Oeuvres complètes. Tome V. Correspondance 1664-1665

N^o 1389.
G. Mouton¹⁾ à Christiaan Huygens.
14 avril 1665.

La lettre se trouve à Leiden, coll. Huygens.

A Lyon le 14 d'Avril 1665.

Monsieur

Comme j'ay eu toute ma vie une forte passion de trouver quelque moyen, pour rendre les horloges justes, je n'ay pas espargné la despense, suivant mes petites facultez, pour en faire construire quelquesuns, qui me peussent satisfaire: mais ayant reconneu par experience, que tout ce que j'avois fait, estoit inutile, pour l'Astronomie, qui estoit mon but, je perdis l'Esperance de venir about de mon dessein, & en negligeay la poursuitte. Et comme depuis 4 ou 5 ans, nous avons appris dans cette ville la construction de vos horloges a pendule, j'en fus d'abord si ravy, que deslors mesme je voulu apprendre a travailler dans l'art de l'horlogerie, & ne cessay point, que je n'en eusse fait un moy mesme, qui marque les heures minutes & secondes (quoy que je n'en aye jamais veu, qui marque les secondes) & ce avec une telle justesse, qu'une revolution de douze heures ne surpasse l'autre pour le plus que de huict ou dix secondes, comme je l'ay experimenté plusieurs fois. J'ay eu souvent la

1) Gabriel Mouton naquit en 1618 à Lyon, où il mourut le 28 septembre 1694. Il était docteur en théologie et, depuis 1654, vicaire perpétuel de l'église de Saint-Paul. Il s'occupait de mathématiques et d'astronomie.

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volontë de me conjouir avec vous d'une invantion si merveilleuse, & dont toute la posterité vous demeurera redevable; Je le fais a presant autant que mon insuffisance me le peut permettre, & l'aurois faict plutost, si j'eusse osé en prendre la liberté. Enfin Monsieur, ayant eu le bien, de me trouver au grand college des Jesuites de cette ville le 9 de ce mois, lorsque Monsieur vostre Pere y passa, il leur fit recit, & a toute la compagnie de la maniere toute nouvelle, avec laquelle vous avez reduit les susdites horloges a la derniére regularité: il me fit la grace de me confier une lettre²⁾ que vous en aviez escrit, pour en tirer copie, dont je luy suis extremement obligé: & entre autres choses, ce qui nous dit de vostre courtoisie & de vostre Generosité, m'a fait prendre la hardiesse de vous escrire, pour vous supplier, de me vouloir donner une plus claire intelligence de la façon de les construire: Car je ne peux comprendre de quelle maniere cette petite chaine, passe par dessus la roue de rancontre, & sur une autre roue; & comment le petit poids est relevé, autant quil estoit descendu, si jestois si heureux, que de pouvoir obtenir de vostre bonté une description exacte dudit horloge, scavoir le nombre des dents de chaque roue & pignon, leur scituation avec les figures necessaires, je ne manquerois point de publier par tout l'obligation, que je vous en aurois: en eschange, si je vous peux estre utile en quelque chose, je vous prie de me le faire cognoistre, & de me consyderer comme une personne, qui vous honore infiniment, & qui est parfaictement

Monsieur

Vostre treshumble et tresaffectionné serviteur G. Mouton.

A Monsieur Monsieur Christ. Huggens. A la Haye.

2) Consultez la Lettre N^o. 1335.