Oeuvres complètes. Tome I. Correspondance 1638-1656

N^o 299.
Christiaan Huygens à J. Chapelain.
8 juin 1656.

La minute et la copie se trouvent à Leiden, coll. Huygens.
La lettre est la réponse au No. 278. J. Chapelain y répondit par le No. 304.

Sommaire:
Excuse d'avoir attendu. du stile. Remerciments. Montmor. Académie. Est cause que je n'ay pas estê prevenu par les Anglois. Fausse prophetie. Si tout eust repondu à mes predictions j'eusse acheve mon systeme. me tiens a mon hypothese. attendre l'annee qui vient. Hevelius pas si bonnes lunettes. La miene est admirable. Son oeuvre de la Pucelle. Esprit et jugement. scavoir.

A Monsieur Chapelain.

8 Jun. 1656.

Monsieur

Vostre lettre m'ayant remply de sentiments de reconnoissance m'a empesche en mesme temps de vous les faire scavoir, parce qu'en monstrant que vous preniez garde a ma mauvaise façon de m'exprimer, c'a estè vrayement le moyen de m'imposer silence. Toutefois la confusion que j'en receus d'abord s'estant diminuee par le temps, j'ay veu que sans m'en attirer une plus grande, je ne pouvois plus demeurer sans vous temoigner à quel point je vous suis redevable. Je le suis d'avantage que vous ne scavez Monsieur, et ne vous doibs pas seulement remercier du soin que vous avez eu de ma gloire en debitant ma nouvelle observation dans vos illustres assemblees et la communiquant à Monsieur de Montmor de qui vous m'avez appris à connoistre le merite. mais aussy de ce que vous estes cause que l'on ne m'ait pas prevenu dans la publication de cette nouvelle decouverte. Car

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apres que j'en eus envoyè des exemplaires en Angleterre, l'on m'a fait entendre que presque en mesme temps, l'on avoyt remarquè la mesme Estoile en ce pais là, et que sa periode estoyt de 16 jours. Mais leur industrie qui autrement auroit pu obscurcir la miene, ne sert à cet heure qu'a prouver que ma relation est veritable. Je l'avois aussy fait scavoir a Monsieur Hevelius qui a eu de la peine à la croire n'ayant pas d'assez bonnes lunettes pour en estre rendu temoin oculaire. Et pourtant il espere d'expliquer la cause des merveilleuses apparences de Saturne, des quelles il a escrit un traictè qu'il a promis de m'envoyer bientost. Celuy que j'avois entrepris a receu quelque retardement, a cause que les anses de Saturne ne sont pas encore revenues ainsi que je me l'estois imaginè. Ce qui ne renverse pas pourtant mon hypothese mais me contraint d'attendre jusques à l'annee qui vient, qui asseurement produira d'estranges apparitions, et ma grande lunette de 24 pieds estant d'un merveilleux effect je ne doubte pas que je ne descouvre tout ce que desire scavoir pour parfaire le systeme. Mais je vous entretiens peut estre trop longtemps sur ce subjet, quoyqu'avec moins de scrupule, quand je considere que maintenant que vous avez parachevè vostre grand et excellent Poeme¹⁾ vous pouvez vacquer aux estudes de Philosophie, et speculations astronomiques avec plus de loisir et d'attention que par le passè. Je n'en abuseray pas pourtant ny de l'un ny de l'autre, et finiray icy apres vous avoir suppliè de croire que je suis de tout mon coeur

Monsieur

Vostre treshumble et tres obeissant Serviteur

1) Jean Chapelain. La Pucelle, ou la France délivrée, poème héroique en 12 chants. Paris. Courbé 1656. gr. in-fol. avec 18 figures et portraits de l'auteur et du Duc de Longueville, gravés par A. Bosse.
Chapelain avait travaillé à cet ouvrage pendant vingt ans. Cette première édition, contenant douze chants, est d'exécution magnifique; le poème fut réimprimé plusieurs fois.
Les autres douze chants, en 200 vers, n'ont jamais vu le jour: le manuscrit se conserve dans la Bibliothèque Nationale de Paris.