Aux protestants alors de juger si cette doctrine différait de la leur autant qu'ils l'avaient toujours cru. Mais on n'agissait toujours pas avec la même inspiration que Grotius. On n'arrivait pas à juger du contenu du livre, et refusait net de suivre Bossuet dans sa voie. Désirant la lutte, on s'accrochait à des vétilles pour tout embrouiller. Rien ne le fait mieux ressortir que la fameuse dispute sur la transsubstantiation qu'ont eue vers le milieu du dix-huitième siècle L. Zeelander et J. van den Honert. Le premier était un prêtre de l'Eglise schismatique d'Utrecht, nommé Ph.L. Verhulst, qui succéda à N. Le Gros comme professeur de théologie à Amersfoort, et que nous avons déja rencontré sous le pseudonyme de P.H. VlamingGa naar voetnoot414). L'autre était professeur de théologie et d'histoire ecclésiastique à l'université de LeydeGa naar voetnoot415). La dispute a été d'une longueur interminable. Pendant plus de douze années elle a occupé le Boekzaal der geleerde Waerelt, un de ces périodiques protestants hollandais qui avaient pris la suite des journaux françaisGa naar voetnoot416). Van den Honert avait choisi la transsubstantiation comme sujet d'un traité volumineux, parce que Bossuet était d'avis qu'il n'y avait rien qui paraisse plus important dans les controverses religieuses, rien aussi qui | |
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pour les protestants soit plus difficile à croire, ni en quoi le deux partis soient si effectivement opposésGa naar voetnoot417). Dans la préface de son livre il reprochait à Bossuet d'avoir traité ce sujet trop à la légère, et surtout de n'avoir pas mentionné les objections des protestants à cette doctrine, ni les preuves de leur doctrine à eux. Zeelander, dans sa réponseGa naar voetnoot418), prit la défense de M. de Meaux. Ce n'était pas la coutume de Bossuet, assurait-il à son adversaire, de traiter une question à la légère. Il lui représentait que si Bossuet en avait parlé si brièvement, c'était une conséquence logique de son dessein, qui n'avait pas été d'attaquer les croyances protestantes, puisqu'il jugeait inutile de reprendre tout le travail qu'Arnauld et Nicole avaient déja fait avant lui. Loin de se rendre à l'évidence, le professeur calviniste répéta ses reproches à l'Exposition, en ajoutant qu'il n'avait jamais vu de livre qui eût tellement perfectionné l'art de vernir des erreurs, d'obscurcir des vérités, de rapetisser des objections, et de cacher des preuves du contraireGa naar voetnoot419). Rien n'avait changé depuis le siècle précédent. Sur les traces de van Heussen et de Roos l'un embrassait chaleureusement la méthode de controverse de Bossuet; l'autre la récusait avec la même obstination que tous ses prédécesseurs. A aucun prix le protestantisme ne voulait aborder aux rives romaines. Le fait que plusieurs interprètes de la pensée de Bossuet étaient engagés eux-mêmes dans une fausse route, et n'étaient pas toujours les guides les plus indiqués pour reconduire les protestant à la Ville Eternelle, n'est que pour très peu dans ce refus. Certes ils n'ont pas négligé de profiter de l'attitude peu respectueuse envers la Cour de Rome de ces défenseurs du catholicisme, ni de leur application à la tradition chrétienne du principe du libre examenGa naar voetnoot420). Mais n'eussent été ces circonstances défavorables, ils ne se seraient pas rendus non plus. ‘Avec ceux de la religion catholique aucune communion n'est possible en vérité et en charité’Ga naar voetnoot421), voilà la conclusion douloureuse de ce débat. Pas plus que les autres, Bossuet n'avait su désarmer la prévention et la haine. | |
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Bossuet ou Fénelon?Ga naar voetnoot422).Il faut quitter pendant quelques instants le terrain de la logique pure et simple, pour impliquer dans l'analyse des faits historiques les raisons du coeur que la raison ne connaît pas. Les célèbres paroles de Pascal nous sont restées sans cesse présentes à la mémoire pendant l'exposé précédent sur l'impuissance de Bossuet à conquérir les protestants hollandais, en dépit de la renommée extraordinaire dont il jouissait. Le danger de se restreindre à une explication purement logique est grand, puisqu'au fond elle est inhérente au système de Bossuet. Tout paraît jusqu'ici si clair et si naturel; mais la clarté n'est pas nécessairement toute la vérité. Ce serait tomber dans la faute que Bossuet n'a pas su éviter lui-même, que de négliger la part de sensibilité ou même de sentimentalité du protestantisme, tout paradoxal que ce terme puisse paraître sous ce rapport. Après avoir suivi jusqu'au bout le développement de la lutte, il reste toujours quelques questions auxquelles la réponse n'a pas encore été donnée; une certaine inqúiétude se dégage à la longue, qui naît de l'insatisfaction de n'avoir pas trouvé le mot de l'énigme. N'est-ce vraiment que la haine de Rome qui a fait échapper les protestants hollandais à la prise de Bossuet? D'où viendrait alors la forte préférence pour Fénelon, beaucoup plus ultramontain pourtant que lui? Comment expliquer la réaction du protestantisme hollandais au cours des démêlés entre l'évêque de Meaux et l'archevêque de Cambrai, et après la défaite de celui-ci? Pour trouver la réponse à ces questions il faut entrer dans le domaine du coeur. Une forte poussée mystique pénétrait les Eglises partout en Europe. En Hollande les circonstances étaient très favorables à l'éclosion des plus ferventes ardeurs de piété. Les rigueurs dogmatiques des calvinistes y avaient provoqué déjà de bonne heure la réaction des piétistes, cherchant le seul moyen de salut dans la parole de Dieu, qui devait se comprendre d'elle-même. Le guide spirituel des communautés de régénérés, Jean de Labadie, le prophète Quirinus Kuhlmann, Antoinette de Bourignon, l'apôtre passionnée de la vie affective, tous y eurent nombre d'adeptes. Les réfugiés français, qui avaient été traqués dans leur patrie par les dragons, et avaient dû essuyer force tourments et douleurs, entretenaient en eux une hyper-sensibilité qui ne les rendait que trop enclins à suivre ces maîtres hallucinants. Nombreux étaient d'autre part, dans la riche bourgeoisie hollandaise, les hommes, et surtout les femmes, que leur opulence et leur confort lassaient; tourmentés par la nostalgie d'un idéal plus élevé, ils allaient chercher leur salut auprès de ces maitres nouveaux. | |
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Comme la querelle quiétiste n'était qu'une phase dans la lutte contre cette poussée mystique, elle fut suivie en Hollande avec une extrême attention. Un gazetier hollandais essaya de gagner un janséniste à l'affaire de Fénelon, en le mettant devant le dilemme de sauver Jansénius avec M. de Cambrai ou de le perdre avec lui, puisque l'Eglise ne serait pas infaillible sur un livre et faillible pour l'autreGa naar voetnoot423). Le pauvre janséniste se trouvait là dans une situation embarrassante. Nous ne savons pas s'il s'en est tiré. Si ce n'est pas le cas, Bossuet aura perdu le seul sympathisant que nous ayons pu trouver pour lui dans ce débat. La Lettre d'un Ecclésiastique de Flandre à un de ses amis de Paris, où il démontre l'injustice des accusations que fait M. l'Evêque de Meaux contre M. l'Archevêque de Cambrai dans son livre, qui a pour titre Divers Ecrits ou Mémoires sur le livre intitulé Explication des Maximes des SaintsGa naar voetnoot424), a un de ces titres prolixes qui sont assez éloquents par euxmêmes. Nous ne savons pas si parmi les catholiques, chez qui son autorité était très grande en ce moment-là, Bossuet a eu des défenseurs dans l'affaire quiétiste. C'est bien probable. Seulement leurs voix ne nous sont pas parvenues, que nous sachions. Celles des protestants n'en sont que plus nombreuses, et sans aucune exception elles se déclarent pour l'archevêque de Cambrai. Il vaut la peine d'écouter leurs arguments. La condamnation du ‘martyr de la théologie mystique’, déclare un éditeur des Avantures de TelemaqueGa naar voetnoot425) dans sa préface, a plutôt fait voir le grand crédit de Bossuet que la justice de la cause. Mais M. de Meaux avait pour animer son zèle d'autres motifs que ceux de la religion. Fénelon avait souhaité, sans la briguer d'ailleurs, la charge d'aumônier de madame la duchesse de Bourgogne, que Bossuet avait obtenue. Devenu archevêque de Cambrai, Fénelon s'était démis d'une abbaye, puisque le revenu de son archevêché lui suffisait. Son exemple de désintéressement condamnait hautement la conduite de M. de Meaux. Aussi celui-ci cherchait-il des prétextes spécieux pour détruire son adversaire. Le livre des Maximes lui a fourni tout ce qu'il souhaitait, et comme la conduite de Fénelon ne donnait pas de prise, il a voulu le confondre avec Mad. de Guyon. Bien qu'on n'ait pas voulu comprendre le vrai sens du livre, l'auteur s'est soumis entièrement au pape. Mais Bossuet, jamais content, revient à la charge et attaque un homme qui ne se défend plus, rien que pour immortaliser sa gloire, en humiliant son adversaire qu'il ne croit pas encore assez combattu. La postérité rendra bien justice à Fénelon. Voilà le canevas sur lequel ils ont brodé tous. La plupart le font avec des couleurs plus vives. Le fanatique Jurieu a sans cesse les mots de | |
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malignité, d'obliquité, d'iniquité, et de mauvaise foi à la boucheGa naar voetnoot426); Elie Saurin, le propagateur du biblisme sentimental, nous dépeint Bossuet comme un homme vindicatif, qui a saisi cette occasion pour mortifier son antagoniste et son glorieux rivalGa naar voetnoot427); Prosper Marchand, l'implacable persécuteur de Bossuet, parle de ses procédés odieux et détestables envers FénelonGa naar voetnoot428). Aucun ne daigne considérer les motifs religieux qui ont poussé Bossuet dans son opposition tenace à une doctrine qui pouvait aboutir à dénier à l'Eglise son rôle nécessaire d'intermédiaire entre l'homme et Dieu, et qui, en dernier ressort, faisait renoncer l'homme au souci continuel de son salut pour passer quelques heures avec Dieu. Il est bien évident que son inquiétude religieuse était un mobile beaucoup plus fort que son animosité personnelle contre Fénelon. Mais l'archevêque de Cambrai avait séduit ces esprits imaginatifs, ces âmes troubles, éprises de sensations fortes et d'amour désintéressé. Moins fort que son adversaire sur le terrain de l'esprit, il avait incontestablement le dessus sur celui du coeur. La ‘victime de Rome’ avait gagné les âmes sensibles par ses gémissements dolents sur les coups rudes que Bossuet lui portait, par sa sérénité passive dans la condamnation, et par l'humiliation de l'aveu complet de ses fautes. Le fait que Fénelon était tombé en martyr, avait fait triompher sa cause. Il y avait dans cette attitude de quoi satisfaire les aspirations maladives des adeptes du pur amour, qui étaient assez nombreux en Hollande. M. de Cambrai y passe pour ‘l'homme de son siècle et de son rang qui eût le plus de mérite réel et de vertu pure’Ga naar voetnoot429). Ses oeuvres spirituelles y connurent un grand succèsGa naar voetnoot430); celles de Bossuet y étaient trop ignorées. Dans la glorification par Poiret de l'amour ‘où Dieu doit être l'objet, le motif et la fin de toutes nos affections, et de toutes nos intentions’ nous entendons un écho de l'amour pur, dépouillé de tout ce qui n'est pas l'amour lui-même. Elie Saurin se fait connaître encore plus directement comme un disciple de Fénelon. Et Jurieu essaie même de mettre Bossuet du nombre de ses adhérents. Avec sa verve satirique abondante, il puise à larges mains dans | |
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les oeuvres de l'évêque de Meaux pour prouver qu'il n'est pas moins quiétiste que Fénelon lui-même. Si donc, après les Variations, le protestantisme allait se retrancher pour une large part dans le bastion de la foi intérieure, ce n'est pas tellement parce qu'il avait perdu la bataille sur le terrain de l'orthodoxie, mais bien plutôt parce que, ce faisant, il s'adaptait aux besoins de l'époque. Ne soyons point trompés par la haine démesurée d'un Jurieu pour Bossuet, qui, après l'avoir chassé un moment de l'orthodoxie calviniste, lui faisait faire un brusque retour, en lui montrant les horreurs du socinianisme où il glissait par les voies du libre examen. Il se débattait tragiquement contre lui-même, et nourissait une rancune profonde contre celui qui, avec une clairvoyance trop froide, touchait aux points faibles de sa vie intérieure, comme aux plaies de tout le protestantisme. En se laissant conduire par des sentiments de vengeance étrangers à l'objet du débat, il incarne l'état d'esprit général que Bossuet avait à vaincre. Ce qui vaut pour Jurieu, vaut encore à plus juste titre pour Prosper Marchand. Avec la différence que celui-ci ne lutte plus. Il avait franchi le pas, et s'était engagé résolument dans la voie du déisme. S'il ne manque aucune occasion de déverser sa haine sur Bossuet, ce n'est pas en premier lieu par amour du protestantisme, mais bien plutôt par horreur de l'orthodoxie, quelle qu'elle soit. Avec lui nous sommes plus près de Voltaire que de Calvin. | |
l'Esprit de Grotius.Le nombre des prosélytes de Bossuet a été impressionnant. Il a opéré des conversions qui marquent dans l'histoire générale du siècle. Le danois Winslow fit le long voyage de Meaux pour abjurer le protestantisme entre ses mainsGa naar voetnoot431); en Angleterre ses convertis Jacques Drummond, duc de Perth, et le duc de Richmond, fils naturel de Charles II, firent éclat en entrant dans l'Eglise de RomeGa naar voetnoot432). Il joua un rôle important dans l'odyssée religieuse de l'historien Gibbon, qui, à l'âge de seize ans, ‘tombe sous les coups de ce noble adversaire’, mais qui, presque comme J.J. Rousseau, rejeta dix-huit mois après sa nouvelle croyance et rentra dans le protestantismeGa naar voetnoot433). Et la France peut se prévaloir de toute une série de conversions éclatantes, entamées ou achevées par les oeuvres de son fils célèbreGa naar voetnoot434). Ce serait une belle prise pour l'historien de son influence en Hollande, d'y pouvoir relever une conversion éclatante et de pouvoir inscrire quelques | |
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noms sur cette longue liste de prosélytes. Mais à ce point de vue l'époque que nous avons étudiée nous laisse les mains vides. Nous ne pouvons que répéter les paroles d'un ministre protestant qui disait que le bureau de cette statistique se trouve au cielGa naar voetnoot435). Et pour le reste nous avons à signaler le fait que les catholiques hollandais n'ont pas perdu confiance en la force de la parole de Bossuet pour éveiller les âmes, et pour les avertir de se sauver dans la forteresse de l'orthodoxie catholique, où leur christianisme ne serait plus sujet à des variations et défigurations sans fin. Pendant tout le dix-huitième siècle ils ont continué à rééditer régulièrement la traduction de l'Exposition faite par CoddeGa naar voetnoot436). En 1772 il en parut même une nouvelle traduction, anonyme celle-ci, suivie d'une autre, également anonyme, en 1796. Ils poursuivaient ainsi leur tradition de mettre ses leçons claires et simples à la portée de tous les fidèles comme de tous les infidèles. D'ailleurs en lisant les effusions d'admiration et de tendresse, si inaccoutumées parmi les Hollandais généralement plus retenus, on dirait que la gloire de Bossuet était devenue sacrée pour les habitants catholiques des Pays-Bas. Ils l'ont encensé tout le long du dix-huitième siècle, et leurs louanges vont toujours s'accroissant. ‘Cet oeil des théologiens et des défenseurs de la foi au siècle précédent’, ‘ce grand homme au regard prophétique’, ‘ce miracle de la France’, tels sont les termes un peu lyriques par lesquels ils finissent par traduire leurs sentiments d'admiration et de gratitudeGa naar voetnoot437). Les protestants, eux-aussi, ont été forcés de reconnaître ses grandes qualités et la valeur indubitable de ses oeuvres. Ils ne cessent de faire des réserves sur ses qualités d'homme et sur la question doctrine. Ils ne l'aiment pas, et le plaignent d'avoir dû biaiser pour défendre une cause qui était mauvaise en elle. Mais ces restrictions faites, ils prodiguent généreusement les éloges. Bossuet est pour eux le plus grand théologien que la France ait jamais produitGa naar voetnoot438); ils avouent qu'il avait beaucoup d'esprit et une profonde scienceGa naar voetnoot439); même Prosper Marchand, son ennemi déclaré, qui ne laissait échapper aucune occasion pour le mettre au pilori, reconnaît grincheusement que c'est un fameux convertisseur, très connu du public par ses écrits de controverseGa naar voetnoot440). Ce ton de dépit disparaît vers la fin du siècle. L'esprit de Grotius | |
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commence à pénétrer enfin, inaugurant une ère de tolérance inouïe, où les confessions se rapprochent fort l'une de l'autre. Du même coup l'oeuvre de Bossuet devient d'une actualité plus grande que jamais, et nombreuses sont les traductions qui sortent des presses hollandaises. Nous venons de mentionner celles de l'Exposition. Elles sont suivies de celles du Traité de la Communion sous les deux Espèces, des Traités du Libre Arbitre et de la Concupiscence, des Méditations sur la Rémission des Péchés, et des Avertissements aux ProtestantsGa naar voetnoot441). Une édition en dix tomes de ses OEuvres oratoiresGa naar voetnoot442) clôt cette série impressionnante de versions hollandaises de Bossuet qui parurent en vingt ans. Les luttes inexorables appartiennent au passé. Sans regimber, des protestants prennent désormais en mains les ouvrages de Bossuet. Suivant les traces de Grotius, ils essaient de quitter leurs préjugés sur la religion catholique. Que cet effort ait été passager ne diminue en rien la valeur qu'il a pour l'histoire. Et il a permis d'évoquer ensemble les noms de Bossuet et de Grotius, donnant ainsi raison à van Heussen qui, dès la fin du siècle précédent, les avait déjà joints dans ses livres de controverse. |
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