Eenige berichten omtrent het noorden en noord-oosten van Europa. Deel 6
(1806)–Johan Meerman– Auteursrechtvrij
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V.
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Je vous dois d'avoir vu l'utile et le nuisible,
Le bon et le mauvais, la betise et l'esprit,
Et de ne pas trouver ou blamable ou risible,
Ce qui dans ma Patrie est étrange et proscrit.
Par tout j'ai rencontré et l'homme et ses caprices,
Ses préjugés, ses gouts, ses erreurs, ses passions,
Ses travers, sa grandeur, ses vertus et ses vices;
Je l'ai vu ne changeant que de masque et de ton.
Je vous dois quelquefois la plus douce surprise,
En trouvant des vertus que je n'attendois pas,
l'Esprit droit, l'ame belle, a ses devoirs soumise,
De la beauté, des graces et d'innocents appas.
Je vous dois les douceurs de la reconnoissance,
Et les bienfaits flatteurs de la tendre amitié,
Des souvenirs, des soi[...], de plaisirs, de l'aisance,
d'Avoir joui des droits de l'hospitalité.
Je vous dois des regrets, souvent d'amères larmes,
En quittant pour jamais des personnes, des lieux,
Qui, m'ayant fait gouter toute espèce de charmes,
Reçurent de mon coeur des éternels adieux.
Je vous dois, de pouvoir me passer d'opulence,
De sçavoir me borner au seul au vrai besoin,
Et d'avoir éprouvé au sein de l'indigence,
Qu'avec l'esprit content le bonheur n'est pas loin.
Que ne vous dois je pas de repas agreables,
Ou la frugalité donnoit seule le ton,
Ou, sans plateau, vaisselle et appareil de table,
La faim fut cuisinier, et la soif echanson!
Que ne vous dois je pas! Au fond de la Russie
Dans des huttes de bois j'ai trouvé le bonheur,
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Le rare gros bon sens, l'aimable bonhommie,
La politesse enfin, qui est celle du coeur.
Que ne vous dois je pas de plaisir, de bien être
Par ces simples, ces bons, ces braves paysans,
Que la Dalecarlie en son sein a vu naitre,
Que je vous dois par eux de paisibles moments!
Je vous dois d'avoir vu des chefs-d'oeuvres superbes,
Des chefs-d'oeuvres de l'art et de l'esprit humme,
Des Temples en debri, dont les ronces et les herbes
Nous annoncent du temps la destructive main.
Je vous dois d'avoir vu la plus belle nature,
Auguste sans atours, rayonnante sans fard.
Quand un vaste Horison, quand la molle verdure
Rafraichissoit des yeux, apesantis par l'art.
Je vous dois du repos toute la plénitude,
Quand mes sens, fatigués d'aussi vastes objets,
s'Inclinaint au sommeil, et que ma seule étude
Fut d'arracher au Dieu des pavots ses bienfaits.
Que ne vous dois je pas de nuits delicieuses,
De soirées aimables, et de moments divins,
Quand la Lune argentée, ou Venus lumineuse
Nous indiquoit la route, éclairoit le chemin.
Je vous dois le reveil de mainte grande idée;
Il sembloit, que ton trot me donnoit de l'essor;
Que plus que tu allois, plus mon ame élevée
Se détachoit du monde, et s'envoloit du corps.
Que ne vous dois je pas, ma chère maisonnette!
Je vous dois l'existence, et vous dois le bonheur:
C'en êtoit fait de moi, et deja sur ma tête
l'Hideuse mort planoit dans toute son horreur;
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Si vos panneaux serrés, votre bonne charpente
N'eut eté de mon corps le meilleur bouclier:
Quand près de Norkiöping la plus rapide pente
Dans un abime affreux faillit de m'entrainer.
Vous m'avez soutenu dans une mer de boue,
Parmi des flots de bois pourri et bondissant:
Quand des dangers pressants siégeoint sur chaque roue,
Des dangers variés et toujours renaissants.
Mais je vous dois bien plus, ma petite cellule,
Quand de mon cher ami malade, indisposé
(Ah ce coeur mesuroit chaque point de pendule!)
Vous transportiez le corps, sous les maux affaissé.
Après vous deveniez un beau char de victoire,
Quand je le ramenois de Moscou bien portant.
Comparée a mon sort, qu'êtiez vous, vaine gloire,
Richesse, ambition, que fumée et néant!
Puissiez vous revenir, ravissantes journées,
Puissiez vous revenir, o fortunés moments,
Quand, du monde ignorés, des heures accumulées
Parurent a notre amour plus courtes qu'un instant;
Quand nous parlions ensemble ou sagesse ou folie,
Quand la Nature et l'art charmaint nos entretiens;
Quand tout ce qui nourrit la douce sympathie
Nous enlaçait toujours de ses magiques liens.
Que ne vous dois je pas de la reconnoissance!
Vos débris sont un temple, et vos restes un autel;
Débris, quencore mon oeuil voit avec jouissance,
Restes toujours sacrés et toujours solemnels.
O vous qui echappiez du Golfe de Finlande,
Menacée des flots, et des vastes rochers,
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Je veux vous entourer de fleurs et de guirlandes,
Je veux vous transplanter au millieu d'un verger.
Que les lis, les jasmins, la tulipe, la rose
Vous parent tour a tour! que le beau papillon,
Que l'abeille, l'oiseau dans votre sein repose!
Que la Nature entiere y repande ses dons!
Que mon Ami et moi, toujours pleins de tendresse,
Formant les mêmes voeux, et les mêmes désirs,
Quand nos pas nous y portent, y retrouvions sans cesse
Et des plaisirs passés, et des doux souvenirs!
Et quand ce bois, détruit par le temps qui tout mine,
Enfin rencontrera la ruine et la mort,
Que par ma Muse alors votre nom se dévine,
Et triomphez ainsi de tous les coups du sort.
Febr. 1804.
einde van het zesde deel. |
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