La henriade dans la littérature hollandaise
(1927)–H.J. Minderhoud– Auteursrecht onbekend
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Le ‘Klaudius Civilis’ de Frans van Steenwijk.Disciple et ami de Feitama, Van Steenwijk a été considéré comme un des meilleurs poètes du XVIIIe siècle. Sa fortune lui permit de s'adonner à la littérature. ‘Sa vie’ - qui n'offre rien de particulier - ‘fut unie et calme comme ses poésies,’ dit un biographe.Ga naar voetnoot1. Il traduisit d'abord Andronicus de Campistron (1741). Ensuite il écrivit cinq tragédies: Beleazar (1742), Thamas Koelikan of de Verovering van het Mongoolsche rijk (1745), Ada, Gravin van Holland (1754) et Beon, Koning van Egypte (1768), pièces qui n'ont jamais été jouées. A l'instar de Voltaire, qui a pris les sujets de ses tragédies en dehors de l'antiquité classique, Van Steenwijk met en scène la cour de Pygmalion, roi de Tyrus, la tente d'un roi de Perse, la cour d'un roi d'Égypte, la cour d'Adelheide, comtesse de Hollande. Beleazar, fils du premier lit de Pygmalion, a échappé à une tentative de meurtre de la part de sa belle-mère Astarbe, et a été élevé par Narbal. Lorsque Astarbe, aidée de son amant Joazar, forme le projet de détrôner son mari, Narbal et le grandprêtre provoquent une révolte ayant pour but de donner le sceptre au jeune prince. Beleazar, imprudent, se fait connaître trop tôt. Astarbe en profite pour l'accuser de fourberie auprès de Pygmalion. Au commencement le roi prête une oreille attentive à ces accusations, mais quand il hésite à mettre son fils à mort, Astarbe l'empoisonne. Ces intrigues criminelles pour s'emparer du pouvoir échouent cependant. Les insurgés prennent le palais et pour ne pas tomber dans les mains de ses adversaires la reine boit la ciguë. | |
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Un sujet pareil, celui d'un prince échappé à la mort et élevé hors de la cour, se trouve dans Beon. Avant de mourir, Salatis, roi d'Égypte, craignant l'ambition de son frère Biofis, a chargé son général Orus de l'éducation de son fils Beon, élevé sous le nom d'Ammozis. Un autre nourrisson, ayant reçu le nom de Beon, a été tué, après la mort de Salatis, par Biofis, qui s'est emparé de la royauté. Bien que Biofis se montre un bon prince, les prêtres préparent une révolte pour mettre le prince héritier sur le trône. Ammozis est mis au courant de sa naissance royale, et se met à la tête des insurgés. Sa femme, Amessis, fille de Biofis, apprenant que son mari est le prince héritier, est en proie à de vives émotions; son amour conjugal lutte contre son amour filial. Le jeune homme tombe dans les mains de son oncle, qui le presse de reconnaître qu'il n'est qu'un menteur, mais Beon refuse obstinément. Enfin Biofis, convaincu de l'identité de Beon abdique et se réconcilie avec lui. On sait que cette pièce montre beaucoup de ressemblance avec une tragédie intitulée Amosis de Jan Nomsz, publiée peu de temps après. Dans Thamas Koelikan, Van Steenwijk introduit le spectateur dans la tente du roi de Perse, qui attaque l'armée de Mahomet, empereur d'Indoustan. L'armée du dernier prince, réduite à la famine, est nourrie sur l'ordre de son adversaire, ce qui fait penser à Henri IV, nourrissant les assiégés affamés de Paris (Henr. Ch. X). Ada, gravin van Holland, nous montre les tentatives d'une comtesse ambitieuse, Adelheide, pour s'emparer du pouvoir, après la mort de son mari, le comte Thierry VII. La Hollande, étant un fief masculin, doit échoir au frère du comte défunt, Guillaume. En mariant sa fille, Ada, au comte Louis van Loon, elle espère que les nobles la reconnaîtront comme comtesse. L'évêque d'Utrecht, redoutant le gouvernement de Guillaume, se déclare pour elle, mais le comte légitime réunit ses troupes, attaque Dordrecht, la résidence, et contraint Adelheide à capituler. Après ces tragédies, Van Steenwijk publia deux poèmes de longue haleine: Gideon, épopée biblique (1748), à laquelle nous reviendrons, après avoir traité les épopées ‘profanes’, et Klaudius Civilis (1774). Van Steenwijk commence son Klaudius Civilis - dont la | |
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matière a été prise dans TaciteGa naar voetnoot1. - par la description des contrées où les Bataves s'étaient établis, et par le tableau de la vie de leur tribu, opprimée par Vitellius. Il relate ensuite le départ de Civilis, leur chef, qui, las de porter un joug honteux, se rend au pays des Kaninefats, pour avoir un entretien avec Brinio, afin de s'assurer de son appui dans la révolte contre les Romains. Se reposant dans une cabane, il s'endort et fait un songe, où la Liberté lui apparaît. Réveillé, il envoie un messager à Brinio, qui s'empresse de donner suite à l'invitation du chef des Bataves. Ils se rencontrent dans la simple demeure d'un vieillard, solitaire comme celui du Ier Chant de la Henriade, qui les reçoit hospitalièrement, et leur offre un repas frugal. Retourné à son ‘château’, Civilis rassemble les autres chefs de sa tribu. Ceux-ci, après l'avoir écouté, approuvent sa conduite, et se déclarent prêts à se mettre sous ses ordres. La lutte commence. Les Kaninefats prennent le Brittenbourg. Les Romains, en fuite, se sont emparés de la femme et du fils de Civilis, Vrédegonde et Bato, et les mènent à Cologne. Les Bataves et leurs alliés remportent une victoire sur les Romains, commandés par Aquilius. Luperkus, autre général romain, marche à la rencontre des tribus révoltées, mais essuie une défaite par suite de la trahison d'un certain Labeo, Batave depuis longtemps au service de Rome, qui, ambitieux, espère devenir chef. Ici l'auteur se sert encore d'un rêve. Les efforts de Labeo n'ont pas de succès. Au VIe Chant, un ambassadeur romain vient annoncer que la force de Vitellius est brisée. Les Bataves peuvent donc mettre bas les armes puisqu'ils prétendent se battre contre lui. Ils envoient des messagers à Luperkus, à Castra Vetera, qui se déclare contre Vespasien. Les Germains investissent alors cette place fortifiée. Après la reddition, plusieurs tribus se coalisent. Cependant Vespasien a envoyé des troupes sous Cerialis, qui reprend Mayence et Trèves. Civilis, qui avait cerné Cologne, se voit contraint de lever le siège et de battre en retraite. Les Bataves se retranchent derrière les rivières et les marais. Mais en vain. Bientôt les légions romaines abordent dans leur ‘île’. Ici l'auteur intercale un épisode d'amour. Cerialis sait gagner les chefs de différentes tribus, de sorte que Civilis se voit de plus en plus isolé. Comme le peuple désire du repos, il consent à ouvrir des négociations, et la paix se fait. Les Bataves ne seront plus opprimés, et Vrédegonde revoit son mari. | |
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Montrons maintenant les endroits où Van Steenwijk a imité Voltaire. Il y a d'abord le songe de Klaudius Civilis. Comme la Discorde, au IVe Chant de la Henriade, protège Mayenne et vient à son secours, la Liberté veille sur le pays des Bataves. Elle apparaît comme un ‘fantôme éclatant’ et excite le chef des Bataves à la révolte: ‘Civilis dormait; alors la Liberté apparut à son esprit actif, entourée d'une lumière céleste. ‘Civilis’, dit-elle, ‘écoutez la voix de la Liberté. L'heure est arrivée d'attaquer RomeGa naar voetnoot1.. Les dieux favorisent la vengeance de la patrie. Votre cause est la leur. Leur autorité a été profanée par l'infraction des droits légitimesGa naar voetnoot2.. Entraînez le brave conseil de votre pays opprimé à secouer courageusement le joug servile’Ga naar voetnoot3.. Le deuxième passage imité est celui de la rencontre du vieillard solitaire: ‘En attendant ils s'approchent de la maison de bois du vieillard. Ils entrent et voient un homme vénérable, nommé Volkaart, qui pleure, dans la solitude, la lamentable décadence du peuple libre.Ga naar voetnoot4. Civilis veut lui découvrir ses intentions. Le vieillard l'invite à déjeuner. La simplicité de la chaumière, du repas, perpétue ici les moeurs des premiers temps.’Ga naar voetnoot5. Tout comme Henri IV fait le récit des événements qui ont précédé son voyage, Civilis raconte longuement comment les Romains ont | |
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opprimé les Bataves. De peur d'être fastidieux, nous ne reproduirons pas ici ces vers. Puis nous passons au second rêve, celui de Labeo. Comme, au Ve Chant de la Henriade, le Fanatisme, pour apparaître à Jacques Clément, ‘emprunte de De Guise et la taille et les traits’ (v. 116), la Politique, pour apparaître à Labeo, prend la forme de la Liberté: ‘Labeo, fatigué, avait enfin fermé les yeux lorsque la Politique lui apparut. Elle avait pris l'apparence de la Liberté. ‘Écoutez’, dit-elle, ‘ô Labeo, quelle gloire je vous réserve. Je vous choisis pour mon héros. Délivrez votre patrie. Soyez duc.’ Elle dit et lui donne, sur un trône royal, le sceptre et le bâton de commandement. Une joie ineffable le ravit et l'éveille.Ga naar voetnoot1. Nous finirons par l'épisode d'amour, imitation de l'épisode de Gabrielle. Pendant que le danger de la guerre menaçait les forteresses, Cerialis était plongé dans une honteuse mollesse. La légère Klaudia, tant adorée à Cologne à cause de ses grâces, avait charmé adroitement le général romain.Ga naar voetnoot2. Son fol amour l'avait enchaîné à tel point que, lorsque la moitié orientale de l'île avait été reconquise, il avait fait venir sa séductriceGa naar voetnoot3.. La jeune maîtresse, | |
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pleine de joie, arrivée vers le soir sur le Wahal, reçut tout de suite son amant dans sa galère, où le couple amoureux, en costume de fête, se plaça sur des lits, à la manière romaine, pour prendre part à un festin, et passa la nuit en orgie et en volupté.Ga naar voetnoot1. Tout à coup un messager annonce que l'ennemi a fait l'assaut de Vada, que, pendant la nuit, Civilis lui-même a attaqué les remparts avec des troupes nombreuses. Le général se voit contraint de quitter Klaudia.Ga naar voetnoot2. |
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