La henriade dans la littérature hollandaise
(1927)–H.J. Minderhoud– Auteursrecht onbekend
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Le ‘Gideon’ de Frans van Steenwijk.La matière de cette épopée se trouve dans le livre des Juges, aux Chap. VI, VII et VIII. Cependant, aux deux premiers chants de son poème, le poète s'écarte du récit biblique. Israël est opprimé par les Madianites et un ange de l'Eternel apparaît à Gédéon, dit l'Ecriture. (Chap. VI v. 12). Chez van Steenwijk, ce n'est pas à Gédéon, mais à la Foi que cet ange apparaît, à la Foi qui, comme l'humble Religion au IVe Chant de la Henriade (v. 266), se cache dans des déserts, où elle lève vers son Dieu ses yeux mouillés de pleurs (v. 285). Après l'apparition de cet ange, la Foi prend son vol, comme la Discorde (v. 319), et va trouver Gédéon: ‘La Foi infaillible avait été chassée méchamment du pays agonisant d'Israël. Cette noble héroïne se cachait dans des déserts. Pleurant la puissance aveugle de la superstition, elle voit paraître un messager céleste qui lui dit: Lève-toi, héroïne.Ga naar voetnoot1. Il se tait et l'héroïne de Dieu prend vite son glaive et son bouclier, s'élance par monts et par vaux, et paraît devant Gédéon. Elle s'adresse au fils de Joas.Ga naar voetnoot2.’ Vers la fin du ler Chant, la Foi se décide à montrer à Gédéon | |
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le palais des Destins: ‘Pendant que le héros exalte ainsi le Sauveur, elle prend la résolution de révéler ses merveilles au dévot Gédéon. Dès que les Rêves se réunissent en Israël, elle lui prépare une vision.Ga naar voetnoot1.’ Ainsi, au IIe Chant, Gédéon est plongé dans un songe. Comme Henri IV au VIIe Chant de la Henriade, il est transporté au paradis. La Foi s'adresse ainsi à l'heureux fils de Joas: ‘Il faut que je vous montre les plus hautes merveilles, afin que votre courage sauve l'état affaibli’.Ga naar voetnoot2. Elle parle et entraîne son esprit en vision par delà le soleil, à travers des milliers d'orbites,Ga naar voetnoot3. là où les étoiles fixes brillent dans tout leur éclat, où la Sagesse suprême luit dans des soleils innombrables, dont la lumière éclaire une foule de mondes. Alors la Foi dit: ‘ô fils de Joas! regardez avec vos yeux spirituels les célestes parvis’.Ga naar voetnoot4. Elle l'introduit, transporté de joie; elle l'émeut en ajoutant: ‘Ici, bien au-dessus de la vue des hommes, le Seigneur de Jacob a établi son trône de gloire. Dans ce palais parfait, le remords anxieux ne trouble pas la volupté tranquille, ce pur enfant des cieux’Ga naar voetnoot5. (comp. Henr. VII v. 231-240). Le dévot Gédéon s'approche des anges et joint son hymne à ceux des choeurs. De son trône élevé, le Maître de l'univers donne enfin au noble fils de | |
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Joas l'ordre suivant:Ga naar voetnoot1. ‘Détruisez les objets hideux dont les sacrilèges se servent pour honorer leur idole. Bâtissez, sur la hauteur de la forteresse, à mon intention, un autel et offrez en holocauste le deuxième taureau de votre père, le taureau de sept ans (Juges VI v. 25). De nouveau, le choeur des anges chante les louanges du Seigneur. En attendant le sommeil quitte la couche de Gédéon. L'Espérance ouvre ses yeux.Ga naar voetnoot2. On aura remarqué que le héros ne voit que la cour céleste. Il n'entre pas, comme Henri IV, dans l'enfer. Mais le poète a été d'avis, que ce ne serait que de l'à-peu-près, que de donner à moitié le songe de la Henriade. Voilà pourquoi il intercale encore une descente en enfer. Cependant ce n'est pas Gédéon, mais ce sont la Foi et la Vérité qui y descendent pour annoncer à Lucifer la résolution divine. Et elles y trouvent les mânes de toutes sortes de criminels, de ‘mortels corrompus’, de ‘tyrans effrénés’ (Henr. Ch. VII, v. 159) de ‘conquérants’ (Henr. Ch. VII, v. 187), de prêtres qui ont opprimé des peuples aveugles, qui ont été des hypocrites, des fourbes, des ambitieux, pleins de venin infernal. Et c'est l'éclat de la Vérité qui fait reculer ces spectres (comp. Henr. Ch. VII, v. 185). Puis elles y voient la Mort, le Désespoir, la Superstition, la Vengeance (comp. Henr. Ch. VII, v. 144). ‘De la cour céleste, la Foi voit descendre la Vérité. ‘Ma fille’, dit la Vérité, ‘je vais chercher Lucifer pour lui apprendre ce que | |
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votre héros fait pour Israël. Accompagnez-moi vers cet abîme.’ Le couple divin descend vers la terre, qui s'ouvre.Ga naar voetnoot1. Quelle nuit sinistre! ‘Regarde’, dit la Vérité, ‘regarde les ombres désolées des tyrans qui répandaient, par le plus noir égoïsme, des flots de sang innocent, des Sodomites impudiques, des augures qui reniaient leur Dieu, des sacrificateurs apostats, voués à Baal, à Astaroth et à Moloch, qui gouvernaient à leur gré le peuple aveugle,Ga naar voetnoot2. hypocrites rusés, simples en apparence, en vérité des politiques, pleins de venin infernal.Ga naar voetnoot3. Voilà le vieillard qui pleure son trésor perdu, l'âme voluptueuse qui pleure sa luxure honteuse.’Ga naar voetnoot4. Cependant la Foi traverse, au jour clair de la Vérité, les horreurs de l'abîme. ‘Regarde’, dit la Vérité, ‘le nourrisson de l'Orgueil, Lucifer, enchaîne sur son trône. Ma fille, n'en aie pas peur; le prince infernal tremble d'angoisse.’Ga naar voetnoot5. Mais Lucifer convoque sa cour, l'Effroi, la | |
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Mort, le Désepoir, la Superstition idolâtre, la Guerre, l'Envie languissante, la Vengeance, jamais réconciliée. Il s'efforce d'arracher à Gédéon par ruse la Foi et la Vérité. Mais le couple divin méprise ces menaces et remonte à la ville d'Ofra.Ga naar voetnoot1. Les quatre autres chants n'offrent rien de particulier au point de vue qui nous occupe. L'auteur suit le récit biblique. Le peuple, mécontent de voir l'autel de Baal démoli, veut mettre à mort Gédéon, mais Joas le défend. Un messager vient annoncer que les Madianites ont passé le Jourdain; le danger imminent réduit au silence les mécontents, Gédéon est élu chef. Suivant le conseil de l'Eternel il choisit trois cents hommes pour attaquer l'ennemi. Il écoute dans le camp des Madianites l'interprétation d'un songe, qui lui prédit la victoire. Usant d'un stratagème, il défait ses adversaires. Zébach et Tsalmuna, leurs rois, sont pris. Deux villes, qui avaient refusé des vivres aux troupes de Gédéon, sont châtiées. Après la victoire, Gédéon refuse la royauté et de sa part du butin il fait un éphod. |
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