Mijn leven

Madame S. Chicago.
New-York 4 Octobre 1871.

Chère Madame S.,

Quelle éternité que je n'ai rien entendu de vous! Comment allez vous tous? Comment vous portez-vous? Comment vous amusez-vous? Comment vous plait l'Amérique après deux ans d'absence? Vous êtes chez vous maintenant, n'est-ce pas? Et vous êtes contente et heureuse d'être enfin ‘at home’? D'être tous réunis et d'être encore au milieu de vos anciens amis et connaissances! - Moi aussi, je suis parfaitement at home ici, et l'Amérique me plait de plus en plus. J'ai fait plus ample connaissance avec les familles qui demeurent ici dans la maison et toutes sont charmantes pour moi. Je vais au concert avec une personne, à l'église avec une autre, et tout le monde m'aide si

[p. 195]

bien que je ne suis jamais dans l'embarras, toute étrangère que je suis. La seule chose qui n'avance pas, c'est malheureusement la principale, les concerts. Je n'ai pas encore trouvé d'engagement. Tous les engagements se font en Europe et les troupes qui arrivent, sont au complet, ce qui fait que je suis toujours de trop partout et que les¹ managers ne veulent pas même m'entendre. De plus, tout le monde me déconseille de donner des concerts moi même, vu que la presse (qui est payée par les managers pour ne dire du bien que de leurs sujets) dirait tant de mal de moi, que le monde ne viendrait pas même pour m'entendre et qu'il me serait impossible d'avoir aucun succès en Amérique. Il ne me reste donc pas autre chose à faire qu' à attendre patiemment, jusqu'à ce que l'un ou l'autre manager aura besoin d'une chanteuse et m'engagera. Quand la saison sera un peu plus avancée, je réussirai mieux peut-être; ne nous inquiétons de rien encore!

En attendant j'ai fait faire mes portraits, qui seront exposés dans quelques jours et dont voici une échantillon. Je les trouve magnifiques, bien plus beaux que ceux faits en Europe.

.........................

Mina.

1 Impresarii.