Oeuvres complètes. Tome V. Correspondance 1664-1665
(1893)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekendNo 1353.
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tins. Mais aussi de lautre costé, les communs parmy nous entendent les Vocabula Artis, chacun de la sienne. et tous les gens de mer entendent les mots grecs et latins, qui touchent lastronomie, et la nauigation, comme sils estoyent originellement Anglois; seulement ils ne sçauent peut estre pas que les mots expliquent la nature, ou l'usage de la chose, se contentans de connoistre les choses par les noms, comme sils leur estoyent donnez par hazard. Mais y ayant une CommitteeGa naar voetnoot2) (Je crois que vous sçauez que ce mot veut dire des personnes deputees à telle chose) establie par nostre Societé, pour l'embellissement &c. de la langue Angloise, il est à esperer, qu'ils en corrigeront les defauts, et adiousteront tout ce qu'il luy manque, qui est dans les autres langues. Jls se proposent d'en dresser des Grammaires, des Dictionaires, des recherches, &c. et entre autres un Vocabulaire qui aura tous les mots des outils &c. qui appartient à chaque mestier, &c. Je me suis laissé glisser dans ce discours iugeant que Je ne seray pas interrompu, comme d'ordinaire, deuant que Jaye acheue tout ce que J'ay à vous dire à present. Bienque les experiences touchant le seu s'accordent assez bien auec l'hypothese de Monsieur Hook, il y manque encore tant de choses à estre expliquees, comme vous remarquez bien et il y a tant d'obiections à faire, qu'on ne s'y peut pas arrester; veu mesmes que ces mesmes phaenomenes peuuent estre tout aussi bien expliquez pour le moins, par plusieurs autres hypotheses. Et nous autres ne nous contentons point comme font, ou peuuent faire, les Astronomes et autres, d'une Hypothese qui sert assez bien à expliquer les phaenomenes, mais cherchons la verité de l'estre, et de la nature des choses, comme il appartient à la vraye philosophie. Au reste ce que vous dites touchant la froideur et la chaleur de l'Air, a esté proposé dans nostre AssembleeGa naar voetnoot3) comme aussi quelques experiences pour en estre esclaircy qu'on prepare, et dont Je fais estat de vous rendre comte lors qu'elles auront este faites. Lundy prochainGa naar voetnoot4) la premiere Gazette philosophiqueGa naar voetnoot5) s'imprimera: soubs le titre de Transactions philosophiques, et Je pretends vous en enuoyer un exemplaire par l'ordinaire: Et si je ne suis pas en ville Monsieur Oldenbourg me fera la faueur de vous ladresser: parce que Je fais estat de passer 5. ou 6. iours de la femaine qui vient, à la Campagne. Je doibs demain disner auec Monsieur Holmes et c'est mon dessein de tascher | |
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d'auoir le compte par escrit quil m'a promis deuant que nous nous quitons. Cependant Jay parlé auec un autre officier d'un des nauires qui estoyent dans sa compagnie, qui auoit luy mesme esté dans le vaisseau du Maior iusqu'a ce qu'ils arriuerent a lisle St. Thomas et mesme est celuy qui auoit soin des Horologes, et de qui nous en auons eu la premiere relation il y a 14. ou 15. mois. il m'a confirmé encore la relation de Monsieur Holmes. comme l'autre dont J'ay fait mention dans ma derniereGa naar voetnoot6). Mais faisant reflexion sur le nombre des lieuës des deux courses dont cette relation se sert, J'ay regardé sur un Globe Terrestre des plus grands, sil m'auoit informé assez precisement touchant la longueur de ces deux courses, l'une vers le west, l'autre le Nord-Nord Oast: et Je trouue que les nombres des lieuës estant precisement comtez, à 20. lieuës (c'est a dire, 60. miles dicy, pour un degré) celuy de la course vers le west doibt estre enuirons 800. lieuës, et l'autre entre 2. et 300. Comptant depuis l'Isle St. Thomas à lendroit soubs la Ligne, d'ou lisle de Fuego est placee vers le Nord-Nord-Oast Je trouue qu'il y doibt auoir enuirons 37. ou 38. degrez et depuis cet endroit là à la dite Jsle 13. ou 14. de sorte que les nombres des lieuës des deux courses doiuent estre, la premiere enuirons 800. et lautre de 2. a 300Ga naar voetnoot7). comme J'ay dit et quoy que Je vous ay escrit les propres mots que m'a dit sur cette matiere, le Maior Holmes, neantmoins y ayant lieu dans les termes, (enuirons, et semblables) de receuoir une determination plus exacte, comme estant ceux dont on se sert lors qu'on se messie de sa memoire, Je ne puis pas le blasmer. & cela d'autant plus, qu'il s'est serui dune autre expression, que Je ne crois pas vous auoir mande, en parlant de l'utilité des Horologes qui le rend encore plus excusable. Qu'y at il (m'at il dit) qu'on puisse desirer pour une epreuue de l'exactitude de ces Horologes, qu'apres une Course de plus de mille lieues d'auoir si parfaitement bien rencontré comme J'ay fait. parce que les deux courses ensemble montent bien à ce nombre là, quoy qu'ils s'estoyent oublié ou mespris dans le detail. Jl ne reste qu'une seule obiection que Je sçache pour diminuer l'exactitude de cette experience. C'est la veritable situation de l Isle de Fuego. pour y obuier Je crois que l'on peut tenir pour asseuré, qu'elle est placee dans les Cartes et Globes dans son veritable lieu. puis qu'elle est si proche de la coste d'Afrique, et qu'on y a fait tant de voyages de tous costez depuis si long temps, sans que iamais personne y ait trouué à redire. Deuant que Je quitte ce chef, quoy que Je m'y suis, peut estre, estendu un peu trop, il faut que Je vous marque, que, dans vostre instruction Je vois qu'au lieu de lieuës vous auez mis, Miles, dans la traduction de ma lettre. Si ce mot, Miles, signifie en votre langue, lieuës, parmy les gens de Mer, il est bien: Mais si par là, il faut entendre, Miles de ce païs icy, ou d'Jtalie, | |
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il faudra le corriger dans la seconde jmpression, comme aussi les nombres, selon ce que Je vous en viens de dire. Je me suis enquis tant de Monsieur Holmes, que de celuy qui auoit eu le soin des Horologes, touchant la rouïlle, et ils m'ont tous deux dit, qu'elles ne se sont point rouïllees du tout: ni ne se sont iamais arrestees dans la plus grande agitation du vaisseau, lors mesme que le bord s'en est enfoncé dans l'eau tout à fait, voire que l'eau ait esté bien auant sur le Tillac, par la force des secousses du vent, et des vagues: et qui plus est encore, non pas lors que le vaisseau estoit à lAncre en temps d'orage, quoy que c'est en ce temps là, que les vaisseaux roulent, et dancent de tous costez, et en toutes façons le plus rudement, en un mot, que ny l'un ne l'autre s'est iamais arresté. Mais pour obuier ou remedier la rouïlle, et tous les autres accidents il faut que chaque vaisseau ait, pour le moins, 2. Horologes. et ainsi, on en pourra adiuster ou nettoyer l'une quand il en est besoin, sans rien perdre du vray compte du temps. Je ne doubte point que vous n'ayiez nouuelles de Monsieur Dauidson, y ayant si long temps qu'il est party d'icy. il vous rendra auec ma lettreGa naar voetnoot8) le liure de Monsieur Hook et se chargera de l'Horologe. Je suis fort satisfait de ce que vous trouuez les vostres si iustes; et que vous estes à cette heure si bien esclaircy de la cause de cet accord qui nous sembloit d'abord si difficile. et ce dautant plus que, comme J'ay touché dans ma derniereGa naar voetnoot5), si cela eust prouenu du mouuement de l'air, il auroit plustost serui pour faire reuoquer en doubte leur iustesse, que pour l'establir. Je ne doubte nullement que le Roy de France n'ait aisement accordé le priuilege que Monsieur vostre pere luy a demandé. J'ay mandé a Monsieur l'Abbé de Beaufort qu'il eust a conferer auec Monsieur vostre pere, pour sçauoir sil y pourroit estre utile, et que Je suis d'auis, qu'il seroit plus auantageux de tirer de Sa Maiesté quelque bonne recompense pour la communication de l'inuention, sil se peut faire, que d'en prendre le priuilege. Mais qu'il falloit suiure ce qui seroit resolu entre Monsieur vostre pere et luy. Voilà tout ce que vostre lettre me donne suiet de vous dire. Je vous diray maintenant que dans nostre derniere AssembleeGa naar voetnoot9) il sest fait une autre experience touchant le feu qui est iolie. C'est qu'ayant placé dans un Recipient, du soulphre puluerisé en telle façon que par le moyen d'un Robinet en haut, le soulphre se pouuoit respandre; on a fait fondre du Nitre dans un Cruset, dans un si grand feu que le Cruset en estoit tout rouge, puis mettant ce cruset dans le Recipient apres auoir bien bouché le tout pour empescher lentree de lair du dehors, on a | |
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tiré lair hors du Recipient, par la Machine de Monsieur Boile, et puis faisant tomber de temps en temps de la poudre du Soulphre dans le Cruset ou estoit le Nitre, il y a tousiours mis la flame tout comme s'il auoit esté dans lAir ouuert. On en a continué l'operation bien long temps apres qu'on ne voyoit plus la rougeur du cruset, et tousiours la flame s'y est mise comme au commencement. D'ou il est manifeste, (comme par des feux dArtifice que J'ay veu brusler bien long temps dans le fonds de la Riuiere d'icy,) que le Nitre fait bruler les choses combusiblesGa naar voetnoot9) sans auoir besoin d'air. d'ou il semble qu'on peut probablement conclurre aussi que c'est le Nitre qui est dans lair, qui luy donne la faculté de faire brusler les choses combustibles. Mais comme il n'est pas encore temps d'entrer trop auant dans la disquisition, ou plustost la determination des premieres causes Je m'en veux deporter, iusqu'a ce qu'une multitude d'experiences nous fournisse des argumens sans exceptions pour les establir. Cependant Je vous puis bien dire une verité c'est que Je suis auec toute la realité imaginable
Monsieur
Vostre treshumble, tresobeissant et tresaffectionné seruiteur R. Moray.
A Monsieur Monsieur Christian Hugens de Zulichem A La Haye. |
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