Mr. T. New-York.
Bruxelles, 25 Fevrier 1873.
Mon chèr Monsieur T.!
Que pensez-vous bien de ma paresse? Savoir que vous vivez et ne pas vous répondre! C'est impardonnable, n'est ce pas? - Eh bien, il faut me le pardonner pourtant, car je n'ai vraiment pas eu le temps de vous écrire. Votre charmante lettre m'est parvenue à la Haye, où je me trouvais alors pour faire éditer un roman que je venais d'écrire; mais vous ne savez rien de mes nouvelles sauvageries et je vais commencer par le commencement, pour vous raconter le tout.
En arrivant à Paris l'été passé, pour y chercher un engagement pour cet hiver, je trouvai toute la capitale en émotion, à cause d'un livre d'Alexandre Dumas, fils, qui bouleversait tous les esprits et jetait le trouble dans bien des ménages. ‘L'Homme-Femme’ était affiché partout, on ne pouvait imprimer assez vite pour suffire aux demandes, dix éditions étaient épuisées en deux mois de temps! La mode s'était mêlée de l'affaire, le bon ton imposait ce nouveau produit du grand romancier immoral à tout individu qui savait lire, et moi, comme les autres, à peine à Paris, on me mit l'Homme-Femme en main, et je devais lire.
Moi, lire Dumas, mon antipathie! ma bête noire! Je me souvenais encore de sa ‘Dame aux Camélias’, la glorification du vice! Enfin, il fallait lire et j'ai lu.
Un cri d'indignation fut toute ma réponse à ce livre arriéré, et ne pouvant me taire, je l'ai exhalé dans une petite brochure.
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Je regrette beaucoup l'Amérique, car l'Europe me déplait depuis la guerre. En France la misère est très grande, quoiqu'on la cache autant que possible et en Allemague comme en France le deuil a asombri les plus belles espérances, et la mort a brisé les plus beaux liens de famille. Et cette misère ne suffit pas encore aux pauvres insensés qui demandent la guerre! Nous venons de