Oeuvres complètes. Tome VII. Correspondance 1670-1675
(1897)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekend
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Extrait d'une autre Lettre de M. Hugens touchant une nouvelle maniere de Barometre, qu'il a inventée.Pour ce qui est de ma nouvelle maniere de Barometre, vous scavez que si dans un tuyau de trente deux pieds de hauteur on faisoit un Barometre par le moyen de l'eau, les differentes pressions de l'air de l'atmosphere y seroient incomparablement plus visibles & plus aisées à discerner, qu'elles ne le sont dans les Barometres ordinaires où il n'y a que du vif-argent. Car la plus grande difference n'estant qu'environ de deux pouces dans les Barometres communs, elle monteroit dans ce nouveau Barometre jusqu'à 28 pouces, c'est à dire qu'elle seroit 14 fois plus grande, & les autres changemens augmenteroient dans la même proportion, qui est celle de la pesanteur du vif-argent à la pesanteur de l'eau. Mais comme il est difficile d'ajuster ces sortes de Barometres à cause de la grande hauteur du tuyau, qui empesche aussi qu'on ne les puisse commodement placer dans une chambre, ny transporter d'un lieu à un autre, j'ay pensé par quel moyen l'on pourroit avoir un Barometre d'une grandeur mediocre & portatif, qui fist a peu prés le même effet que ces autres grands Barometres; & voicy deux differentes constructions que j'ay trouvées pour cela. La premiere est de faire un tuyau de verre AB, de quatre pieds & demy, qui soit fermé par le bout A, & dont la cavité soit environ de deux lignes: il faut qu'il soit plus gros à l'endroit du milieu, faisant comme une boëtte cylindrique CD, dont la hauteur soit environ d'un pouce, & le diametre EE de quatorze ou quinze lignes, c'est à dire sept ou huit fois plus grand que celuy du tuyan. On y verse par le bout ouvert B, autant d'eau qu'il en faut pour remplir le moitié du receptacle CD avec la moitié CF du tuyau vers le haut. En suite on remplit tout le reste de vif-argent; & apres en avoir aussi versé dans le vaisseau G jusqu'à la hauteur d'un demy-pouce, on y enfonce le bout du tuyau B. Alors il en sort une partie du vif-argent, & le reste demeure à la hauteur EE; l'eau que nage dessus, descend jusqu'en FGa naar voetnoot1), laissant le reste du tuyau FA vuide d'air; & c'est la surface de cette eau qui en haussant & en baissant marque la differente pesanteur de l'air de l'atmosphere par des degrez presqu'aussi grands que feroit le Barometre d'eau de 32 pieds. La seconde construction est en partie semblable à la premiere, mais elle est | |
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beaucoup meilleure. Il faut avoir un tuyau recourbé par le milieu HMN qui ait deux boëttes cylindriques égales, K & M, l'une desquelles, sçavoir K qui est à un des bouts du tuyau, soit scellée hermetiquement par enhaut, & M qui est un peu au dessus de la courbure, soit ouverte aux deux costez où le tuyau est attaché. La longueur des jambes est determinée par la distance des boëttes KM, qui doit estre environ de 27 pouces & demyGa naar voetnoot2) à prendre depuis le milieu de l'une jusqu'au milieu de l'autre. La hauteur de chaque boëtte doit estre environ
d'un pouce & demy; le diametre de leur grosseur en dedans, d'un pouce ou de 15 lignes; & le diametre de la cavité du reste du tuyau, d'un dixiéme ou d'un douziéme de cette grosseur. On verse premierement du vif-argent seul dans ce tuyau par l'ouverture N, pour en faire comme un Barometre ordinaire de ceux qui sont recourbez par embas, augmentant ou diminuant le vifargent jusqu'a ce que ses surfaces se rencontrent vers le milieu des boëttes K & M, supposé qu'au temps qu'on fait cette operation, l'air soit de pesanteur moyenne, c'est à dire que dans les Barometres communs le vif-argent soit à la hauteur de 27 pouces & un tiers; car autrement si la pression de l'air est plus grande ou plus petite qu'à l'ordinaire, il faut y avoir égard, comptant pour un pouce de variation qui se trouvera dans le Baromemetre vulgaire, une ligne & demie de variation dans chaque boëtte. Aprés que le vif-argent aura esté bien purgé d'air, en sorte qu'il n'en reste point dans la boëtte K, on versera par l'ouverture N, quelque liqueur qui ne gele point en hyver, & qui ne puisse dissoudre le vif-argent, par exemple, de l'eau commune meslée avec une sixiéme partie d'eau forte. L'esprit de vin a bien ces deux qualitez, mais il ne seroit pas propre pour ce Barometre, parce qu'il se dilate par la chaleur. Et cecy soit dit aussi pour ce qui regarde la premiere façon de Barometre qui a esté décrite. Pour ce qui est de la quantité de la liqueur, il faut qu'elle monte jusqu'à un pied ou environ dans le tuyau BCGa naar voetnoot3), supposé la moyenne pression de l'air. Le Barometre étant ainsi ajusté, on verra que la plus grande difference de la pression de l'air qui sera marquée par la surface de la liqueur dans le tuyau MN, ira jusqu'a prés de vingt-deux pouces, supposé que le diametre des boëttes cylindriques soit dix fois plus grand que celuy du tuyau. Et pour trouver combien les | |
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differences marquées par ce Barometre seront plus grandes que celles que peut faire le Barometre commun, il y a une regle generale, qui est, que la proportion des differences de nostre nouveau Barometre à celles du Barometre commun, est comme quatorze fois le quarré du diametre des boëttes, à une fois ce mesme quarré plus vingt-huit fois le quarré du diametre du tuyau qui contient l'eau. Et delà il s'ensuit que de quelque grosseur que soient les deux boëttes, les plus grandes differences ne peuvent pas exceder vingt-huit pouces, puisque les differences des Barometres ordinaires n'excedent pas deux pouces. Pour porter commodément ce Barometre par tout, on l'attachera à un aix, ou on le mettra dans une boëtte, & l'on fera sur le bois des divisions égales pour marquer ces differentes hauteurs, qui augmenteront dans la mesme proportion que la pesanteur de l'air diminuera. Ainsi les petits changements qui arrivent dans la pesanteur de l'air de l'atmosphere & que l'on n'appercevroit point dans les Barometres ordinaires, deviendront sensibles dans ceux-cy. Par exemple si on les porte sur les tours de Nostre-Dame ou à Montmartre, on verra baisser la surface de l'eau dans le premier Barometre de quelques pouces, & monter autant dans l'autre: Et si on les porte au haut d'une maison élevée seulement de 50 pieds, & qu'ensuite on les descende en bas, il y aura un changement notable d'un demy pouce ou environ, de sorte qu'on pourra mesine par ce moyen mesurer assez bien la differente hauteur des montagnes éloignées & des pays dont la situation ne permet pas qu'on la mesure autrement. Que s'il est possible de prévoir les changemens de temps par le moyen des Barometres, comme il semble qu'il y a lieu de l'esperer, il est certain que ceux qui seront construits de cette maniere auront de grands avantages sur les autres dont on s'est servy jusqu'à present. Il est vray que l'un & l'autre de ces nouveaux Barometres est en quelque façon sensible au chaud & au froid de l'air exterieur, quelque soin que l'on prenne de les bien purger d'air au dedans: Mais les Barometres ordinaires sont aussi sujets à la mesme alteration, & si elle paroist davantage dans les nostres, c'est qu'ils marquent des differences beaucoup plus grandes que les Barometres communs. Mais pour remedier à cet inconvenient, qui nuïroit sur tout lors qu'on voudroit mesurer des hauteurs, l'on peut enfermer un Thermometre avec la partie du Barometre que est vuide d'air, & faire en sorte en échauffant l'air qui les environne tous deux, que le Thermometre revienne à la même marque dans les deux operations: & par ce moyen l'on sera assuré que l'air de dehors ne cause aucun changement au Barometre, & que toute la variation qu'on y verra, vient de la differente pesanteur de l'atmosphere. J'ay dit que la derniere construction que j'ay donnée est meilleure que l'autre, non seulement parce que le dernier Barometre est de plus petit volume, mais aussi parce que j'ay observé que dans le premier le peu d'air que l'eau exhale dans le vuide, s'augmente peu à peu par la longueur du temps; à quoy il est certain que | |
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le Barometre de 32 pieds, dont j'ay parlé cy-dessus, seroit sujet de même que celuy-cy: & pour y remedier, il faudroit trouver quelque liqueur qui n'engendrast point d'air, comme font l'eau & l'esprit de vin. Mais il est manifeste que nostre dernier Barometre n'a point ce defaut, parce que l'eau n'y est point enfermée dans le vuide. Que si l'on apprehende que l'eau qui est dans ce dernier Barometre, ne s'evapore; on n'a qu'a verfer par dessus une goute de quelque huile, qui ne s'epaississe pas par le froid, & que la chaleur ne fasse point évaporer, comme pourroit estre l'huile d'amande douce. |
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