Oeuvres complètes. Tome II. Correspondance 1657-1659

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N^o 543.
J. Chapelain à Christiaan Huygens.
30 octobre 1658.

La lettre se trouve à Leiden, coll. Huygens.

De Paris ce 30. Octobre 1658.

Monsieur

Vous deués auoir receu il y a pres de trois mois les lettres¹⁾ que je vous escriuis pour accompagner le dessein²⁾ du Pendule de Monsieur de Roberual que vous auiés desiré de voir et que j'auois trouué moyen de recouurer pour vous satisfaire. I'enuoyay pour cela mon paquet a Monsieur Tassin qui a trop de soin de ce qui vous regarde pour auoir manqué a vous le faire tenir. Il y auoit mesme vne lettre pour Monsieur Heinsius³⁾ dans ce paquet que j'auois mise sous sa couuerture afin qu'elle luy fust renduë plus seurement, sachant bien que luy et moy pouuions vser de vostre courtoisie en ces sortes d'offices sans vous choquer ni incommoder. Depuis je n'ay point eu de ses nouuelles non plus que des vostres, et j'ay quelque apprehension que ce paquet ne soit pas allé jusqu'à vous, dont je vous auouë que je serois mortifié. Mais l'Imprimé⁴⁾ que Monsieur Bouliau m'enuoya de vostre part il y a quatre jours, quoy qu'il n'y eust point de vos lettres, me fait esperer que vous auiés receu les miennes, et que vostre intention aura esté qu'il me tinst lieu de response. En effet, Monsieur, vous ne meussiés pu rien respondre de plus agreable que ce que j'ay veu et leu dans le Plan de vostre merueilleuse Horloge, et dans le Discours qui luy sert d'explication. I'y ay remarqué vne imagination tresfeconde, vn jugement tressolide, vn ordre tresclair, vn stile trespur et tresfacile, et enfin des fondemens d'vsage pour d'admirables choses, si vous les executés comme il semble que vous vous y engagiés. Et vous pouués penser que la proposition seule de trouuer les Longitudes par cette voye, est vne chose a resueiller l'attention de toute l'Europe, sur tout venant d'vne Personne aussi sensée et aussi peu capable de se tromper que vous. Pour vous rendre conte de ce que j'en ay desja fait, le lendemain que j'eus receu ces deux Pieces je fus chercher Monsieur de Roberual afin de les luy communiquer, suyuant vos ordres. Ne layant pas rencontré, je les remportay dans le dessein de les faire voir le jour d'apres a la compagnie qui s'assemble chés Monsieur

1) Lettres que nous ne possédons pas et qui probablement ne sont pas arrivées à destination.

2) Voir la Lettre N^o. 485.

3) Dans la correspondance étendue de N. Heinsius, qui se trouve à la Bibliothèque de l'Université de Leiden, nous n'avons pas trouvé cette lettre de Chapelain.

4) l'Horologium, cité dans la Lettre N^o. 511, note 2.

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de Monmor, ce que je ne pus faire qu'en les luy enuoyant m'estant trouué mal d'vne fluxion qui me dure encore. Les vacations empescherent que la Compagnie ne fust nombreuse. Il y vint pourtant de bonnes testes, entre autres Messieurs Petit et Auzout, grands scauans en Mechanique, le premier sur tout passionné pour ces sortes d'Automates, et qui a tousjours des Ouuriers ches luy pour y trauailler. Cettuy cy ayant veu auec attention les deux Pieces creut dabord que ne seruant qua marquer justement les minutes et les secondes, elles ne contribueroient rien a la perfection des Obseruations Astronomiques que les Horloges, dont nos gens se seruent pour cela, ne fissent aussi bien. Mais depuis ayant compris que vous pretendiés qu'elles seruiroient principalement à regler le mouuement de l'Horloge si fort selon le cours du Soleil qu'il n'y auroit jamais d'erreur et que la diuersité des saisons de lhumidite ni de la secheresse etc. ni apporteroit la moindre alteration du monde, il tomba d'accord que l'inuention en seroit singuliere si l'execution respondoit au dessein et me pria de luy prester les Pieces pour les considerer encore, et pour occuper son ouurier a vne horloge selon vostre designation s'il en demeuroit bien persuadé. Lors qu'il me vint faire cette prière je luy promis de luy donner satisfaction apres que j'aurois fait voir ces Pieces a Monsieur le Duc de Luynes⁴⁾, dont il mauoit fait tesmoigner la plus grande impatience du monde ayant sceu qu'elles me deuoient venir. Ie les enuoyay le lendemain à ce Seigneur et je les attens dans peu de jours, le lieu où il est maintenant n'estant pas eloigné de Paris, afin d'en faire part a tous nos Curieux et d'accroistre aupres d'eux vostre gloire et entre tous a Monsieur de Roberual, qui verra la difference de vostre projet au sien duquel je vous enuoyeray vne nouuelle copie, si vous n'aués pas receu ma precedente. Monsieur de Monmor de son costé ma conjuré de scauoir de vous s'il y a desja de vos horloges de faittes en petit volume ches vos bons Ouuriers, quel prix ils y mettent et a qui il faudroit donner icy l'argent pour la faire acheter et la luy faire rendre seurement. En ce cas il vous supplieroit de vouloir prendre la peine de la choisir vousmesme et de voir a loysir si elle se trouuera bien executée selon vos regles et vos mesures. C'est vne Personne vertueuse et de qualité et qui a vne parfaitte estime pour vous, et vous receures je m'assure sa priere agreablement. Ie le luy ay au moins fait esperer et vous m'obligerés de me mander prontement ce que je luy dois dire sur cet article. Ie suis en peine de la sante de Monsieur Heinsius que Monsieur Bigot nous a escrit icy qui n'estoit pas bonne, et que c'estoit cela seulement qui l'auoit empesché de me faire scauoir de ses nouuelles. Ie m'estois resjouy de son dernier employ⁵⁾ qui est sans doute plus selon son genie et où Messieurs les Estats seront le mieux seruis de luy. En me respondant vous m'obligerés

4) Voir la Lettre N^o. 470, note 3.

5) Heinsius fut nommé pour la seconde fois résident des Provinces Unies en Suède: mais, à cause de sa santé, il ne partit qu'en 1660.

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de m'expliquer ce qui le regarde soit pour la fortune⁶⁾, soit pour la santé. Vous estes les deux seuls de vos quartiers dont la haute vertu m'est connuë et à qui j'ay vn veritable attachement, et il mest egalement doux de vous scauoir amis et de scauoir que vous maymés. Continues tous deux a bien meriter du Public par vos trauaux. Surtout vous deués en particulier songer serieusement a la publication du Systeme de Saturne auec ses preuues et ses justifications. Ie suis autant que vous le scauriés desirer

Monsieur

Vostre treshumble et tresobeissant seruiteur, Chapelain.

A Monsieur Monsieur Christianus Huggens

A la Haye.

6) Margaretha Wullen, qui avait reçu de Heinsius des promesses de mariage, lui intenta un procès, qu'elle gagna. Heinsius en appela à la cour de la Hollande, qui pourtant confirma cette décision. En 1668, après son retour de la Suède, il tàcha en vain de faire casser cet arrêt.