Oeuvres complètes. Tome V. Correspondance 1664-1665
(1893)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekendNo 1335.
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Ayant estè obligè de garder la chambre pendant quelques jours, & même occupè à faire des observations sur mes deux Horologes de la nouvelle fabrique, j'en ay remarquè un effet admirable, & auquel personne n'auroit jamais pû penser. C'est que ces deux Horologes estant suspendues l'une à costè de l'autre, à la distance d'un ou deux pieds, gardent entre elles une justesse si exacte, que les deux Pendules battent tousiours ensemble, sans jamais varier. Ce qu'ayant fort admirè quelque temps; j'ay enfin trouvè que cela arrivoit par une espece de sympathie: en sorte que faisant battre les Pendules par des coups entremessez; j'ay trouvè que dans une demieheure de temps, elles se remettoient tousiours à la consonance, & la gardoient par apres constamment, aussi longtemps que je les laissois aller. Je les ay ensuite eloignées l'une de l'autre, en pendant l'une à un bout de la Chambre & l'autre à quinze pieds de là: & alors j'ay veu qu'en un jour il y avoit 5 secondes de difference & que par consequent leur accord n'estoit venu auparavant, que de quelque sympathie, qui ne peut à mon avis avoir autre cause qu'une agitation imperceptible de l'air qui se produit par le mouvement des Pendules. Les Horologes sont toutesfois enfermées en leur boetes, lesquelles avec tout le plomb qui est dedans, ne pesent gueres moins chacune de cent livres. Et les vibrations des Pendules, lors qu'elles sont mises à la consonance, ne vont pas en sorte que l'une soit parallele à l'autre; mais au contraire ils s'approchent & s'écartent par des mouvemens contraires. En approchant derechef les Horologes, j'ay veu que apres les Pendules se sont remises dans le meme train. J'ay de plus pris un quarrè de table de trois pieds, espois d'un pouce, que j'ay mis entre deux; en sorte qu'en bas il touchoit le plancher, & estoit si haut, qu'il couvroit entierement les Horloges, & les separoit en quelque façon l'une de l'autre: & cependant la concordance est demeurée comme auparavant, des jours & des nuicts entiers, & memes estant par moy troublée, elle s'est restablie en peu de temps. Je tasche maintenant à les mettre fort justes ensemble, estant eloignees; & j'essayeray ensuite à quelle distance s'estend ladite sympathie, m'imaginant, par ce que j'en ay deja veu, que ce sera bien jusqu'à cinq ou six pieds. Mais pour avoir une plus grande certitude de ces choses; il faut attendre s'il vous plaist, que je les aye examinees davantage, & que j'en aye recherchè plus exactement les causes. Mais cependant voila deux Horloges trouvees, qui ne s'ecartent jamais de rien ce qui semblera incroyable; & toutesfois est tresveritable. Jamais d'autres Pendules que de cette nouvelle invention n'ont pu faire la meme chose; & l'on peut voir par la combien elles sont exactes; puis qu'il faut si peu de chose pour les maintenir dans un accord perpetuel. |
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