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Af-schrift van een Brief, Geschreeven door de Hoogh-verlichte ende van Godt be-genaadighde Jonghvrouw Anthoinette Bourignon, Tot een antwoort, Aangaande het uytgeeven, van dit teegenswoordige Boeck.
Monsieur,
I'Ay reçeu la vôtre du 4 de cette année: par la quelle vous me demandez encor conseil de faire imprimer la deduction d'une petite bête, qui ne vit qu'un jour, & endure en ce temps beaucoup de miseres. Ce qui me semble la figure de l'homme qui n'est icy, qu'un jour à l'egard de l'eternité. Durant quel temps neantmoins il endure tant de diverses sortes de miseres, que mille bestes ne sont pas si miserables, que l'homme; naturellement assujetti à tous les elemens, & tourmenté de toutes sortes de bestes, qui le mordent ou tuent. Et si cette impression se pouvoit faire pour l'edification ou salut du prochain; je serois bien d'avis, que vous la missiez au jour; comme la derniere piece de vos ouvrayez curieux; afin de vous donner puis aprez à des choses plus serieuses, qui regardent l'eternité. Car quoy que cette piece semble servir comme un moyen d'attirer les hommes a la connoissance de leur miseres, elle ne laissera pourtant pas de poussez en vostre ame des gets de vaine gloire, & de propre complaisance, en cas
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vous ne soyez sur vos gardes & que vous y resistiez virilement. Cette gloire se peut aussi fourrer dans des escrits ou vers spirituels, lors qu'on ne met pas bonne sentinelle sur nos sens; car la nature de l'homme est si corrompuë par le pêche, qu'elle ne se peut presque mouvoir sans y tomber d'un costé ou de l'autre. C'est pourquoy que l'Apôtre dit, que cette vie est un combat continuel. Mais il ne faut pas pourtant laisser de faire tout ce, qui contribue à la gloire de Dieu & au salut de nostre prochain; ains il faut plustot se forcer à en faire d'avantage, à mesure qu'on sente des tentations de faire le contraire, afin que le Diable prenne la fuite, & n'empeche pas de bien faire. Ce qui arrivera, moyennant que nous protestions tousjours devant Dieu, que nous ne voulons pas attribuer à nous mesme aucun bien fait, gloire, ou honneur; mais de rendre tout a Dieu, d'ou toutes sortes de bien derivent. Les sciences naturelles, & sur-naturelles, sont dons particuliers de Dieu, qu'il depart à un chacun par sa bonté & misericorde, & l'homme n'a rien de soy que le péché & les miseres. Tous les autres biens sont dons de Dieu, & point de la nature, qui par sa corruption, ne peut produire, aucune bonne chose, & pour cela ne se peut rien attribuër de bon, d'autant plus, que l'écriture nous dit, que tout bon don vient du Pere de lumiere. Je me rejoüis de voir dans la vostre écritte au S. que vous entandiez continuellement, que je vous dis. Delaissez les choses de la terre. Retirez vos affections des creatures. Renoncez a vous mesme. Car tout ce qui est de nature, n'est | |
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point de grace. Cette voix vient bien par moy, mais point de moy; ains de Dieu mesme, qui parle à vôtre cœur. Et comme il à parlé au mien immediatement, il parle maintenant, au vostre mediatement, par mes écrits. Il faut que vous luy soyez fidelle, car si vous avez entandu la voix du Seigneur; n'endurcissez point vostre cœur. Et ailleurs. Celuy qui à eu la lumiere de verité, & retourne en ses pécher, il n'y a plus de sacrifice à offrir pour luy. Dit S. Paul. C'est pour quoy, qu'il ne vous faut pas boucher les oreilles à la voix interieure du Seigneur; ains luy ouvrir vôtre cœur; au quel il frappe continuellement par mes escrits, pour voir, si vous luy ouvrirez, afin, qu'il fasse sa demeure en vous. Preparez luy la une logette, afin qu'il y puisse demeurer eternellement, sans en pouvoir estre de chassé par quelque affection terrestre, avec qui l'amour de Dieu est incompatible. Delaisser donc les choses de la terre, & renoncez a vous mesme. Car tout ce que la nature veut est mauvais. A cause de la corruption, que le péché à causée en elle; & vous la sur monterez aisement, si vostre esprit s'entretient continuellement avec Dieu; alors elle s'amortira peu à peu d'elle mesme; car toutes les passions concupiscibles tombent de l'ame de celuy, qui ayme vrayement Dieu, Comme les feuilles tombent des arbres en l'arriere saison. Et cet entretien de vostre esprit avec Dieu, est bien le plus doux remede, pour surmonter les mouvemens de la nature corrompuë, que ne sont les forces & violences. Car il est bien plus agreable
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de faire quelque chose de penible par amour que par force. C'est pourquoy laissez gagner cet amour de Dieu vostre cœur; & vos inclinations naturelles, des quelles vous vous plaignez, s'evanuiront à mesure, que cet amour croitera. Car vous sentirez par experience, que l'amour de Dieu apportera plus de repos & de contentement à vostre ame, que ne sçauroient faire toutes les delices ensemble de la nature corrumpue: qui sont comme des eaux salées; plus on en boit, plus on en est alteré. Outre que les plaisirs ou delices naturelles ne font que boureller l'ame, aprez qu'elle les à goûtée, on s'en est soulée: mais les delices d'une bonne conscience donnent tousjour de la joye & du repos interrieur; & partant tachez d'entretenir tousjours vostre esprit dans les leçons que Dieu m'a donneez; car il les donne aussi à vous, & à tous les ames, qui luy veulent obeïr; mais je vous recommande sur tout la fidelité à l'appel de Dieu; car plusieurs sont perir aprez avoir reçeu des grandes lumieres de Dieu; ou il sont demeurez au milieu de la carriere, sans advancer en la solide vertu; & cela à cause, qu'ils n'ont pas esté fidelles aux lumieres, que Dieu leur avoit de partiez par sa seule bonté & misericorde. Car Dieu previent quelque fois avec ses graces, les personnes qui sont au milieu de leur pechez; ou qui sont chargeez de plusieurs imperfections, en leur donnant des bons desirs & bonnes volontez pour le servir & aymer. Voire mesme il donne aux pécheurs ses divines lumieres toutes particulieres & des connoissances de la solide vertu, & de la vie interieure & spirituelle. Voire des gouts sensi- | |
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bles dans leurs devotions; & tout cela pour les allecher à son amour. Il leur fait gouter des consolations spirituelles, ou prevoir les choses à venir & semblables dons; mais lors que l'ame ne se degage point de tout le terrien, & ne renonce point à elle mesme, pour suivre cette lumiere divine, que Dieu luy fait voir, elle tombe en arriere, & ces divines lumieres, & douceurs luy servent de plus grande condemnation. Veu que toutes ces graces & lumieres servent d'augmentation de péchez a la personne, qui demeure vivante selon la nature corrompue; la quelle se glorifie d'avoir des dons de Dieu, & des vertus, qui ne consistent, qu'en speculations & point en realitez. Veu que la vertu reelle fait mourir cette nature corrumpue pour resusciter a la grace premiere, dans la quelle Dieu nous à creez; & cela est la vraye renaissance en l'esprit de Jesus Christ, la quelle je vous souhaitte, pour nouvel an, & à tous ceux qui ayment la verité. En demeurant
Du lieu de mon exil, le 5/15 Janvier,1675.
Vostre affectionnée servante en Jesus Christ,
Anthoinette Bourignon.
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