Oeuvres complètes. Tome VI. Correspondance 1666-1669

N^o 1550.
Christiaan Huygens à [Constantyn Huygens, frère].
2 juillet 1666.

La lettre se trouve à Leiden, coll. Huygens.

A Paris ce 2 Julliet 1666.

Ie reviens maintenant qu'il est 5 heures du soir de l'observation de l'Eclipse qui a este faite chez Monsieur de Carcavy. I'y suis allè des le 5 heures du matin et

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n'ayant pas bien dormi cette nuict de peur de n'estre pas assez tost eveillè, et m'estant là tenu assez longtemps dans le soleil, j'en ay un peu mal a la teste, ce qui fera que je me dispenseray d'escrire cette fois a mon Pere, que je croy encore estre a Zulichem.

L'obscuration du Soleil¹⁾ a estè icy de fort pres de ⅔ du diametre du soleil. le commencement de l'Eclipse a 5 heures 43′. 20″. la fin a 7 heures 42′. 20″. voila qui suffit pour vostre information. Ie vous remercie de celle que vous m'avez donnée touchant nostre victoire²⁾. Avanthier l'on en fit de feux de joye chez Monsieur Boreel³⁾ ou je fus priè avec tout ce qu'il y a icy de Noblesse Hollandoise et fusmes regalez de festin musique feux d'artifice &c.

I'ay fait veoir et interpretè a Monsieur de Carcavy le memoire du Sieur Uijlenburg⁴⁾ dans le quel il y a quelques unes des medailles qui y sont specifiees qu'il voudroit bien avoir, mais non pas toute la Collection. Et si on veut les vendre separement il souhaiteroit qu'on les envoiast icy toutes, s'offrant de payer les frais du port, et mesme de tacher de debiter le reste qu'il ne voudroit pas pour luy. Mais je ne crois pas que celuy qui en est le proprietaire y voudra entendre. Ce n'est pas le ministre⁵⁾ mais Monsieur de Carcavy luy mesme qui en cherche, et il en a desia une grande quantitè et de tres belles.

Vous ne me dites pas si c'est Meny⁶⁾ ou la jeune⁷⁾ Mademoiselle Percheval qui est morte.

1) Dans l'Histoire de l'Académie royale des Sciences, Tome I, page 7, il est fait mention de cette éclipse et de l'éclipse lunaire qui l'a précédée (Comparez la Lettre N^o. 1547), dans les termes suivants:
‘Il sembla que le Ciel voulût favoriser cette Compagnie naissante de Mathématiciens par deux Eclipses qui devoient arriver à 15. jours l'une de l'autre, ce qui est le tems le plus court, où l'on en puisse avoir deux & l'on sait assez combien les Eclipses sont précieuses aux Astronomes par tous les usages qu'ils en tirent.’
Après avoir rapporté que ‘l'éclipse de Lune qui devoit arriver le 16. juin 1666, fut dérobée par les nuages aux Mathématiciens qui l'attendoient avec tous les preparatifs nécessaires’, l'auteur donne un résumé succinct des observations faites pendant l'éclipse solaire du 2 juillet 1666. Voir:
Histoire de l'Académie royale des Sciences. Tome I. Depuis son établissement en 1666 jusqu'à 1686. à Paris. Aug. Gabriel Martin, Jean Baptiste Coignard, Fils, Hippolyte-Louis Guerin, Ruë S. Jacques. mdccxxxiii. Auec Privilege du Roy. in-4^o.
Les Registres manuscrits conservés dans la bibliothèque de l'Académie des Sciences de Paris contiennent un rapport étendu au sujet de cette dernière éclipse; nous le reproduisons en entier comme Appendice de cette Lettre. Nous en devons la copie à l'obligeance de M.J. Bertrand, Secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences.

2) Dans la bataille navale, dite de quatre jours, du 11 jusqu'au 14 juin 1666.

3) Willem Boreel était l'ambassadeur des Provinces Unies à Paris.

4) Sur Uylenburg, voir la Lettre N^o. 819, note 1.

5) Colbert.

6) Maria de Percheval, baptisée le 29 août 1632, fut enterrée le 21 juin 1666 (Voir la Lettre N^o. 1061, note 7); elle était fille de
Peter de Percheval, quartier-maître et ingénieur, qui épousa, le 5 janvier 1631, Hillegonda Cant de Gouda.

7) Guillemette de Percheval, sa soeur, fut baptisée le 7 janvier 1635.

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Il fait un chaud insupportable icy, et le meilleur passetemps est le bain dans la riviere ou je vay par fois quand je trouve bonne compagnie. A t'on veu a la Haye l'histoire⁸⁾ de Madame et du Comte de Guiche? Ie fus hier ou on la leut et je la trouue fort joliment escrite et d'un stile presque semblable a celuy de Bussy⁹⁾.

8) Histoire Amoureuse des Gaules. [Par Bussi-Rabutin]. A l'Hopital des Fous. Chés l'Auteur. mdclxvi. in-12^o.

9) Roger, comte de Bussy-Rabutin, naquit le 18 avril 1618 à Epiry (Nivernais) et mourut le 9 avril 1693 à Autun. Après avoir acquis le grade de lieutenant-général, il quitta l'armée et vint à la cour. Ecrivain satirique, il fut mis à la Bastille à l'occasion de son ‘Histoire amoureuse des Gaules’; en réalité, pour une chanson satirique sur les amours du roi, que celui-ci ne lui pardonna jamais. Libéré, il fut relégué dans ses terres.