Oeuvres complètes. Tome VI. Correspondance 1666-1669

N^o 1609.
Christiaan Huygens à [Lodewijk Huygens].
4 novembre 1667.

La lettre se trouve à Leiden, coll. Huygens.

A Paris ce 4 Novembre 1667.

l'on m'accuse de ce que je m'acquite mal de mes commissions, mais vous autres Messieurs ne faites pas mieux, et mesme n'en faites rien du tout. I'avois escrit¹⁾ au frere de Zeelhem qu'il vous priast de ma part de m'achepter 2 ou 3 bagues de cornaline dont je luy specifiay la grandeur et qualitez, et cependant ni vous ni luy dans les lettres que vous m'avez escrites depuis n'en faites nulle mention ni ne m'envoiez rien. I'ay quelque soupçon que ce bon aisnè pourroit avoir oubliè de vous faire veoir ce que j'en ay escrit, quoyque c'ait estè par deux fois, mais sans cela vous avez le plus grand tort du monde scachant que je desirois d'avoir ces bagues au plustost. I'en ay trouuè moins bon tout ce que vous m'avez racontè de vos divertissemens de Noordwyck Leyden et Hofwijck, parce que dans cette lettre là je m'imaginay que je trouuerois mes cornalines ou du moins mention de vos diligences faites pour en avoir.

Hastez vous donc encore a m'en chercher car cela m'est peut estre de plus grande importance que vous ne pensez.

Vostre observation sur les excrements des hirondelles est fort curieuse et merite d'estre mise avec celle de Monsieur de Montmor de qui l'Evesque de Laon²⁾ disoit qu'il avoit estè assez heureux pour voir fianter un ciron par le moyen de son microscope.

pour l'homme qui a l'animal dans l'estomac je n'en scay que dire ni ceux a qui je l'ay contè, si non qu'il faudroit en avoir des informations plus particulieres, comme vous en esperiez de Sylvius³⁾.

Pour les modes l'on porte icy des juste au corps de velours avec des boutons

1) Consultez les Lettres N^os. 1603 et 1606.

2) César d'Estrées. Voir la Lettre N^o. 606, note 6.

3) Gabriel Silvius.

[p. 160]

d'orfevrerie, et l'on retrousse les manches die met opslagen sijn⁴⁾ et la dentelle d'or qu'on y met jusqu'a toucher aux espaules, de sorte que cela ressemble fort a ce qu'on appelloit bragoenen. mais chacun en prend selon sa fantasie, l'on commence aussi fort a porter les draps raijez qu'on vend 25 ℔ l'aune. pour moy je n'y trouue pas plus de beautè qu'aux simples que l'on porte aussi beaucoup. les chausses a la Rhingrave ou culottes se portent aussi indifferemment.

Touchant la dame de B.⁵⁾ il n'y a rien a dire de singulier. Ce mariage de Rambouillet⁶⁾ estoit une chose ou il n'y a pas la moindre apparence, et elle n'avoit encore jamais veu ce galand lors que vous m'en mandastes cette nouuelle qu'on escrivit en mesme a elle de la Haye. Il l'a estè veoir pourtant depuis mais rien qu'une fois seulement a ce qu'elle dit. Ie ne l'y ay jamais rencontrè. Elle proteste extremement que jamais elle ne songera a se remarier mais vous scavez qu'on n'est pas tenu de croire a las palabras de muger⁷⁾. du moins ce ne sera pas a un francois dit elle quelques fois. Adieu, gardez vous bien qu'elle ne scache pas que je vous escris la moindre parole touchant ce qui la regarde quoyque je ne vous mande rien d'importance.

4) Traduction: qui sont à revers.

5) Il s'agit d'Elisabeth Maria Musch, veuve Buat.

6) Léon Pompée d'Angennes, marquis de Pisany et de Rambouillet, était le fils unique de Charles d'Angennes, marquis de Rambouillet, et de Catherine de Vivonne. Il semble avoir été connu par ses galanteries.

7) Traduction: paroles de femme.