Rymkronyk van Jan van Heelu betreffende den slag van Woeringen van het jaer 1288
(1836)–Jan van Heelu– Auteursrechtvrij§ VII. De l'administration, du commerce et des moeurs du Brabant, a la même époque.En retour des sacrifices que le dévouement du peuple brabançon n'avait cessé de prodiguer au prince, pour le soutenir dans ses guerres, Jean Ier lui concéda de grands priviléges et des lois fort sages; et par des institutions qui tendaient à établir une certaine cohésion entre les divers élémens de l'ordre social, il jeta les fondemens d'un pouvoir protecteur et d'une autorité plus centrale. Sous lui, le peuple commençait à voir, à travers les accidens anarchiques, autre chose que la domination locale des seigneurs chêtelains, et paya de sa sympathie les efforts que fit le prince pour faire surgir l'unité nationale. Au moyen des landkeuren de l'année 1292 (Dipl. nos 183, | |
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184), l'administration de la justice acquit de l'uniformité en Brabant, et produisit des résultats salutaires, jusque dans les lieux où il n'y ayait eu auparavant ni loi ni jugement (pag. 553). C'est ainsi que le testament de Henri III fut constamment la règle de conduite de son digne fils. Signaler tout ce qu'il y a de remarquable sous le point de vue judiciaire dans les diplômes émanés du duc Jean, sera l'oeuvre de ceux que la commission d'histoire, par la publication des chroniques belges, appelle à moissonner dorénavant dans le champ de nos antiquités nationales. Nous nous contenterons de faire remarquer quelles étaient les vues libérales de ce prince, à l'égard des matières si diversement controversées de nos jours: nous voulons parler de la nomination ou de l'élection des officiers municipaux, et de la protection accordée aux étrangers. On sait que déjà antérieurement à l'avénement du duc Jean, le peuple des villes nommait périodiquement ses échevins et ses jurésGa naar voetnoot1. Mais dans ces villes, le prince avait des officiers, tels que l'amman de Bruxelles, le mayeur de Louvain et de Tirlemont, l'écoutète d'Anvers et de Bois-le-Buc, le villicus d'Herenthals et de LéauGa naar voetnoot2, le bailli de Nivelles, et d'autres qui représentaient le souverain dans leurs localités respectives, et qu'il nommait et révoquait à sa volonté. Jean Ier consentit encore, par la charte de l'année 1292, à ce que le peuple se choisît lui-même les sous-mayeurs et les officiers supérieurs dits votsterenGa naar voetnoot3. ‘Ceux qui seront élus par la majeure partie des habitans (dit-il), Nous les nommerons, sous réserve de pouvoir les révoquer à notre volonté. Mais si quelqu' officier élu est démis de | |
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ses fonctions par Nous, les habitans en choisiront un autre, et celui-là Nous le leur donnerons (pag. 547). ’ Dans la même charte, et par une assimilation aussi bizarre que peu révérencielle, les lombards et les juifs furent placés sur la même ligne que les moines, les nonnes et les autres membres d'ordres religieux. ‘ J'en ferai à ma volonté,’ dit le duc. Il traita avec plus d'égard les étrangers qui voulaient établir leur demeure en Brabant. Répugnant à leur appliquer des lois qu'ils n'avaient point faites, ou qu'ils étaient censés ignorer, il ordonna que ces étrangers, avec leurs familles et leurs enfans, fussent admis à vivre dans ce pays en jouissant des mêmes droits et libertés quils avaient eus chez, eux, pourvu qu'ils en justifiassent (pag. 546, 553). Est-il possible d'imaginer une mesure plus libérale? Sous un tel prince, le commerce ne pouvait manquer de prospérer, et les villes, siéges ordinaires de l'industrie d'un peuple, durent acquérir une puissance qu'elles n'avaient point connue jusque là. Aussi les voyons-nous, dès le commencement de son règne, exercer une influence marquée sur les destinées de la patrie (Dipl. no 1), établir des relations avec des villes commerçantes de l'étrangerGa naar voetnoot1 et se créer des ressources de tout genre. On sait que ce fut uniquement pour affranchir le commerce sur le Rhin que Jean Ier mit le siége devant Woeringen. Il avait fait, dans ce but, un traité fort recommandable sous tous les rapports, et que nous aimons à citer comme un monument de sa sollieitude (Dipl. no 18). Pour faire apprécier le degré d'extension des rapports commerciaux où était parvenu le Brabant, nous ferons remarquer que l'argent de ce pays commençait à être fréquemment employé pour les transactions pécuniaires, même à l'étranger. Nous ne citerons que les diplômes imprimés dans ce volume. Les valeurs en monnaie bra- | |
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bançonne sont stipulées dans les actes de l'évêque et des habitans de la ville de Liége, diplômes nos 19, 44, 71; de l'archevêque de Cologne, no 68; du comte de Flandre, nos 145, 147,149; du comte de Gueldre, nos 17, 94; du comte de Berg, no 93; de Waleran de Luxembourg, no 69; et des sires de Lonchin, nos 132 et 133. L'argent de Cologne n'est mentionné par les princes étrangers que dans les diplômes 141, 146, 161 et 169, et dans les conventions qui concernent exclusivement le pays ou l'archevêque de Cologne. Il est vrai que les livres tournois et les livres parisis sont employées dans un plus grand nombre d'actes; mais alors il s'agit presque toujours de sommes empruntées ou à emprunter par l'intervention des lombards d'Arras ou de Paris. A côté des améliorations que nous venons de signaler dans les institutions et le commerce du Brabant, nous avons à considérer l'état des moeurs du peuple établi sur son sol. Peu de mots suffiront pour en esquisser le tableau. De même que l'état des propriétés et des personnes, les honneurs, les distinctions, et l'ordre politique en général, furent réglés par les principes de la féodalité, de même les devoirs de famille (féodalité éternelle!) marquaient alors très-fortement et prévalurent dans l'ordre moral. La civilisation n'étant qu'à. peine ébauchée, ces élémens naturels du corps social se montraient dans toute leur rudesse. Être fidèle à sa race constituait la suprême vertu, dont la religion même ne pouvait détacher l'homme. La force et la valeur s'attribuaient au sang, et c'est pourquoi on comptait la parenté selon l'esprit militaire. On appartenait à quelqu'un par l'épée ou par le fuseauGa naar voetnoot1. Dévier du nom ou de l'honneur de ses ancêtres dans les combats, c'était pire que recevoir la mort (vs. 5068, 6507, 7704). Il fallait à tout prix soutenir son origine (sinen hogen aert houden, vs, 4700, 5475, | |
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6734, 6890, 7157, 7859, 8111). Le dévouement du chevalier Gosuin Van Den Borne a fourni à Van Heelu un touchant épisode que Butkens a traduit en français (vs. 6420 à 6528). Et lorsque Renaud de Gueldre fut sur le point d'être pris, le comte de Loz, quoique dans les rangs de ses adversaires, se sentit ému, et s'efforça de dégager son parent, afin de favoriser son évasion. Vs. 6611 Alsoe sciere als hem wert cont
Hoet metten grave van Gelre stont,
Toghene natuere van maechscape
Chaque famille formait un corps séparé, une société distincte (die geslechte, vs. 7165, 7186, 7266, 7328, 7709). L'outrage fait à un seul membre était ressenti par tout le corps, ce qui constituait la faida (veete, wierre, vendetta): Vs. 3832 Een ridder, her Jordaen
Van Stocheem bleef doot,
Daer die veede af wert soo groot
Ainsi, les Blanckaerts et les Colveneren (vs. 233), les Schaefdriesch et les Mulrepas (vs. 1504, 5121) se firent entre eux une guerre à mort, et la loi même, consacrant ces haines de famille, reconnaissait le droit de vengeance privée, tout en adoucissant l'exercice de ce droit par des trèves (ende daerna sal elc plegen sijnre veden, p. 545). Les réconciliations s'opéraient par des compositions selon les règles tracées dans la charte no 183, ou bien, à la guerre, par des acts dits urphedae (Dipl. 97, 99-104, 109, 126). Nous ne nous étendrons pas plus loin sur les principes généraux qui dominaient alors la société. Il suffit d'en avoir indiqué le plus fort, pour qu'on puisse se représenter les actions de la vie publique et privée, qui en découlaient chez nos ancêtres, à la fin XIIIe siècle. |
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