Le théâtre villageois en Flandre. Deel 1
(1881)–Edmond Vander Straeten– Auteursrechtvrij
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bres de rhétorique en Flandre ont une double origine. Elles procèdent à la fois des cérémonies liturgiques et des sociétés de tir. Les premières engendrèrent les mystères, les deuxièmes donnèrent naissance aux jeux de moralité. Les unes et les autres remontent à une époque trèsreculée. Il est notoire que les prêtres, qui aujourd'hui anathématisent, parfois avec raison, la comédie et les comédiens, furent les premiers qui se donnèrent en spectacle, dans leurs églises, pour l'interprétation des cérémonies liturgiquesGa naar voetnoot(1). ‘Ce furent les ecclésiastiques de nos églises chapitrales, dit M. Ed. Van Even, qui, au xiie siècle, instituèrent les soi-disant mysteriespelen, lesquels, aux grandes fêtes de l'année, furent joués dans l'église ou au cimetière. A la Toussaint, ils représentaient ordinairement le Jugement dernier; à la Noël, la Naissance du Christ ou les Trois Rois; vers Pâques, la Passion ou la Résurrection de Notre-Seigneur; à la fête de la Vierge, l'Ascension, etc. Les fêtes patronales des villes et des églises se célébraient communément par la représentation d'une pièce retraçant la vie du patron choisi. Tous ces ouvrages furent originairement élaborés par des ecclésiastiques. Plus tard ces représentations se répandirent tellement, que des laïcs durent s'y adjoindre, et c'est ainsi qu'elles dégénérèrent insensiblement en un | |
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mélange de profane et de sacré, au point qu'elles furent défendues par les statuts synodaux d'Utrecht, en 1293. En Belgique cependant, elles furent maintenues jusqu'au xve siècleGa naar voetnoot(1).’ Non contents de célébrer la Passion avec tout l'appareil d'une pièce scénique, ils sortirent de leur temple et exhibèrent leurs mystères en pleine rue, en pleine place publique. A Audenarde, les Frères mineurs donnèrent, à partir de 1405, des représentations pantomimiques, en s'aidant de rouleaux où se trouvaient inscrites des maximes et des allégories. Ils se firent conduire autour de la ville sur des traîneaux, auxquels étaient attelés les jeunes religieux du même ordre. Le clergé continua ces représentations jusqu'à ce qu'il se vît détrôné par les laïcsGa naar voetnoot(2). D'autre part, les gildes de tir jouèrent d'abord ellesmèmes des pièces dramatiques, avec tous les attributs d'une véritable association de rhétorique, tels que rois, doyens, syndics, fous, blasons, bannières. Leurs membres | |
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se nommaient gesellen, comme les compagnons qui aidaient les prêtres à jouer des mystèresGa naar voetnoot(1). Elles saisissaient ordinairement l'occasion d'un tir solennel, pour donner leurs joyeux ébattements, bouffonneries grossières auxquelles les fous prenaient une part très-importante. Le nombre des spectateurs devait être immense. Outre l'engouement des populations flamandes pour les exhibitions scéniques, il y avait, dans les diverses sociétés, une vive émulation, qui les portait à se contrôler réciproquement. Du reste, les invitations étaient nombreuses, et les moyens de propaganda multiples. On peut, par induction, juger de ce que devait être une assemblée pareille. Un des personnages fictifs du poëme si curieux de Martin Le FrancGa naar voetnoot(2), l'Adversaire, nous en fournit le moyen, dans le passage suivant, où, en parlant des Puys d'Amour, qu'il désigne sans cesse, dans son rôle, comme des conciliabules dignes de mépris, il dit à son interlocuteur: Va-t-en aux festes à Tournay,
A celles d'Arras et de Lille,
D'Amiens, de Douay, de Cambray,
De Valenciennes, d'Abbeville:
Là verras-tu des gens dix mille
Plus qu'en la forest de Torfolz,
Qui servent par sales, par viles,
A ton dieu, le prince des folzGa naar voetnoot(3).
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Qu'était-ce dans les villes flamandes les plus florissantes sous les ducs de Bourgogne, et particulièrement dans celles adonnées, avec une véritable passion, à la culture des arts libéraux? Les campagnards allaient avidement voir ces représentations, et l'influence qu'elles exercèrent sur les esprits incultes dut être considérableGa naar voetnoot(1). En 1428, les villages de Hulste, Herzeele, Loo, Harlebeke, Iseghem, Boesinghe, Asper et Syngem, furent représentés au tir de la société de Saint-George à Audenarde. Sans nul doute, des gesellen van den abatemente accompagnèrent ces gildes pour en rehausser l'éclat et pour faire diversion aux exercices monotones du tir. En 1433, c'était le tour de Liedekerke et de Ruysselede. En 1561, un concours s'ouvrit à Sottegem, à la fois pour le théâtre et le tir. Grammont s'y renditGa naar voetnoot(2). Pareille fête où Thielt assista, eut lieu, en 1562, à AeltreGa naar voetnoot(3). Insensiblement, ces gesellen se fractionnèrent pour constituer une association particulière. C'est ainsi que débutèrent la plupart des sociétés de rhétorique de la Flandre. | |
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Une étude assidue des registres de la comptabilité communale nous a donné cette conviction. C'est aussi l'opinion de plusieurs érudits, et notamment de M. Ed. Van Even, qui s'est occupé spécialement des associations dramatiques du BrabantGa naar voetnoot(1). Des restes de cette doub e réunion se voyaient encore, au siècle dernier, dans c rtains villages, notamment à Petegem, en 1764, où la gilde de Saint-Sébastien conserve un registre, dit GuldebouckGa naar voetnoot(2), qui offre le passage caractéristique que voici: ‘Le 29 avril, le 13 et le 16 mai 1764, la gilde (de Saint-Sébastien) représenta le martyre des saints Marc et | |
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Marcellin, du saint chevalier Sébastien, notre patron, sous le règne tyrannique de l'empereur romain Dioclétien, et la fin malheureuse dudit empereur, avec la devise: Non conabitur, etc.Ga naar voetnoot(1).’ Ce qui se passait dans les villes avait lieu également dans les campagnes. Les scènes jouées à l'ombre du beffroi, se représentaient au pied de chaque modeste clocher de village. Nulle part, pendant le moyen âge, les divertissements scéniques n'obtinrent plus de splendeur et ne jouirent d'une faveur plus soutenue qu'en Flandre, véritable fourmilière de gildes industrielles, religieuses et récréativesGa naar voetnoot(2). Au fort de l'industrie, la population exubérante des villes se répandit dans les faubourgs et inonda la campagne. Une lettre de Philippe de Lalaing, capitaine d'Audenarde, adressée à la reine-gouvernante, en 1538, élève à quatorze mille le chiffre des ouvriers vivant de l'industrie de la tapisserie à Audenarde et dans sa banlieue. Un autre | |
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document porte ce nombre à vingt mille, en y comprenant toutes les localités suburbaines situées dans un rayon de deux lieues. Vers cette époque, on compte sept chambres de rhétorique à Audenarde. Ces associations atteignirent un haut degré de célébrité dans le pays. On place communément Anvers et Audenarde parmi les villes belges où la poésie et les représentations théâtrales étaient cultivées avec le plus de succès. Un littérateur contemporain, juge très-compétent en la matière, Marc Van Varnewyck, Gantois de naissance, formule ainsi son opinion sur le talent dramatique des Audenardais: ‘En y songeant bien, dit-il, nulle part en Flandres le louable art de la rhétorique n'est cultivé avec plus de succès (qu'à Audenarde). Cela se voit à sa cavalcade, qui brille au-dessus de toutes les autres. L'adresse qu'on y déploie est exceptionnelle.’ Nieuwers in Vlaendren, als men wel imagineert,
En wert bet gheobserveert Rhetorica ghepresen;
Dat blyct an haren ommeganc, die boven al floreert:
Die gheschictheyt in die conste es daer uutghelesenGa naar voetnoot(1).
L'une des sept sociétés d'Audenarde, organisée dès l'année 1464 sous le nom de compagnons de l'Arbre sec, appartenait proprement au village de Bever, faubourg populeux de la ville. Elle joue, en 1549, un ébattement | |
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devant l'hôtel de villeGa naar voetnoot(1). Une autre apparaît presque en même temps au village de Leupeghem, situé à l'extrémité opposéeGa naar voetnoot(2). Elle participe au concours dramatique ouvert à Audenarde en 1564, à côté des villes de Courtrai, Thielt, Poperinghe, Roulers, Renaix, Deynze, Bruxelles, et elle reçoit, à son entrée, de la part du magistrat, cinq canettes de vin. Dans toutes les cités circonvoisines, le même développement s'opère. A Gand, on trouve les compagnons de l'ébattement dès 1431, à Caprycke, en 1451. Vers la seconde moitié du xve siècle, Gand possède cinq chambres de rhétorique. Alost en fournit deux, Courtrai trois, dont la plus ancienne remonte à 1401Ga naar voetnoot(3). Le goût de la scène avait son foyer partout où florissaient le commerce et l'industrie. Il était naturel que la population, après une journée de labeur, cherchât à se délasser agréablement au théâtre. Ce qui nous reste des anciens ébattements porte l'empreinte de la joie, de la prospérité, de l'enthousiasme. La société de Bever, prés d'Audenarde, donne une nouvelle preuve d'existence à la fête rhétoricale de Grammont, qui se célèbre en 1548. Audenarde, Ypres, Alost, Louvain, Bruxelles et Ninove s'y trouvent comme ‘villes fer- | |
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méésGa naar voetnoot(1),’ et Renaix, Bever, Edelaere près d'Audenarde, Sottegem et Salardingen y prennent part en qualité de communes ruralesGa naar voetnoot(2). Sottegem, à son tour, ouvre un concours dramatique, en la même année, et Grammont tient à honneur d'y participerGa naar voetnoot(3). Les comptes d'Alost signalent des danseurs à l'épée, vraisemblablement accompagnés de comédiens, à Sottegem, en 1486Ga naar voetnoot(4). Borst, que nous verrons encourir la censure, apparaît à l'horizon en 1483. Petegem-lez-Deynze prélude à la vie scénique et littéraire dès 1427, et peut-être avant, par un mystèrede Notre-Dame, exhibé le troisième jour de Pâques. Les gesellen jouent encore, en 1475, la facétie du Masscheroenne (mascaron?), et, en 1598, la légende de GriseldisGa naar voetnoot(5). A Deynze même, on signale, en 1513, des gesellen de | |
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Landegem, qui y viennerit célébrer, par des divertissements scéniques, la fête du mardi gras. Ils ont pour associés des danseurs à l'épéeGa naar voetnoot(1). Si, de la Flandre orientale, nous nous dirigeons vers la Flandre occidentale, nous y voyons le mouvement théâtral prendre une extension plus considérable, à raison peutêtre des renseignements plus abondants qui se sont offerts à nos investigations. Citons les associations de: Stalhille, en 1407, Iseghem, en 1427, Coolscamp, en 1461 et 1462, Ruysselede, en 1480, 1484 et 1522, Swevezeele, en 1518, Hooghlede, en 1562, toutes mentionnées dans les comptes communaux de Thielt, à l'occasion de représentations données par ces glides dans la cité flamande; celles de Ramscapelle, en 1491, 1495, 1496, 1498, 1499, 1500, 1523, 1524, 1529; Adinkerke, en 1495, 1551; Zevecote, en 1495, 1496, 1498, 1499, 1510, 1511, 1516 (Spade bedocht), 1526, 1527, 1531, 1532, 1533; Saint-Pierre-Capelle, en 1495, 1496, 1498; Oostdunkerke, en 1499, 1504, 1510, 1511, 1512, 1516 (Art van bestiere), 1519Ga naar voetnoot(2), 1526; Couckelaere (Wilt van geeste), en 1516, 1520, 1521, 1530, 1531, 1533, 1534; Handzaeme, en 1526; Mannekensvere, en 1529, 1530, 1531, 1532, 1533, 1534, 1538; Leffinghe, en 1530, 1531, 1532, 1533, 1547, 1549; Slype, en 1505, 1540, 1542, 1549; Alveringhem et Isenberghe, en 1551, toutes gildes qui se rendent à Nieuport, souvent deux fois l'an, pour y contri- | |
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buer à l'embellissement de la procession de la localité et notamment à celle du Saint-SacrementGa naar voetnoot(1). Signalons encore la société de Middelkerke, qui joue une moralité à Ostende, en 1548, à l'ommegang de saint PierreGa naar voetnoot(2); celle de Meulebeke, dont le souvenir nous est conservé, de 1569 à 1574, dans un livre où certes on ne s'aviserait point d'aller le chercherGa naar voetnoot(3). On représente, entre autres à Meulebeke, une moralité: Sagesse et Folie, et cinq tragédies à grand spectacle: Noé, Nabucodonosor, David, Salomon et la Reine de Saba, le tout sous la direction da célèbre peintre Charles Van Mander, auteur desdites pièces, et originaire de la localité. Furnes, à l'exemple de Nieuport, aspire, de bonne heure, à rehausser ses ommegangen de la présence des gildes de rhétorique circonvoisines. Entre toutes, la commune d'Oostdunkerke se distingue par son assiduité. En 1451, ses archers représentent, pendant la procession du derdach may's (3 mai), le Martyre de saint Sébastien, pièce que nous avons vu reprendre, trois siècles après, à Petegem près d'Audenarde. A partir de 1500, elle se rend presque chaque année à la même procession, et en 1520 elle y joue, dans l'après-midi, un mystère, qui lui vaut un régal de quatre canettes de vin. Ramscappelle y exhibe, en 1491, une représentation de | |
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la Paix, van den payse. Les gildes de tir d'Adinkerke, de Wulpen, Boesinghe, Coxyde, Avecappelle, Bulscamp, Eggewaerscappelle, Ghistelles, y apparaissent fréquemment, précédées sans doute d'une troupe de bouffons s'ébattant durant le cortége, ou jouant sur des tréteaux improvisés des farces de leur cruGa naar voetnoot(1). Loo va embellir la procession de la sainte croix, le 14 septembre 1514. Ce village, jadis une petite cité florissante, apparaît, avec ses ghesellen van den abatemente, dès 1422. Deux confréries: les Groenaers et les Royaers s'y signalent en 1443. Une troisième association se joint à elles en 1450. Loo n'était pas tout à fait étranger à Furnes, puisque d'ancienne date il y venait participer aux carrouselsGa naar voetnoot(2). Les Groenaers de la même commune sont signalés à Furnes le 18 mars 1525. Beveren, près de Courtrai, Reninghe et Commines arrivent, avec une troupe nombreuse de rhétoriciens, à Menin, en 1560, et y donnent des ébattementsGa naar voetnoot(3). Si les villages contribuaient à l'embellissement des fètes urbaines, en revanche les villes tenaient parfois à honneur de présider à celles de la campagne, comme le fit Ypres en 1500, lors de l'ommegang de Roosebeke, commune limitrophe, où eut lieu en même temps la réinstallation d'une confrérie de la ViergeGa naar voetnoot(4). Le cas est rare et | |
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mérite d'être signalé. Il est vrai qu'il ne s'agit là que d'une solennité purement religieuse. Quel genre de pièces originales ces associations naissantes débitèrent-elles sur leurs scènes publiques? On verra plus loin, à propos du landjuweel de Gand, ce qu'étaient, au commencement du xvie siècle, les moralités. Pour les farces, si les villes peuvent, à défaut de preuves directes, nous fournir quelques inductions vraisemblables, il faut croire que ce genre d'exhibitions scéniques n'était point si recommandable sous le rapport de la morale. Un langage effronté s'y mêlait aux épanchements les plus heureux du bon sens, de la malice et de la gaieté. C'était, pour ainsi dire, une école de scandale, au lieu d'être une école de moeurs. Ajoutez-y une pantomime licencieuse, qui procédait plus, il est vrai, d'un entraînement du jeu, que d'un calcul de perversité. Pièces immondes, en un mot, qui souillaient à la fois les yeux et les oreilles des spectateurs, qui encourageaient, par des éclats de rires insensés, le jeu malhonnête des acteurs. Le peuple y retrouvait la peinture de ses moeurs grossières, l'expression de ses sentiments dépravés, l'écho de son langage trivial. Les théâtres de campagne, qui empruntaient leur répertoire à ceux des villes, n'auront pas été affranchis de ces excitations à la débauche. La plupart des pièces auront été recherchées avec soin et anéanties rigoureusement. Nous n'en voyons plus que des traces affaiblies, où généralement la naïveté domine, dans le recueil intitulé: Het nederlandsch kluchtspel van de veertiende tot de achttiende eeuw, de J. Van Vloeten. Aussi les rigueurs de | |
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l'Église s'expliquent-elles jusqu'à un certain point, et elles se justifient en beaucoup d'endroits. Même un grand nombre de scènes du Mystère de la Passion se traînaient dans les lieux communs de l'obscénité, et le dialogue des personnages subalternes empruntait au langage populaire une quantité d'images licencieuses et de mots orduriers. Aucun renseignement direct ne nous est parvenu sur la vie active des premières sociétés, car les anciens comptes de nos villages flamands sont généralement détruits. Il faut donc procéder par voie de comparaison, et les registres de la comptabilité de Damme, dont une série nombreuse existe aux Archives générales du royaume, vont nous être d'un grand secours. Damme, déchue au xve siècle au rang de ville de troisième ordre, se trouvait au centre du mouvement que nous venons d'indiquer par quelques dates, et formait plutôt un gros bourg qu'un centre d'activité commerciale et industrielle. Or, nous verrons bientôt les grandes villes se donner la main dans toutes les solennités littéraires et dramatiques (le cas s'est déjà présenté à la fète de Grammont, en 1548), et les bourgades et les villes ouvertes fraterniser avec les villages, impuissantes qu'elles étaient, dans leur orgueil, à tenir une place respectable parmi les cités d'importance. Une sorte de fédération s'organisa entre les villes de rang inférieur et les localités rurales, et cette fédération, nous la signalons encore dans les affaires purement ecclésiastiques. Ainsi, les communes rurales de Zantvoorde, Westkerke, Bekeghem, Roxem et Ettelgem, se trouvèrent représentées, par leurs chefs spirituels, peut-être par tout leur personnel d'église (lequel personnel jouait des mystères), aux réjouissances bruyantes, aux fêtes licencieuses du | |
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Pape des FousGa naar voetnoot(1) d'une ville voisine, Oudenbourg, où ‘le collége entier’ de l'eglise banqueta avec le prieur de l'abbaye Saint - Pierre et les notables de l'endroit, en 1465. Ces considérations donnent un prix infini aux extraits inédits que nous allons analyser. Ils peuvent servir de point de repère, ou, si l'on veut, de type aux anciennes associations rurales sur lesquelles nous n'avons malheureusement que des dates. Nous nous en tiendrons à la première moitié du xve siècle: la deuxième moitié, moins ignorée ailleurs, en procède directement. Les comptes de Damme commencenten 1391. Jusqu'au xve siècle, il ne s'y trouve rien concernant la matière que nous traitons, hormis la mention de l'écolâtre de Damme, Jean de Bontal (aussi Bottael), qui reÇoit, à titre de gages, la somme de deux livres deux sous parisis. Les écolâtres présidaient, on le sait, à la représentation des mystères liturgiques. 1400. A la fête des Rois, les prêtres de Notre-Dame jouent un mystère dans l'église. Trois jours après, des gesellen van den spele reçoivent quatre canettes de vin. C'est apparemment aux ecclésiastiques, aux chantres et aux enfants de choeur qu'il est fait allusion, à l'occasion d'une deuxième représentation du mystèreGa naar voetnoot(2). | |
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1401. Jean le fou reçoit un nouvel habit de drapGa naar voetnoot(1). 1411. Les prêtres et ‘les autres compagnons’ jouent le mystère de la Résurrection dans l'egliseGa naar voetnoot(2). 1417. Même exhibition, au mois d'avril, et fête célébrée, à cette occasion, par les acteurs susdits. 1418. Le 8 août, des gesellen de Bruges viennent exécuter des danses à l'épéeGa naar voetnoot(3). 1421. Au mois d'avril, les ‘compagnons de l'église’ et ‘d'autres’ représentent le mystère de la Résurrection dans l'égliseGa naar voetnoot(4). 1423. Même représentation, à l'aide de compagnons d'emprunt, probablement des bourgeois. 1428. Augmentation d'appointements accordée au maître d'école, Jean Peesteen, en vue de l'empêcher d'aller s'établir ailleurs. 1431. Vander Ameyde, écolâtre. La moitié de ses appointements est supportée par le curé de Ruysselede. 1433. Des compagnons jouent, par ordre du bourgmestre, le mystère de la Passion et celui de la Résurrec- | |
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tion. De grandes dépenses y sont consacrées. Le 19 avril, au soir, les ecclésiastiques exhibent le même drameGa naar voetnoot(1). Le mot hier, ici, appliqué aux premiers acteurs, permet de croire qu'ils étaient étrangers à la ville. Le lieu de la scène n'est plus mentionné. La même année, au mois d'août, des acteurs, encore étrangers à la ville, croyons-nous, représentent le mystère des Douze Tribus d'Israël. Au soir des gesellen jouent un ‘bon ébattement’ devant la demeure de Jacques Nieudoncx, probablement le bourgmestreGa naar voetnoot(2). Voilà la naissance de la farce ou de la comédie; voilà aussi les exhibitions scéniques produites hors de l'enceinte de l'église. Peut-être s'agit-il ici de compagnons appartenant aux gildes de tir. Dès 1396, nous en constatons trois à Damme: les groten scotters ou grands tireurs, les jonge scotters ou jeunes tireurs, et les scotters van den handboge ou tireurs à l'arc. | |
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A l'égard du mot ébattement, qui trahit une origine française, il signifie, d'après Cornélissen, que les rhétoriciens de plusieurs localités se réunissaient, dans les grandes solennités et dans les fêtes publiques, et, sur un sujet tantôt choisi, tantôt imposé, se provoquaient, s'esbattaient, faisaient des efforts pour vaincre. 1438. Des gesellen de Bruges, joints à ceux de Damme, représentent, le 23 février, un wagenspel ou jeu de chariotGa naar voetnoot(1). 1442. Les confrères de la gilde du Saint-Esprit, à Bruges, envoient leur charte d'invitation au concours qu'ils ont organisé pour l'exhibition de mystères et d'ébattementsGa naar voetnoot(2). 1443. Ceux de Nieuport en font autantGa naar voetnoot(3). Le scribe emploie exceptionnellement l'expression spelen van rethoriken. A ce sujet, nous relèverons l'erreur que commet Van Duyse en rapportant, indirectement s'entend, le mot de rhétorique aux jeux floraux, dont la fameuse académie prit, en 1536, le titre de collége de rhétoriqueGa naar voetnoot(4). 1449. Fête de l'Évêque des Innocents, célébrée, le 29 décembre, par les écoliers de la maîtriseGa naar voetnoot(5). | |
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1450. Le 6 avril, les gesellen de l'église représentent ‘une moralité’ de la Résurrection. Le 5 juin, ‘des compagnons’ jouent un mystère ‘à personnages’ à la procession du Saint-Sacrement, et le 21 juin, ils exhibent ‘une moralité’ sur un chariotGa naar voetnoot(1). 1451. Le 6 février, ils donnent une représentation au marché. Le 22 du même mois, des compagnons joyeux, gesellen van genouchte, exécutent des exercices à l'épée. Le 14 mars, nouvelle exhibition au marché; le 26 avril, la Résurrection, jouée par les gens d'église; à la Fête-Dieu, représentation donnée pendant l'ommegangGa naar voetnoot(2). | |
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1452. Représentation du mystère de la Résurrection par le clergéGa naar voetnoot(1). 1453. Le 16 août, fêtes à Damme à l'occasion de la paix. Concours d'ébattement, où les rhétoriciens de Bruges et de Nieuport remportent des prix. Concours de danse et de chant. Illumination et distribution gratuite de vinGa naar voetnoot(2). Salaire accordé au droogen joncheer, le bouffon traditionnel de la localité. 1454. Le 4 mars, ‘certains joyeux compagnons’ de Bruges, viennent donner des ébattements, et le 25 du même mois, le clergé exhibe encore, dans l'église, la RésurrectionGa naar voetnoot(3). 1455. Le 6 avril, les ‘compagnons du choeur de l'église de Notre-Dame’ jouent le mystère de la Résurrection; le 13 du même mois, ainsi que le 8 septembre, | |
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de joyeux rhétoriciens, étrangers à la ville sans doute, donnent des ébattements au marché, le 28 octobre, ils organised une nouvelle représentation sur la place publiqueGa naar voetnoot(1). 1456. Le 26 mars, mystère de la Résurrection. Le 27 mai, le clergé joue un mystère ‘devant le Saint-Sacrement,’ sans doute à l'occasion de la fête de l'AscensionGa naar voetnoot(2). Mention du droogen joncheer de la localité, dit Laurens metten bellen, Laurent aux grelotsGa naar voetnoot(3). Les comptes communaux de Loo compléteront, au deuxième volume, cette série, un peu monotone, de faits | |
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officiels. Le lecteur aura ainsi un spécimen de scénologie villageoise embrassant quatre siècles, sans compter une foule d'autres notices destinées à en retracer les variantes curieuses. |
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