La nation hollandaise
(1825)–Jan Frederik Helmers– Auteursrechtvrij
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Chant Des Bardes. | |
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Deux bardes.
Périsse le mortel impie
Dont le coeur corrompu méconnaît sa patrie,
Qui répand sur les lieux où son oeil vit le jour
Les poisons de la calomnie,
Et, lâchement parjure, avilit le séjour
Où dort de ses aïeux la cendre qu'il renie!
Qu'il meure sous le joug! que son nom fasse horreur!
Que son corps des vautours devienne la pâture,
Et que sur ses enfans, rebut de la nature,
Pèse un éternel déshonneur!
Le Rhin, dans sa course féconde,
Promène de ses flots la noble majesté;
Mais c'est sous nos climats qu'il verse avec fierté
Les doubles tributs de son onde.
Quel ciel, mieux que le nôtre, offre à l'oeil enchanté
Le riant émail des prairies?
Cérès protége ici nos plaines embellies;
Sous nos chênes touffus bondit l'hôte des bois,
Et poussant vers nos bords ses vagues asservies,
Neptune courroucé se soumet à nos lois.
De tes champs de lauriers, Rome, sois glorieuse;
De Bacchus vante les trésors:
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Le chêne lève ici sa tête audacieuse,
Et le Rhin abreuve nos bords.
Esclaves! vantez-nous vos superbes théâtres,
Où vous-mêmes, lâches acteurs,
Vous osez sans rougir, bassement idolâtres,
D'un tyran abhorré mendier les faveurs.
Nous aussi, nous avons et nos jeux et nos danses;
Mais l'arène est plus noble, et le fer de nos lances,
Nos dards aigus, nos pesans boucliers
Sont de ces jeux les appareils guerriers.
L'orgueil des monumens ne fait pas notre gloire;
Un modeste gazon couvre ici nos aïeux;
Mais gravés dans notre mémoire,
Ils restent parmi nous, nous vivons avec eux;
Mais éternellement notre âme enorgueillie
Sait révérer le sein qui nous donna la vie.
Dans les étroits parvis d'un temple injurieux,
Nous ne renfermons pas la suprême puissance:
Sous le dôme d'un chêne immense,
Nous offrons à Wodan notre encens et nos voeux.
Jaloux de notre gloire et fiers d'être Bataves,
Nous brûlons d'égaler nos ancêtres divins:
Ah! leurs restes sacrés, sur la terre des braves,
Ne tomberont jamais au pouvoir des Romains.
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Il est doux de mourir où reposent nos pères,
Sur le sol où nos fils ouvrirent leurs paupières,
Où l'objet adoré de nos premiers amours
Épancha ses aveux dans notre âme sincère,
Où la compagne de nos jours
Reçut le tendre nom de mère!
Quels que soient les climats que le soleil éclaire,
Réchauffe-t-il de plus beaux lieux
Que les champs de la Batavie?
C'est ici le berceau fameux,
C'est ici l'heureuse patrie
De ces nobles guerriers, de ces héros vengeurs,
Des vils brigands du Tibre immortels destructeurs!
Choeur.
Réveillez-vous, cordes sacrées!
Un concert de louange est monté jusqu'aux cieux.
Bardes! que vos harpes dorées
Enfantent sous vos doigts des sons harmonieux:
Ministres de Wodan, vous chantez nos aïeux!
Comme une flamme radieuse
Nos voix s'élèvent dans les airs!
Pensent-ils ces Romains, cette race odieuse,
Nous ravir notre gloire et nous charger de fers?
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Un amas de brouillards, une vapeur grossière
Peuvent-ils voiler la lumière
De ce soleil majestueux
Qui de la Germanie a su fixer les yeux?
Non, non: fiers descendans d'un lâclie fratricide,
Envain vous implorez vos dieux:
Vous n'accomplirez pas votre dessein perfide.
Et toi, fils de Saturne, en tes puissantes mains,
Tu laissas dormir ton tonnerre,
Quand le fer de Brennus épouvantant la terre,
Comme un faible roseau renversa les Romains!
Choeur de bardes.
Réveillez-vous, cordes sacrées!
Un concert de louange est monté jusqu'aux cieux.
Bardes! que vos harpes dorées
Enfantent sous vos doigts des sons harmonieux:
Ministres de Wodan, vous chantez nos aïeux!
Deux bardes.
Dieu du Rhin, bientôt sur nos plages,
Au bruit glorieux de tes flots,
Tu verras ces altiers bourreaux
Enchaînés, guider nos troupeaux
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Vers nos fertiles pâturages.
Dans la misère ensevelis,
Brigands méprisés, race impie,
Vous serez à jamais de nos fils
Le jouet et la raillerie!
Courbés sous le poids des entraves,
Vous sentirez nos fouets sanglans,
Et vos troupes de vils esclaves
Obéiront à des enfans!
Dans vos orgueilleux murs respirant le carnage,
Vous vous croyez les dieux de ce vaste univers:
Nos fidèles héros ont armé leur courage;
Tremblez! devant vos pas des gouffres sont ouverts.
Vous descendez en vain vos Alpes éternelles:
Approchez, voici vos tombeaux!
Écoutez, écoutez ces voraces oiseaux!
Ils attendent leur proie, ils agitent leurs ailes;
De vos dépouilles criminelles
Ils réclament déjà les horribles lambeaux!
Voyez le chêne antique étalant son ombrage,
Pour les fils de Batton déployer sa splendeur!
Dans les bois de Wodan son superbe feuillage
Doit orner le front du vainqueur.
De vos habits sacrés, vierges, parez vos charmes!
Jeunes guerriers, prenez vos armes;
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Entendez-vous le signal des combats?
L'arbre divin frémit, et, fier de vos conquêtes,
Déjà s'est incliné pour couronner vos têtes:
Marchez! voici l'instant de signaler vos bras.
Choeur de bardes.
Réveillez-vous, cordes sacrées!
Un concert de louange est monté jusqu'aux cieux.
Bardes! que vos harpes dorées
Enfantent sous vos doigts des sons harmonieux:
Ministres de Wodan, vous chantez nos aïeux!
Qu'un hymne solennel ici se fasse entendre!
Le Rhin, prodigue de ses flots,
Sur nos sillons aime à répandre
La fécondité de ses eaux,
Et, de son char de feu, l'astre qui nous éclaire
Verse sa plus pure lumière
Sur le rivage des héros!
Deux bardes.
Oui! oui! nous sommes vains de nos titres de gloire.
Bataves! c'est ici, dans vos vastes forêts,
Qu'invisible aux mortels, sur un trône d'ivoire,
La belle Hertha brille de mille attraits;
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Ici, ses fiers taureaux se reposent en paix;
Ici, pour la rendre propice,
Le sang des animaux ruisselle en sacrifice,
Quand aux charmes du bain confiant son bean corps,
Loin des profanes yeux, vierge pure et timide,
Dans les flots d'un cristal limpide,
Elle vient dévoiler ses célestes trésors.
Heureux, heureux celui qu'un destin tutélaire
A fait naître sous notre ciel!
Pressé sur le sein maternel,
Ici, le jeune enfant sourit mieux à sa mère;
Les rayons du matin sont plus doux sur nos bords;
Ici, le rossignol redit mieux ses accords;
Ici, vous répandez des larmes moins amères;
Ici, la lumière des cieux
Dore avec plus d'éclat le tombeau de vos pères;
Ici paisiblement la mort ferme vos yeux!
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