Rymkronyk van Jan van Heelu betreffende den slag van Woeringen van het jaer 1288
(1836)–Jan van Heelu– Auteursrechtvrij
[pagina L]
| |
§ VI. De la manière de faire la guerre sous Jean Ier.Le peuple brabançon n'était pas tenu de répondre à l'appel de son souverain, s'il lui prénait envie de faire la guerre en pays étranger, ou pour d'autres motifs que la défense de la patrie menacée. Quand Jean Ier eut obtenu l'assistance de ses sujets pour entrer à main armée dans le Limbourg, il fit acte de non-préjudice en ces termes: ‘ Nous Jehans par le grace Diu dus de Lothier et de Brabant, faisons à savoir à tous ceaus ki ces présentes lettres verront et oront, ke comme noble homme, chevalier, bourgeois, et tout nostre homme de nostre terre de Brabant, Nous aient fait amour et service de Nous presteir gens à armes, à leur frais et à leur coust, en le besongne ke Nous avons emprise sur les covenances ke Nous avons faites au conte des Mons, de mariage de nos enfans, sur le ducié de Lembourch, dont on Nous veut deshireteir, lequeil service il ne sont tenut de faire à Nous ne à nostres, ne onques ne fisent à Nous ne à nos ancestres, ne requerre ne leur poons, ne devons, ne nostre successeur dorenavant. Nous leur promettons par nostre foi crantée loaument et en bone foit et sur no serrement, pour Nous et pour nos successeurs, ke teil service Nous ne leur requerrons ne demanderons dorenavant, ne ferons requerre ne demandeir pour Nous ne pour autrui. Et pour ce ke ce soit ferme chose et estavle Nous avons ces présentes lettres saellées de nostre saiel. Prions nobles homes Godefroi de Brabant, segneur d'Arscot et de Virson, nostre chier frere, Henri de Louvain, segneur de Harstalle, nostre chier cousin, et Wautier Bertaut, segneur de Malines, no feables, k'il i pendent leurs saeaus avec le nostre, en temongnage de veriteit. Et Nous, Godefroi de Brabant, sires d'Arscot et de Virson, et li autre deseur nommeit, à le priere et à le requeste nostre chier segneur le duc, | |
[pagina LI]
| |
avons pendus nos saeaus avec le sien à ces présentos lettres, en tesmongnage de veriteit, et en seguriteit de ces choses. Che fu fait et doneit en l'an de le incarnacion nostre segneur mil deus cens quatrevins et trois, le lundi apres les witaves de le ThiefaineGa naar voetnoot1. ’ L'assentiment de la nation obtenu, le duc pouvait faire publier le ban et l'arrère-ban, que l'on nommait heervaert (expédition militaire), en indiquant le lieu de réunion (die gaderinge, vs. 1225, 2868, 4245, 5998). L'appel se faisait au son de la clocheGa naar voetnoot2, et ceux qui n'y répondaient pas étaient punis de mort ou perdaient leurs bénéfices, ou enfin payaient des amendes pécuniaires, selon la gravité des circonstances et les usages locauxGa naar voetnoot3. On distinguait, pour le service militaire, entre guerres de nation à nation (volcwych, vs, 1228, 5268, 6879) et entre simples chevauchées. Celles-ci se faisaient aux frais du prince; mais lorsqu'une guerre avait lieu du consentement des habitans, ou pour la défense de l'État, les secours des vassaux et les subsides du peuple en fournissaient les moyens, Outre cela, le duc avait un certain nombre de gens de guerre à lui, qui subsistaient à ses propres dépens, ou vivaient dans ses terres. C'était sa maisnie, sa maison militaire, dont les devoirs sont tracés, du moins en partie, dans la charte de Grimberghe, de l'année 1292, publiée par Butkens. Pour le soutenir dans ses prétentions à la succession du Limbourg, le peuple brabançon avait donné à Jean Ier le vingtième de ses biens, comme on peut le voir dans un diplôme | |
[pagina LIJ]
| |
imprimé dans les Preuves du même auteur. Le duc y reconnaît ce service avec gratitude: ‘ Com il soit ainsi (dit-il) ke no chier amey, feable homme, qui signorie ont dedans nostre duchaine, et gens desous eaus, pour la utilité et le grand besoing ke il veoient ke Nous aviens, Nous aient donneit de leur gres, hors mes chevaliers, escuiers et gens estrains de lignage de chevaliers, la vintisme part de tous leurs biens, sans leurs manoirs et leur dettes ke il doivent, lequel on doit desconteir, sauf ce que Nous puissions tailler ceaus que Nous u no ancesseur avons taillé juskes à ores à no volontei; et ceste assavoir ke lesdis grace et bontés ke il Nous ont faict de leur volontei et ceste aussi Nous ne povons ne ne voulons traire à nulle usaige, car Nous connissons ke nul droit Nous n'i avons ne avoir devons, et connissons aussi ke de leur volontei et de pure grasce il le Nous ont donnei, etc.Ga naar voetnoot1 ’ La noblesse n'avait point dû contribuer dans cette prestation extraordinaire, parce qu'elle servait de sa personne et de sa bourse. Les villes de Louvain, Bruxelles, Anvers, Nivelles et Tirlemont, produisirent chacune une bannière sur le champ de bataille de WoeringenGa naar voetnoot2, et leurs gens étaient probablement des arbalétriers; car la cavalerie fut composée du contingent fourni par les fiefs, en proportion de l'importance du domaine de chaque seigneur. Il y eut des terres sur lesquelles on ne levait qu'un seul homme, la moitié d'un cheval de la valeur de cent escalins tournois, et la moitié d'une armure complète, dite harnaschGa naar voetnoot3 | |
[pagina LIIJ]
| |
Le cavalier portait un bouclier rond, un peu bombé en dehors, et qui se distinguait de la targe du piéton (vs. 1997) en ce que celle-ci était oblongue, échancrée par le haut, et se terminait en pointe par le bas. Quant aux armes offensives, Van Heelu les mentionne sous les dénominations de haches d'armes et d'épées (haecsen ende sweerden, vs. 6193, 6211), de lances et piques (spiten, staven, glavien, vs. 1875, 1897, 3325), de dagues ou coutelas (kniven, vs. 1445, 7117), et de masses d'armes avec ou sans pointes (prikellen, codden, vs. 6242, 6267), ou bien de l'espèce de celles que Roland et Olivier avaient portées à Roncevaux (wappen, wappers, vs. 5462). Les paysans s'armaient de bâtons, de massues ou de piques (clupplen, spieten, vs. 2971, 4310, 6254). Cependant les écrits du temps nomment encore d'autres armes, qui peut-être | |
[pagina LIV]
| |
ne s'employaient pas toutes é la guerre. Telles furent les bolten, steelbylen, cortoise colven, paffuten, goedendags, ghisermen, kudsen, loeden hamers, clofhamere, misermen, daggen, cromoorden, palsters, hessen, rutingen, engelsche dollen, et autres, dont il est fait mention dans les keures ou ordonnances des villes. L'armée étant réunie, on apportait l'étendard des ducs de Brabant conservé à l'abbaye d'AfflighemGa naar voetnoot1, et que le seigneur d'Assche avait le droit de porter comme guidon héréditaireGa naar voetnoot2. On se mettait en route au son du tambour et de la flûte (vs. 1994). Le sire de Wesemael, maréchal de l'armée (vs. 8054), assignait les quartiers pendant la marche, et réglait toutes les affaires du camp, jugeant et punissant les militaires qui s'étaient rendus coupables de quelque méfait. Il jouissait de grandes prérogatives; il avait la table du duc, du drap pour ses habits, le meilleur cheval de l'écurie après celui de son souverain, des chandelles, des gants, et, quand la guerre était finie, tout le linge et les meubles en bois de la cuisine du prince. Les vivandiers et les filles publiques, qui suivaient l'armée, lui payaient un tribut; enfin, les bestiaux pris sur l'ennemi et la troisième part de la rançon des prisonniers lui revenaient de droitGa naar voetnoot3. La place d'honneur au camp était à la droite de la maison du prince. Sous Jean Ier elle appartenait très-probablement encore à ceux de Louvain; mais plus tard la ville de Bruxelles disputa ce privilége à l'ancienne capitale du Brabant; car en 1340, Jean III, ayant pris conseil de ses capitaines et de ses chevaliers, dé- | |
[pagina LV]
| |
clara ‘ qu'il n'élait permis à personne de prendre un autre quartier que celui qui était assigné par le maréchal, puisque lui-même, tout duc qu'il était, il se soumettait à cette régle; ensuite, pour prévenir toute dispute, il ordonna que ceux de Louvain fussent logés à sa droite, toutes les fois que l'armée marcherait à l'ouest, au sud, ou au nord vers les frontières de la Flandre et du Hainaut, vers Malines ou Anvers; que si l'expédition regardait l'est ou le nord-est vers la Meuse, ou même le sud vers le comté de Namur, la bourgeoisie de Bruxelles occuperait cette même placeGa naar voetnoot1. ’ Les seigneurs de Grimberghe obtinrent, par la charte que nous avons citée plus haut, d'être toujours à la tête de l'armée attaquant les premiers (hebbende het voorvechten), et de former aussi l'arrière-garde; moyennant quoi ils étaient dispensés de l'obligation de faire sentinelleGa naar voetnoot2. Une fois sur le territoire de l'ennemi, on déployait les bannières, et on se livrait aussitôt aux plus horribles dévastations par le feu et les rapines: Vs. 2559 Met bannieren al ontploken
Ende dede vier anestoken.
La formule hi stichte roef ende brant se reproduit dans notre poème à chaque invasion (vs. 1870, 2525, 3728, 3756, 3873, 4070, 4094, etc.). Et plus on ravageait le malheureux pays, plus il y avait de honte pour celui qui ne pouvait y mettre obstacle (vs. 4074). Voilà ce qui s'appelait chez nous faire sortir le Brabant (Brabant ute brengen, vs. 668). | |
[pagina LVI]
| |
Pour attaquer les forteresses on se servait de machines de guerre nommées evenhoden et bliden: Vs. 3160 Met evenhoden ende met bliden,
dont on peut voir les figures dans l'Handvest-Chronyk de Van Der Houve, première partie, pag. 129 et 130Ga naar voetnoot1. Nous dirons peu de chose des autres opérations stratégiques, des ordonnances de bataille et des principes d'attaque et de défense, en usage chez nos pères. Ils suivaient en cela des règles assez généralement adoptées dans tous les pays de l'EuropeGa naar voetnoot2. Seulement nous nous arrêterons à quelques particularités de la journée de Woeringen, en les indiquant très-sommairement. Avant comme après la bataille des actes religieus rappellent aux guerriers qu'en combattant pour des intérêts mondains ils tuent pour l'éternité (vs. 4268, 4388, 4688, 8784). Le duc à cheval se tient à la tête de ses troupes, divisées en trois corps (vs. 3797, 4508). Il est gardé par deux chevaliers, dits breidelwachten, et son étendard est déployé près de lui (vs. 4464, 4752). Toutes les pièces de son armure sont aux armes du Brabant (de sable au lion d'or, vs. 4488). Il crée de nouveaux chevaliers avant d'engager le combat (vs. 4685, 8572). En général les families se tiennent ensemble (vs. 4536), et celle des Schaefdriesch, dans les rangs des Limbourgeois commandés par le comte de Luxembourg, sollicite l'honneur de commencer l'action (vs. 5119). D'ordinaire on attaque à la lance et on finit par tirer l'épée (vs. 1897, 1898). Soutenir le choc s'appelle die porsse dragen (vs. 1328, 8469), | |
[pagina LVIJ]
| |
et c'est à rompre les rangs ennemis que tient le succès et qu'on doit la victoire (dorriden, dorbreken, 1718, 4913, 6955, 7684, 8877). Pendant la mêlée chaque troupe fait entendre son cri de guerre (vs. 6290, 6335, 6722); mais les hommes de Fauquemont crient Monjoye et ne crient pas Fauquemont, parce que leur maître, comme seigneur de ce dernier endroit, était le vassal du duc Jean (vs. 6786). Abattre la bannière ennemie est le but où tendent tous les efforts (vs. 5353, 5796, 6148, 6180, 6585, 6601, 7897). Aussi long-temps que l'étendard de Brabant est debout, les trompettes ne cessent de sonner; quand il tombe, les ménétriers se taisent; mais ils recommencent leur musique aussitôt qu'ils le voient relevé (vs. 5668, 5743). Enfin, la victoire obtenue, on lie les prisonniers avec des cordes que des chariots ont apportées d'avance (vs. 4343), et l'arckevêque de Cologne et le comte do Gueldre eux-mêmes ne sont pas exemptés de ce cruel traitement (vs. 6132, 8754, 8764). |
|