Oeuvres complètes. Tome X. Correspondance 1691-1695

N^o 2817.
Christiaan Huygens à Constantyn Huygens, frère.
1^er septembre 1693.

La lettre et la copie se trouvent à Leiden, coll. Huygens.
La lettre fait suite au No. 2808.
Constantyn Huygens y répondit par le No. 2818.

A Hofwijck ce 1 Sept. 1693.

Il y a longtemps mon Frere que j'attens vostre responce a ma lettre avec laquelle je vous envoiay la minute du memoire touchant la Vie de mon Pere, que Messieurs les autheurs du Dictionaire Historique m'ont demandè¹⁾. Ils me font scavoir qu'il est temps qu'ils l'aient. C'est pourquoi je vous prie de m'en mander vostre sentiment, et corrections si vous croiez qu'il en faut, autrement tacens pro consentiente erit.

Je vous avois aussi recommandè mes assaires de Zeelhem. Maintenant j'ecris a mon impertinent Receveur Cools, qu'il vous aille trouver, pour rendre raison de son procedè, et pour vous remettre l'argent qu'il me retient depuis si longtemps, et qu'il m'a mandè luy mesme avoir prest. Il n'a point rendu compte depuis l'an 1686. Je le menace dans cette lettre, que s'il manque a faire ce que je luy mande, je l'iray trouver moymesme, et que ce ne sera pas sans me ressentir comme je dois du tort qu'il me fait. Il s'est fort louè, en m'escrivant cy devant de la protection dont jouissoient les habitans de Zeelhem par vostre moien. Je ne scay comment cela va a cette heure, mais je luy mande qu'il auroit bien du vous aller trouver, soit pour vous remercier, ou pour demander vostre assistence. Vous pouvez luy parler fortement, et en cela vous m'obligerez. Noubliez pas aussi de prendre l'argent.

J'ay estè en peine de vous pendant quelques jours qu'on n'entendoit point de vos

1) Voir la pièce N^o. 2809.

[p. 488]

nouvelles depuis la bataille de Neer Hespen²⁾. Il y avoit suject de tout craindre dans une deroute comme celle-là. C'est beaucoup de ce qu'on s'est si bien remis, et d'avoir fait en sorte que cette affaire n'a pas eu de plus mauvaise suitte. Illo Virgilium me tempore dulcis alebat, Parthenope, c'est a dire que pendant vos combats, je passois tranquillement le temps à Hofwijck, où depuis peu de jours j'ay fait construire un bon tuyau quarré d'ais de sapin pour mon verre de 45 pieds, tant pour la satisfaction des personnes de qualitè qui me prient de leur montrer la Lune et les Planetes et qui ont trop de peine a se servir du fil sans tuyau que pour moy mesme; parce qu'on observe mieux et plus commodement de cette façon. Car puisque Mr. Cassini asseure qu'il voit tous les 5 Satellites de Saturne avec des lunettes de moindre longueur³⁾, pourquoy ne les uerrois je pas aussi? Je regrette de n'avoir pas emploiè de tuyau il y a 6 ans, car asseurement cela vaut mieux, que de la maniere que j'avois inventée⁴⁾, laquelle il faut pratiquer dans des longueurs au de la de 80 pieds, ou les tuyaux ne peuvent aller. J'ay eu assez de peine de venir a bout de celui de 45 pieds, qui pese plus de 200 livres, et en a autant pour contrepoids de l'autre costè de la poulie. Vous le verrez avec plaisir, comme aussi le pied pres de l'oeil qui est tres commode.

Mijn Heer

Mijn Heer van Zuylichem

Secretaris van Sijne Koninglijcke Maj.^t van Groot Brittannien

In 't Leger.

2) Voir la note 2 de la Lettre N^o. 2818.

3) Même avec des verres de 34 pieds. Voir l'article cité dans la note 2 de la Lettre N^o. 2427. Il y est dit: Nous avons veu tous ces [5] Satellites par celle [c.-à-d. la lunette de Campani] de 34 pieds & continué de les observer aussi avec les verres de Monsieur Borelli de 40 & de 70 pieds’.

4) Le procédé décrit dans l'‘Astroscopia Compendiaria’, l'ouvrage cité dans la Lettre N^o. 2334, note 1.