La henriade dans la littérature hollandaise
(1927)–H.J. Minderhoud– Auteursrecht onbekend
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Les Épopées de Nomsz.L'auteur le plus fécond de la dernière moitié du XVIIIe siècle fut Jan Nomsz. Il naquit à Amsterdam en 1738, servit quelque temps dans la marine, et épousa une veuve riche. Ayant eu un trop grand train de maison, il mourut pauvre, au ‘Sint-Pieters gasthuis’, en 1803. Comme Voltaire, dont il était peut-être l'admirateur le plus fervent, et dont il se flattait d'être un élève pas trop indigne, Nomsz a traité tous les genres. Il écrivit des tragédies, des comédies, des épopées, des odes, des satires, des romans, des oeuvres historiques, des ouvrages critiques et des pamphlets. Il fournit au théâtre d'Amsterdam plus de 50 pièces, traduites ou de son propre fonds. Certaines ont été critiquées d'une manière malveillante, injurieuse, blessante pour l'auteur, qui était humble en apparence, mais en réalité fort content de sa petite personne. Dans sa présomption naïve, Nomsz se laissa entraîner à publier des ‘examens critiques’ de ses propres ouvrages, où il louait franchement ses qualités, montrait même ses défauts (1784). Accusé de plagiat, après la publication de son Amosis, il répondit dans un Noodige onderrichting. Puis il réfuta la critique défavorable des Nieuwe Vad. LetteroefeningenGa naar voetnoot1. en quelques ‘remarques modestes’, auxquelles il ajouta un petit exposé de sa tragédie Zoroaster, publiée en 1768, sur laquelle avaient paru une trentaine de pamphlets. Malgré les défauts qu'il avouait lui-même, il chérissait cette tragédie, à cause de la ‘peine qu'elle lui avait coûtée’. A l'instar de Voltaire, il avait tâché de composer une pièce sans amour. Le personnage principal en est le prophète Berosus, comme Mahomet, le prêtre ambitieux, dont la fourberie est peinte au IVe acte. Au IIIe acte, il y a une grande scène entre Berosus et Zoroastre, qui, professant que la vraie religion ne consiste qu'en la pratique des vertus, combat la conception de Berosus, selon laquelle | |
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la religion ne sert qu'à soumettre les princes et les peuples. Zoroastre étant le porte-voix de l'auteur, nous reconnaissons en Nomsz l'adepte d'un déisme voltairien. Une autre pièce le montre également. C'est la tragédie: Antonius Hambroek, of de belegering van Formosa, consistant en grande partie en raisonnements entre le pasteur Hambroek et le Chinois Xamti, qui ressemble au personnage du même nom de L'Orphelin de la Chine. Après un débat sur le suicide, le pasteur contraint le Chinois à reconnaître la supériorité du christianisme déiste sur la morale rationaliste des fils du Céleste empire. Plus tard Nomsz a reconnu avoir emprunté cette scène. Dans d'autres pièces encore on trouve des emprunts. Ainsi dans Maria van Lalain, of de verovering van Doornik, l'héroïne, captive du duc de Parme, préférant la mort de son fils à la reconnaissance du bon droit de la lutte, où elle a succombé, se voit délivrée généreusement, comme au dénouement d'Alzire. La scène où Mondragon, ambassadeur du duc, paraît au conseil de guerre à Tournay, est la copie d'une scène de Brutus. La première scène de Michiel Adriaansz de Ruyter est une imitation fidèle d'une scène d'Alzire, et de Graaf van Rennenberg est une copie de Brutus. Dans le conte en prose Abdallah, of het Onvolmaakte geluk, on retrouve Zadig ou la Destinée. Passons maintenant aux deux épopées: Willem de Eerste, of de Grondlegging der Nederlandsche vrijheid, en 24 chants (1779) et Maurits van Nassau, Prins van Oranje, en 6 chants (1789). De VriesGa naar voetnoot1. dit que ces poèmes ont l'air d'avoir été écrits, dans un fauteuil commode, avec un manuel d'histoire à portée de la main. Plusieurs épisodes et anecdotes, dit Witsen Geysbeek, ont été empruntés aux historiens Bor et Van Meteren. Les sentiments qu'on y trouve sont orangistes. Après une période patrotique, Nomsz était revenu à l'amour de la maison d'Orange. Willem de Eerste, dédié au prince Guillaume V, contient, comme nous avons déjà dit dans notre introduction, l'histoire du règne du duc d'Albe, du gouvernement de Don Louis de Requesens, de la situation des Pays-Bas sous Don Juan d'Autriche et du gouvernement d'Alexandre Farnèse, prince de Parme. En parcourant très brièvement ce poème, nous signalerons les passages où se montre l'influence de Voltaire. | |
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D'abord il y a au premier chant, l'exposition et l'invocation: ‘Je chante le héros pieux, qui défendit le droit de la Hollande, qui brava, sur le trône d'Espagne, Philippe, la terreur de l'Europe, qui, plus par l'énergie que par la sanglante fortune des armes, délivra le Hollandais du joug espagnolGa naar voetnoot1.. ô Sagesse, que votre puissance soutînt mon esprit! pussiez-vous prêter main forte à ma tendre Muse, quand elle veut chanter la foi et le courage des héros sans pareils de ma chère patrie; jamais son chant n'aurait de récompense plus glorieuse.’Ga naar voetnoot2. - Suit la description du caractère et de la politique de Philippe II. Ce roi envoie le duc d'Albe qui bat le prince d'Orange. Le Prince se réfugie en France, où il fait à Coligny un récit de ce qui vient d'arriver (comme Henri IV à Elisabeth). - Mort d'Egmond et de Hoorne. Bataille de Heiligerlée. Dieu, par l'intermédiaire de l'archange Gabriel, évoque un esprit menteur de l'enfer qui, prenant la forme de la Sagesse, va trouver le duc d'Albe pour lui donner de mauvais conseils (Comp. Henr. Ch. V). La description de l'enfer est une imitation du VIIe Ch. de la Henriade. ‘A l'endroit inconcevable que l'arbitre de la terre, le Père des hommes pieux, le juge sévère des impies, a destiné comme lieu de supplice pour ceux qui violent sa loi, tout ce qui est hideux grouille en grinçant des dentsGa naar voetnoot3.. La Mort aiguise, de sa main forte, quoique décharnée, son arme, qui écrase prince et esclave ici-bas. Son père, l'Orgueil, bafoue, en riant cruellement, les sinistres esprits de l'abîme, qui, à cause de | |
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leur punition, lui jettent des regards menaçants. Tout près de ce serpent infernal rôde l'Envie dépitée, à côté d'elle la folle HaineGa naar voetnoot1., suivie de la Colère, de la Vengeance, de la Politique, de la Violence, et de la Volupté. C'est ici qu'erre aussi cette foule cruelle de monstres couronnés.Ga naar voetnoot2. A côté d'eux planent leurs conseillers, et la canaille, qui cherche sa propre grandeur dans la sueur et le sang des bourgeois.Ga naar voetnoot3. Une foule affreuse d'esprits, victimes d'erreurs et de mensonges, est prête à sortir à tout moment de la geôle, pour exécuter vigoureusement la vengeance du juge suprême.Ga naar voetnoot4. Le coeur d'Orange, plein de prières, pénétra jusque dans le palais de la Majesté Divine. Le juge incorruptible choisit l'archange Gabriel pour le servir.Ga naar voetnoot5. L'archange descend, et s'approche de la porte solidement fermée de l'empire hideux des ombres, appelle un esprit menteur, et lui transmet l'ordre divinGa naar voetnoot6.. Pour être sûr de la perte du duc d'Albe, l'esprit menteur prend les armes et le costume de la belle Sagesse. ‘Dieu’, dit l'esprit menteur, ‘Dieu, que votre vertu | |
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charme, que vous invoquez ardemment, a exaucé votre prière. Mon influence fortifiera toujours votre esprit, asservira le pays et fera la gloire d'Albe’Ga naar voetnoot1.. Le Prince se rend à Dillenbourg - Prise de Den Briel - Plusieurs villes chassent les Espagnols - Des troupes auxiliaires françaises sous le commandement de Louis de Nassau occupent Mons - Le duc d'Albe les investit - Flotte de Médina battue sur l'Escaut - Le Prince vient secourir Mons, mais doit se retirer - La ville se rend mais Albe accorde à Louis les honneurs de la guerre - Reddition de Malines, de Zutphen et de Naarden - Siège de Harlem, qui se rend - Victoire d'Alkmaar - Bataille sur le Zuiderzée - Départ d'Albe - Reddition de Middelbourg - Commencement du siège de Leyde - Bataille sur la ‘Mookerheide’ - Suite du siège de Leyde. Nomsz imite ici un passage du IXe Chant de la Henriade. ‘De Valdez avait passé tout un mois à La Haye pour préparer le siège de Leyde. Le hasard lui fit rencontrer une jeune fille. A l'approche de l'armée espagnole, elle avait quitté Leyde. Sa prévenance, la grâce de ses moeurs, une figure aimable, des membres bien formés lui donnaient une beauté extraordinaire.Ga naar voetnoot2. Mais ce qui la rendait surtout charmante, c'est qu'elle n'était pas orgueilleuse. Elle ne se sait pas belle, bien que chacun loue sa beauté. Par modestie elle tâche de cacher ses charmes aux yeux du flatteur, semblable à une rose nouvelle, brillant sur sa tige, qui ferme ses feuilles tendres | |
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aux caresses du zéphir, mais qui s'ouvre aux rayons amoureux du soleil et sent, avec joie, descendre la douce chaleur dans son sein’.Ga naar voetnoot1. - Maladie du Prince, qui prie Dieu de secourir le pays en détresse. L'auteur imite ici le passage connu du VIIe Chant de la Henriade (v. 49): ‘Le prince s'apercevant de plus en plus de l'amour du peuple, continue à prier pour le salut du pays. Bien au-dessus de l'endroit merveilleux où brillent les astres, et où la main toutepuissante de Dieu fait flamboyer la torche du jour, pour le salut des mondes qui, dans leur vaste orbite, achèvent leur course autour du soleil, suivant les lois de Dieu, la Divinité fixa éternellement son trône.Ga naar voetnoot2. La tristesse n'y domine pas; la mort n'y a pas d'effet. Il n'y a pas de soucis. Il n'y a pas de passions, ces tyrans violents, qui tendent parfois des pièges à notre vertu et à notre prospérité.Ga naar voetnoot3. L'amour seul y domine’. Ici l'auteur traduit les vers 237-244 du VIIe Chant de la Henriade: ‘Ce n'est pas cet amour que la mollesse inspire; non c'est ce flambeau divin, ce feu saint et sacré, ce pur enfant des cieux sur la terre ignoré; de lui seul à jamais tous les coeurs se remplissent; ils désirent sans cesse, et sans cesse ils jouissent; et goûtent, dans les feux d'une éternelle ardeur, des plaisirs sans regrets, du repos sans langueur.’Ga naar voetnoot4. La plainte du dévot | |
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prince fut enfin exaucée par le Prince céleste.Ga naar voetnoot1. ‘Autour du trône merveilleux de Dieu se trouve la foule des chérubins. Parmi eux brille un être redoutable, élu par Dieu pour servir sa colère. C'était cet ange terrible qui, en dépit de l'orgueil de Pharaon, châtia jadis le peuple voluptueux d'Égypte, lorsque, l'épée au poing, il sévit contre les premiers-nés en ÉgypteGa naar voetnoot2. (comp. Henr. Ch. X v. 84). Ce serviteur de la vengeance divine s'apprête à sortir de la porte orientale. Enfin, arrivé dans son élan sur la côte de Biscaye, il aperçoit la flotte espagnole, prête à partir. Le moment est arrivé où, pour exercer la vengeance divine, le poing de l'ange sévère doit s'abattre sur la flotte espagnole’.Ga naar voetnoot3. Lorsque l'auteur est arrivé à la famine de Leyde, le fameux passage de la famine de Paris (Henr. Ch. X) lui sert de modèle. ‘Hélas! ville fidèle! Qui peut peindre ses maux! L'affreuse mort court, comme un fantôme, dans les quartiers de Leyde. Voilà un héros qui rentre de son poste, qui trouve le nourrisson à terre, les yeux fermés. La mère, qui a succombé à côté de son enfant, pousse son mari à venger sa mort cruelle sur la vermine espagnole. Mais il est trop faible, il tombe sur le corps de sa femme et meurt en l'embrassant.Ga naar voetnoot4. Quelle foule hideuse de spectres ressentant les | |
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tourments de la faim autour des tas d'immondices, se jette avidement sur la charogne écoeurante, ose s'adresser aux tombeaux, déterre, en rampant sur le sol, les cadavres et cherche sa nourriture dans des ossements moisis.’Ga naar voetnoot1. - Après la levée du siège de Leyde, le poète raconte la perte de Zierikzée, la mort de Requesens, le siège de Namur par Don Juan d'Autriche et celui de Bréda par le Prince, la reprise de la Zélande, la ruse d'Aarschot. Ici il intercale un passage anticlérical: ‘Voilà le vrai caractère des nourrissons de Rome. Par la violence ou par la fourberie bien avisée, ils chercheront à répandre l'autorité de l'église, ayant appris, dès la jeunesse, que quiconque ne veille pas toujours à l'honneur de Rome est un hérétique qui se rend digne de la malédiction de Dieu et des hommes.Ga naar voetnoot2. Oui, pour le triomphe de l'église on n'a pas besoin de reculer devant des atrocités et des révoltes. Pleins de ces idées, les partisans de Rome, victimes de l'erreur, hasardent tout pour le salut de l'Église. Cette ardeur fanatique n'anime pas seulement les catholiques. Dans toute église elle est le motif d'une damnation impitoyable. Mais c'est Rome qui s'en rend le plus coupableGa naar voetnoot3.’. (Comp. Henr. Ch. IV en V). | |
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- Après la ruse d'Aarschot, le prince de Parme arrive. Amsterdam embrasse la cause du Prince. La lutte continue dans le Brabant. Les partisans intolérants de Dathène à Gand se déclarent ennemis implacables de la politique du Prince. Nomsz intercale ici un long passage anticlérical, où il parle de la religion judaïque, de l'arrivée du Christ, de la persécution des chrétiens. Il imite des passages du IVe et du Ve Chant de la Henriade. D'abord il traduit librement les vers 171-214 du IVe ChantGa naar voetnoot1.; ensuite les vers 263-266 du même chantGa naar voetnoot2., et enfin les vers 29-44 du Ve Chant.Ga naar voetnoot3. | |
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Après avoir fait un tableau de l'intolérance de Dathène et de ses partisans à Gand, l'auteur chante l'Union d'Utrecht, la reddition de Maestricht, la trahison de Rennenberg. Le Prince est mis hors la loi, et se défend dans une apologie. Les États repoussent le joug de Philippe II. La Liberté est conquise, grâce aux efforts du Prince. La seconde épopée, Maurits van Nassau, publiée en 1789, ne contient, au fond, que la bataille de Nieuport. Au premier chant, où le prince Maurice se réconcilie avec Oldenbarneveld et où il prépare la lutte, Nomsz invoque la Poésie, se servant de quelques vers du VIIe Chant de la Henr. (v. 377-380). ‘O, ma Muse, chante le héros qui vengea généreusement son père illustre, assassiné à l'instigation de l'Espagne par l'arme d'un traître.Ga naar voetnoot1. ô Toi! fille du ciel, puissante harmonie, art charmant, qui polis la Grèce et l'Italie, toi! belle Poésie, donne encore des forces à ma museGa naar voetnoot2..’ Au IIe Chant, le prince Maurice fait semblant d'attaquer la Gueldre. En secret, il prépare la lutte en Flandre. Il reçoit des secours de l'Angleterre et de la France. L'auteur place ici un passage anticlérical (comp. Henr. Ch. III v. 404), où il intercale une note de Voltaire, du IVe Chant (no. 3). ‘Au Vatican rusé, qui avait élevé Sixte, ce pâtre de Montalte, qui, plus tard, dédaigna en apparence une couronne pour être plus sûr de son avènement au | |
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trône, régnait la PolitiqueGa naar voetnoot1.. C'est à l'instigation de ce pape ambitieux, que Phillippe II fit appareiller la flotte qui portait naïvement le nom de flotte invincible, et qui plongea toute l'Espagne dans le deuil. Comme autrefois, en Égypte, le poing de l'archange, chargé de la vengeance de l'Eternel, avait tué de son glaive terrible tous les premiers-nés’Ga naar voetnoot2.. - Le prince Maurice conquiert Philippine au IIIe Chant. L'auteur place un combat entre le prince Frédéric-Henri et un capitaine espagnol Fabi où ce dernier tombe (Comp. Henr. Ch. X. Combat singulier du vicomte de Turenne et du chevalier d'Aumale). L'arrivée de l'armée hollandaise devant Nieuport est décrite au IVe Chant. L'auteur y donne encore le spectacle d'un duel entre Ryhoven et un ‘Albanais’, qui, avant d'engager la lutte, va à la messe. Nomsz, développant longuement ici un passage du Xe Chant de la Henriade (v. 489) explique - en sept pages - toutes les cérémonies de l'église romaine, et termine par ces mots: ‘Se peut-il qu'une série de cérémonies grandioses, instituées pour fortifier la vie sainte de tous les jours, devienne, par le temps qui corrompt tout, le moyen de réconforter même les pires scélérats! Hélas! chaque secte ne montre que trop clairement combien l'homme est sujet à l'erreur. C'est ainsi que, dans toute église, presque tous les jours, la source de tout bien devient la source de tout mal. Clément avait puisé des forces dans la messe; elle fortifia Ravaillac, elle mit l'arme maudite à la main de l'assassin Gérards.Ga naar voetnoot3. | |
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A présent le cruel Albain, prêt au duel, va chercher de l'appui dans cette cérémonie grande et noble.’Ga naar voetnoot1. Au Ve Chant, le prince Maurice fait un rêve, où son ancêtre, Adolphe de Nassau, lui apparaît. Celui-ci lui montre d'abord l'entrée de l'enfer, et ensuite, au palais du Destin, sa postérité. C'est tout le VIIe Chant de la Henriade: ‘La clémence de Dieu a placé, dans cette courte vie, un être à côté de tout mortel. C'est le Sommeil. Excité par la Toute-Puissance bienfaisante, le Sommeil ferme d'une main les yeux du grand Maurice, et conduit, de l'autre, le Rêve vers la couche du Prince. “Caresse”, dit-il, “doux Rêve, les sens du Prince. Montre à ce noble appui des états néerlandais tout ce que la puissance de Dieu te permettra en cette heure.” Le Rêve, prêt à servir le Sommeil, prend tout à coup un costume resplendissant, et met une couronne impériale sur ses cheveux blancs.Ga naar voetnoot2. Sa poitrine montre deux blessures horribles, autrefois mortelles.Ga naar voetnoot3. Docile, le prince tombe à genoux devant le héros céleste, qui lui dit: “Lève-toi, mon cher fils, considère en moi Adolphe, un ancêtre de | |
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ta famille.Ga naar voetnoot1. Suis-moi, prince aimé!” Dans un char de lumière, les deux héros montent avec rapidité et se voient bientôt au-dessus des étoiles.Ga naar voetnoot2. Dans la lumière inaccessible, bien au-dessus des astres, Dieu a placé, pour l'éternité, un palais grandiose. Les portes innombrables s'ouvrent et se ferment éternellement.Ga naar voetnoot3. Le Temps, d'une aile prompte, ne cesse d'y entrer et d'en sortir, et apporte, à la terre, tout ce qui est caché, tout ce qui naît.Ga naar voetnoot4. Les deux héros, s'élançant à travers l'espace immense, voient un nuage obscur. Le prince dit à son guide: “Mon père! que signifient ces épaisses ténèbres? Est-ce la vallée de la mort?Ga naar voetnoot5.” “Mon fils”, répond-il, “je ne t'y mènerai pas. Au bout de ces ténèbres, je te montrerai la cour impérissable du palais des destins.Ga naar voetnoot6. C'est là que ton oeil et le mien verront errer la foule des ombres que le temps va enfanter. Tu verras les héros dont un jour le courage rendra illustre le nom de Nassau.Ga naar voetnoot7.” “Regarde”, dit Adolphe, “là, dans cette lumière, le sort | |
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de ton frère. Celui qui passe devant toi, sera ton neveu. Il mourra à la fleur de l'âge.Ga naar voetnoot1. Celui qui le suit est Guillaume trois, la gloire de notre race.Ga naar voetnoot2.” “Quelles sont les ombres que l'oeil voit approcher avec ostentation et orgueil?” “Les hommes pitoyablement assassinés sont les frères De Wit. Vainement tout leur artifice tâcha d'écarter le stathoudérat.Ga naar voetnoot3. Après beaucoup de vicissitudes, Friso devient le chef de ta maison illustre. Au milieu de la tempête qui fait trembler le pays souffrant, l'idée de la vertu de ma race va renaître.Ga naar voetnoot4. Les régents et le peuple proclameront Guillaume quatre stathouder.Ga naar voetnoot5. Guillaume quatre, en mourant, laisse un prince tendre.” “O ciel!” s'écrie le prince Maurice, “quels cris de la populace! Guillaume cinq, aimé d'abord du peuple, est couvert ensuite d'injures. Que veut dans tous ces troubles cette amazone courageuse (La nièce de Frédéric le Grand)?” “Ton neveu aurait pu se venger de ses adversaires. Mais il suit le noble exemple du plus grand héros d'Israël. Que l'envie quitte le pays pour toujours, maintenant que la vertu de Guillaume V a fait renaître le calme.Ga naar voetnoot6.” A peine ces paroles sont-elles sorties de la | |
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bouche de l'interprète divin, que Maurice ne voit plus qu'un brouillard devant ses yeux. Le doux Sommeil quitte la couche de notre héros.’Ga naar voetnoot1. Le VIe Chant raconte la fin de la bataille de Nieuport. On conclut la Trêve de Douze ans. Dans la description de l'infante espagnole, Isabelle de Castille, on retrouve encore Gabrielle: ‘L'infante d'Espagne avait entendu parler, à Ostende, de la bataille sanglante, et voulait voir l'issue de cette campagne. A un esprit fier elle joignait des traits qui inspiraient l'estime, l'amour et le respect. Un oeil bleu et languissant, un nez un peu courbé, une bouche bien formée, des joues qui sont comme deux roses, un sein de marbre qui se dessine avec grâce, des mains qui attirent tous les yeux, une taille bien tournée, voilà les trésors par lesquels cette femme captive le coeur des hommes.Ga naar voetnoot2.’ |
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