Archives ou correspondance inédite de la maison d'Orange-Nassau (première série). Tome VIII 1581-1584
(1847)–G. Groen van Prinsterer– Auteursrechtvrij* Lettre MCLXXIV.
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Ga naar margenoot+pour le trop pitoyable désastre qui nous estsurvenu, le 10me jour de ce mois, par exécrable et détestable meurtre, perpetré en la personne de son Exce, faict que je n'ay ny le pouvoir, ny le sens pour escripre à vostre Seigneurie, ne sçaischant à quel endroict commencer, ny comment assez me douloirGa naar voetnoot1, soit pour le regard du publicq ou du particulier de la maison de son Exce, voyant les perplexités égallement grandes, de quelque costel que je me tourne, m'asseurant aussy entièrement que les nouvelles de ce piteux accident, que vous aurez desjà entendu, vous auront apporté par trop d'ennuy et que, selon l'entière et sincère affection que vostre Srie a tousjours porté à son Exce, elle le ressentira (et non sans juste raison) jusques à l'âme. Cependant comme le messaigier, présent porteur, s'envoye par Monseigneur le Conte Maurice vers vostre Seigrie, je n'ay seu, ny voulu obmectre d'importuner vostre Srie de ce petit mot de lettre, pour luy faire humblement entendre les ennuis, misères et calamités, auquelles nous nous trouvons, par ung accident tant inopiné, par deçà environnez et trouverons du tout acablez, si le Sr Dieu n'y remédie, nous regardant de Son oeil de miséricorde. Je n'auroys failly de me mectre en tel debvoir, lors que, par ung aultre messaigier et lettres de Messieurs du conseil de son Exce, vostre Seigneurie en a eu le premier advertissement, si par la maladie qui me détenoit encoir et m'avoit détenu quelques six sepmaines auparavant, cela ne m'avoit esté empêché, y joinct le troublement d'esprit, qui me détenoit et détient encoir, veu les maulx qui nous menacent par la mort et perte du vray père de ceste patrie et d'ung prince et personnaige si excellent, rare et doué de tant de grâces | |
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Ga naar margenoot+et vertus singulières, estant aisément à juger par tout homme, de quelque petit entendement qu'il pourroit estre, le grand et indicible intérest que par là est causé, tant à la religion Chrestienne, qu'à l'estat de ces pays et en particulier à la maison de son Exce et à nous tous, luy aians aucunément appartenu. Son Exc. ne s'est oncques espargné, pour par tous moiens advancer le publicq, n'ayant eu regard à peyne, labeur, travail ou despence, qu'il luy ait à cest effect convenu prendre; postposantGa naar voetnoot1 tousjours à cela toutes ses commodités et le particulier de sa maison, qui nous doibt bien augmenter et accroistre nostre tristesse. Et toutesfois, considérant la fragilité des choses de ce misérable monde et qu'il n'y a en icelluy riens permanent, mesmes qu'il a pleu au Seigneur Dieu (qui dispose des choses de ce monde susdit et de nous tous ainsi qu'il Luy plaist) le permectre ainsi, il nous fault en cecy, comme en toutes aultres choses, conformer à Sa divine volunté, portans patiamment ce qu'il Luy a pleu ordonner en cest endroict, avec ferme espoir qu'Il n'abandonnera point Son Église, ny le peuple, ny aussy la maison tant désolée de son Exc., mais qu'en cela Dieu aura exaucé la dernière prière que son Exc. Luy a faict à l'instant de sa mort, et aussy qu'Il excitera gens de bien et d'honeur pour donner tout vray secours à Madame, la désolée vefve de son Exce et à messieurs et mesdamoiselles ses enfans, ne pouvant à cest effect obmectre de dire à vostre Seigneurie combien ceste povre désolée maison auroit, en ceste sienne extrême nécessité, besoing de son bon advis, conseil et assistence, et, si à cest effect vostre Srie avoit la commodité de se trouver par deçà, ce seroit le plus souve- | |
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Ga naar margenoot+rain bien qu'en ceste saison et conjoincture si déplorable luy pourroit survenir. Vostre Srie cognoist pour la plus grand part l'estat de ceste maison, la quantité des enffans de divers litz, et combien il sera besoing de conduire le tout par ordre et bon accord, pour éviter tous différens et débats, n'ayant son Exce, de haulte et très-heureuse mémoire, eu moien d'achever le testament que quelques sepmaines devant son trespas, à l'assistence de divers personnaiges de sçavoir et d'entendement, avoit esté conceu, mais est demeuré imparfaict. Messieurs les Estats de ces pays, principallement de Hollande et Utrecht, font toute assistence et secours à ceste maison que se peult requérir d'eulx. Et seroit à ce regard fort bien à propos, que par lettres, ou plustost ambassades, ils fussent remerciez et priez de vouloir continuer, tant par vostre Srie qu'aussy par messeigneurs l'Électeur de Saxe, Lantgrave de Hessen et aultres Srs par delà, que vostre Srie jugera bon; qui serviroit mesmes aussy pour certain affaireGa naar voetnoot(1), que ny la difficulté des chemins, ny le temps présent me permect de commectre à la plume. J'estyme que vostre Srie m'entendra assez, remectant le tout à sa très pourveue discrétion et la suppliant me pardonner la liberté de parler dont je use par cestes, tenant pour tout certain que c'est le vray zèle et affection que j'ay de tout temps eu au bien et service de son Exce et porteray, Dieu aidant, toute ma vie à sa postérité, estant prest et disposé d'employer les petitz moiens et talent que Dieu m'a donné, au service de ceste maison, si tant est que j'aye cest honeur d'estre retenu au dit service. L'enterrement du corps de son Exc., à quoy Messei- | |
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Ga naar margenoot+gneurs les Estats de Hollande, Zélande et Utrecht furnissent aussy les despens, n'est point encoires faict, mais se doibt, Dieu aidant, faire d'aujourdhuy en huict jours, estans les Estats susdits délibérez de ordonner par après ung honeste estat et traictement à Monseigneur le Conte Maurice. Les Estats-Généraulx donnent par tout le meilleur ordre que faire se peult pour résister à l'ennemy, s'estant espandu en divers endroictz du pays et tenant le fort de Lillo près d'Anvers assiégé, mais, à ce qu'on nous rapporte ce jourdhuy, y aiant l'ennemy avant-hier donné ung assault, c'en fust tellement repoussé, qu'il a quicté le siége. Nostre camp est encoires devant Zutphen, où Monseigneur le Conte de Nuenaer commande présentement, avec bon espoir d'emporter bien tost estGa naar voetnoot1 la ville et fort devant icelle, que les ennemis tiennent. Les députés des Estats Généraulx sont en France, dont nous n'avons encoires nouvelles asseurées du secours que le Roy vouldra faire à ces pays, bien que, selon leurs lettres, le dit Roy et la Royne sa mère y démonstrent bien grande affection, ainsi que faict aussy la Royne d'Angleterre, voyant mesmes ce qui est advenu à feu de haulte et très heureuse mémoire son Exc. et trouvant par expérience que le mesme se machine contre elle et sa courronne. Monseigneur, baisant bienhumblement les mains de vostre Seigneurie, je supplieray le Seigneur Dieu octroyer à icelle, en bien parfaicte santé, bien heureuse et longue vie. A Delft, ce 27e jour de jullet 1584. Ga naar voetnoot2 Monseigneur. Je suplie bien humblement vostre Seigneurie me pardonner que je n'ay escript cestes de ma main, asseurant vostre Srie cela procéder seullement par | |
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Ga naar margenoot+la débilité et foiblesse que la maladie m'a encoires laissé par tous les membres, causant que je ne puis encoir travailler ainsi que je vouldrois bien. De vostre Seigneurie bien humble et bien obéysant serviteur, Nicolas Brunynck. A Monseigneur, Monseigneur le Conte Jéhan de Nassau Catzenellenbogen. |
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