Mlle *** Bruxelles,
Paris 1 Aôut 1870.
Ma chère Demoiselle.
Votre bonne lettre m'a fait énormément de plaisir, surtout parce-qu'elle m'apprit que les Tantetjes se portaient à merveille et que votre voyage s'ètait passé sans difficultés et sans désagrêments. Mon Dieu, tout le monde ne peut pas en dire autant! Il y a quelques jours, j'étais seule et je criais de toutes mes forces pour apprendre mon éternel Trouvère, quand je crus entendre frapper à la porte, mais si discrètement, et après cela, si singulièrement, que je me disais tout de suite: ‘Des étrangers! Voyons qui ce sera!’ C'étaient Mr et Mme K. Lui, avec une blessure au front, et elle toute défigurée par des tâches rouges et bleues, par suite de contusions! Ils revenaient de la Suisse, mais, par, tous les transports militaires, les convois ordinaires avaient eu tellement à souffrir, que l'expresse, qui va déjà si vite, avait encore dü doubler de vitesse, pour ne pas embrouiller la marche des autres trains. De sorte qu'en arrivant à un endroit où les rails n'étaient pas droits, mais se courbaient un peu sur le bord d'un précipice, la locomotive déraille et roule en bas, entrainant les autres voitures dans sa chute. Le machiniste a été tué du coup, mais pour le reste personne n'a eu quelque chose et les K's seuls ont eu la chance de recevoir des blessures, sans gravité d'ailleurs, quoiqu'ils avaient l'air pitoyable!
Samedi passé Madame *** est venue me voir, pour arranger quelques chapeaux. Vous pouvez vous figurer son étonnement d'apprendre que vous étiez partie, et le mien de voir qu'elle était encore ici!
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Mon ménage va tout seul maintenant. On m'apporte le pain le matin et pour le reste c'est Jefque qui vous remplace. Il ar-