Monsieur J. Steveniers, Bruxelles.
New-York 22 Août 1871.
Ma pauvre et chère Famille Steveniers,
Combien de fois j'ai pensé à vous! Combien de fois j'ai été prête à vous écrire et combien de fois j'ai commencé des lettres que j'ai déchirées après! Une triste pensée me poursuivait toujours, je voulais vous écrire gaîment, mais je ne pouvais pas, j'avais comme le pressentiment que mes joyeus récits seraient venus chez vous dans des moments bien pénibles et bien douloureux. Je ne me suis pas trompée, car hier j'ai reçu une lettre de Papa avec la triste nouvelle de la mort de Madame Steveniers. Je m'y attendais depuis longtemps, et pourtant elle m'a frappée et j'en ai été bien chagrinée toute la journée. Je sais l'immense perte que vous venez de faire tous en elle, car je sais tout ce qu'il y avait d'abuégation et d'amour dans cette âme dévouée que j'aimais et que j'admirais si souvent sans le dire. Je ne puis pas me figurer votre maison sans elle, je ne vous vois plus comme j'étais habituée à vous voir, aussi j'espère pour vous tous que vous aurez quitté Bruxelles pour quelque temps, et que les vacances du Conservatoire vous auront permis de changer d'air et d'entourage, ne fut-ce que pour quelques jours. C'est bien pénible de rentrer chez soi après, mais enfin, on a quitté cette atmosphère de maladie et de mort à laquelle on s' habitue presque, et qui pourtant vous accable et vous énerve, vous abat et vous démoralise à la fin. Après le changement l'on sent bien qu'on a plus de courage et plus de force, et qu'on peut mieux recommencer la vie qu'on n'aurait pu la continuer.
Et maintenant que voulez-vous que je vous dise encore? Le temps seul console, vous le savez aussi bien que moi, et tout ce que je puis vous dire d'ici ne peut que renouveler votre dou-