Rymkronyk van Jan van Heelu betreffende den slag van Woeringen van het jaer 1288
(1836)–Jan van Heelu– Auteursrechtvrij
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§ VIII. Conclusion.- éloge de Jean Ier.Poux compléter la revue sommaire des matières traitées dans ce volume, il nous reste à prendre une conclusion et à porter un jugement sur le caractère de Jean Ier, le héros du poème de Van Heelu. Voyons ce qu'ont pensé de lui ses contemporains. En Brabant, il n'y avait qu'une voix pour chanter les louanges du vainqueur de Woeringen. De Klerk le dépeint comme un prince ‘ sage, vaillant, hardi, d'un caractère généreux et bienfaisant, qui répandait des richesses sur tous ceux qui l'entouraient; qui dé-truisit les repaires des brigands dont souffrait le commerce sur les é grandes routes; aimant et fréquentant les tournois, dans lesquels il se montra seigneur libéral envers les pauvres chevaliers, et jouteur invincibleGa naar voetnoot1; du reste guerrier téméraire, toujours prêt à venger l'honneur outragé; facile à enflammer, mais ne manquant jamais à sa parole, ou à la foi donnée. Quand il était en colère, il avait le regard terrible, et personne n'osait l'approcher. On l'a vu alors briser avec ses dents un bâton qu'il tenait à la main; mais cela ne durait qu'un instant. Dans toutes les fêtes, dans tous les lieux qui attiraient sa présence, il prouva par ses actions et par ses manières qu'il était un digne rejeton du noble sang de Charlemagne. Les marchands étrangers pouvaient circuler librement dans son duché avec leur argent et leurs marchandises; même les personnes qui vinrent de pays ennemis, ou qui lui avaient causé du mal, il ne les inquiéta pas dans leurs affaires en Brabant, C'est ce qui fit que les Brabançons furent également bien reçus a l'étranger, où on les | |
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honora par respeet pour un prince qui rendit son peuple à la fois libre et puissant. ’ Dese edele hertoghe Jan,
Daer ic u seggen af began,
Die was wijs, vrome ende coene,
Ende stout in al sinen doene,
Goedertieren ende melde:
Wie hem an hem gheselde
Moeste bi hem werden rike.
Hi doerstreet vromelike
Tusscen der Mase ende den Rine dlant,
Soe dat hem al ginc in hant,
Ende bleef onder sire roeden.
Roefhuse, die daer stoeden,
Die den comannen daden toren,
Die haer goet daer voren verloren,
Die brac hi ende waerp neder,
Soe dat pays was ye seder.
Tornoye die minde hi sere,
Ende daer gheliet hi hem als een here;
Ende soe boech hem al datti voer hem vant:
Soe vrome was hi metter hant.
Alse hi vernam dat men striden soude,
Soe verfierde hi, als die Boude,
Ende wert groot in sinen moet,
Ghelijc als die leeu doet.
Hi en liet noyt ghenen man
Sine wapene dragen an,
Daer hi selve striden soude,
Om datti altoes woude,
Waer dat men sijn teken sochte
Dat menne daer vinden mochte;
Want hijt selve woude wreken.
Dit waren der edelheit treken.
Van alder werelt was hi ontsien.
Hi hadde een vreeselic aensien
Welc tijt dat hi was erre,
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Ende dan hadde tfolc liever verre
Te sine, dan hem bat naer.
Enen stoc, dat es waer,
Dien beet hi al ontwee
Als hem gramscap dede wee;
Maer onlanghe hilt hijt in sinen moet.
Maten ridders dedi goet
In allen landen daer hise vant,
Die vrome waren metter hant.
Tornoye ende tafelronden,
Die minde hi in allen stonden,
Ende daer soe gaf hi tetene dan
Hoechlijc, als een machtich man.
Cost noch pine hi noyt en clagede
Daer hi ere met bejagede.
Hine brac noyt man, op ghene stonde,
Dat hi gheloefde metten monde.
Waer hi quam tallen feesten
Was hi prinche vanden meesten.
Sine daden ende sine seden
Toenden wel, in elker steden
Waer hi quam, vroech ende spade,
Datti was van Karels sade.
Comanne uut sire vianden lande
Mochten voeren gelt ende pande
In sijn lant, vroech ende spade.
Tort yement (daer), die hem scade
Oft onraste hadde gedaen,
Dus vri si mochten gaen
In Brabant comanne alderhande,
Al waren si uut sire vianden lande.
Ende sine lieden mochten varen
Al die werelt dore, sonder sparen,
Sonder ontsien van enegen here:
Waer si quamen men dede hen ere
Om haers heren wille tshertogen.
Dus vri ende dus vermogen
Hilt hi sine liede in sijn lant.
Voer Gode moet hi sijn becant
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In sijn heileich hemelrike,
Dat duren sal ewelikeGa naar voetnoot1!
Cet éloge est confirmé par le témoignage de Melis StokeGa naar voetnoot2 et de Lodewyk Van Velthem, toutefois avec cette restriction que le duc aimait trop les tournois et les femmes. Die hertoge oec sonderlingen
Dede spele maken, harentare,
Om vrouwen, om joncfrouwen openbare;
Want al dat hi conde viseren,
Daer hi haers willen met conde anteren,
Ende om sinen wille te vorderne met,
Dit dede hi oec al ongelet.
Sint dattie strijt te Woronc gevel,
So dedi selden yewert el
Dan hi jostierspel antierde,
Oft met vrouwen was, of tornierdeGa naar voetnoot3.
A cause de cette galanterie un peu excessive de Jean Ier, Jean de Thielrode le dépeint comme un prince adonné aux plaisirs de ce monde: O vos, jocundi,
Spernatis gaudia mundi;
Nam cito labuntur,
Et tristia fine sequuntur.
Ecce Brabantorum
Dux miliciae, Leo dictus
Et Deus armorum;
Veneris dilexerat ictus;
Jostator bellis
Fuit optimus ac domicellis, etc.Ga naar voetnoot4.
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En effet, les neuf chansons que nous possédons du duc JeanGa naar voetnoot1 démontrent que ce prince aimait autant à triompher des rigueurs d'une belle, qu'à désarcçonner un chevalier bardé de fer. Le style est l'homme, dit-on; c'est pourquoi nous allons transcrire ici une de ses chansonnettes amoureuses, en la faisant suivre d'une traduction française. Elle appartient au genre des pastourelles, et ressemble par son contenu à quelques pièces de Tibaud, comte de Champagne, et à l'une des chansons de Henri III, duc de Brabant. 1.
Eens meien morgens vroege
Was ic opgestaen;
In een scoen boemgardekin
Soudic spelen gaen:
Daer vant ic drie joncfrouwen staen:
Si waren soe welgedaen.
Dene sanc vore, dauder sanc na:
Harba lorifa, harba harba lorifa, harba lorifa.
2.
Doe ic versach dat scone cruut
In den boemgardekijn,
Ende ic verhorde dat suete geluut
Van die mageden fijn,
Doe verblide dat herte mijn
Dat ic moeste singen na:
Harba lorifa, harba harba lorifa, harba lorifa.
3.
Ic groette die alderscoenste
Die daer onder stont.
Ic liet mine arme alom begaen.
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Doe, ter selver stont,
Woudicse cussen an haren mont:
Si sprac: Laet staen, laet staen, laet staen.
Harba lorifa, harba harba lorifa, harba lorifa.
‘ Un jour de mai, je m'étais levé de grand matin, et j'allai dans un beau verger pour me divertir. Là je trouvai trois jeunes damoiselles. Ah! qu'elles étaient bien! Elles chantaient tour-à-tour: harba lorifa, harba lorifa. A l'aspect de la belle verdure que m'offrait le verger, et charmé de la douce voix de ces aimables fillettes, mon coeur bondit de joie. J'étais forcé de répéter en chantant: harba lorifa, harba lorifa. J'accostai la plus belle; puis, passant mes bras autour de sa taille, je voulus lui donner un baiser sur la bouche. Elle dit: cessez! cessez! cessez! harba lorifa, harba lorifa. ’ Hocsemius et Jean de Thieldrode reprochent à notre duc d'avoir trop vexé son peuple par des exactions; accusation un peu vague, et à laquelle peuvent répondre la charte sur les prestations militaires de l'année 1284, celle sur le vingtième denier, et plus encore les landkeuren et les avantages commerciaux dont ce prince a doté le pays. Pour ce qui concerne le bref du pape (Dipl. no 134), dans lequel Jean Ier est compté parmi les fils de l'iniquité, nous savons que le saint Père avait été mal informé sur les causes de l'emprisonnement de l'archevêque de Cologne, et que de nombreux diplômes cités par DiercxsensGa naar voetnoot1 prouvent la piété du prince, et sa sollicitude pour les intérêts de l'église. A son retour de Woeringen tout le clergé du Brabant alla à sa rencontre. Doe die hertoge was genesen
Reet hi te Brabant wert saen,
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Daer hi was eerlike ontfaen
Van monken, van papen, ende van nonnen,
Van begginen, die alle ronnen
Met processen hem iegen daer,
Met crucen, met heildoem vorwaer,
Devotelike singende almede.
Dus ontfinc menne in elke stede
Om dat hi den zege had gewonnenGa naar voetnoot1.
Sa popularité devait être grande, même à l'étranger; et à cet égard, nous pouvons citer l'alliance contractée avec les habitans de Liége. C'est un document du plus haut intérêt (Dipl. no 71). La noblesse et la générosité de son caractère sont prouvées par plusieurs actes, et surtout par sa conduite envers le comte de Nassau et envers le sire de Fauquemont (Dipl. no 204). Il encouragea les lettres (pag. 354). Il s'est montré bon père, faisant intervenir son fils dans les transactions les plus importantes (Dipl. nos 98, 173, 174); il aima tendrement son frère Godefroid, et se dévoua pour sa soeur, la reine de France, faussement accusée par Pierre de la Brosse. Nous connaissons peu ses rapports journaliers avec le peuple; nous ignorons si, é l'exemple du duc Henri Ier, il tint parfois sa cour dans une grange (Dipl. no 212); mais nous savons que sa sagesse égala sa valeur; que l'empereur Adolphe le jugea digne d'être son lieutenant dans les pays sur le Rhin, et que plusieurs princes le choisirent pour arbitre dans les questions les plus graves. Lorsqu'Édouard Ier, roi d'Angleterre, eut proposé au comte de Flandre une alliance entre les deux pays en mariant son fils à la fille du comte, celui-ci ne trouva point dans les conseillers qui l'entouraient assez de lumières pour prendre une détermination. Il se transporta avec l'ambassade anglaise dans la ville de Lierre, auprès du | |
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lit de mort du duc Jean, et c'est là que fut arrêté le plan d'une confédération entre les peuples d'origine gemanique, dont l'exécution eût été la plus propre à assurer l'indépendance de la Belgique, et eût empêché à jamais l'influence désastreuse que la France a exercée sur nos provinces depuis le XIVe siècle. Il nous est donc permis de conclure que Jean Ier a été l'un des princes les plus distingués de son temps, et que ce n'est pas sans raison quo, dans les Insignia gentilitia ducum Brabantioe, on lui a donné l'épigraphe: AETERNITATI LABORO. |
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