La henriade dans la littérature hollandaise
(1927)–H.J. Minderhoud– Auteursrecht onbekend
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Les Épopées Bibliques. | |
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‘Het leven van den profeet Eliza’ de G. Klinkhamer.Klinkhamer publia ce poème en 1740, c'est à dire au temps où il s'évertuait à traduire la Henriade. Et nous ne doutons pas que la ressemblance de quelques détails de ce morceau d'histoire biblique, (- une guerre, une cité en proie à la famine -) avec certains épisodes du poème de Voltaire, n'ait contribué à pousser Klinkhamer à choisir ce sujet. Le premier chant du poème met en vers les récits qui se trouvent aux chap. XVIII (v. 21-40) et XIX du premier livre des Rois et qui ne traitent pas précisément de l'histoire d'Elisée, mais de celle du prophète Elie confondant, sur le Carmel, les prêtres de Baal. Après avoir préparé un taureau, ces derniers invoquèrent en vain leur dieu. Elie répara l'autel de l'Eternel qui était démoli et au moment où l'on offrait l'oblation, il s'approcha et dit: ‘Exauce-moi, Eternel, et que ce peuple connaisse que c'est toi, Eternel, qui es Dieu et que c'est toi qui ramènes leurs coeurs!’ Alors le feu de l'Eternel tomba, il consuma l'holocauste. Et tout le peuple, voyant cela, tomba la face contre terre et dit: c'est l'Eternel, qui est Dieu! Et Elie leur dit: ‘Saisissez les prophètes de Baal; qu'il n'en échappe pas un!’ Ils les saisirent donc et Elie les fit descendre au torrent de Kisson et les y égorgea. Achab rapporta à Jésabel ce qu'avait fait Elie, qu'il avait tué tous les prophètes. Jésabel envoya un messager vers Elie pour lui dire: ‘Que les dieux me traitent avec la dernière rigueur, si demain à cette heure je ne te mets dans le même état que l'un d'eux!’ Et Elie s'enfuit au désert, où un ange le nourrit. Entré dans une caverne pour passer la nuit, la parole de l'Eternel lui fut adressée en ces mots: ‘Sors, et tiens-toi sur la montagne.’ Et Dieu lui dit de retourner à Damas et d'oindre Elisée, fils de Saphat, comme prophète à sa place. Et Elie partit, trouva Elisée, qui labourait, et lui jeta son manteau. Elisée laissa ses boeufs et le servit. Le reste du premier chant a été tiré du Chap. II du deuxième livre des Rois. Les deux prophètes s'approchent de Guilgal et Elie | |
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demande à Elisée ce qu'il veut qu'il fasse pour lui, avant d'être enlevé au Ciel. Elisée demande une double part de son esprit. ‘Si tu me vois enlever d'avec toi,’ dit Elie, ‘il t'arrivera ainsi.’ Et comme ils continuaient leur chemin et s'entretenaient en marchant, voici, un char de feu et des chevaux de feu les séparèrent l'un de l'autre. Et Elie monta aux cieux dans un tourbillon. Klinkhamer écrit: Accompagnez sans cesse, ô Prophète, votre seigneur, suivez-le de ville en ville où il va vous donner l'exemple. Mais qu'est-ce? ô Ciel! aide-moi. Quelles flammes se répandent ici! Quel char terrible de feu se montre entre eux et divise les airs, accompagné de coups de tonnerre, comme la foudre paraît à l'oeil humain dans un orage! Elie s'adresse à Dieu, mais comment! il a disparu, il est monté dans un char de lumière au palais de l'Eternel.Ga naar voetnoot1. Dans ces vers le poète a imité ceux de Voltaire, au VIIe Chant de la Henriade (v. 43). Au deuxième chant commence l'histoire de la vie d'Elisée et l'auteur suit la Bible aux chap. II, III, IV, V. Elisée fait des miracles, purifie l'eau, punit de jeunes garçons qui s'étaient moqués de lui, multiplie l'huile de la veuve, ressuscite l'enfant d'une femme de Sunem, jette de la farine dans le potage, afin qu'on puisse le manger, guérit Naaman le lépreux, et frappe Guéhazi de la lèpre. Ces miracles continuent au IIIe Chant. Elisée fait remonter sur l'eau le fer d'une cognée. Les Syriens font la guerre à Israël. Elisée les frappe d'aveuglement et les mène à Samarie où, au lieu de les tuer, le roi leur fait faire grande chère et les renvoie, comme au Xe Chant de la Henriade, où Henri IV nourrit ses ennemis affamés. La paix cependant est de courte durée. Ben-Hadad, roi de Syrie, assemble une armée et assiège Samarie. ‘Et il y eut une grande famine dans Samarie et voici elle était serrée de si près que la tête | |
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d'un âne se vendait quatre-vingts sicles d'argent, et le quart d'un kab de fiente de pigeon cinq cents sicles d'argent (II Rois IV v. 25). Klinkhamer écrit: Peuple assiégé, hélas! La faim règne dans nos remparts. Partout la disette, qui n'épargne ni petits ni grands. La faim sévit partout, avec toutes ses compagnes. Où que je jette mes regards, je vois une foule de cadavres. Le mari perd sa femme, après peu de jours de mariage. En voilà un qui, affaibli, pleure la mort de ses parents; voilà des vieux et des jeunes, qui rôdent par la rue, comme des ombres, pour trouver quelque nourriture.Ga naar voetnoot1. On ronge de nouveau les restes puants de quelque bête immonde, on déchire à belles dents la peau coriace et on enlève les entrailles. Le courageux cheval de guerre sert maintenant de nourriture aux ventres affamés. Voilà des gens qui rongent la chair crue d'un squelette.Ga naar voetnoot2.’ Apart ce que le poète dit de la tête d'un âne et du quart d'un kab de fiente de pigeon, tout ce passage fait vivement penser à la description de la famine de Paris (Henr. Ch. X). Au même livre des Rois (v. 26-30) on peut lire: Et comme le roi d'Israël passait sur la muraille, une femme lui cria et lui dit: O, roi, monseigneur, secours-moi! Et il dit: Si l'Eternel ne te secourt pas, d'où te secourrais-je? Serait-ce de l'aire ou du pressoir? Puis le roi lui dit: Qu'as-tu? Et elle dit: Cette femme-là m'a dit: Donne ton fils et mangeons-le aujourd'hui; et demain nous mangerons le mien. Ainsi nous avons fait cuire mon fils et nous l'avons mangé; et, le jour suivant, je lui ai dit: Donne ton fils et mangeons-le. | |
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Mais elle a caché son fils. Et dès que le roi eut entendu les paroles de cette femme, il déchira ses vêtements. Il va sans dire que Klinkhamer n'a pas supprimé ce passage qu'il traite amplement pp. 183-184-185. On sait qu'on trouve un passage analogue au Xe Chant de la Henriade, où une femme mange son enfant. Dans une note, Voltaire dit que son histoire est rapportée dans tous les mémoires du temps. Comme Klinkhamer a suivi fidèlement le récit biblique et que nous n'avons pas trouvé de ressemblance avec l'épisode de Voltaire, on ne peut pas admettre ici l'influence de l'auteur de la Henriade. Disons encore qu'on trouve au IIIe Chant une comparaison - il y en a beaucoup dans ce poème - qui est l'imitation d'une comparaison de Voltaire (Henr. Ch. VIII v. 157).Ga naar voetnoot1. Le sujet du reste du chant se trouve contenu dans les Chap. VIII, IX, X, XII et XIII du deuxième livre des Rois. Elisée prédit à Hazaël que le roi de Syrie mourra et qu'il lui succédera. - Jéhu est oint roi d'Israël; il tue Joram; Achazia, roi de Juda, meurt. Tous les fils d'Achab sont mis à mort. - Règne de Joas. - Elisée meurt. - Un mort, jeté dans le tombeau d'Elisée, reprend vie. |
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