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La dernière parole ou Barde Maestrichtois.
Le Sanctuaire.
- ‘Hommes infortunés, nous traînons sur la terre,
Dès la première nuit jusqu'au fond du tombeau,
La longue chaîne de misère,
Où chaque nouveau jour vient river son anneau,
Vient, pour désaltérer nos coeurs séchés d'alarmes,
Nous verser ses trésors d'inépuisables pleurs,
Vient nous donner son pain de sueur et de larmes,
Mais pour nous ménager de futures douleurs.
Ecoutez-moi, mortels! Au bout d'une carrière
Qui m'offrit de tout fruit, comme de toute fleur
Brillant au terrestre parterre,
Mes lèvres ont enfin reconnu du bonheur
L'arbre qui croît encore au vallon de l'exile!
Je veux, avant d'entrer dans mon éternité,
Révéler à vos coeurs l'enceinte entre dix mille
Où l'on puise la joie et la félicité.
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Accueillez du vieillard la parole dernière,
Gravez-la bien dans votre coeur:
L'antidote à tous maux, la source du bonheur
S'ouvre au seuil de l'église au sein du sanctuaire!
Quand donc tu te surprends, que vers le cimetière
Se porte, malgré toi, du matin jusqu'au soir,
Ton coeur ainsi que ta paupière,
Femme chrétienne, alors tu sens mourir l'espoir;
Veuve, tu veux mourir, Mère tu devras vivre,
Mais vivre sans appui, vivre au sein des besoins,
Pour nourrir sur ton coeur, seuls trésors qu'on te livre,
De pauvres orphelins, insensibles témoins.
Accueille du vieillard la parole dernière,
La source qui ranime et console le coeur,
S'ouvre au seuil de l'église, au sein du sanctuaire!
Jeune homme, aux grands combats du chrétien, toi, naguère
Si courageux, pourquoi la vigueur maintenant
Est-elle à ton âme étrangère?
Lassé de subjuguer le vice, dominant
En secret maint jeune homme - ouvertement le monde -,
Tu sens un triste ennui énerver ta valeur.
‘La fragile vertu - te dit l'esprit immonde -
Ne se peut maintenir contre un monde enchanteur.’
Apprends donc du vieillard la parole dernière;
Dans elle tu seras vainqueur:
Contre tous ces périls un abri protecteur
S'ouvre au seuil de l'église, au sein du sanctuaire!
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Je te plains, jeune coeur! Oh, je te plains, mon frère!
Des combats au dedans, au dehors, nuit et jour,
Sans aucune trève, être en guerre
Contre toi-même, hélas! et contre ton amour!
Quand s'exalte ton coeur, quand ta raison, ton âme
Se bouleversent, et que toi, pour étancher
Ces besoins de bonheur, ces ardeurs de la flamme
Dont s'embrase ton sang, tu ne sais où chercher -
Alors suis du vieillard la parole dernière;
Elle est la clef de ton bonheur:
L'unique source qui puisse apaiser ton coeur,
S'ouvre au seuil de l'église, au sein du sanctuaire!
C'est l'âge des grands coups, d'achever sa carrière,
Où les esprits altiers, où les coeurs nés trop grands
Pour mourir avec le vulgaire,
Vont s'immortaliser par des faits éclatants;
Où le canon prépare un hymne à la victoire;
Où le barde exalté chante aux grands avenirs;
Où l'artiste s'épuise en monuments de gloire;
Où tout coeur se consume à calmer ses désirs;
Méditez du vieillard la parole dernière.
Elle est la fin de chaque coeur:
La source de la gloire et d'infini bonheur
S'ouvre au seuil de l'église, au sein du sanctuaire.
Pitié! Pitié! Mon Dieu! Vois d'un regard de Père
Les tourments qu'en ces jours s'attise ce pécheur
Qui ne fait encor que forfaire!
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N'écoute point sa voix qui blasphème d'horreur!
Épuisé, dégoùté, même de l'espérance,
Il n'ose, mais voudrait, t'invoquer, o Seigneur.
Il voit ses longs forfaits! Il maudit l'existence;
Son oeil plonge en enfer en plongeant dans son coeur!
Ecoute du vieillard la parole dernière!
Je te sais un Dieu Rédempteur,
La source du pardon, oui de la paix, pécheur,
S'ouvre au seuil de l'église, au sein du sanctuaire!
Venez, pieux chrétiens, dont l'âme toute entière
Se dilate et s'épanche en cantiques d'amour,
Se fond en hymnes de prière.
Et se béatifie au terrestre séjour.
Dans l'angélique paix dont l'autel surabonde.
Allons, courons au temple! implorons le Sauveur!
Que sa grâce, sans fin et sans mesure, inonde
Ce frère malheureux, cet obstiné pécheur!
Observez du vieillard la parole dernière;
Car la source, où le Seigneur Dieu
De la Samaritaine a prévenu le voeu,
S'ouvre au seuil de l'église, au sein du sanctuaire
Et là je veux mourir! La fosse funéraire
Est déjà toute prête au bout de mon chemin;
A l'épitaphe sur ma pierre
On n'a plus qu'à graver la date de demain.
Suivez-moi, mes amis, où le Dieu de clémence
N'a d'autre tribunal que celui du pardon,
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Où sa bonté sans fin donne avec sa puissance
Pour gage de ses cieux son propre Fils en don.
Ah! Gardez-la donc bien, ma parole dernière,
Vous, cohéritiers du Seigneur:
Le portique qui mène à l'infini bonheur,
S'ouvre au seuil de l'église, au sein du sanctuaire!’ -
Telle nous écoutions la parole dernière
D'un barde Maestrichtois, d'un illustre vieillard,
Portant son aumône prospère
A l'église de Wyck, une vraie oeuvre d'art.
C'était au jour heureux de la première pierre.
Et, suivant son exemple, au quartier populeux,
On offrait richement au nouveau sanctuaire
Que bientôt nous verrons debout majestueux.
Puisse alors du vieillard la parole dernière
Vibrer encor dans chaque coeur:
L'antidote à tous maux, la source du bonheur
S'ouvre au seuil de l'église, au sein du sanctuaire!
Ruremonde, au Collége épiscopal.
membre actif de différentes sociétés littéraires.
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