Briefwisseling van Hugo Grotius. Deel 3
(1961)–Hugo de Groot– Auteursrechtelijk beschermdBijlage no. 4. Bij no. 1265.
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L'on travaille tousjours aux deux digues, mais foiblement. L'on achève aussi les forts du costé de la terre, qui ne sont pas en perfection. Il faut trois heures pour faire le circuit des forts que le roy a faits aux environs de la ville. Il y en a onze et ving redoubtes. Les forts sont celuy de la digue, de Coreille, fort d'Orléans, fort de Bonne graine, fort St. Nicolas, fort de la Moulinette, fort des salines, fort de beaulieu, fort de la fons, fort de St. Marie, fort du St. Esprit et le fort Louis, qui défend la digue, qui est du costé du chef de bois. Il n'y a point de fort d'où le canon puisse porter de blanc en blanc à la Rochelle, de manière que tous les coups, qui se tirent de part et d'autre, c'est par élévation et par conséquent il n'y a rien de certain ny d'asseuré. L'on voit aux environs des bastions de la Rochelle un troupeau de moutons ou brebis qui paist, l'on croit qu'elles servent pour allaistez les petis enfans. Toute l'infanterie du roy entre à présent en garde dans les forts de deux jour l'un. Du Samedi 20 il ne paroist pas que nous soyons à la guerre. Toutes choses sont tranquilles. Car ny ceux du roy ny les Rochelois ne tirent aucunes volées de canon. La nuict passée l'on a entendu quantité de volées de canon en mer. L'on craint que Mr. de MantyGa naar voetnoot1, qui amène quelques vaisseaux n'ait esté remontré par les Anglois. Mr. de SeintierreGa naar voetnoot2 est arrivé sur l'asseurance que l'on luy a donnée qu'il y pouvoit venir en seureté. Il n'a pas esté trop bien receu de Mr. le cardinalGa naar voetnoot3, qui dict tout haut parlant à Mr. de VignollesGa naar voetnoot4 que son voyage d'Italie ne luy avoit pas tant valu que celuy de Mr. de Seintièrre, mais qu'il y avoit cette différence que l'un avoit servy le roy et l'autre non, qu'il avoit tellement accoustumé de railler avec luy que quand il luy verroit trancher la teste, il ne se pourroit empescher d'en rire. L'on croit le retour de Mr. le comte. Du dimanche 21 May. Il est arrivé le comte Rodolphe, ambassadeur extraordinaire de MantoueGa naar voetnoot5. Mr. de St. ChamontGa naar voetnoot6 a esté avecq le petit carosse du roy au devant de luy. Le roy luy a faict donner à disner, et après il a eu audience. Sa Mté. l'a faict couvrir et enfin l'a traitté comme il fait les ambassadeurs de Savoye. L'on croit que le roy ira demain à Surgères pour cincq jours, mais Mr. le cardinal demeurera icy avec touts les ministres. A Aytré le dimanche 21 May 1628 à 4 heures du soir à la haste.
Lettre du camp du 21 May 1628. La retraitte des Anglois est un coup du ciel et continuation des grâces, dont Dieu accompagne les armes du roy et dont nous voyons des effects miraculeux tous les jours. Enfin tout l'esclat de ce grand secours s'est terminé en l'entrée d'une | |
chaloupe chargée de quatre hommes et leur a cousté la perte d'un vaisseau, lequel s'estoit desmaré et ne le pouvant empescher de venir à nous, ils y mirent le feu et un aultre que le chevalier GuitautGa naar voetnoot1 allant en course au devant prit charge de victuailles de la valeur d'environ deux mil escus: voilà toute l'histoire de ce qui s'est passé entre ces deux armées, qui ont demeuré huict jours à portée de canon les unes des autres à le regarder. La vérité est qu'il y avoit bien à penser pour eux à quy ils eussent bien trouvé à qui parler. Les Rochelois ne se sont peu empeschés d'en tesmoigner un grand dueil à ne presque plus oser tirer. Car en ce que les Anglois ont esté en présence ils tiroyent plus de coups de canon en une heure qu'ils n'ont fait en trois jours depuis. Il ne nous oseroit rien mander de l'estat auquel ils sont. Car il y a tant d'incertitude à ce que l'on en dit que cela est bien fascheux de publier des menteries. Il est pourtant constant et vraisemblable qu'ils ont beaucoup de réussites: mais de dire jusques à quel point, cela se dit différemment. Il n'y a pas deux heures qu'il en est sorti deux petits garsons, qui ont dit qu'il y avoit quatre jours qu'ils n'avoyent mangé pain. On leur en a donné à chacun un de deux sols et renvoyé sur l'heure. On ne parle point du tout encore d'aucun accommodement, car pour la sortie de Mr. de l'AleuGa naar voetnoot2 ce n'a rien à ce que pour son particulier. Je souhaitterois bien fort d'y voir une fin, car la fatigue commence à m'accabler en ayant 26 jours que je n'en ay couché que quatre en terre, ni despouillé et mesme pas sorti de mon bord ny n'en mangé de chaud depuis la venue des Anglois. Ce 21 May 1628. A la Garde de la Vigne au camp devant la Rochelle. Vostre affectionné serviteur. A Mr. Perraut. Toulon. Du fort de la Pont ce 21 May 1628. Monsieur, vous avez sceu l'arrivée des Anglois pour le secours de la Rochelle. Leur flotte estoit de 55 ou 56 vaisseaux, assavoir 8 rambergues, 12 navires de guerre et le reste estoyent barques ou navires de charge avec quelques pataches et bruslots pour aider à leur fasre ouverture à la palissade. Nous avons sceu au vray par quelques matelots de leur équippage que leur desseing estoit de mouiller entre chef de bois et Coreilles assez près de nos navires de guerre pour les forcer à coups de canon de se laisser dériver vers la palissade, et après cela ils devoyent prendre la mesme poste qu'avoyent noz navires et de là rompre la palissade à coups de canon et faire un passage avec les bruslots, par où les navires, qui portoyent le revitaillement de la place devoient entrer. Ce préfet devoit apparemment faire réussir quelque bon effet pour eux sans le remède, qui y fust apporté par Mr. le Maral. de BassompièreGa naar voetnoot3, lequel dresse à chef de bois une batterie de douze canons, qui fut si heureuse que du second coup, qui fut tiré, il y eut douze hommes de tuéz dont l'amiral. Cela fut cause qu'ils s'éloignèrent un peu de là. Ils eurent le vent et les marées si favorables que s'il n'y eust eu obstacles sur obstacles à combattre, je ne fais point de doubte que les assiégiéz n'eussent tiré quelque utilité de ce secours. Il falloit premièrement combattre noz navires de guerre, qui estoyent au nombre de 25 et qui avoyent ordre, s'ils estoyent les plus foibles de jetter des grappins dans | |
les navires ennemis et de se venir eachouer avecq eux à la costé ou à la palissade. Après cela il falloit passer à travers la première palissadeGa naar voetnoot1, laquelle estoit faicte à demy lune et qui bouchoit le milieu du canal seulement parce que la digue enfermoit les extremitéz des deux costéz, finalement il falloit encore passer par desssu la palissade enfoncée et rompre encore une flottante de laquelle les navires estoyent attachez les uns aux autres dehors et dedans l'eau par six cables différents. Il y avoit outre cela plus de cinquante galiotes, pinasses et traversiers à rames, qui avoyent ordre d'aller où il seroit le plus de besoing. Mr. le cardinal y devoit estre en personne et j'avois eu l'honneur d'avoir esté nommé par luy de ceux qui devoyent combattre en sa galiotte. Vous pouvez juger de là si toute la cour n'estoit pas embarquée ayant un tel admiral pour donner ordre à tout en personne. Nous fisme[s] toute si bonne contenance que les ennemis n'osèrent rien entreprendre. Ils laschèrent un bruslot, où fut bruslé le conducteur de leurs artifices, le feu s'y estant prins si promtement qu'il n'eut pas courir de se retirer. Ce bruslot s'eschoua à la pointe de chef de bois. Il venoit de trop loing pour faire beaucoup du mal. Je jugeay bien que la guerre seroit douce aussi ne manquèrentils pas le lendemain de mettre à la voile et de sortir par le pertuis d'AntiocheGa naar voetnoot2. Ceux des nostres, qui les suivirent, les virent se séparer comme ils furent quatre lieues en mer. Les Anglois firent leur route vers l'Angleterre avec quelques Rochelois. Les autres tirèrent vers l'Espaigne, ou pour pirater ou pour se retirer vers les corsaires d'Argers se deffians de la bonté du roy. Tel a été le succès des secours d'Angleterre. J'ay à vous dire encore que deux jours avant qu'il partist Mr. de l'AlleuGa naar voetnoot3 eut permission du roy de sortir hors de la Rochelle du consentement des assiégéz. Je l'ai fort entretenu et ay sceu de luy que, si les Rochelois pouvoyent prendre confiance en la parolle du roy, et qu'ils peussent estre tous asseuréz de leur vie et de leurs biens et de la liberté de leurs consciences, ils se viendroyent jetter aux pieds du roy, que si le secours, qui leur estoit venu, ne pouvoit entrer de cette marée, qu'ils députeroyent vers le roy et que celuy qui est maireGa naar voetnoot4 à présent et celuy qui l'avoit esté le prièrent en sortant d'entamer quelque traitté de paix et qu'ils luy debvoyent faire scavoir de leurs nouvelles. Il me tesmoingna qu'il appréhendoit d'estre forcé de dire les nécessitéz particulières de la place qu'il mourroit plustost que de le faire, mais qu'il serviroit si bien qu'on en seroit content et que, quand on peut arriver à ses fins par des voyes directes, il n'est pas besoing de se servir des indirectes. Je luy respondis qu'il faisoit bien d'aymer son pays, mais qu'il ne le pouvoit mieux servir qu'en luy faisant advancer sa capitulation, qu'on estoit très bien adverti de leurs nécessitéz, qu'il y avoit quelques-uns des principaux du conseil qui estoyent bien aises que cette affaire tiroist de longue, afin qu'ils se rendissent à discrétion et que la justice du roy fust contraincte de chastier leur opiniastreté par la perte de leurs testes et de leurs biens. Que je scavois de bonne part que, s'ils attendoyent une extrémité, qu'ils le souffriroyent et qu'on ne leur laisseroit ni leurs foiers ny leurs autels. Ce discours l'estonna fort et d'autant plus qu'il m'a tousjours connu pour estre assez véritable de sorte que je suis très asseuré qu'il contribuera autant qu'il luy | |
sera possible à la prompte reddition de cette place. Je luy dis de plus qu'il sembloit que Dieu leur offroit une occasion pour se remettre aux bonnes grâces du roy, qu'ils avoyent aultrefois chasséz les Anglois de leur ville le jour de [1]'Ascension; que cet ancien service estoit assez signalé pour faire oublier au roy leurs déservices présents, pourvu qu'ils se remissent ce mesme jour en son obéissance. Enfin le désir que j'ay de voir quelque relasche à noz misères me rendit orateur ce jour là Néantmoins j'estime que l'esloignement de la flotte d'Angleterre doit mieux persuader l'obéissance aux Rochellois que je ne l'ay preschée à Mr. de l'Alleu. Je voy tant de gayeté au visage du roy et d'en celuy de Mr. le cardinal que je m'imagine qu'ils sont très asseuréz de la reddition de cette place. Mes lettres vous ont toutes tesmoigné, s'il vous en resouvient, que j'en ay tousjours tenu la prinse infallible. J'aurois tort maintenant de changer d'advis. Dieu veuille que la première lettre, que je vous escriray soit dattée du dedans et non pas du devant la Rochelle. Ce sera leur bien comme à nous, car ils ne peuvent estre que très misérables hors de l'obéissance du roy, quand ils en auront un peu tasté, ils ne la trouveront pas si fascheuse comme ils se l'imaginent. Si vous jugez que la présente mérite d'estre communiquée à Mr. le procur. généralGa naar voetnoot1, vous le ferez, au moins vous prierai-je de me maintenir en les bonnes grâces et celles de l'académie, de qui je suis très humble serviteur, et le vostre particulièrement. La Hoguette. A Mr. du Puy |
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