Oeuvres complètes. Tome IX. Correspondance 1685-1690

[p. 190]

N^o 2473.
Christiaan Huygens à N. Fatio de Duillier.
11 juillet 1687.

La minute se trouve à Leiden, coll. Huygens.
La lettre est la réponse aux Nos. 2456 et 2465.

A Monsieur De Duillier à Londres.

Monsieur

Sa lettre de Rotterdam receue, je n'ay pas fait de response faute de scavoir son adresse.

Je souhaitte de voir le livre de Newton. Je veux bien qu'il ne soit pas Cartesien pourveu qu'il ne nous fasse pas des suppositions comme celle de l'attraction.

Cela me paroit assez etrange que les rayons employent un temps egal et qu'il ait pourtant un autre principe¹⁾. La proposition du Globe assez paradoxe j'en voudrois voir la demonstration.

Je m'imagine a peu près de quelle facon vous voudriez expliquer le reflux suivant ma Theorie de la pesanteur, cependant il me reste quelque doute²⁾ touchant les deux reciprocations en 24 heures.

Ce que vous dites de vostre invention pour trouver les lignes courbes par la proprietè de la tangente est de plus grande discussion et qui seroit malsaine par le grand chaud qu'il fait.

Je ne scais pas bien ce que vous appelez ma methode des Tangentes. Si c'est celle, qui estoit parmy les papiers, dont vous avez pris la peine de me faire des copies³⁾ je ne me souviens plus de la vostre, que vous dites convenir avec elle.

Elle m'aideroit peutestre a entendre, ce que vous m'expliquez en abregé de vostre nouvelle invention, qui sera belle, si elle est applicable a toutes les courbes Geometriques quand mesme ces dernieres du genre de celle de Mons.^r Leibnitz⁴⁾ n'ij seroient point comprises.

1) Consultez la Lettre N^o. 2464, note 5.

2) Chr. Huygens, en effet, n'a pas abordé dans son Discours de la cause de la Pesanteur le problème du flux et du reflux de la mer.

3) Il paraît donc que Fatio de Duillier a fait pour Huygens les copies destinées à être transmises à de la Hire par l'intermédiaire de Dalencé et de la Chapelle Besse (voir la Lettre N^o. 2435, note 1). En relevant Huygens d'un travail matériel qui lui était pénible et qui sans doute a trop souvent fait différer la publication de ses écrits, Fatio a rendu un réel service à la science.

4) Allusion à un passage de l'article de Leibniz dans les ‘Acta Eruditorum’ de juin 1686 (p. 292) intitulé: ‘De Geometria recondita et analysi indivisibilium atque infinitorum’. Dans ce passage (p. 295) Leibniz propose d'admettre parmi les courbes géométriques des courbes qui, comme la cycloïde, peuvent être décrites exactement et par un mouvement continu (exacte continuoque motu), parce que c'est seulement à l'aide de ces courbes que l'on peut réussir à résoudre certains problèmes, comme la quadrature du cercle, qui appartiennent essentiellement au domaine de la géométrie.

[p. 191]

Quel effet prodigieux peut faire la pompe de Mons.^r le Chevalier Gordon, s'il a ostè le frottement et toute superfluitè de mouvement, vous scavez que c'est tout ce qu'on peut faire, et que le poids de l'eau reste toujours a elever.

Mr. de Tschirnhaus aijant veu vos remarques⁵⁾ s'est hastè d'ij faire une reponse que son correspondant d'Amsterdam⁶⁾ m'a envoyè mais comme elle ne vaut rien, je luij aij conseillè⁷⁾ de ne pas la faire imprimer comme l'autheur avoit ordonné et cela pour son honneur. Il ne s'est pas donnè le temps d'examiner vos raisons ni demonstrations, et pretend que les courbes a 2 foyers que vous proposez ne sont pas.

Mes respects a M. Boyle. Ayons le livre de Newton.

11^e juillet 1687.

5) L'article de Fatio dans la Bibliothèque universelle et historique d'avril 1687, notre N^o. 2460.

6) Le médecin P. van Gent.

7) Voir la Lettre N^o. 2470. Dans la réponse de von Tschirnhaus à l'article de Fatio, cité dans la note 5, on rencontre le passage suivant: ‘Je reçus ces Reflexions (de Fatio) dans un temps, où il m'était impossible de les examiner avec exactitude. Néanmoins après les avoir luës à la hâte, il me sembloit que j'en comprenois le sens; et je concevois la réponse que j'y pourrois faire. Mais avant que de la publier, je crus la devoir communiquer à mes amis, qui me firent remarquer que je n'avois pas bien pris le sens de l'auteur en de certaines choses, pour des raisons que je dirai dans la suite. Je jugeai donc que je devois differer de répondre publiquement, jusqu'à ce que je pusses examiner sérieusement cette matière, où l'on ne peut pas espérer de réüssir, sans faire & sans considérer exactement les figures dont il s'agit; et il faut pour cela se trouver dans un autre état que je ne suis ordinairement ici, comme ceux qui me connoissent savent assez.’ (Bibliothèque universelle et historique du mois de septembre 1688).