Bilderdijk et la France
(1929)–Johan Smit– Auteursrecht onbekend
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Caractère français et moeurs françaisesIl vous irrite ou vous arrache un sourire, Se rattachant étroitement au chapitre précédent - la meilleure caractéristique d'un peuple est son histoire - l'ensemble des jugements que Bilderdijk a portés sur le caractère et les moeurs des Français trouve ici sa place tout indiquée. Le caractère français a été empoisonné, tel est l'avis du poète, depuis les premières influences italiennes,Ga naar voetnoot1 comme la philosophie et la littérature françaises ont dérogé après l'invasion anglaise au XVIIIe siècle. Ce jugement implique un compliment: l'âme française, restée pure, aurait été vertueuse et artistique. Le Français, ainsi que Bilderdijk le voit, est d'un commerce facile, il sait mettre quelqu'un à l'aise. Il a de l'aménité dans les discussions, un ascendant qui se révèle par la voix, les yeux, le maintien et les gestes, et qui fait le fond de toute rhétorique: cela le rend supérieur dans la diplomatie.Ga naar voetnoot2 Il est en outre belliqueux, et il a le caractère décidé et impétueux.Ga naar voetnoot3 La Française, qui est coquette, a un charmant abandon minaïf, mi-espiègle.Ga naar voetnoot4 Le pire des défauts du Français, c'est qu'il est frivole et par conséquent, ignorant.Ga naar voetnoot5 C'est à cette frivolité qu'est due la décadence de la France au XVIIIe siècle,Ga naar voetnoot6 et de la littérature spécia- | |
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lement: ‘là où la gravité est perdue, tout est perdu pour un peuple’.Ga naar voetnoot1 L'‘esprit français’ ne diffère pas beaucoup de la frivolité: Bilderdijk le condamne aussi sévèrement,Ga naar voetnoot2 oubliant ou n'oubliant pas - car Bilderdijk n'était pas engoué de Bilderdijk - qu'il souffre lui-même de ce mal charmant! Le Français est voluptueux et indulgent à l'adultère.Ga naar voetnoot3 Son étourderie égale son orgueil.Ga naar voetnoot4 Il est d'une insolence que le diable ne connaîtrait pas si un Français ne la lui avait enseignée!Ga naar voetnoot5 Avec cela, il est perfide et intrigant:Ga naar voetnoot6 méfiez-vous donc d'un Français aimable, comme disaient nos pères,Ga naar voetnoot7 car il débute par le sourire et finit par commander: sa politesse n'est que de l'indiscrétion.Ga naar voetnoot8 Commencez donc par lui faire sentir brutalement votre supériorité morale ou physique: ‘de ces deux choses j'ai éprouvé l'effet salutaire’, assure Bilderdijk,Ga naar voetnoot9 parce que le Français est vite abattu.Ga naar voetnoot10 Mais le Hollandais, si timide et si vantard parfois, donne aussi un autre conseil: pour fréquenter un Français, dit-il, il faut le faire danser et rire; si on ne peut pas faire cela, qu'on se jette dans le trou d'un serpent plutôt que de s'arrêter chez lui.Ga naar voetnoot11 Car il est un charmeur diabolique qui vous prend dans ses filets. Aussi la pire chose qui puisse arriver à un Hollandais est de dégénérer | |
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en Français.Ga naar voetnoot1 Et cela non seulement au point de vue moral. mais aussi au point de vue physique, car les Français sont malsains par suite de leur vie débauchée.Ga naar voetnoot2 L'avarie n'est-elle pas une maladie française?Ga naar voetnoot3 La cuisine française est trop compliquée: le ragoût français (‘il faut que tout y soit et que rien ne domine’, est le mot cité par notre censeurGa naar voetnoot4) excite son aversion;Ga naar voetnoot5 leur vin rouge, importé et presque imposé au XVIIIe siècle,Ga naar voetnoot6 leur champagne,Ga naar voetnoot7 leurs parfums,Ga naar voetnoot8 leur habitude de priser et même de fumer du tabacGa naar voetnoot9 envahissent la Hollande, où la mode, la manière de vivre, la taille, tout révèle le Français, c'est-à-dire, le singe.Ga naar voetnoot10
‘Toujours mécontent du présent, et, étant vieux, attaché à tout ce qui est vieux’.Ga naar voetnoot11 C'est ainsi que le poète définit son humeur dans sa vieillesse, ayant sans doute conscience de vivre dans un monde qui n'était plus le sien. ‘La vieillesse n'a pas la sagesse infuse’, ajoute-t-il. Quand le poète s'excuse de la sorte, on n'a plus besoin de le disculper. ‘Si le monde m'expulsait, ce n'est pas moi qui lui en voudrais’,Ga naar voetnoot12 avoue le vieux songeur avec un sourire. Ces points d'interrogation dressés après tant d'affirmations catégoriques, sont comme de petites lampes au bout de longs couloirs obscurs: une lueur hésistante voile les angles, la lumière de la modestie souriante qui fait pardonner beaucoup. |
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