Rymkronyk van Jan van Heelu betreffende den slag van Woeringen van het jaer 1288
(1836)–Jan van Heelu– Auteursrechtvrij§ V. Des causes et suites de la bataille de Woeringen.Dans divers tournois où assistaient d'un côté le duc Jean de Brabant, premier de ce nom, et de l'autre le comte Renaud de Gueldre, avec son beau-frère Waleran, sire de Fauquemont et de Monjoie, les deux derniers se montraient constamment les adversaires des che- | |
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valiers brabançons et de leur illustre chef. La valeur de celui-ci, manifestée par tant d'exploits, excita leur jalousie à un haut degré. De là une haine sourde entre les deux partis, qui ne demanda pas mieux quo de se montrer au grand jour, et qui trouva bientôt une occasion favorable d'éclater, quand la succession, ouverte par la mort de la duchesse de Limbourg, épouse de Renaud, eut suscité des prétentions auxquelles la guerre seule pouvait mettre un terme. Ermengarde, fille unique du dernier duc de Limbourg, était décédée sans délaisser d'enfant, deux années après son père, mort en 1280. Son héritier, selon l'ordre naturel, devait être Adolphe, comte de Berg, petit-fils de Henri de Limbourg, grand-père de cette princesse. A ce titre, et au témoignage de tous les auteurs contemporains, le comte avait droit d'être investi dans la possession du Limbourg; car pour ce duché comme pour les autres provinces des Pays-Bas qui relevaient de l'empire d'Allemagne, les collatéraux n'étaient point exclus de la succession des grands fiefs. Le degré de parenté d'Adolphe se fait voir clairement dans la table généalogique ci-après. | |
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Cependant d'autres prétendans se mirent également sur les rangs, soit pour recueillir une partie de l'héritage, soit pour revendiquer la possession de quelques fiefs qu'ils soutenaient leur être dévolus selon la coutume d'Allemagne. Dans cette dernière classe se trouvaient l'archevêque de Cologne (Dipl. nos 35 et 127) et l'évêque de Liége (Dipl. no 41), De son côté, Renaud de Gueldre, qui déjà du vivant de son épouse s'était nommé duc de LimbourgGa naar voetnoot1, continua d'y gouverner comme possesseur usufruitier, à titre de son mariage, et en vertu de la concession de l'empereur du 18 juin 1282 (Dipl. no 23); acte dont toutefois la validité pouvait être contestée, puisque la duchesse, à qui l'investiture fut accordée par cette concession, était déjà décédée depuis le 12 du mois de mai de la même annéeGa naar voetnoot2. Il est assez probable que Renaud dissimula ce décès devant l'empereur. Au surplus, il greva le pays de plusieurs dettes, et plus tard il vendit Wassenberg à l'archevêque de Cologne (Dipl. 35), ce qui ne lui était nullement permis. Le comte de Berg n'étant pas en mesure de lutter contre des compétiteurs si puissans, à défaut de pouvoir appuyer ses prétentions par la voie des armes, adressa d'abord au duc de Brabant ses lettres du 3 août 1283 (Dipl. no 31), afin de recevoir l'investiture de la partie du Limbourg que le duc Henri III avait rendue fief du Brabant. Ensuite, il invoqua le secours de plusieurs membres de sa famille pour l'aider à déposséder le comte de Gueldre; et peut-être leur a-t-il fait l'offre d'abandonner ses droits sur le duché, moyennant quelques avantages pécuniaires: du moins c'est ce qu'il est permis d'entrevoir par les termes d'un compromis fait entre eux le 8 septembre 1283, où il s'agit d'établir quel est le plus proche héritier du Limbourg, et uù | |
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Table généalogique des comtes de berg. [Pag. xlij bis.]
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le nom du comte de Berg ne figure point(Dipl. no 33). Ces contendans étaient Thierri, sire de Heinsberg, son frère Jean, sire de Lewenberg, Waleran, sire de Fauquemont, Henri, comte de Luxembourg, et son frère Waleran, sire de LignyGa naar voetnoot1, Waleran, comte de Juliers, et ses frères Otton et Gérard, avec leur oncle Waleran de Juliers, sire de Bercheim. Tous ces princes étaient arrière-petits-fils ou bis-arrière-petits-fils par leurs pères ou par leurs mères du duc Henri III, leur auteur commun. Quoi qu'il en soit de la supposition que nous venons de faire, Van Heelu affirme que la familie du comte de Berg ne voulut lui prêter assistance qu'a condition qu'elle serait admise au partage de la succession d'Ermengarde. Adolphe, refusant de consentir à cette spoliation, et trouvant de la répugnance à faire ouverture de ses offres d'abandon à celui qui avait jusque-là retenu illégalement son patrimoine, chercha de nouveau appui près du duc de Brabant, auquel il céda le Limbourg, du consentement de ses frères, le 13 septembre 1283, par un acte conçu en forme de donation, et ayant pour motif le mariage de Marguerite, fille de Henri, sire de Windeck, son frère, avec Godefroi, fils aîné de Jean Ier (Dipl. no 34). Comme cette union ne put s'accomplir, à cause de la mort du jeune prince, arrivée peu après, il paraît qu'alors le donateur réclama du cessionnaire une compensation en espèces sonnantes; car ce n'est qu'après en avoir touché une bonne partie, qu'il notifia l'abandon de ses droits à son suzerain, l'empereur d'Allemagne (29 mai 1287, no 85). Mais Renaud de Gueldre n'était pas homme à lâcher prise facilement, et le duc de Brabant dut l'attaquer par la force des armes. Telle fut l'origine de cette guerre du Limbourg qui dura cinq ans, et se ter- | |
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mina par la fameuse bataille livrée dans le Fuhlingerheyd, à Woeringen, le 5 juin 1288. Les Brabançons y remportèrent une victoire éclatante, qui les couvrit de gloire; le comte de Luxembourg et deux de ses frères y furent tués, le comte de Gueldre et l'archevêque de Cologne faits prisonniers. Outre les trophées que les vainqueurs emportèrent d'un ennemi trois fois plus nombreux, les résultats politiques de leur triomphe furent immenses, non-seulement pour le Limbourg, qui devint une propriété du Brabant, et dont les habitans furent assimilés aux BrabançonsGa naar voetnoot1, mais également pour toutes les provinces situées sur le Rhin. Aussi les habitans de Cologne, que Jean Ier affranchit des entraves mises sur leur commerce, reçurent-ils ce prince, à son entrée dans leur ville, avec les transports d'une allégresse unanime, et les sentimens de la plus vive reconnaissance. Ils lui décernèrent le titre de Bourgeois de Cologne, et lui firent don d'une magnifique maison, nommée depuis la Cour de Brabant, avec droit de franchise et d'asileGa naar voetnoot2. De plus, pour perpétuer le souvenir d'un combat si glorieux, ils érigèrent dans la rue de Saint-Severin, à Cologne, une église, aujourd'hui détruite, qui fut dédiée au saint du jour de la bataille, Boniface. Le magistrat de la ville s'y rendit processionnellement tous les ans, le 5 juin, et l'auteur de la chronique de Cologne, imprimée en 1499, affirmeGa naar voetnoot3 que cette cérémonie se pratiquait encore de son tempsGa naar voetnoot4. Enfin, dans une | |
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inscription placée au-dessus de la porte de l'édifice, et conservée dans le Musée de Cologne, on lisait en grands caractères gothiques: Anno MCCLXXXVIII fuit prelium in Woringen et hoc in SabathGa naar voetnoot1. De leur côté les habitans de Bruxelles ne fêtèrent pas moins le jour qui avait décidé la conquête du Limbourg. Ils bâtirent en commémoration une église dédiée à Notre Dame des victoires, sur la place du Grand-SablonGa naar voetnoot2, et tous les ans, vers la Pentecôte, il y eut une procession solennelle et une calvalcade dite ommeganck, qui se promenait par la ville avec des chars de triompheGa naar voetnoot3. Une chapelle fut fondée dans l'église de Sainte-Gudule en l'honneur des trois rois dont on vénère les reliques à Cologne, et que le duc Jean avait invoqués durant l'action, avec distribution annuelle de certaine somme d'argent aux pauvres le jour même de la Saint-BonifaceGa naar voetnoot4. Mais c'était surtout aux fêtes séculaires que le pueple de la capitale du Brabant célebrait cette grande victoire avec le plus de magnificence. Des jubilés eurent lieu jusqu'en 1738Ga naar voetnoot5, dont les descriptions pompeuses se conservent dans les cabinets des curiexGa naar voetnoot6. | |
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Quoique la bataille de Woeringen fût décisive pour terminer les contestations élevées au sujet du Limbourg, tout n'était pas fini avec elle. Gui de Dampierre, comte de Flandre, beau-père et allié du comte de Gueldre en prison, garda toujours les forteresses du duché. Ce prince, le plus grand spéculateur de sou temps, avait prêté de fortes sommes à Renaud, que celui-ci ne pouvait lui rembourserGa naar voetnoot1 Dés l'an 1284, Gui avait conçu l'idée de s'approprier la jouissance du Limbourg; et peut-être employait-il à cette fin le sire de Fauquemont, puisqu'il lui paya les dommages que le duc de Brabant lui avait causésGa naar voetnoot2, qu'il lui prêta de l'argent à différentes reprisesGa naar voetnoot3, l'investit en quelque sorte dans le domaine en litige (Dipl. nos 76, 80), et ensuite lui fit tenir le gouvernement du comté de Namur, pour le mettre en état de lutter contre son redoutable adversaire. Comment, en effet, expliquer autrement la conduite opiniâtre de ce seigneur subalterne, que Van Heelu nomme avec raison l'instigateur de toute la guerre? Vs. 6674 Want hi was die ghene die toe brachte
Beide strijt ende orloge altemale.
Partout on reconnaît les menées du comte de Flandre. Tantôt il intervient comme médiateur à des conditions intéressées, tantôt il | |
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se fait remettre les châteaux du Limbourg; une autre fois il achète de grandes possessions en ce pays, et dans toutes ces transactions on voit percer directement ou d'une manière détournée l'esprit financier qui dirigeait ses actions. La guerre se ralluma donc de nouveau. Jean Ier investit le château de Fauquemont. Le seigneur de ce lieu, se trouvant alors au comté ou marquisat de Namur, tomba dans le Brabant, tandis que les Brabançons commirent des ravages au pays d'Alost (Dipl. no 142). Mais enfin, par l'intervention de Guillaume, évêque de Cambrai, dévoué aux intérêts de Gui, son oncle, il y ent une suspension d'armes aux derniers jours d'octobre 1288, suivie de plusieurs actes de compromis (Dipl. 110-123) qui n'aboutirent toutefois à rien, soit parce que le duc Jean montra trop de défiance envers l'arbitre qu'il avait choisi, soit parce que celui-ci, entrant dans les vues du comte de Flandre, s'était permis d'outrepasser son mandat, en ordonnant le relâchment de Renaud prisonnier. Les deux partis, dont l'animosité s'accrut de plus en plus, allaient de nouveau en venir aux mains, quand le roi de France s'interposa dans leurs querelles, se fit nommer leur arbitre supérieur, et prononça, le 16 ootobre 1289, une décision en faveur de Jean Ier, à laquelle les comtes de Gueldre et de Flandre se soumirent définitivement. L'ascendant que Philippe-le-Bel avait pris dans cette affaire, semble avoir déplu à l'empereur; car ce n'est que dans l'année 1292 que notre duc fut confirmé par ce prince dans la possession du Limbourg, et encore fallut-il faire examiner ses titres à cette possession (Dipl. no 195). Cependant, l'empereur Adolphe est connu pour avoir aimé beaucoup notre duc, et cette amitié datait du jour même de la bataille de Woeringen. On sait qu'Adolphe, n'étant alors que comte de Nassau, y fut fait prisonnier, après avoir tué de sa main cinq des plus vaillans chevaliers de Jean Ier. Au moment de sa capture, le duc lui demanda: ‘ Qui êtes-vous, brave chevalier, dont la valeur | |
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m'a causé tant de peine aujourd'hui? - Je suis le comte de Nassau; mais vous qui m'avez fait prisonnier, qui êtes-vous? - Je suis ce duc de Brabant que vous ne cessiez de poursuivre dans la mêlée. Ah! reprit le comte, cette épée qui en a tué cinq de vos semblables, n'aurait pas dû vous manquer! ’ Réplique dont la franchise plut tant au vainqueur qu'il rendit aussitôt la liberté au prisonnier sans demander rançonGa naar voetnoot1, et depuis lors, les deux princes furent liés d'une affection si étroite qu'Adolphe, devenu empereur, nomma en 1292 le duc de Brabant son lieutenant-général dans les provinces entre Meuse et Rhin jusqu'à la mer, et le combla de beaucoup d'autres faveurs. Il est possible encore que les démêlés de Jean avec le Pape, au sujet de la guerre de 1288 et de la captivité de Siffroid, archevêque de Cologne, ne contribuèrent pas moins à retarder l'investiture du Limbourg. Nicolas IV lança des bulles fulminantes contre ceux qui avaient osé mettre la main sur un prince de l'église. Il fit faire une enquête, envoya un légat au duc de Brabant, délia Siffroid du serment qu'il avait prêté en contractant pour sa rançon, et chargea plusieurs évêques du soin de faire redresser les torts faits à l'église de Cologne. De tout cela pas la moindre mention chez les historiens de la Belgique. Nous ne pouvons résister à l'envie de traduire ici quelques lignes d'Ottocar Horneck, où se trouve le récit naïf de l'emprisonnement de Siffroid et des démarches que fit le légat du pape pour son élargissement; nous le faisons d'autant plus volontiers, que le vieux langage du poète allemand serait incompréhensible pour la plupart de nos lecteursGa naar voetnoot2. Après avoir dit que le prélat fut enfermé dans une prison, où on le contraignit de garder constamment le heaume, le haubert, l'èpèe et toute la pesante armure qu'il portait en combattantGa naar voetnoot3, il | |
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ajoute: ‘ J'ai entendu raconter que, lorsqu'on lui donnait à manger, on lui ôtait pour un moment heaume et manicles, mais qu'on les lui remettait aussitôt après le repas, de manière qu'il devait les garder même au lit. Quand le pape fut informé de ce traitement, il envoya un légat au duc de Brabant. Arrivé dans le pays, ce légat salua le prince de la part du saint Père, et l'invita à mettre un terme aux tortures de l'évêque. Me croyez-vous assez fou, répartit le duc, pour causer le moindre mal à un prêtre? je ne l'ai jamais fait, et que Dieu m'en prèserve à l'avenir! Il est vrai que je fis des prisonniers dans la dernière bataille, et que j'en garde un armè de pied en cap comme un chevalier; mais, je vous le demande, estce là qu'on appelle un prêtre? je n'y vois rien de semblable. ’ ‘ Le légat témoigna le désir d'avoir une entrevue avec le prisonnier, et il lui fut répondu, soit. Introduit dans la prison, il trouve l'évêque assis comme je viens de le dire. Il lui adresse la parole en latin. Siffroid sous le heaume qui le couvre, fait entendre des sons confus et grommelans, pareils au bruit sortant d'une pierre creuse. Alors le légat, de sa propre main, lui ôte le heaume de dessus la tête, et ne sortit pas de là sans avoir entendu le lamentable récit de tout ce qui lui était arrivé. Sur ce, l'envoyé du pape travailla sans relêche, et de tout ses moyens, pour rétablir la paix et l'amitié entre les partis; et il y parvint. ’ Le reste des événemens peut se déduire des pièces diplomatiques qui font suite aux Appendices. Quant à l'action morale que la guerre pour la succession du Limbourg a exercée dans ses résultats sur l'administration publique et la vie sociale dans le Brabant, nous allons nous en occuper dans les paragraphes suivans. |
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