Oeuvres complètes. Tome VI. Correspondance 1666-1669

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N^o 1580.
Christiaan Huygens à Lodewijk Huygens.
4 mars 1667.

La lettre et la copie se trouvent à Leiden, coll. Huygens.
Elle est la réponse à une lettre du 16 février 1667¹⁾.

A Paris ce 4 mars 1667.

Ie prenois²⁾ desia pour mauvais presage que le bon Don Diego³⁾ tardoit tant a me faire response. En fin voila le malheur arrivè, que je n'ay sceu que par vos lettres et dont je suis certainement tresmarry, sur tout a cause du tableau de la Princesse L. quoyque je ne desespere pas qu'on pourra le recouurer soit en le racheptant ou autrement. Pour vostre perruque il est a croire que quelque hidalgo s'en sera desia parè. Il ne faut pas s'imaginer qu'il y auroit eu plus de seuretè d'envoier ces hardes par les rouliers, puis qu'en ce temps icy que les gouverneurs Espagnols permettent quasi ouuertement le brigandage a leurs gens l'on attaque tout indifferemment et le maistre des Rouliers la Vigne⁴⁾ dit luy mesme qu'il n'y a gueres qu'on luy a ouvert plusieurs de ses grands balots et pris ce qu'on put emporter. Nous verrons comment Verstraten⁵⁾ se sauvera en retournant d'icy avec ses marchandises. Je hazarderay la perruque du frere de Moggershill⁶⁾ puis qu'il le trouve bon, mais pour le portrait que j'ay en garde, je ne suis nullement d'avis de l'envoier en mesme temps et ne l'aurois pas fait quand mesme mon Pere ne me l'auroit pas defendu. Je n'ay pas encore veu ledit Verstraten dont je m'estonne, car il y a longtemps qu'il est arrivè, et l'on m'a dit qu'il a quelque livre⁷⁾ a me donner, outre qu'il doit venir prendre la perruque et autres choses pour le frere et soeur⁸⁾ de Moggershill.

La sepmaine passée⁹⁾ je n'eus pas le temps de faire response a vostre lettre du 16^e toute pleine de nouuelles. Pour l'affaire de la douarière de B¹⁰⁾. je me suis rencontrè depuis peu et avec des amis et avec des enemis de celuy¹¹⁾ qu'elle sus-

1) Nous n'avons pas trouvé cette lettre dans nos collections.

2) Consultez la Lettre N^o. 1578.

3) Diego Duarte à Anvers.

4) Adrien de la Vigne demeurait à Anvers, et entretenait un service régulier pour Paris.

5) Voir la Lettre N^o. 1581.

6) Sur cette perruque de Philips Doublet, consultez la Lettre N^o. 1578.

7) Ce sont les ‘Scaligeriana’; consultez les Lettres N^os. 1578 et 1581.

8) Philips Doublet et son épouse Susanna Huygens.

9) Consultez la Lettre N^o. 1578.

10) Elisabeth Maria Musch, veuve de Henry de Fleury de Coulan, seigneur de Buat, qui fut décapité le 11 octobre 1666 pour cause de haute trahison.

11) Il s'agit probablement des terres que son mari possédait en France, et qui, suivant la coutume de ces temps, étaient en danger d'être confisquées.

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pecte d'avoir part aux depouilles du deffunt, et je vois bien qu'ils n'en scavent rien ni les uns ni les autres. peut estre aussi qu'il n'en est rien, car la chose seroit trop infame.

I'envoieray l'attestation necessaire pour ma rente¹²⁾ quand il sera temps, j'avois peur que la Lettre ne se fut perduë.

Dites je vous prie a ma soeur que j'auray soin de sa derniere commission, car je ne pourray pas luy escrire cette fois ni a mon Pere non plus, estant tourmentè d'un mal de gorge qui me prit hier au soir et m'a empeschè de dormir toute la nuict. Je ne scay comment je suis attaquè par tant de sortes d'infirmitez depuis que je suis en France. Je viens d'estre delivrè d'une douleur tresimportune au bras droit provenue d'un petit accident a une ongle et voila cette autre qui y succede aussi tost. Monsieur le duc Mazarin¹³⁾ m'avoit envoiè prier ce matin pour venir disner avec luy a l'Arsenal¹⁴⁾, mais je n'ay pu y aller, quoy que j'eusse estè bien aise de veoir ce rare personnage et ce qu'il me veut¹⁵⁾. Adieu.

A Monsieur

Monsieur L. Huygens,

chez Monsieur de Zulichem

A

la Haye.

12

12) Consultez la Lettre N^o. 1574.

13) Arnaud Charles marquis de la Porte, marquis de la Milleraye, devint, par son mariage avec Hortense Mancini nièce du cardinal de Mazarin, pair de France et duc de Mazarin: il était le fils du maréchal Charles de la Porte, duc de Milleraye, et de Marie Coiffier de Ruzé d'Effiat. Il naquit en 1622 et mourut le 9 novembre 1713. D'abord, en 1643, lieutenant-général de Bretagne et de Nantes, il devint en 1648 grand-maître de l'artillerie, en 1649 maréchal de camp, en 1654 lieutenant-général et plus tard gouverneur d'Alsace. Il avait des moeurs très bizarres et une dévotion assez singulière.

14) C'est là qu'il demeurait alors.

15) Sur ce sujet, consultez la Lettre N^o. 1582.