La henriade dans la littérature hollandaise
(1927)–H.J. Minderhoud– Auteursrecht onbekend
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Les Traductions. | |||||||||||||||||||||||||
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La Traduction de Klinkhamer.Govert KlinkhamerGa naar voetnoot1. naquit à Amsterdam le 31 août 1702 et y mourut le 11 août 1774. Il était marchand de soie, ce qui ne l'empêcha pas d'écrire quelques ouvrages en vers, en grande partie d'un caractére édifiant, et un volumineux ouvrage en prose. Il appartenait à la communauté mennonite. Il débuta par de Kruisgezant of het Leven van den Apostel Petrus (1725), poème en deux chants. La matière est empruntée aux Évangiles, aux Actes des Apôtres et aux deux Épîtres de Saint Pierre. A vrai dire ce n'est pas la vie de l'apôtre Pierre que traite l'auteur. Il s'en est aperçu lui-même, car il s'excuse dans sa préface en disant que l'apôtre Pierre a fait peu de choses ‘où le Seigneur n'ait pas assisté’. Ce coup d'essai n'a pas été un coup de maître. La matière ne manque pas de grandeur, mais le poète n'a pas été de force à la traiter avec assez d'élévation. En 1734 parut la traduction de Zaïre, sous le titre de Zaïre of de Koningklijke Slavin. La lecture de la pièce, dit Klinkhamer dans sa préface, lui fit tant de plaisir qu'elle lui inspira l'ardent désir de la traduire en hollandais. Comme le nom de l'héroïne était inconnu, le traducteur crut utile d'ajouter un sous-titre. Jugeant qu'il y avait des fautes dans la conception du troisième acte, il y apporta des changements. Obligé de nous borner à la traduction de la Henriade, nous nous abstiendrons d'examiner celle de Zaïre. M. ValkoffGa naar voetnoot2. dit qu'elle est mauvaise, que le traducteur affaiblit le style de Voltaire par des intercalations superflues, et qu'à tout moment il montre qu'il ne comprend pas très bien le français. En 1739, Klinkhamer publia Stichtelijke Zinnebeelden en Bijbelstoffen, recueil de quarante exhortations, chacune illustrée d'une | |||||||||||||||||||||||||
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image, et portant les titres: Waakzaam, Lustig en vrolijk, Licht van Boven etc. L'ouvrage plut au public, car il parut encore pour la troisième fois en 1756, mais toutes ces rimailleries sont naïves et faibles. Du même genre sont les Bijbelstoffen: Jacobs laatsten aanspraak en zegen, Het 38e Hoofdstuk van Job, Treurgalm over Tyrus, of het 17e Hoofdstuk van den Profeet Ezechiël, Nederdaling van den Heiligen Geest op den Pinksterdag, de Marteldood van Stephanus, Triomph-Boog des Geloofs of het XIe Hoofdstuk aan den Hebreen. C'est, sans doute, le succès de ces ouvrages qui poussa l'auteur à publier en 1740 un recueil analogue: Leerzame Zinnebeelden en Bijbelstoffen, qui contient: Het Leven van den Profeet Eliza en trois chants, Mozes' aanspraak aan Israël et de verheugde Zacharias. Nous reviendrons à Het Leven van den Profeet Eliza, quand nous traiterons les épopées bibliques où l'on peut constater l'influence de Voltaire. Un an plus tard Klinkhamer fit paraître: Gedenkzuil, opgerigt ter Gedagtenisse van den Jaare 1740. Il jette un regard rétrospectif sur l'année qui vient de s'écouler, où l'hiver a été froid, l'été humide, la récolte mauvaise, les vivres chers, où le peuple s'est révolté. Il passe en revue les événements politiques. Une année après la mort de Klinkhamer parut encore son Dagwijzer der Geschiedenissen, des éphémérides, deux grands volumes en prose, qui n'ont pas de valeur littéraire. Passons maintenant à la traduction de la HenriadeGa naar voetnoot1., dédiée à Joan CouckGa naar voetnoot2. ‘beminnaar der Nederduitsche Dichtkunst’. En 1734, dans sa préface de Zaïre, l'auteur avait déjà promis de traduire la Henriade sous le titre de: de Heldendaaden van Henrik de Vierde. Ce n'est qu'en 1744 que cette traduction parut; elle était intitulée: Henrik de Vierde, Koning van Vrankrijk en Navarre. Comme le bruit s'était répandu que d'autres poètes avaient | |||||||||||||||||||||||||
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commencé aussi ce travail difficile, Klinkhamer n'osait pas livrer le sien au jugement du public. Mais apprenant que la traduction de Feitama, terminée en 1743, ne paraîtrait pas encore, convaincu que chaque poète a le droit d'entreprendre quelque traduction, poussé, comme il dit, par quelques amis, peut-être par Joan Couck, Klinkhamer se décida à publier sa traduction. Comme il arrive pour tous les ouvrages de quelque importance, un grand nombre de panégyristes louèrent les qualités à l'envi. N. Capelle écrit que si la France est fière d'avoir un Voltaire, la Hollande peut se vanter d'avoir un Klinkhamer. Stephanus Opterbeek Jan Caspersz juge que le héros de Voltaire doit se trouver en Hollande en plus grande sûreté qu'en France. L. van den Broek est d'avis que la Henriade est un tableau affreux, qui pourtant a rendu le plus grand honneur à son peintre, et élève son interprète jusqu'aux nues. Nous passons sous silence les autres poétereaux: H. van Elvervelt, H. Houtkamp, et P. Oursiere, qui ont écrit quelque chose de pareil. Le fait que Klinkhamer avait déjà traduit la moitié du poème en 1734, explique pourquoi on lit dans sa traduction tant de passages qui se trouvent dans les éditions de la Henriade antérieures à cette date. Le début, par exemple, est celui de l'édition de 1730 où l'on lit au 3e et au 4e vers: Qui par le malheur même apprit à gouverner,
Persécuté longtemps, sut vaincre et pardonner.
Mais le traducteur ne s'est pas exclusivement servi de cette édition-là.Ga naar voetnoot1. Avant de commencer la critique de la traduction de Klinkhamer, il faut nous demander: quel doit être notre critérium? Car, pour juger une traduction, il ne suffit pas de mettre en lumière des fautes, des maladresses, des inexactitudes. Une traduction renfermant quelques méprises et quelques négligences, peut être meilleure qu'une autre où le traducteur a rendu le sens de l'original avec un soin minutieux. C'est que, pour traduire une oeuvre d'art, il faut posséder deux | |||||||||||||||||||||||||
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qualités peu communes et très distinctes: la première est une connaissance approfondie de la langue dans laquelle l'auteur a écrit, pour bien comprendre ce qu'il a voulu dire, la seconde le talent de donner à sa traduction, une forme vraiment artistique. Il faut être philologue pour comprendre, artiste pour reproduire. Il est rare que ces deux qualités se trouvent réunies dans la même personne, et on peut se demander quelle traduction sera la meilleure: celle du philologue qui est sensible aux beautés littéraires mais qui n'est pas artiste, ou celle de l'artiste qui ne sait que passablement la langue étrangère. Cette question a été traitée par M. Valkhoff, dans un intéressant articleGa naar voetnoot1., où il conclut que, pour bien traduire, il importe beaucoup d'être philologue ,mais encore plus d'être artiste. De ce que la traduction a un côté philologique et un côté artistique, il résulte qu'on doit examiner les traductions à un double point de vue, et diviser son travail de critique en deux parties. Il faut voir si le traducteur a bien rendu le texte, autrement dit, s'il n'y a pas apporté des modifications, et aussi se demander quelle est la valeur artistique de son travail. Les modifications peuvent provenir de causes différentes: de l'ignorance du traducteur, qui ne possède pas suffisamment la langue étrangère, ou d'un manque d'objectivité. Dans notre examen de la traduction de Klinkhamer nous indiquerons tout d'abord les modifications résultant de sa connaissance imparfaite du français, puis celles où la personnalité du traducteur se fait jour. Nous terminerons par quelques remarques concernant la valeur artistique de son oeuvre. Les fautes que Klinkhamer a faites sont si nombreuses que nous sommes obligé de faire un choix entre elles, de nous borner à en citer quelques-unes. Notre première idée avait été de classer ces fautes par groupes, suivant leur importance. Mais quelques passages offrant à la fois différents genres de fautes, nous aurions dû les citer plusieurs fois, ou renvoyer sans cesse le lecteur à un passage déjà cité, ce qui aurait été par trop fatigant. Voilà pourquoi nous avons choisi seulement quelques passages qui nous ont semblé caractéristiques. Ch. I v. 27-28
......ce prince ......
Dont l'Europe en tremblant regardait les progrès,
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Et qui de sa patrie emporta les regrets.
...... die vorst ......
Waarvan Europa, door een diepe vrees verslagen,
't Oog op zijn' voortgang slaande, al zidd'rend kost gewagen;
Een voortgang, die zijn volk onthefte van het juk.
Il s'agit de Henri III, qui, encore duc d'Anjou, fut élu roi de Pologne, par l'influence de Jean de Montluc, évêque de Valence, ambassadeur en Pologne. Voltaire dit que l'Europe tremblait en regardant cette élection. On peut se demander si le traducteur, traduisant littéralement ‘progrès’ par ‘voortgang’, a compris le texte. Mais ce qui est grave, c'est qu'il se trompe absolument sur le sens du dernier vers. Le pronom relatif ‘qui’ se rapporte à ‘ce prince’ dont le peuple regretta le départ. Klinkhamer met ‘qui’ en rapport avec ‘progrès’ et traduit mal ‘les regrets’ par ‘het juk’. Ch. I v. 31.
Tel brille au second rang qui s'éclipse au premier;
Dit edel vuur, dat zijn doorlughtig heldebloedt
Weleêr ontstoken hadt met dapperheid en moed,
Verloor zijn held'ren glans; ........................Ga naar voetnoot1.
Le traducteur n'a pas compris ce vers. Ch. I v. 57-60.
On voyait dans Paris la Discorde inhumaine
Excitant aux combats et la Ligue et Mayenne,
Et le peuple et l'Eglise; et, du haut de ses tours,
Des soldats de l'Espagne appelant les secours.
d'Ontmenschte Tweedragt, die zigh in de twist verblijd,
Joeg elk in 't blank geweer: de magt der Bontgenoten
Deed, door Mayennes arm, bij elk de schrik vergrooten,
Uitroepende overal: dat Roome en Spanjes magt
Haar' arm zou stijven met een onverwinbre kragt.
‘Ontmenscht’ pour ‘onmenschelijk’ n'est pas une trouvaille heureuse. ‘Die zigh in de twist verblijd’ est une tautologie. La Discorde excite la Ligue, Mayenne, le peuple et l'Eglise. Le traducteur écrit: ‘Joeg elk in 't blank geweer’, ce qui est passable, | |||||||||||||||||||||||||
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mais alors il déraille, ajoute de son propre fonds une phrase, à laquelle il lie ses deux derniers vers. Chez Voltaire, la Discorde excite, et appelle, du haut des tours de Paris, les Espagnols au secours. Chez Klinkhamer tout le monde crie, et la confusion du traducteur est telle qu'il voit déjà deux armées, de l'Eglise et de l'Espagne, venant prêter main-forte à la Ligue, dont ‘le bras est trop faible malgré le bras de Mayenne’. Que de bras! - Ch. II v. 5-12.
Je ne décide point entre Genève et Rome.
De quelque nom divin que leur parti les nomme,
J'ai vu des deux côtés la fourbe et la fureur;
Et si la Perfidie est fille de l'Erreur,
Si, dans les différends où l'Europe se plonge,
La trahison, le meurtre est le sceau du mensonge,
L'un et l'autre parti, cruel également,
Ainsi que dans le crime est dans l'aveuglement.
'k Bepleit niet of Geneve of Romen even veilig,
't Geen elk begrijpt, met recht, den eernaam geeft van heilig.
'k Zagh eertijds hun bedrog en razernij in kragt;
En dus is de ontrouw door de dwaling voortgebragt.
In de verwartheidt, daar Europe in is getogen,
Strekt nu 't verraadt, de moordt, het zegel aan de logen;
Daar de een den anderen met magt te boven gaat,
Wijl al hun misbedrijf uit blinde drift bestaat:
Klinkhamer a commis plusieurs fautes, qui prouvent que le sens véritable de ce passage lui a échappé. Sans faire attention au point qui se trouve après Rome, il a uni le 6e vers au cinquième. Il a vu quelque chose d'un nom divin, qu'il traduit par ‘den eernaam van heilig’; il rend mal le verbe ‘décider’ par ‘bepleiten’ et fait deux vers d'un sens tout différent. La concession, exprimée par le 6e vers, a disparu. Au 8ième vers, il y a encore une phrase concessive, se rapportant au vers 11. Klinkhamer ne le voit pas, ne remarque pas le point et virgule après ‘fureur’, et traduit le mot ‘si’ comme si Voltaire avait écrit ‘ainsi’. Au vers 9, la conjonction ‘si’ est tout à fait supprimée. ‘Les différends’ sont autre chose que ‘verwartheidt’. - Nous ne savons pas si le traducteur s'est bien rendu compte du sens du vers 10, car nous ne comprenons pas ce que veut dire: ‘Strekt nu 't verraadt, de moordt, het zegel aan de | |||||||||||||||||||||||||
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logen’. Un rapport causal au vers 11 ‘daar’ et au vers 12 ‘wijl’ manque dans le texte. Voltaire dit que les deux partis, le protestantisme et le catholicisme, sont cruels, aveuglés et criminels. Klinkhamer admet une différence: ‘de een gaat den anderen met magt te boven’. Il serait intéressant de savoir à quelle religion il décerne le prix. Et pourquoi ‘les deux partis n'ont-ils pas la même puissance’ ...... parce que (wijl) ...... ‘tout leur crime n'est que l'aveuglement’. Comprenne qui pourra. Le traducteur tombe dans le radotage. Ch. II v. 135-136.
Ciel! faut-il voir ainsi les maîtres des humains
Du crime à leurs sujets aplanir les chemins!
Ach, Hemel! kan 't geschiên! dat de ondeugd 't Vorst'lijk hart
Dus inneemt, d'Onderdaan belaagt met zo veel smart!
Voltaire dit qu'il faut regretter que l'inconduite des princes serve d'exemple aux sujets. Chez Klinkhamer les sujets sont les victimes de leurs crimes. Ch. III v. 115-116.
Mais Guise, trop habile, et trop savant à nuire,
L'un par l'autre, en secret, songeait à nous détruire;
Maar Guise loos van aert bekwaam 's volks ondergang
Te vord'ren, als het maar tot nut van zijn belang
Kan strekken, stelde alöm zijn list en loose lagen
In 't werk, om in 't geheim ons in 't verderf te jagen.
Au premier vers, les deux superlatifs absolus n'ont pas été traduits. Puis Guise ne veut pas nuire au peuple, comme dit Klinkhamer; il veut nuire à ses adversaires, à Valois, et à Henri: il veut les détruire en les excitant l'un contre l'autre. Klinkhamer supprime ‘l'un par l'autre’, invente ‘als het maar tot nut van zijn belang kan strekken’, et étire ‘songer’ en ‘stelde alöm zijn list en loose lagen in 't werk’. Ch. IV v. 187-192.
Là, Dieu même a fondé son Eglise naissante,
Tantôt persécutée, et tantôt triomphante:
Là, son premier apôtre avec la Vérité
Conduisit la Candeur et la Simplicité.
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Ses successeurs heureux quelquetemps l'imitèrent,
D'autant plus respectés que plus ils s'abaissèrent.
Ter plaatse daar Godt zelfs zijn Kerk eerst uit het duister
Zagh opgaan, nu vervolgt, dan wêer in vollen luister
Haar held'ren glans deed zien; daar zijn Apostelschaar
In 't onbenevelt licht der waarheid, zonneklaar
De zuivre opregtigheid eenvoudig voor deedt treden.
Men zagh nogh eenigen, 't gezagh met roem bekleden,
Die zelfs naar mate dat hun uiterlijke schijn
Aangroejende, hen deedt in eere en aanzien zijn,
Te meer beijverden een ingetogen leven.
‘Fonder’ n'est pas ‘uit het duister zien opgaan’ et ‘triompher’ est autre chose que ‘in vollen luister zijn heldren glans doen zien’. Au vers 189, le premier apôtre, Saint-Pierre, a été remplacé par ‘zijn Apostelschaar’. Licence poétique, si l'on veut. Mais ce qui suit n'est pas exact. Voltaire dit que Saint-Pierre propageait la foi chrétienne, tout en menant une vie chaste et simple. Klinkhamer écrit ‘deedt eenvoudig voortreden de zuivre opregtigheid in 't onbenevelt licht der waarheid’, comme si les apôtres propageaient ‘zonneklaar, de zuivre opregtigheid’. Aux quatre derniers vers, qui doivent rendre les vers 191-192 du texte, le traducteur dit précisément le contraire de ce que Voltaire a voulu dire: Plus ils (c.à.d. les successeurs), s'abaissèrent, plus ils furent respectés. Ch. IV 252-253 .................. Le sénat de la France
Eteint presque en mes mains les foudres que je lance;
Plein d'amour pour l'Eglise, et pour moi plein d'horreur,
Il ôte aux nations le bandeau de l'erreur.Ga naar voetnoot1.
Nu durft de Fransche Raad zelve in mijn handen smoren
De blixems, die ik schiet uit liefde tot de Kerk;
Hij toond een afkeer voor mijn ijver en mijn werk,
En schuift de banden af daar elk meê wordt gekluistert.
La Discorde se plaint ici; le Sénat la contrarie. Sauf le mot ‘presque’, mal traduit par ‘zelve’, le traducteur a rendu le sens du premier vers. Mais après ce vers se trouve un point et virgule, que Klinkhamer n'a pas vu, car, chez lui, la Discorde lance ses foudres par amour | |||||||||||||||||||||||||
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pour l'Eglise. Au dernier vers ‘le bandeau de l'erreur’ est rendu par ‘de banden, daar elk meê wordt gekluistert’, ‘De l'erreur’ est supprimé. Ch. V v. 200-203.
Le crime a ses héros; l'erreur a ses martyrs:
Du vrai zèle et du faux vains juges que nous sommes!
Souvent des scélérats ressemblent aux grands hommes.
De misdaad toond zigh op het heldehart verbolgen,
En d'ijd'le dwaling om het martelspoor te volgen;
Verblinde Rechters, ja verdwaalden als wij zijn,
Die dikwijls onbedagt de ware en valsche schijn
Niet onderscheidende, de hoog-geroemde mannen
Waardeeren op één prijs met boose en snoô tirannen.
Dans son genre, le criminel peut être un héros, car l'héroïsme est l'abnégation de soi-même pour le triomphe de quelque idée. Et on peut être la victime, le martyr de quelque idée fausse. Nous avons ici un des beaux vers de Voltaire, exprimant en peu de mots, une vérité psychologique. On n'a qu'à lire les deux premiers vers de Klinkhamer pour s'assurer que le sens de ce vers lui a complètement échappéGa naar voetnoot1.. Puis le texte dit qu'il nous est impossible de distinguer le vrai zèle du faux. Klinkhamer dit que nous sommes des juges ‘aveuglés’ - ce qui est autre chose que ‘aveugles’ -, que nous sommes égarés - il n'explique pas pourquoi! - et que nous ne savons pas distinguer ‘de ware en de valsche schijn’ - ‘zèle’ n'est pas ‘schijn’. Qu'est ce que: ‘de ware schijn?’ - Aux deux derniers vers, le traducteur dit le contraire de ce que Voltaire écrit. Comme nous ne savons pas distinguer, dit Klinkhamer, les grands hommes ont la même valeur que les scélérats. Remarquons en finissant que ‘scélérats’ ne veut pas dire ‘boose en snoô tirannen’. Ch. VI v. 319-325.
Comme il parlait ainsi, du profond d'une nue
Un fantôme éclatant se présente à sa vue:
Son corps majestueux, maître des éléments,
Descendait vers Bourbon sur les ailes des vents:
De la Divinité les vives étincelles
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Etalaient sur son front des beautés immortelles;
Ses yeux semblaient remplis de tendresse et d'horreur:
Hier zweeg Navarres Vorst, terwijl hem uit een wolk
Een helder licht verschijnt, een schijnsel met de stralen
Van eeuwig licht verlicht, kwam tot hem nederdalen,
Vertoonende 't gelaat eens Godts, alwaar de glans
Der schoonte in uitblonk als de zon aan 's Hemels trans:
De Onsterff'lijkheid blonk op zijn aanzigt, en zijne oogen
Weêrschitterden van liefde en teder mededogen.
Saint-Louis, qui des cieux a suivi les péripéties de la lutte et veut sauver les Parisiens, intercède, au moment où Henri IV poursuit l'ennemi, franchit les faubourgs, excite ses compagnons à apporter les feux et à monter sur les murs de Paris. ‘Comme il parlait ainsi’. Klinkhamer écrit ‘Hier zweeg Navarres Vorst’, comme s'il était un orateur, arrivé au bout de son discours. ‘Een helder licht, een schijnsel met de stralen van eeuwig licht verlicht’ - il y a trop de lumière dans cette lueur! - n'est pas encore ‘un fantôme éclatant’. Dans toute cette lumière, le traducteur a escamoté ‘son corps majestueux’, ‘maître des éléments’, et ‘sur les ailes du vent’. Puis il a recueilli, des vers suivants, les mots: ‘Divinité’, ‘étincelles’, ‘beautés’ et ‘immortelles’ et, à l'exception du dernier mot, en a forgé deux vers, qui ne ressemblent en rien à ceux du texteGa naar voetnoot1.. De l'adjectif ‘immortelles’, il a fait un substantif ‘Onsterff'lijkheid’, dont il a composé, avec le verbe ‘uitblinken’ du vers précédent, un nouveau vers hollandais. Puis, au dernier vers, ‘semblaient’ a disparu et ‘horreur’ a été rendu par ‘mededogen’, très probablement pour trouver la rime. Ch. VII v. 79-84.
La Mort auprès de lui, fille affreuse du Temps,
De ce triste univers conduit les habitants:
Elle amène à la fois les bonzes, les brachmanes,
Du grand Confucius les disciples profanes,
Des antiques Persans les secrets successeurs,
De Zoroastre encore aveugles sectateurs;
De dood, 't afgrijslijk kindt des tijds, die niemant spaart,
Voert voor dien Rechter-stoel, de Inwoonderen van de aard',
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Om daar het vruchtbaar zaat van 't dorre kaf te wannen:
Daar zien zigh overtuigt de Bonzes en Brachmannen;
De blinde leidsliên, die met een verkeert begrip
Het menschelijk geslacht verwarren, en geen stip
Afwijken van den dienst der oude Perzianen,
En den verblinden hoop der Zoroastriänen;
‘Die niemant spaart’ a été intercalé. Au vers suivant, ‘voor dien Rechterstoel’ et ce qui suit ‘om daar het vruchtbaar zaat van 't dorre kaf te wannen’ sont des digressions théologiques. Nous en rencontrerons encore. Voltaire ne dit pas que les bonzes, les brahmanes etc. s'y voient convaincus. On y lit seulement que les sectateurs différents sont menés devant Dieu, ‘ce juge incorruptible’ (v. 71). Où sont chez Klinkhamer ‘les disciples profanes du grand Confucius’? Sont-ce ‘de blinde leidsliên’ ...? Et d'où tire-t-il: ‘die met een verkeert begrip het menschelijk geslacht verwarren en geen stip afwijken van den dienst der oude Perzianen’? ‘Geen stip afwijken van’ ... on dirait un écolier, qui fait des rimes. Chez Voltaire, le dernier vers est l'apposition de ‘successeurs des antiques Persans’. Klinkhamer ne l'a pas compris et parle d'abord du culte des antiques Persans, et ensuite des aveugles sectateurs de Zoroastre. - Ch. VII v. 199-206.
Il est, il est aussi dans ce lieu de douleurs
Des coeurs qui n'ont aimé que leurs douces erreurs,
Des foules de mortels, noyés dans la mollesse,
Qu'entraîna le plaisir, qu'endormit la paresse,
Voilà la variante, dont nous avons parlé plus haut, qui ne se trouve que dans l'édition de 1737. Feitama - dans la préface de sa traduction - prétend que Klinkhamer ne s'est servi que de l'édition de 1732. Hier zagh men ook bijeen die harten, die den smaak
Van hunne dwalingen beminden, en 't vermaak
Der luijë vatzigheid omhelsden, of genegen
Tot wellust, 't dartel spoor betraden van haar wegen.
‘Dans ces lieux de douleurs’ a été traduit par ‘hier’. Pour ‘qui n'ont aimé que leurs douces erreurs’ nous trouvons ‘die den smaak van hunne dwalingen beminden’. Ce n'est pas beau. ‘Des foules de mortels’ a été supprimé. Par cette suppression, la phrase | |||||||||||||||||||||||||
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‘en 't vermaak der luijë vatzigheid omhelsden’ a rapport chez Klinkhamer à ‘des coeurs’ et non à ces ‘foules de mortels’. Mais la faute principale de la traduction de ces quatre vers, c'est que ‘genegen tot wellust, 't dartel spoor betraden van haar wegen’, se rapporte à des ‘coeurs’, tandisque chez Voltaire l'antécédent du dernier vers est la ‘mollesse’ du vers précédent. Donnons encore pour finir un exemple du Xe Chant. Ch. X v. 69-74.
Le Fanatisme affreux, la Discorde farouche,
La sombre Politique au coeur faux, à l'oeil louche,
Le démon des combats respirant les fureurs,
Dieux enivrés de sang, dieux dignes des ligueurs:
Aux remparts de la ville, ils fondent, ils s'arrêtent;
En faveur de d'Aumale au combat ils s'apprêtent
De Twedragt, reets in 't hart bij velen aangebeden,
De Staatzugt, scheel van oog, en vals van hart en aert,
De valse inbeelding, die niet dan verwarring baart,
Belloon, en andren meer, die naar 's Rijks kleenheid dingen,
Strafgeessels van Euroop, dogh bij de muitelingen
Als goden aangebeên, staan allen reets met vlijt
Dienstvaardig, om d'Aumaal' te helpen in den strijdt.
‘Reeds in 't hart bij velen aangebeden’ n'est pas ‘farouche’. ‘De valse inbeelding, die niet dan verwarring baart’ ne rend pas ‘le Fanatisme affreux’. Puis ‘respirant les fureurs’ est tout autre chose que ‘dingen naar 's Rijks kleenheid’. ‘Dieux enivrés de sang’ est devenu: ‘Strafgeessels van Euroop’. On peut se demander pourquoi ces dieux, ces démons sont spécialement des ‘fléaux de l'Europe’. ‘Dignes des ligueurs’ a été traduit par ‘bij de muitelingen als goden aangebeden’, comme si Voltaire avait écrit ‘adorés’. Le traducteur a supprimé ‘Aux remparts de la ville, ils fondent, ils s'arrêtent’. Nous arrivons maintenant aux modifications dans lesquelles apparaît la personnalité du traducteur. Plusieurs fois déjà, dans les passages cités, on a pu constater que le nombre des vers de Klinkhamer ne correspond pas à celui des vers français. La différence saute aux yeux, si l'on compare la longueur des chants chez les deux auteurs: | |||||||||||||||||||||||||
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Les vers 199-214 n'ont pas été traduits. Chant V Voltaire 390 vers. Klinkhamer 472. Il faut remarquer ici que jusqu'aux éditions de 1751, ce chant n'avait que 390 vers. Dans les éditions suivantes il contient 410 vers. Chant VI Voltaire 386 vers. Klinkhamer 476. Klinkhamer ne traduit pas les vers 75-82, et 376-383.
Une grande partie de l'épisode d'Ailly (les vers 273-290) a été supprimée, tout comme les vers 343-350 et 375-378.
Les vers 107-118, 124-137, 179-186 manquent. Il ne nous serait pas difficile de donner une foule d'exemples où le traducteur a étiré le texte, où il a été prolixe. Bornons-nous à un seul exemple: Chant II v. 259-264.
Je ne vous peindrai point le tumulte et les cris,
Le sang de tous côtés ruisselant dans Paris;
Le fils assassiné sur le corps de son père,
Le frère avec la soeur, la fille avec la mère,
Les époux expirant sous leurs toits embrasés,
Les enfants au berceau sur la pierre écrasés:
C'est une partie de la description de la Saint-Barthélemy. Klinkhamer en a fait: 'k Zal U hier niet, Mevrouw, afmaalen voor 't gezigt
Dat ijsselijk geschreeuw, daar 't stoutste hart voor zwicht,
Dat tomeloos gerenn', zo dol en uitgelaten:
Men zagh het menschenbloed heen stroomen langs de straten,
En door de gantsche stad een schouwtooneel ten toon
Van jammer en ellend: het lichaam van den Zoon
Lagh derelijk ontzielt op 't lijk van zijn behoeder,
De Dochter smoorde in 't bloed van haar vermoorde moeder;
De Broederliefde kwam de Zuster niet te baat;
Geen vrindschap werd ontzien, nogh ouderdom, nogh staat.
Men zagh rondom zigh heen een fellen brand aan 't blaken,
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En onder 't heete puin der neêrgestorte daaken,
De Gade met haar Gaa zieltogende den dood
Verwagten vol van smart; geen tedre jeugde, ontbloot
Van kennis wierd verschoont; men greep die bij de beenen,
En plette 't bekkeneel rampzalig op de steenen.
Ainsi 16 vers hollandais pour six du texte français! Prenons maintenant quelques modifications où perce le protestant. Voltaire écrit: Ch. I v. 150-154.
De tous ses favoris, Mornay seul l'accompagne,
Mornay, son confident, mais jamais son flatteur;
Trop vertueux soutien du parti de l'erreur,
Qui, signalant toujours son zèle et sa prudence,
Servit également son Eglise et la France;
... Daar hem op zijne reis Mornay alleen verzeldt;
Mornay zijn gunsteling, Mornay geen hoofschen vleijër,
Een onverwrikb'ren steun en geen ontaert verleijër,
Wiens ijver en beleid, met onbezwalkten lof,
Zijn Godtsdienst tegelijk zo trouw diende als het Hof.
Le traducteur supprime, au vers 152, le mot ‘trop’ et ‘du parti de l'erreur’, c'est-à-dire ‘du protestantisme’. Remarquons encore que ‘confident’ manque, tout comme ‘signaler’ et que ‘het Hof’ n'est pas ‘la France’ ‘Met onbezwalkten lof’ a été ajouté. Dans l'argument du IIe Chant, Voltaire dit: ‘Henri le Grand raconte à la reine Elisabeth l'histoire des malheurs de la France: il remonte à leur origine, et entre dans le détail des massacres de la Saint- Barthélemy’. C'est court. Klinkhamer écrit: Nadat de Koningin der Britten hadt doen blijken,
Dat zij begerig was, om grondig te verstaan,
Hoe droef de Protestant' voor 't moordzwaardt moest bezwijken;
Heft Henrik het verhaal van zulk een bloedbadt aan.
Hij schildert haar voor 't oog die naare afgrijslijkheden,
Hoedanig de Adeldom van 't Leerstuk van Calvijn,
En d'edle Coligny, in 't strijdtperk afgestreden,
De treurige Offers zijn der moordlust van Katrijn ......Ga naar voetnoot1.
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C'est le protestant qui parle ainsi. Ch. II v. 235.
Du plus grand des Français tel fut le triste sort.
Dus was het deerlijk lot van d'eer der Fransche Helden,
Die dikwijls zigh in 't spits voor Godt en Godtsdienst stelden.
Klinkhamer intercale un vers, qui témoigne qu'il considère le protestantisme comme la vraie religion. Ch. II v. 303-306.
Quelques-uns, il est vrai, dans la foule des morts,
Du fer des assassins trompèrent les efforts.
De Caumont, jeune enfant, l'étonnante aventure
Ira de bouche en bouche à la race future.
't Ontbrak in al dit woên en overmaat van druk,
De droevige gemeent' zomwijle aan geen geluk,
Waardoor zij wonderbaar het moordzwaardt zijn ontweken.
Caumont, van uw geluk zal al de waereld spreken,
Uw jeugd de moord ontrukt, zal aan het nageslacht
Een wonder strekken van Godts onbepaalde magt.
Voltaire parle d'une ‘étonnante aventure’. Pour le protestant Klinkhamer, elle est miraculeuse, elle est une preuve de l'amour infini de Dieu. Ch. V v. 37-41.
Les autres, à l'Etat rendus plus nécessaires,
Ont éclairé l'Eglise, ont monté dans les chaires;
Mais souvent enivrés de ces talents flatteurs,
Répandus dans le siècle, ils en ont pris les moeurs:
Leur sourde ambition n'ignore point les brigues;
Doch and'ren nodiger ge-oordeelt voor den Staat
Zien wij, de Kerk ten dienst met een geveinsd gelaat
Den stoel beklimmen, en gemeen bij elk verkeren;
Maar onder dezen schijn van elk zijn pligt te leren,
Ziet elk door al het zoet van hun beschaafde reên,
De klare blijken van hunn' list en eerzucht heen.
Voilà un passage anticlérical, fort mal rendu par le traducteur. ‘Nodiger ge-oordeelt voor den Staat’ ne veut pas dire ‘qu'ils auraient été plus utiles à l'Etat’. ‘Eclairer l'Eglise’ est autre chose que ‘de Kerk ten dienst zijn’. ‘Met een geveinsd gelaat’ ne se trouve pas dans le texte. Puis les deux vers suivants ont été sup- | |||||||||||||||||||||||||
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primés. Ce qui en reste est ‘en gemeen bij elk verkeeren’; c'est peut-être pour ‘répandus dans le siècle’. Le dernier vers n'a pas été compris; le traducteur l'a remplacé par trois vers de son cruGa naar voetnoot1., qui, avec ‘met een geveinsd gelaat’, n'auraient jamais été écrits par un catholique. Ce que Voltaire écrit est peu flatteur mais Klinkhamer renchérit. Après avoir montré quelques passages contenant des modifications où perce le protestant, il faut citer des exemples d'un autre groupe de changements, celui où le traducteur atténue le sens du texte. Ch. I v. 183-188.
Dans ce même moment, le Dieu de l'univers
Qui vole sur les vents, qui soulève les mers,
Ce Dieu dont la sagesse ineffable et profonde
Forme, élève et détruit les empires du monde,
De son trône enflammé qui luit au haut des cieux,
Sur le héros français daigna baisser les yeux.
In 't midden van dit woên der buldrende onweêrsvlagen
Liet d'Opperhemelvorst, die 't al naar zijn behagen
Bestiert, en die de zee, en winden door zijn kragt
Beteugelt, die de glans der mogentheid en magt
Doet op en ondergaan, uit zijn verheven zaalen
Op onzen Franschen Held zijn goedheid neerdaalen,
Il faut d'abord remarquer que ‘de zee en de winden door zijn kragt beteugelen’ ne rend pas: ‘voler sur les vents et soulever les mers’, et que ‘die de glans der mogentheid en magt doet op en onder gaan’ ne rend que fort imparfaitement le vers ‘forme, élève et détruit les empires du monde’. Le Dieu, tel que Voltaire le dépeint ici, est le Dieu terrible, qui déchaîne les tempêtes, qui fouette les mers, forme et détruit les empires, dans sa sagesse infinie mais incompréhensible; c'est le Dieu qui est assis sur un trône de flammes, et qui daigne jeter parfois un coup d'oeil condescendant sur ses pitoyables créatures. Klinkhamer ne nie pas la puissance de Dieu, mais Dieu ‘bride la mer et les vents’. Quand le traducteur parle de la formation et de la destruction des empires, son vers est très faible: ‘die de glans der mogentheid en magt doet op en ondergaan’. ‘Le trône enflammé’ a disparu et ‘au haut des cieux’ | |||||||||||||||||||||||||
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est devenu ‘in zijn verheven zaalen’, d'où Dieu fait descendre sa bonté sur le héros français, comme un Père, qui aime ses enfants. Ch. I v. 227-230.
Faut-il que, de Dieu seul attendant son appui,
J'ignore les sentiers qui mènent jusqu'à lui?
Hélas! un Dieu si bon, qui de l'homme est le maître
En eût été servi, s'il avait voulu l'être.
Moet ik, die van omhoog verwagt des Hemels heil,
Dan nogh versteken zijn van dat verheven peil?
Dien wegh onkundig zijn? die Godtheid, die de menschen
Beschermt en gadeslaat, kon zigh naar hare wenschen
Van ieder zien gedient: ............
‘Dieu est le maître de l'homme’ dit Voltaire. Klinkhamer écrit: ‘de Godtheid, die de menschen beschermt en gadeslaat’Ga naar voetnoot1.. Ch. III v. 19-20.
Dieu, déployant sur lui sa vengeance sévère,
Marqua ce roi (Henri III) mourant du sceau de sa colère,
d'Almachtige, die hem de blijken zijner magt
Deed voelen, drukte 't hart des Konings in zijn tooren,
‘Dieu se venge sévèrement’. Klinkhamer traduit: ‘doet de blijken zijner magt gevoelen’. Puis ‘het hart des Konings in zijn tooren drukken’ est bien faible pour ‘marquer du sceau de sa colère’. Ch. VII v. 31-32.
C'est peu d'être un héros, un conquérant, un roi;
Si le ciel ne t'éclaire, il n'a rien fait pour toi.
't Is kleen een Vorst te zijn, een Held die zegening
Op zegeningen sticht, zoo niet Godts gunst de stralen
Van zijn genegentheid op u laat nederdalen.
‘Conquérant’ a été rendu par quelqu'un ‘die zeegening op zegeningen sticht’, ce qui est un non-sens. ‘Si le ciel ne t'éclaire’ est tout autre chose que ‘zo niet Godts gunst de stralen van zijn genegentheid op u laat nederdalen’Ga naar voetnoot2.. Voltaire est trop froid pour le dévot traducteur. | |||||||||||||||||||||||||
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Ch. VII v. 125-126.
Mais il (Dieu) punit aussi toute erreur volontaire:
Mortel, ouvre les yeux quand son soleil t'éclaire.
................ maar zij (de Godheid) straft de zonden, voortgebragt
Uit een moedwillig hart; ontsluit, ontsluit uw oogen,
ô Sterveling! en let op 's Hemels mededogen:
‘Quand son soleil t'éclaire’ a un tout autre sens que ce que Klinkhamer écritGa naar voetnoot1. Ch. VII v. 207-216.
Le généreux Henri ne put cacher ses pleurs.
‘Ah! s'il est vrai, dit-il, qu'en ce séjour d'horreurs
La race des humains soit en foule engloutie,
Si les jours passagers d'une si triste vie
D'un éternel tourment sont suivis sans retour,
Ne vaudrait-il pas mieux ne voir jamais le jour?
Heureux s'ils expiraient dans le sein de leur mère!
Ou si ce Dieu, du moins, ce grand Dieu si sévère,
A l'homme, hélas! trop libre, avait daigné ravir
Le pouvoir malheureux de lui désobéir!’
Op dit bedroefd' gezight kon zigh Bourbon niet meer
Inhouden, want een vloedt van tranen vloeide neêr
Langs 't Vorstelijk aangezight. Ach! sprak hij, is 't bevonden,
Dat in dit ijslijk oort, het menschdom legt verslonden,
Dat eene menigte derzelven, waard beschreidt,
Na 's levens korten duur in eind'looze eeuwigheidt
De strenge en felle wet des Hemels moeten dragen?
Waar 't, waar 't niet best geweest, dat Godt daarin behager
En lust genomen had, dat zij met hun gezigt
Nooit hadden aangezien den glans van 't helder licht;
En dat ze in d'eersten stond van hun rampzalig leven
Straks hadden wederom den snik des doods gegeven?
Of dat voor 't minst' die Godt, wiens liefde minlijk straalt,
Aan die rampzaligen die vrijheid had bepaalt,
Om naar hun eigen zin, door ongehoorzaamheden,
Zijn goedheid en zijn gunst stout met den voet te treden?
Il y a plusieurs atténuations dans ce passage. Voltaire parle ‘des jours passagers de la vie si triste, qui sont suivis d'un tourment éternel’. Klinkhamer le traduit librement, mais parle d'une foule | |||||||||||||||||||||||||
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d'hommes dignes d'être pleurés. Il fait donc des exceptions. Puis ‘tourment’ est atténué. Les morts ne sont pas tourmentés; ils doivent supporter ‘de strenge en felle wet des Hemels’Ga naar voetnoot1. Le vers suivant est pour Klinkhamer trop hardi aussi: ‘Ne vaudrait-il pas mieux ne voir jamais le jour’ est devenu: ‘Waar 't, waar 't niet best geweest, dat Godt daarin behagen en lust genomen had, dat zij met hun gezigt (met hun gezigt = cheville) nooit hadden aangezien den glans van 't helder licht’Ga naar voetnoot2. Voltaire écrit sans sourciller: ‘Heureux, s'ils expiraient dans le sein de leur mère’. Le traducteur recule devant cette hardiesse et l'estompe en écrivant: ‘En dat zij in den eersten stond van hun rampzalig leven - (c'est la “triste vie” du vers 210) - straks hadden wederom den snik des doods gegeven’Ga naar voetnoot3. Puis Voltaire dit: ‘Ou si ce Dieu, du moins, ce grand Dieu si sévère’ et Klinkhamer: ‘Of dat voor 't minst die Godt, wiens liefde minlijk straalt’Ga naar voetnoot4. La sévérité a disparu. Au vers 215 on lit: ‘à l'homme, hélas! trop libre, avait daigné ravir’. Klinkhamer traduit: ‘Aan die rampzaligen - encore l'exception de tout à l'heure - die vrijheid had bepaalt’. Puis le traducteur diminue la force du dernier vers: ‘Le pouvoir malheureux de lui désobéir’ en écrivant: ‘Om naar hun eigen zin, door ongehoorzaamheden, zijn goedheid en zijn gunst stout met den voet te treden’Ga naar voetnoot5. Encore la bonté de Dieu, au lieu de la sévérité du Juge suprême. Ch. VII v. 233-224.
Sur la terre on le peint l'exemple des tyrans;
Mais ici c'est un père, il punit ses enfants;
Op aarde beeldt men hem als onbarmhertig af
Maar hier betoont hij zigh een Vader, die zijn Zoonen
Voor eenen korten tijd zijn gramschap wil betonen,
On voit que Voltaire lui-même reconnaît que Dieu est un père bien qu'il ait pour nous l'air d'un tyran. Pourtant Klinkhamer a jugé nécessaire de supprimer le mot ‘tyran’, et pour montrer que la punition n'est pas éternelle, il ajoute ‘voor eenen korten tijd’Ga naar voetnoot6. | |||||||||||||||||||||||||
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Ch. X v. 447-449.
‘Père de l'univers, si tes yeux quelquefois
Honorent d'un regard les peuples et les rois,
Vois le peuple français à son prince rebelle;
ô Vader van 't Heel-al, die 't oog gestaèg laat gaan
Op Vorst en onderdaan; zie hoe de muitelingen,
't Oproerig Fransche volk, te stout hun Prins bespringen.
Il ne faut pas s'étonner que Klinkhamer ait traduit ‘quelquefois’ par ‘gestaêg’Ga naar voetnoot1. Si Klinkhamer a atténué le sens de ces vers, ce n'est pas que Voltaire n'ait pas suivi la Bible. On n'a qu'à lire Daniel 7 v. 11, Romains 2 v. 5, II Pierre 3 v. 10 et Apocalypse 20 v. 11-15, pour s'assurer que, dans les vers que nous venons de citer, l'auteur de la Henriade ne s'est pas écarté de la Sainte Ecriture. Seulement le dévot traducteur a bien senti que ce ‘merveilleux chrétien’ ne venait pas du coeur du poète, qui parle d'une manière trop froide du ‘Juge incorruptible’, du ‘Père de l'Univers’, ‘du Dieu si sévère’; du ‘ciel qui doit éclairer’. Mais il y a encore des passages d'un autre genre où le traducteur a glissé des atténuations. Au VIIe Chant nous lisons: v. 101-112.
‘Quelle est, disait Henri, s'interrogeant lui-même,
Quelle est de Dieu sur eux la justice suprême?
Ce Dieu les punit-il d'avoir fermé les yeux
Aux-clartés que lui-même il plaça si loin d'eux?
Pourrait-il les juger, tel qu'un injuste maître,
Sur la loi des chrétiens qu'ils n'avaient pu connaître?
Non, Dieu nous a créés, Dieu nous veut sauver tous:
Partout il nous instruit, partout il parle à nous;
Il grave, en tous les coeurs, la loi de la nature,
Seule à jamais la même et seule toujours pure.
Sur cette loi, sans doute, il juge les païens,
Et si leur coeur fut juste, ils ont été chrétiens.
Wat is dit, vraagt Bourbon zigh zelve? ‘Zou dan Godt,
Die zo barmhertigh is, op hun rampzalig lot
Niet letten, dat hij hen, vervreemt van alle klaarheidt,
Ontbloot van 't eeuwig woord en helder licht der waarheidt,
Als een gestrengen Heer zou straffen naar de Wet,
Bij hen nogh onbekent, den Christen voorgezet?
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Neen, neen hij die ons schiep wil ons al 't zaam bewaren,
Behouden door zijn gunst, die laat hij ons verklaren,
Dit meld hij overal, zijn gunst is lang van duur:
Hij heeft in ieders hart het rightsnoer der natuur
Tot eene wet gestelt, zijn wijsheid, zo volkomen,
Zo rein, zo onbevlekt, heeft dat niet voorgenomen:
Voorzeker naar de wet volbrengt hij zijn besluit;
Gelukkig straalt bij hen de deugdt eens Christens uit!
Dans les passages cités plus haut, Voltaire était resté en accord avec la foi catholique, mais il s'en écarte maintenant. Il ne nie pas Dieu, il n'est pas athée, mais il est déiste, c'est-àdire, tout en constatant la différence des religions, il trouve, sous les différences, une confession commune, qui les unit, une religion naturelle, que l'homme tient de DieuGa naar voetnoot1. Il ne se peut pas que Dieu, qui ‘nous a créés, et qui nous veut sauver tous’, punisse les gens parce qu'ils ont ignoré les dogmes chrétiens. Pourquoi les leur a-t-il cachés? Pour Voltaire la rédemption par Jésus Christ n'est pas plus équitable que la condamnation en Adam. Chacun a sa responsabilité personnelle. Si nous méritons d'être récompensés ou d'être châtiés, nous le méritons en raison de notre propre conduite. La justice exige qu'on nous traite d'après ce que nous avons fait.Ga naar voetnoot2 Et quelle est alors cette religion naturelle, ‘la loi de la nature’? C'est tout simplement le culte de Dieu par la pratique des vertus humainesGa naar voetnoot3, qui sont partout les mêmesGa naar voetnoot4. ‘Les bonzes, les brachmanes, les disciples profanes du grand Confucius, les secrets successeurs des antiques Persans, les pâles habitants de ces froides contrées et ceux qui de l'Amérique habitent | |||||||||||||||||||||||||
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les forêts’ n'ont pas besoin de frémir. Si leur coeur fut juste, ils ont été chrétiens.Ga naar voetnoot1 Ce passage, que Voltaire a mis dans la bouche de Henri IV, devait déplaire à nos traducteurs protestants, le rationalisme du déisme différant essentiellement de la Réforme, qui ne provient pas de la raison abstraite mais d'un sentiment religieux et éthique.Ga naar voetnoot2 Qu'en fait Klinkhamer? Le vers 102: ‘Quelle est de Dieu sur eux la justice suprème?’ n'a pas été traduit. Le traducteur ajoute: ‘die zo barmhertigh is’. L'idée de punition a été atténuée en: ‘Zou dan Godt op hun rampzalig lot niet letten’.Ga naar voetnoot3 ‘D'avoir fermé les yeux aux clartés’ est changé en: ‘vervreemt van alle klaarheidt, ontbloot van 't eeuwig woord en helder licht der waarheid’.Ga naar voetnoot4 ‘Que lui-même il plaça si loin d'eux’ a été supprimé. ‘Injuste maître’ a été remplacé par ‘een gestrengen Heer’.Ga naar voetnoot5 Voltaire écrit: ‘Partout il nous instruit’. Le traducteur en fait: ‘behouden door zijn gunst, die laat hij ons verklaren’.Ga naar voetnoot6 ‘Zijn gunst is lang van duur’ est intercalé, peut-être pour la rime. ‘Graver’ n'est pas ‘tot een wet stellen’. ‘La loi de la nature’ est rendu par ‘het rightsnoer der natuur’, mais il supprime ‘seule à jamais la même et seule toujours pure’, qu'il remplace par ‘zijn wijsheid zo volkomen, zo rein, zo onbevlekt heeft dat niet voorgenomen’,Ga naar voetnoot7 vers qui doivent se rapporter sans doute au vers 105: ‘Pourrait-il les juger tel qu'un injuste maître’. Au vers 111 Voltaire écrit: ‘Sur cette loi sans doute, il juge les païens’; c'est-à-dire sur la loi de la nature. | |||||||||||||||||||||||||
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Klinkhamer met: ‘Voorzeker naar de wet’ ... Quelle loi? La loi de la nature? Alors il aurait dû mettre ‘die wet’. Est-ce la ‘loi des Chrétiens, qu'ils n'avaient pu connaître?’ Le dernier vers de Klinkhamer n'est pas clair. Veut-il dire qu'heureusement tous ces gens ont eu les vertus d'un Chrétien? Alors le traducteur n'a pas compris Voltaire. Son vers signifie-t-il que le jugement de Dieu est favorable s'ils ont eu des vertus chrétiennes? Dans ce dernier cas, il aurait dû mettre une virgule derrière le mot ‘gelukkig’. Enfin - troisième possibilité - le traducteur a-t-il voulu dire que le ‘juge incorruptible’ est heureux de pouvoir rendre un jugement favorable? La virgule manque alors également. Au Xe chant il y a encore un passage rationaliste dont il faut dire deux mots: v. 107-116.
‘O Dieu! cria Turenne, arbitre de mon roi,
Descends, juge sa cause, et combats avec moi;
Le courage n'est rien sans ta main protectrice;
J'attends peu de moi-même, et tout de ta justice.’
D'Aumale répondit: ‘J'attends tout de mon bras;
C'est de nous que dépend le destin des combats:
En vain l'homme timide implore un Dieu suprême;
Tranquille au haut du ciel il me laisse à moi-même:
Le parti le plus juste est celui du vainqueur:
Il s'agit du combat singulier entre Turenne, champion des Protestants et D'Aumale, celui des Ligueurs. Avant d'engager la lutte, Turenne invoque Dieu et D'Aumale lui répond. La Beaumelle, dans sa critique, a prétendu qu'il n'est pas vraisemblable que parmi des Chrétiens un déiste parle ainsi publiquement, et qu'il l'est encore moins qu'un chef du parti des Ligueurs profère des impiétés devant les deux armées; en quoi le critique n'a pas tout à fait tort. Le traducteur a supprimé tout ce passage. Une modification d'un autre genre se trouve Ch. VII v. 370-374. La toile est animée, et le marbre respire;
Quels sages, rassemblés dans ces augustes lieux,
Mesurent l'univers et lisent dans les cieux;
Et, dans la nuit obscure apportant la lumière,
Sondent les profondeurs de la nature entière?
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Minervas kunstwerk bloeit, de Bouwkunst geeft een blijk
Hoe hoog zij 't marmer schat; wat zie ik allerwegen
Vergaderplaatzen, reets ten hoogsten top gestegen,
Waarin men gade slaat al wat verborgen schijnt;
Il s'agit ici du ‘siècle heureux de Louis XIV’ (v. 265). Remarquons d'abord que le traducteur est resté bien loin de la belle image de Voltaire, au premier vers: ‘La toile est animée’. ‘Minervas kunstwerk’ n'amène pas l'idée de la peinture. Et ‘le marbre respire’ devient: ‘De Bouwkunst geeft een blijk, hoe hoog zij 't marmer acht.’ Quel vers prosaïque! Et c'est de la sculpture que le poète parle et non de l'architecture. Puis ‘les sages, rassemblés dans ces augustes lieux’ - Voltaire veut dire: les membres de l'Institut - sont devenus: ‘vergaderplaatzen, reets ten hoogsten top gestegen’. Dans les trois derniers vers, Voltaire parle des progrès de la science, après les découvertes de Kepler et celles de Newton, qui, en 1685, avait publié ses Philosophiae naturalis principia mathematica, qui contiennent non seulement la loi de la gravitation, mais toutes les questions mathématiques et physiques rattachées à cette loi.Ga naar voetnoot1 De ces trois vers, Klinkhamer n'en fait qu'un seul, comme si cette étude de la nature lui était suspecte: ‘Waarin men gade slaat, al wat verborgen schijnt’Ga naar voetnoot2. Citons pour finir quelques vers qui se trouvent surtout au IXe Chant, où le traducteur a cru devoir apporter encore des atténuations. Ch. IX v. 27-30.
La flatteuse Espérance, au front toujours serein,
A l'autel de l'Amour les conduit par la main.
Près du temple sacré les Grâces demi-nues
Accordent à leurs voix leurs danses ingénues;
........................; de Hoop, zo schoon en klaar
Van aanzien, leid elk in voor liefdens hoog altaar.
Terwijl bevalligheên zigh daar omtrent verblijën
In hunne eenvoudigheid, en voegen Dansserijën
Bij 't keurlijk maat-gezang, ......
On voit que ‘Ies Grâces demi-nues’ sont devenues ‘bevalligheên in hunne eenvoudigheid’, dans leur simplicité. Ch. IX v. 53-54.
C'est là, c'est au milieu de cette cour affreuse,
Des plaisirs des humains compagne malheureuse,
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In 't midden van dit Hof vol van afschriklijkheidt,
Dat voor den waereltling zo veel verdriet bereidt.
‘Plaisirs des humains’ a disparu. Ch. IX v. 177-179.
Semblable en son printemps à la rose nouvelle,
Qui renferme en naissant sa beauté naturelle,
Cache aux vents amoureux les trésors de son sein,
... Gelijkt een frisse Roos, die haare geur verspreit,
En door de liefflijkheidt een's zagten windts gevleit,
Voor hem haar schoon verbergt, ...
‘Aux vents amoureux’ a été remplacé par ‘door de liefflijkheidt een's zagten windts’. ‘Les trésors de son sein’ a été supprimé. Ch. IX. v. 195-198.
L'or de ses blonds cheveux, qui flotte au gré des vents
Tantôt couvre sa gorge et ses trésors naissants,
Tantôt expose aux yeux leur charme inexprimable.
't Gout van haar blonde pruik, gedreven door de winden,
Deed voor 't verlieft gezight zomwijle een ingang vinden,
Naar een verborgen schoon; ...
‘La gorge’ et ses ‘trésors naissants’ n'ont pas été traduits. ‘Un charme inexprimable’ est devenu ‘een verborgen schoon’, un charme caché. Ch. IX 219-220.
.......... Les oiseaux dans les champs
Redoublent leurs baisers, leurs caresses, leurs chants.
't Verliefde Vogeltje, ook ontvonkt door tedre min,
Verdubbelt zijn gezang ter eer' van zijn vrindin;
Le traducteur a supprimé ‘leurs baisers, leurs caresses’: Klinkhamer était un brave homme, qui a voulu épargner l'oreille délicate de ses concitoyens, qui auraient pu rougir en lisant les ‘indécences’ d'un poète incontestablement éminent, mais parfois trop hardi. Disons maintenant encore quelque chose de la valeur artistique de sa traduction. Au fond, ce point de vue tombe en dehors du cadre de notre sujet, qui vise l'influence de Voltaire et non pas la mise en lumière des qualités du vers hollandais. Ajoutons que n'ayant pas fait une étude spéciale de la prosodie hollandaise, nous ne | |||||||||||||||||||||||||
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sommes pas compétent en cette matière. Si nous faisons pourtant ici quelques remarques, qu'on les prenne pour celles d'un profane. Vers la fin du XVIIe siècle et au commencement du XVIIIe, les poètes hollandais emploient, dans les poèmes d'un caractère sérieux, l'alexandrin de 12 à 13 syllabes avec césure. Ce vers avait de plus un accent ïambique.Ga naar voetnoot1 Dans les Verhandelingen van der Letteren Affinitas of Verwantschap: van het gebruik der Accentus of Toonen in Nederduitsche Vaerzen ... opgesteld door ... Nil Volentibus Arduum, on trouve (p. 20) que la manière ordinaire de faire des vers consiste en la succession continuelle d'un ‘Accentus acutus’ et d'un ‘Accentus gravis’. Le contraire se voit aussi. Les auteurs reconnaissent pourtant qu'on peut mettre d'autres accents, mais c'est en cas de nécessité pour ‘rendre la tâche du poète un peu plus légère’. Moins on s'écarte de cette règle, mieux le vers ‘coule’; plus on s'en écarte, plus les vers sont durs (pp. 21-24). Pels, dans son: Q. Horatius Flaccus Dichtkunst donne des leçons qui, en général, s'accordent avec celles des Verhandelingen. Cependant ce n'est que dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle qu'on appliquera cette règle rigoureusement, si rigoureusement même, qu'on parlera du bruit de la claquette d'un veilleur de nuit.Ga naar voetnoot2 La traduction de Klinkhamer ne montre pas encore cette régularité monotone. Dans ses Bijzondere aanmerkingen, zo over de Poëzy als de Nederduitsche Taal en Rijmtrant, se trouvant dans Corneille verdedigd, publié en 1720, Balthasar Huydecoper s'était opposé à la défense de l'enjambement et à la césure médiale obligatoire.Ga naar voetnoot3 Il avait distingué deux sortes d'alexandrins hollandais: la première se composant de trois groupes de quatre syllabes, n'ayant qu'un seul accent sur la dernière, et la seconde, divisée en deux parties, séparées par un repos réel, finissant en une syllabe accentuée, contenant au besoin encore un ou deux accents forts. Et Lambert ten Kate, un savantGa naar voetnoot4 qui a exercé une grande influence sur Feitama, a reconnu, dans son Oeffen-Schets over het vereisch der Dichtkunst, que le poète hollandais était lié à | |||||||||||||||||||||||||
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deux mètres, ïambe et chorée, de deux syllabes, nommées longue et courte, ou dure et douce. Cependant pour rompre la monotonie, il recommande d'arranger et de choisir les mots de façon que les accents ne tombent pas régulièrement, qu'ils ne tombent pas, par exemple, à la césureGa naar voetnoot1. Dans le dernier cas, où Ten Kate nomme la césure douce, le vers a la forme de la première espèce d'alexandrin de Huydecoper.Ga naar voetnoot2 La traduction de Klinkhamer offre un assez grand nombre d'alexandrins de cette sorte: Zagh hij den tijd | dat hij den Grij- | saart moest verlaten.
En die in Vrank- | rijk zo gedugt | is door zijn daden.
Nauw had de Twe- | dragt dus haar zwad- | der uitgespogen
Weêrstond Gerech- | tigheid alleen | de razernij.
Verniel de hoof- | den en solda- | ten, als de telgen.
Wat in den He- | mel is, op 't aardt- | rijk en beneên.
Regtaarde tel- | gen uit de ho- | pe voortgekomen.
Quant à l'enjambement, les classiques français le condamnaient, et Boileau fait un mérite à MalherbeGa naar voetnoot3 d'en avoir purgé la versification. Vondel s'en était servi; Rotgans, Antonides et d'autres poètes avaient suivi son exemple. Klinkhamer s'en est servi plusieurs fois. Prenons maintenant un ou deux passages de Klinkhamer pour montrer les qualités de sa traduction. Ch. VII v. 25-28.
Louis, en ce moment, prenant son diadème,
Sur le front du vainqueur il le posa lui-même:
‘Règne, dit-il, triomphe, et sois en tout mon fils;
Tout l'espoir de ma race en toi seul est remis:
Mais le trône, o Bourbon! ne doit point te suffire;
Des présents de Louis le moindre est son empire.
De vader Lodewijk intusschen bij zijn' Zoon
Gekomen, kroont dien Held met zijn doorlughte kroon.
Regeer en zegepraal, sprak hij, grootmoedig Koning,
En tragt in alles door een edele betoning
Een Zoon van mij te zijn, 't ziet alles op u neêr:
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'k Wagt mijnen heldenmoedt uit uw verheffing weêr;
'k Zie dien in u herstelt: dogh de eerkroon, hoe geprezen,
Die troon moet, ô Bourbon! niet slechts genoeg u wezen;
't Geschenk van mijn gezagh is voor u te gering.
Witsen Geysbeek, dans son Biographisch, Anthologisch en Critisch Woordenboek, dit que Klinkhamer a écrit plusieurs ‘ouvrages rimés’, et a commis une sorte d'attentat contre la Henriade et contre Zaïre, en les traduisant en vers raides et laborieux. Il dit ‘des ouvrages rimés’. En effet, ce n'est pas un poète, ce premier traducteur, c'est un rimeur. Il s'efforce de donner à son vers un ton solennel, en commençant par ‘De vader Lodewijk’, mais le reste de la phrase: ‘intusschen bij zijn Zoon gekomen’ enlève tout de suite l'effet recherché. C'est comme si Saint Louis s'était écarté pour s'entretenir un moment encore avec le Sommeil et l'Espérance, dont il avait réclamé le secours. Au vers suivant nous constatons le même effort. Voltaire dit simplement que Saint Louis pose la couronne sur la tête de Henri IV. Klinkhamer en fait: ‘kroont dien held met zijn doorlughte kroon’. D'abord il y a deux fois l'idée de ‘kronen’; puis le mot ‘doorlughte’, qui, au lieu de donner de l'importance, produit un effet emphatique. Il en est de même avec: ‘grootmoedig Koning’, qui est intercalé au vers suivant. C'est probablement pour la rime que le traducteur a ajouté: ‘door een edle betoning’. Cette trouvaille est loin d'être belle. Et quel brouillamini dans la traduction de ce beau vers de Voltaire: ‘Tout l'espoir de ma race en toi seul est remis’, dont Klinkhamer fait: ‘'t ziet alles op u neer, 'k Wagt mijnen heldenmoedt uit uw verheffing weer’. Ce qui suit: ‘'k Zie dien in u herstelt’, contredit ce que le traducteur a écrit au vers précédent. Quant aux derniers vers de Klinkhamer, il faut remarquer que ‘eerkroon’ exprime une tout autre idée que ‘trône’. ‘Slechts’, cheville, rend diffus le sens de l'avant-dernier vers de Voltaire, tandis que le dernier vers du traducteur suggère une idée d'infériorité de l'autorité, qui ne se trouve nullement dans le texte. Dirons-nous trop en prétendant que le traducteur a maltraité Voltaire? Le ton noble et simple de Voltaire a disparu et est remplacé par l'emphase. L'effort pour atteindre un ton élevé échoue pitoyablement. Ch. VII 71-78.
Un juge incorruptible y rassemble à ses pieds
Ces immortels esprits que son souffle a créés.
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C'est cet Etre infini qu'on sert et qu'on ignore:
Sous des noms différents le monde entier l'adore:
Du haut de l'empyrée, il entend nos clameurs;
Il regarde en pitié ce long amas d'erreurs,
Ces portraits insensés que l'humaine ignorance
Fait avec piété de sa sagesse immense.
Een Rechter, die het recht onkreukbaar van gemoedt
Daar handhaaft, daagt voor hem, al wie of kwaad of goedt
Gedaan heeft. 't Is die Godt, die boven lucht en wolken
Gezeten, wordt gedient van de onderaardtsche volken,
En die hem onbekent aanbidden, ja met meêr
Dan hondert namen, hem erkennen voor hun Heer.
Die Eeuwig levende, die neêrziet op 't gewemel
Van 't menschelijk geslacht, hoort uit den hogen Hemel
Alle onze zuchtingen; Barmhertig ziet hij aan
Alle onze dwalingen, die door een blinde waan
Met een verkeerde drift van Godtsvrucht, zijn vermogen
En wijsheid al te dwaas afbeelden voor onze oogen.
Les huit vers de Voltaire sont étirés en douze chez Klinkhamer. Pour se donner un air important, le mot ‘incorruptible’ est rendu par toute une phrase: ‘die het recht onkreukbaar van gemoedt daar handhaaft’. N'est-ce pas un nonsens: onkreukbaar van gemoedt? Puis le beau vers de Voltaire: ‘Ces immortels esprits que son souffle a créés’, a disparu et est remplacé par: ‘al wie of kwaad of goedt gedaan heeft’, ce qui ne dit rien, car tout le monde fait du bien et du mal. Puis Klinkhamer se met à jacasser: ‘'t Is die Godt, die boven lucht en wolken gezeten, wordt gedient van de onderaardtsche volken, (le traducteur veut dire sans doute: ondermaansche volken) en die hem onbekent aanbidden, ja met meêr dan hondert (il les a comptés, le brave Klinkhamer) namen, hem erkennen voor hun Heer’. Mais tout à coup le traducteur prend bien le ton: ‘Die Eeuwig levende, die neêrziet op 't gewemel van 't menschelijk geslacht’. Malheureusement son essor est de courte durée, car il se remet aussitôt à bousiller: ‘Alle onze zuchtingen; barmhertig ziet hij aan alle onze dwalingen’. Il se trompe encore deux fois, en traduisant ‘l'humaine ignorance’ par ‘blinde waan’ et ‘avec piété’ par ‘met een verkeerde drift van Godtsvrucht’, expressions qui n'ont d'autre effet que de donner à ses vers une enflure qui les gâte tout à fait. Nous n'avons pas besoin de terminer par une longue conclusion. | |||||||||||||||||||||||||
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Klinkhamer avait du français une connaissance insuffisante. Il l'a reconnu lui-même. Mais s'il se sentait incapable de mener à bien la traduction d'un poème tel que la Henriade, il n'aurait pas dû la commencer. Son essai est extrêmement faible. C'est le travail d'un rimeur, qui enfile des rimes, plates, pitoyables, si prolixes quelquefois que le sens du poème se perd tout à fait. Le traducteur a prétendu rendre le sens du poème aussi exactement que possible. Il n'y a pas réussi. D'abord, à plusieurs reprises, le protestant perce. Puis il a atténué la signification, la portée des vers qui lui ont semblé trop hardis, soit que le poète affiche son déisme, soit qu'à l'avis de Klinkhamer, il parle des choses divines d'une manière trop peu respectueuse, soit encore qu'il se montre ‘esprit éclairé’. De plus on trouve dans cette traduction un assez grand nombre de digressions théologiques. L'oeuvre de klinkhamer a la réputation d'être mauvaise, et notre examen confirme nettement ce jugement. |
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