La henriade dans la littérature hollandaise
(1927)–H.J. Minderhoud– Auteursrecht onbekend
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Les Epopées Profanes. | |
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Les ‘Gevallen van Friso’ de Willem van Haren.Il y a tant d'études sur la vie et l'oeuvre de Willem van HarenGa naar voetnoot1. que nous n'avons pas besoin d'en parler longuement. Ce qui est important pour notre travail, c'est que Van Haren reçut une éducation toute française. A l'âge de quinze ans, il se fit immatriculer à l'université de Groningue, où le professeur Barbeyrac le prit en pension. Jean Barbeyrac, réfugié, fut un érudit universel, dont les cours éloquents sur le droit de la Nature et des Gens, si en vogue au XVIIIe siècle, attirèrent beaucoup d'étrangers. Les leçons, les ouvrages et le commerce captivant de cet esprit éclairé ont exercé une influence durable sur le jeune Van Haren. Après le décès de son grand-père, Willem van Haren devint syndic et percepteur général de la commune rurale du Bildt et s'établit au château ancestral de St. Anna-Parochie. En 1740 lui échut l'honneur d'être nommé député aux Etats-Généraux, et dès son arrivée à La Haye commença sa vie politique. C'était le moment où les Provinces-Unies, dans leur égoïsme, hésitaient à venir au secours de Marie-Thérèse, à qui, selon le traité de la Pragmatique-Sanction, elles devaient aide et protection. Désapprouvant leur molle attitude, Van Haren, homme droit et incorruptible, se mit à protester. Par des discours au Conseil et par ses vers - un poème, Léonidas, se vendit à 100.000 exemplaires - il éveilla un instant l'enthousiasme général. | |
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Voltaire, chargé d'une mission diplomatique, se trouvant à La Haye, lui envoya les stances connues: Démosthène au conseil, et Pindare au Parnasse...... Il était jaloux du succès de Van Haren, témoin la lettre à Thiériot du 16 août 1743, où il écrit: ‘Il lui est arrivé la même chose qu'à Homère; on gagnait sa vie à réciter ses vers aux portes des temples et des villes; la multitude court après lui quand il va à Amsterdam. On l'a gravé avec cette belle inscription: Quae canit ipse fecit’. Il y a bien un peu d'exagération dans ces phrases, comme il y en a dans celles qui suivent: ‘Vous ne saurez croire combien cette fadaise, par laquelle j'ai répondu à ses politesses et à ses amitiés, m'a concilié ici les esprits. On en a imprimé plus de vingt traductions. Il n'est rien que l'à-propos.’Ga naar voetnoot1. Il va sans dire que les vers de Van Haren attirèrent l'attention du gouvernement français, qui s'inquiéta de ce qu'un membre influent des Etats-Généraux excitait son peuple à soutenir la reine de Hongrie contre la France. Il faut s'étonner que Voltaire ait eu l'idée de faire remplacer l'ambassadeur Van Hoey par le poète de Léonidas. Peut-être espérait-il que Van Haren, déjà l'ami littéraire, deviendrait l'ami politique de la France. Le 21 juillet il écrivit à Amelot: ‘Je suis lié assez intimement avec le fameux M. van Haren......Je sais que M. van Hoey vous l'a dépeint comme un jeune homme qui a plus d'enthousiasme que de raison...Je veux vous assurer (et j'en ai pour garants les ministres les plus expérimentés) que M. van Haren est un homme d'un esprit très profond et d'un coeur inébranlable. Il aura vraisemblablement un crédit durable’. Voltaire n'était pas de l'avis de M. de Fénelon, ambassadeur de France à La Haye, qui pensait que ce républicain audacieux était partisan du stathoudérat ‘Je souhaiterais’, ajoute-t-il, qu'un homme de ce caractère pût être attaché à la personne de Sa Majesté, et je ne crois pas qu'il soit impossible d'y réussir.’ Mais cette idée ne plut aucunement aux ministres à Versailles. Après cet échec, Voltaire, qui jouait à La Haye un rôle un peu loucheGa naar voetnoot2., trouva l'occasion de s'éloigner de La Haye et d'aller à Berlin. | |
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Peu de temps avant l'apparition de Léonidas, Van Haren avait publié un poème épique: De Gevallen van Friso (Les Aventures de Friso). A plusieurs points de vue ce poème est intéressant. D'abord l'auteur cherche à donner à son peuple - peuple cultivé, dont il est fierGa naar voetnoot1. - de lointaines et illustres origines. Comme un autre Virgile et comme un autre Ronsard, Van Haren, s'inspirant des chroniques frisonnes de Winsémius, d'Ocko Scarlensis et de Furmérius, chante les exploits d'un prince indien Friso, qui, après de longues pérégrinations, rappelant celles de Télémaque, s'établit dans les régions qui forment à présent la partie septentrionale des Pays-Bas. Mais il y a encore autre chose dans ce poème. On y trouve nombre de digressions politiques et philosophiques, où se manifestent les idées éclairées du XVIIIe siècle. Ce qui frappe, par exemple, c'est l'esprit républicain. Voltaire écrivit: ‘La grandeur d'un Batave est de vivre sans maître’. Ce mot s'applique parfaitement à Van Haren, pourvu qu'on ne le prenne pas dans un sens révolutionnaire. L'esprit républicain se rattache à l'esprit de liberté où l'on retrouve les idées du siècle concernant la liberté naturelleGa naar voetnoot2. et l'horreur de la tyrannie. Van Haren condamne la monarchie absolue; son Friso ne la désire pas, d'autant moins que la royauté est héréditaire et que la vertu ne l'est pas. Ainsi il propage l'idée du despotisme éclairé, qui combat la domination et les supercheries des prêtres. Ce qui est curieux, c'est que Van Haren publiât son poème avant l'époque proprement dite des souverains éclairés. HalbertsmaGa naar voetnoot3. résume fort bien les idées politiques de Van Haren en disant, qu'on entend dans Friso le fils de la liberté, qui défend les droits de l'homme au pied du trône, qui prêche la sagesse aux rois en leur traçant un tableau des crimes ou des folies de leurs prédécesseurs et des punitions d'une divinité vengeresse. Il apprend aux sujets les devoirs de la fidélité, de l'ordre | |
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de l'obéissance. Il fait un tableau de la politique des grands, de la bassesse des courtisans, et le fait franchement comme ‘un Batave qui vit sans maître’. Quant aux idées religieuses, on peut remarquer que, d'après Van Haren la religion perse n'est au fond que celle de l'Ancien Testament. On n'a qu'à en enlever les ‘futilités superstitieuses’ pour garder la religion pure, qui ne consiste qu'à adorer Dieu, à fuir le mal et à faire le bien. Ainsi Van Haren se montre déiste. Il considère la Raison comme la conductrice de l'homme et ne prêche que le culte de la vertu. Ici encore, on reconnaît l'esprit du siècle qui cherchait l'unité des religions différentes, condamnait l'intolérance et le fanatisme, substituait le culte de la Vertu à celui de Dieu. Si le récit des pérégrinations de Friso suggère souvent l'idée que Van Haren a suivi les Aventures de Télémaque, l'esprit de son poème est celui de Voltaire, celui de la Henriade. Aussi ne s'étonnera-t-on pas de trouver force passages où Van Haren imite Voltaire. Donnons d'abord une courte analyse du Friso, pour indiquer ensuite les passages où la Henriade a été imitée. A l'âge de 18 ans, ayant perdu son père Stavo, et détrôné par la trahison d'Agrammes, Friso, prince-héritier des Gangarides et Prasiates, quitte la capitale de son pays, accompagné de quelques sujets fidèles. Arrivés à l'embouchure du Gange, les voyageurs traversent une forêt de hauts sapins où ils rencontrent un homme vénérable: Teuphis, oncle de Friso, vivant depuis longtemps dans la solitude, et que le jeune prince ne reconnaît pas. Ayant appris la raison de la fuite de son neveu, Teuphis lui offre de l'accompagner. Ils continuent le voyage pendant lequel le vieillard lui parle de la religion de Zoroastre. Arrivé dans l'île de Taprobane on découvre une conspiration contre le pouvoir légitime. Friso se met tout de suite à la disposition du roi Charsis, défait les conspirateurs, mais le vieux roi meurt, avant le retour des vainqueurs. Lorsque la population de Magramme, la capitale, apprend la mort de son roi, elle se révolte, à l'instigation des prêtres, contre Cosroés, prince efféminé. Les prêtres veulent offrir la couronne à Friso, qui refuse et part pour les états de son aïeul Porus. Un orage cependant le jette sur les côtes de la Carmanie, où il est accueilli par Orsines, qui, depuis la conquête d'Alexandre le Grand, jouit d'un vaste apanage en Perse, et qui lui donne, après quelque temps, sa fille | |
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Atosse en mariage. Au retour d'Alexandre, un eunuque, Bagoas, à qui Orsines n'avait pas rendu tous les honneurs, réussit à obtenir du roi l'ordre de tuer ce prince. C'en eût été fait de Friso et d'Atosse, si un sénateur romain, Proculus, se trouvant à la cour d'Alexandre, ne les avait emmenés en Italie. En route le Romain instruit Friso et Teuphis des lois de son pays, du gouvernement des Romains, de leur amour de la liberté, de leur aversion pour les tyrans. Arrivé à Rome, Friso s'y distingue dans la guerre contre les Samnites. En attendant, un de ses compagnons, renvoyé en Orient, vient annoncer à Friso que sa mère se trouve à Gades. Le prince prend aussitôt la résolution d'aller la rejoindre. Pendant le voyage, Teuphis lui explique comment un prince doit gouverner, donnant le roi Porus en exemple. Comme il voit approcher le moment où il va être reconnu par la reine-mère, il croit enfin pouvoir goûter la douceur d'embrasser Friso comme son neveu. Arrivé à Gades et ayant retrouvé sa mère, le prince s'apprête à retourner en Orient. Mais une tempête le rejette vers le nord. Les voyageurs découvrent les côtes de Victis (Wight), où un homme leur demande asile pour être délivré du barbare Cunobellin. Cet homme leur donne le conseil de continuer leur voyage vers le nord, où il y a un pays où l'on respecte les dieux et l'humanité. C'est le pays des Alanes. Un Alane âgé, Ségonax, vient raconter à Friso, à peine arrivé, que chaque année un dragon furieux parcourt le pays, y répandant la peste, pour que les indigènes expient l'offense que le dernier roi a faite aux dieux immortels. On promet la couronne à celui qui délivrera le pays de ce fléau. Après un rêve, où un ange lui apparaît, annonçant la fin de ses pérégrinations et l'excitant à combattre le dragon, le héros descend dans le gouffre d'où sortait le monstre. Au lieu de rencontrer le dragon, il voit l'ange, qui le conduit par l'enfer. Enfin il remonte. Les Alanes, le voyant reparaître, le saluent et le couronnent roi. Friso accepte la royauté en prononçant un discours qui peut être résumé par ce proverbe: ‘L'Union fait la Force’. A l'endroit où il a été couronné, il fonde une ville qui portera le nom de son père: Stavo-ren. Les Alanes se nommeront désormais les Frisons. Il faut remarquer que Van Haren remania considérablement ce poème lorsqu'il en prépara la deuxième édition. Les Livres III et IV furent abrégés et réunis, et les Livres XI et XII remplacés par un nouveau Livre X. L'histoire du dragon a disparu et a cédé la place à un rêve, imitation du VIIe Chant de la Henriade. Montrons maintenant les passages où l'auteur imite la Henriade. | |
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Il y a d'abord, au ler Chant, la rencontre de l'homme vénérable, qui peut être mise à côté des vers 193-292 du Ier Chant de Voltaire. Ils traversèrent une forêt de hauts sapinsGa naar voetnoot1., où ils virent, à l'entrée d'une cabane, un homme vénérableGa naar voetnoot2.. C'est Teuphis, oncle paternel, retiré depuis longtemps de la cour de Stavo, et qui a trouvé dans cette forêt la paix, en adorant le Dieu de ZoroastreGa naar voetnoot3.. Il connaît le prince, mais ne se fait pas connaîtreGa naar voetnoot4.. Au jeune homme qui l'informe de la cause de sa fuite et sollicite ses conseilsGa naar voetnoot5., il répond qu'un Dieu, encore ignoré de Friso, a guidé sa fuite. Un vaisseau va appareiller pour l'île de TaprobaneGa naar voetnoot6.. Il offre à Friso de l'accompagner à la cour du roi de cette îleGa naar voetnoot7.. Celui-ci accepte, mais lui demande qui il est et pourquoi il n'hésite pas à le suivreGa naar voetnoot8.. Le philosophe lui dit qu'on l'avait accusé et trahi, de sorte qu'il avait résolu de se retirer dans la solitudeGa naar voetnoot9.. Alors Friso raconte plus en | |
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détail ce qui s'est passé. Teuphis lui donne de sages conseilsGa naar voetnoot1.. Les hommes écoutent avec respect ses paroles. On partGa naar voetnoot2.. Au même chant, Teuphis explique la religion de Zoroastre, et se montre anticlérical et déiste, en parlant des extravagances auxquelles mènent la superstition et de la fourberie des prêtresGa naar voetnoot3.. Il explique comment les hommes, ignorants à présent, font un portrait insensé de la Divinité (Henriade VII v. 77-78), que les premiers hommes étaient beaucoup mieux renseignés et que l'idolâtrie est la suite inévitable du fanatismeGa naar voetnoot4.. Dans la description du bon roi Charsis, nous lisons, comme au VIIe Chant de la Henriade (v. 195-199): Pour regarder ce grand prince, on n'avait pas besoin d'offrir des cadeaux à des scélérats qui vendent à leur profit les faveurs des princesGa naar voetnoot5.. Puis nous passons au IVe Chant, où la révolte du peuple de Magramme ressemble au passage anticlérical du IVe Chant de la Henriade (v. 345): Un bruit inattendu s'élève dans la ville, le bruit de la révolte. Le peuple s'assemble et, en proie à une sorte de folie, parcourt les ruesGa naar voetnoot6.. Les prêtres, qui savent profiter de l'ignorance du peuple se trouvent à sa têteGa naar voetnoot7.. | |
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A peine leur chef a-t-il appris l'arrivée de l'ambassade d'Agrammes qu'il prétend avoir reçu de Jupiter l'ordre de chasser ces hommesGa naar voetnoot1.. Il réunit ses acolytes et soulève le peuple, plein de violenceGa naar voetnoot2., pour offrir le sceptre à Friso, dont il espère faire un prince à sa façonGa naar voetnoot3.. Au VIIe Chant, le meurtre d'Orsines par l'eunuque Bagoas peut être mis en parallèle avec celui de Coligny, au IIe Chant de la Henriade: Orsines parlait encore lorsqu'un cri se répandit dans le Palais. Les domestiques prennent la fuite. En moins de rien la salle est remplie de meurtriers. Bagaos en est le chefGa naar voetnoot4.. Orsines ne craint pas la mort, mais il entend la voix de sa fille AtosseGa naar voetnoot5., qui se jette entre les épées. Elle s'évanouit. Orsines la voit tomber, la prend dans ses bras, l'embrasse pour la dernière foisGa naar voetnoot6. et exprime le voeu qu'elle ne partage pas son sortGa naar voetnoot7.. Puis il s'adresse à Friso | |
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pour lui recommander ce qu'il a de plus cher au mondeGa naar voetnoot1.. Bagoas, loin de se laisser attendrir par cette scène, s'approche et frappeGa naar voetnoot2.. Le sang coule. On emporte Orsines, on l'entraîne en bas et on l'achèveGa naar voetnoot3.. Pendant le voyage de Rome à Gades, disions-nous, Teuphis fait le tableau des qualités d'un souverain éclairé. Là on trouve encore un passage anticlérical. Après avoir recommandé l'example du roi Porus, Teuphis continue ainsi: ‘Trois vieillards avaient été ses conseillers, mais les prêtres lui avaient donné souvent du fil à retordre, les prêtres dont on ne peut se passer, qui profitent cependant de la jeunesse des princes pour faire monter sur le trône la superstition avec euxGa naar voetnoot4.. Un jour, un prêtre qui avait donné son avis avec trop d'autorité avait été jeté du haut de l'escalierGa naar voetnoot5.. Dès lors les prêtres n'entraient chez Porus qu'après en avoir reçu l'ordre et pour les besoins du culte dont ils étaient chargésGa naar voetnoot6.. C'est ainsi qu'ils s'aperçurent que toute superstition doit céder le | |
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pas à la scienceGa naar voetnoot1.. Cette mesure avait été d'autant plus nécessaire que les prêtres avaient eu l'appui du pouvoir et que, pour séduire avec plus de succès le peuple naïf, ils avaient eu l'audace de répondre avec beaucoup d'arrogance que les connaissances, la libre pensée et la sagesse de l'homme n'étaient que de la vanité et de vains désirs. Ils étaient d'avis qu'il vaudrait mieux ressembler à des bêtes que de monter aux sublimes qualités de la divinitéGa naar voetnoot2.. L'Être suprême, ajoute Teuphis, gratifia-t-il l'homme de ces dons illustres pour en faire l'esclave d'un tas de prêtres ignorants?Ga naar voetnoot3. L'esprit ne doit pas être enchaîné et doit choisir lui-même la manière dont il faut honorer le Créateur’Ga naar voetnoot4.. Le dernier chant contient la description de l'enfer, où l'on constate l'influence du VIIe Chant de la Henriade. Friso y voit les mânes de toutes sortes de criminels, d'avares, de menteurs, de flatteurs, de parjures, de voluptueux, de pornographes, d'ingrats, de poltrons, d'iconolâtres. Par ces derniers le poète entend les prêtres de Rome: ‘Ensuite parurent ceux qui rendirent le plus grand honneur à des dieux, faits de pierre et de boisGa naar voetnoot5.. Tas d'idiots, qui ont pensé que le peuple, qui ne sait pas discerner le vrai du faux, est capable de comprendre une religion pareille!Ga naar voetnoot6. Quel malheur résulte de cette sottise! La superstition, qui n'entend pas raison, ne | |
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veut honorer qu'un dieu visible et tangible qu'elle peut former ellemêmeGa naar voetnoot1.. A présent (c'est à dire en enfer) chacun, voyant la futilité de ces marionnettes et de ces ossements, maudit vainement sa vie d'idolâtre aveuglé.’Ga naar voetnoot2. Ce sont non seulement les prêtres catholiques qu'il éreinte, mais aussi les pasteurs protestants: ‘Près d'eux flotte la foule d'esprits qui ont professé autrefois la Sainte-Doctrine, mais qui, n'étant jamais poussés par l'amour de la Vérité ignoraient les principes de leur vieGa naar voetnoot3.. Ils se contentaient de fulminer, de tonner et d'abasourdir les hommes par les discussions théologiques, menaçant arrogamment de l'enfer toute âme inaccessible à leur langage intelligible’Ga naar voetnoot4.. Friso et l'ange s'approchent du trône d'Arimanius, qui prononce ‘l'éternelle sentence’. Il est entouré de monstres: l'Ambition, la Trahison, la Haine, l'Ingratitude, l'Envie, l'Orgueil, l'Avarice, la Tristesse, la Crainte, la Vieillesse, l'Indigence, la Honte, la Discorde et enfin la Guerre. Une ‘âme’ est entraînée devant le trône, c'est celle d'Agrammes. Friso reconnaît Cosroés et Cunobellin. Après eux viennent les juges qui ont inventé la torture, et les ‘conseillers sinistres qui, des moeurs et des lois avares corrupteurs, de Thémis et de Mars ont vendu les honneurs’ (Henr. VII v. 195)Ga naar voetnoot5.. | |
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Au bout de leur voyage, ‘le pur Esprit du Ciel’ prend congé de Friso et disparaît. A la deuxième édition - nous le disions déjà - les Livres XI et XII ont été remplacés par un nouveau livre X, où l'histoire du dragon a été supprimée, et où le voyage aux enfers a été considérablement changé. Ce qu'on y lit est une copie assez fidèle du VIIe Chant de la Henriade. Nous en donnons quelques passages: Pendant le sommeil un ange apparaît à Friso, et l'invite à le suivre. Le prince monte avec lui, et tous les deux vont se mettre sur un trône élevéGa naar voetnoot1.. Après avoir écarté la nuit, l'Esprit céleste montre à Friso les Pays-Bas, tels qu'ils seront plus tardGa naar voetnoot2.. A peine le prince aperçoit-il un pays si charmant que son plaisir est troubléGa naar voetnoot3.. Il voit les hommes s'entretuerGa naar voetnoot4.. Il n'y a pas de ville ni de place où l'on ne soit en train de dresser un échafaud, où l'on ne voie monter la fumée des bûchersGa naar voetnoot5.. L'ange lui montre ensuite un prince puissant, qui s'efforce d'imposer sa religion à ses sujets, et d'en faire des esclavesGa naar voetnoot6.. Mais le Maître des Cieux aura pitié d'eux, et | |
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enverra un héros dont le coeur pur et vertueux déteste ces horreursGa naar voetnoot1.. Ce prince valeureux fera luire de nouveau le soleil de la liberté, et fera disparaître pour toujours le fer, la Croix et le feuGa naar voetnoot2.. ‘O ciel!’ interrompt Friso, ‘quel spectacle affreux frappe mes sens émus? Ce héros sans pareil, ce père vertueux, est assassiné au comble de sa gloire par un traître’Ga naar voetnoot3.. ‘Ne vous plaignez pas de votre sort’, telle est la réponse, ‘mais tournez vos yeux et regardez cette bataille sur la grève. Voyez comment son brave fils lutte pour sa patrieGa naar voetnoot4.. Après lui son frère, plein de sagesse et de prudence, établira le repos et la sécuritéGa naar voetnoot5.. Après une lutte de quatre-vingts ans, il contraindra l'ennemi honteux, à déclarer libre ce peupleGa naar voetnoot6.. Le fils de ce héros ne gardera le trône que peu d'années, car il sera enlevé à la fleur de l'âgeGa naar voetnoot7.. Mais un phénix se lèvera de ses cendres, un phénix, qui, outre le sceptre de son père, portera une couronne, celle de la puissante Albion’Ga naar voetnoot8.. ‘Mais je vois déjà’, | |
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continue l'être céleste, ‘que votre oeil se fixe sur le fruit de ces changements, sur cette ville royale, qui s'élève au milieu des maraisGa naar voetnoot1.. Que de vaisseaux sur sa rade! Ses habitants iront chercher la fortune de l'autre côté de la terre, et non contents de chasser du pays leur ancien ennemi, ils iront le combattre aux Indes pour lui ôter son sceptre pour la seconde foisGa naar voetnoot2.. Mais une gloire pareille allumera l'envie de leurs voisins’Ga naar voetnoot3.. Et le prince voit deux grandes flottes, engagées dans une grande bataille, et dans le fort de la mêlée, un héros, donnant calmement des ordres, et encourageant ses marinsGa naar voetnoot4.. En même temps paraît un héros dont les traits nobles et l'oeil luisant attestent son caractère et son origineGa naar voetnoot5.. Mais hélas! un nuage obscur au-dessus de sa tête prédit une mort subite. S'il doit mourir beaucoup trop tôt, il n'en donnera pas moins à tous les rois de la terre un exemple de piété et de vertuGa naar voetnoot6.. Alors Friso demande quel est l'éclat qui paraît devant ses yeux. | |
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C'est celui d'un tendre enfant, ayant à côté de lui une reineGa naar voetnoot1.. Friso se sent si ému à la vue de cet enfant aimable que le tableau divin avec toute sa splendeur disparaît, et qu'il s'éveilleGa naar voetnoot2.. |
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